vendredi, juin 28, 2002

Mardin

Hier soir, à la terrasse de l'hôtel, devant un verre de bière (on risque de ne plus en boire de sitôt) je rêvassais devant les lumières de la ville haute. En dépit du côté peu riant de cette ville, je me suis souvenue de Mardin, capitale des Artoukides, et d'al-Jazari qui conçut là ses fabuleux automates. Et du séjour qu'y fit Ibn Battuta. Malgré l'agitation de la terrasse, les allées et venues du service, les touristes autour et tous ces bâtiments modernes qui poussent comme des chancres sur cete ville, je me suis sentie un moment transportée dans un autre temps, dans la Mardin du XVème siecle. Ça prend de temps en temps ces évasions temporelles. Avec mon Moyen-âge kurde je me fais parfois l'effet d'être aussi cinglée que les trois évangélistes de Fred Vargas.A l'hôtel, j'ai acheté un collier fait de petites pierres de couleur mêlées à des grains de métal et de bimbeloteries, et qui se termine par un gros coeur rouge. Le nom de ces petites pierres, morîk, m'a fait souvenir de ce passage de Mem et Zin où Amedê Xani appelle ainsi les dialectes et chansons du Botan. C'est sans doute pour cela qu'il m'a plu, ou bien pour ce coeur rouge enchâssé dans du métal - je deviens un peu Kurde dans mes goûts. Pour le moment il remplace en porte-chance - fortune de voyage- le tesbih que j'ai cassé. Et la chance a bien vite fait son effet car la visite du monastère de Deirurzafaran fut une vraie découverte, un trésor inattendu. Sculptés dans la pierre des murs, au-dessus des porches, sur le bois des portes et même des bancs, il y a tous les motifs de l'art de la Jezireh : dragons affrontés autour d'un vase de vie, oiseaux et quadrupèdes dans les jardins de paradis, les mêmes entrelacs végétaux qu'à Erzurum ou Divrigi... que cet art, strictement le même, figure dans les monastères de Haute-Mésopotamie montre bien qu'il s'agit là d'une même source et que les architectes et artisans, qu'ils soient musulmans ou chrétiens, travaillaient bien côte à côte et pour tous. Ce qui remonte aux liens qui pouvaient exister dans la même région entre chrétiens, soufis et chiites puisqu'ils utilisent les mêmes symboles malgré leur différence de cultes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Concert de soutien à l'Institut kurde