mercredi, décembre 17, 2014

Eau argentée


Sortie aujourd'hui du film documentaire  de Wiam Simav Bedirxan et Ossama Mohammad, Eau argentée (interdit aux moins de 16 ans).
"En Syrie, les Youtubeurs filment et meurent tous les jours. Tandis que d’autres tuent et filment. A Paris, je ne peux que filmer le ciel et monter ces images youtube, guidé par cet amour indéfectible de la Syrie. De cette tension entre ma distance, mon pays et la révolution est née une rencontre. Une jeune cinéaste Kurde de Homs m’a « tchaté » : « Si ta caméra était ici à Homs que filmerais-tu ? » Le film est l’histoire de ce partage."

Pour en savoir plus, lire aussi l'entretien de Simav Bedirxan avec Télérama .

vendredi, décembre 12, 2014

Pétrole et budget : accords provisoires entre Bagdad et Erbil

source ministère des Ressources naturelles, GRK



Loin de la ralentir, les difficultés de la guerre et l’instabilité générale de la région ont poussé les Kurdes à aller plus avant sur la voie de l’indépendance économique et la vente de pétrole en provenance du Gouvernement kurde n’a cessé de progresser. Le 7 novembre, Ashti Harwami, le ministre en charge des Ressources naturelles annonçaient que les exportations atteignaient presque les 300 000 barils exportés par jour vers le port de Ceyhan, en Turquie (plus exactement 280 000 barils fin octobre, de source officielle turque) et que début 2015, le gouvernement d’Erbil espérait franchir le cap des 500 000 barils, trois nouveaux champs pétrolifères devant être exploitables d’ici cette date.

Ashti Hawrami a assuré qu’ils n’avaient « aucun problème pour vendre ce pétrole », qu’il y avait même plus de demande que ce qu’ils pouvaient fournir. Entre 25 et 26 cargos avaient déjà quitté Ceyhan, et en novembre, le montant des ventes de pétrole s’élevait à 20 millions de barils. En janvier prochain, ce nombre devrait monter lever à 34 millions, pour un montant de trois milliards de dollars. Le ministre a par ailleurs confirmé que son pays avait déjà été payé pour ces ventes et qu’ils attendaient encore le prix de la vente de dix autres cargos. (Reuters)

L’argent du pétrole kurde n'est plus envoyé à Bagdad, mais déposé dans une banque turque, ce qui a incité le nouveau ministre des Affaires étrangères irakien, Ibrahim Al-Jaffari, alors en visite à Ankara, à demander à ce que ces sommes soient remises à l’Irak, en ajoutant qu’il savait que cet argent « se trouvant entre des mains sûres ». Mais le réchauffement des relations entre Bagdad et Ankara, très détériorées sous le gouvernement Maliki ne laisse pas prévoir un nouvel « ultimatum » de Bagdad, comme c’était d’usage sous l’ancien cabinet. Le message d’al Jaffari était plutôt d'assurer qu’il n’y a aucune crise entre la Turquie et l’Irak autour de la question du pétrole kurde, qui est essentiellement un litige « interne » entre Erbil et le gouvernement central irakien. 

Mais quelles que soient les « demandes » du gouvernement irakien, la Turquie n’est sans doute pas près de se passer des ressources kurdes en obtempérant aux souhaits de Bagdad. Le 13 novembre, Gene Energy a ainsi signé un noouvel accord avec le GRK pour développer et exploiter deux énormes gisements gazolifères qui pourraient fournir la Turquie en gaz au cours de l’hiver 2017-2018. Les ressources des champs Miram et Bina Bawi sont estimées à 11,4 trillions de pieds cube, et évalués à environ 2,6 milliards de dolllars.

Dans le même temps, les négociations entre Kurdes et Arabes ont repris et le 5 novembre, à Erbil, à l’issue d’une rencontre avec le nouveau président de l’Irak, le Kurde Fouad Massoum, le président du Kurdistan Massoud Barzani a déclaré que leurs objectifs commun était de trouver « une solution aux problèmes actuels entre les gouvernements central et régional ».

Mais cette solution ne passera certainement pas par un pas en arrière des Kurdes dans leur route vers l’émancipation économique. Le 12 novembre, le gouvernement du Kurdistan a approuvé le projet de création d’une compagnie d’exploitation et de production pétrolière qui ne dépendra pas du gouvernement central, et dont les parts seront vendues à des actionnaires publiques, ainsi que la constitution d’un fonds souverain kurde, alimenté par toutes les recettes des énergies. Le projet de loi a été ratifié à l’issue du Conseil des Ministre par le Premier Ministre Nêçirvan Barzani afin qu’il soit approuvé au Parlement d’Erbil.

Les activités de la nouvelle société couvriront tous les secteurs du pétrole et du gaz, la signature des contrats, l’extraction, l’investissement, l’export et la commercialisation. Le Premier Ministre a aussi indiqué que « cette société peut devenir dans un certain temps une société d’actionnariat  dont tous les citoyens pourront acheter des parts. » 

Finalement, moins de dix jours après la rencontre Fouad Massoum - Massoud Barzani, le GRK annonçait qu’un accord avait été trouvé avec Bagdad et que le gouvernement central avait accepté d’envoyer à Erbil plus de 500 millions de dollars en échange de 150 000 barils de pétrole par jour, que le gouvernement kurde s’engage à fournir, selon son porte-parole Safeen Diyazi. L’accord a été conclu à Bagdad à la suite d’une rencontre entre le ministre irakien du Pétrole, Adel Abdel Mahdi, le Premier Ministre kurde Nêçirvan Barzani et son Vice-Premier Ministre Qubad Talabani. Il a été qualifié de « percée majeure » par le ministre irakien des Finances, Hosyar Zebari, Kurde lui aussi, qui a indiqué que Bagdad allait recommencer de payer ses fonctionnaires kurdes.

Ce n’est certes pas le premier accord conclu entre les Kurdes et les Arabes dans ce long litige, tous n’ayant été que des compromis provisoires, et pour la plupart d’entre eux jamais appliqués. Celui-là n’a pas non plus statué sur le fond : l’Irak accepte-t-il ou non l’indépendance des Kurdes en matière de gestion et d’exploitation de leurs ressources en hydrocarbures ? Car il est certain que l’année 2014 a été une rude secousse économique pour Erbil, soudainement confronté au gel des salaires de leurs fonctionnaires (en nombre pléthorique) par Bagdad, et puis à l’arrivée de milliers de réfugiés venant s’ajouter aux Kurdes syriens, et enfin aux assauts de l'Etai t islamique alors que leurs Peshmergas ne recevaient plus aucune solde et étaient sous-armés. Laissé à lui-même à la fois par Bagdad et Ankara, qui ne s’est guère empressé de lui porter secours devant la menace des Daesh, le Kurdistan d’Irak ne cache pas sa volonté d’assurer le plus vite possible son autonomie financière, et de conforter son économie face à un climat politique et sécuritaire qui n’est certainement pas prêt d’être apaisé dans la région.

Pour Gareth Stanfield, un expert de l’Irak de l’université d’Exeter, cet accord a été obtenu provisoirement le besoin urgent s'en faisait sentir, à Bagdad comme à Erbil : « Les deux parties étaient dans des positions de grande faiblesse, et cette faiblesse commune leur a permis de trouver ce qui n’est qu’une solution palliative » (Reuters).

Les querelles ne sont en tout cas pas terminées et le 28 novembre, les ministres kurdes du gouvernement irakien ont menacé de boycotter le vote approuvant le budget 2015 si Bagdad ne levait pas le gel des paiements budgétaires dus à la Région kurde.

Après une première lecture du texte, il est apparu  en effet que ce budget comprenait encore les sanctions financières à l’encontre du Kurdistan, prise par l'ancien Premier Ministre. Normalement, la constitution irakienne octroie 17% du budget total de l’Irak à la Région kurde, mais le gouvernement d’Erbil se plaint aussi de n’avoir jamais reçu plus de 11%, au temps où cette part était tout de même encore payée.

Autre litige en souffrance depuis des années : l’entretien et la solde des Peshmergas, que Bagdad a toujours laissé à la charge des Kurdes, ce que ces derniers ont aussi toujours dénoncé, les Peshmergas étant, dans la constitution irakienne, mentionnés comme une des forces de défense nationale irakienne.s À l’heure où l’effort de guerre et le coût des réfugiés irakiens est principalement supportés par les Kurdes, ces demandes se font encore plus pressantes.

Finalement un autre accord, annoncé le 2 décembre, prévoit qu’Erbil exportera 550 000 barils par jour vers l’Irak, par le biais de la société d’État irakienne SOMO. En contrepartie, le Kurdistan doit recevoir à nouveau son budget initial mensuel, s’élevant à environ un milliard de dollars.

Il est à noter que sur ces 550 000 de barils par jour, 300 000 proviendront de Kirkouk et les 250 000 restant de la Région kurde dans ses frontières d’avant juin 2014. Si l’Irak n’a pas encore officiellement entériné le retour de Kirkouk au sein du GRK, Bagdad, privé du pétrole de Mossoul et de son oléoduc, n’a que celui de la Région kurde pour exporter le pétrole de Kirkouk vers Ceyhan.  D'où leur acceptation, bon gré mal gré, d'un état de fait né de la chute de Mossoul aux mains du Daesh. Quant aux Kurdes, l’amélioration de leurs finances va leur permettre de payer les sociétés pétrolières qui forent et exploitent le pétrole sur leur sol. Une fois encore, cet accord est le fruit – au moins temporaire – de deux situations de faiblesse, comme le qualifiait Gareth Stanfield.

Autre gain significatif pour Erbil: le gouvernement fédéral allouera finalement une partie de son budget Défense aux Peshmergas, pour un montant d’un millard de dollars, selon le Premier Ministre Nêçirvan Barzani tandis que le cabinet d’Al-Abadi parlait plus vaguement d’un « pourcentage du budget de la Défense ».



jeudi, décembre 11, 2014

Le Kurdistan irakien : De la tribu à la démocratie

Le Kurdistan irakien. De la tribu à la démocratie


Paru le 20 novembre 2014, d'Ali Dolamari, aux éditions Glyphe.



"Le Kurdistan irakien, région fédérale de l’Irak, est issu d’une organisation tribale qui a évolué vers la démocratie. L’auteur, s’appuyant sur une analyse historique et sur de nombreux entretiens, étudie l’impact de cette évolution sur la situation géopolitique du Kurdistan irakien. Il examine les transformations qui ont mené à une gouvernance régionale en 1992 et à un fort lien entre social et politique, société et État, tribu et gouvernement, tribu et partis politiques et enfin gouvernement et partis politiques. Ainsi, Ali Dolamari fait le portrait de l’identité kurde. Il en rappelle le fait religieux et tribal et expose la genèse du mouvement national kurde. 
L’émergence d’un Gouvernement Régional du Kurdistan (GRK, en anglais KRG) a offert de nouvelles perspectives géopolitiques au Kurdistan irakien après la chute de Saddam Hussein en 2003. La région connaît un fort développement économique, social et politique, mais reste dépendante du gouvernement central dans certains secteurs stratégiques, comme la gestion des ressources, l’avenir des territoires kurdes hors Kurdistan et le statut des Peshmergas. Le Kurdistan irakien joue aujourd’hui un rôle géopolitique essentiel au Moyen-Orient."
Ali Dolamari, originaire du Kurdistan irakien, est un militant de longue date de la cause kurde. Sur ce sujet, il a soutenu en 2012 une thèse de géopolitique à l'Université Paris-Sorbonne Paris IV. Il est aujourd'hui expert au département des relations internationales du Gouvernement Régional du Kurdistan et au bureau de la représentation kurde en France.

mercredi, décembre 03, 2014

Iranien


Sortie aujourd'hui du documentaire de Mehran Tamadon.


Iranien athée, le réalisateur Mehran Tamadon a réussi à convaincre quatre mollahs, partisans de la République Islamique d’Iran, de venir habiter et discuter avec lui pendant deux jours. Dans ce huis clos, les débats se mêlent à la vie quotidienne pour faire émerger sans cesse cette question : comment vivre ensemble lorsque l’appréhension du monde des uns et des autres est si opposée ?

"J’ai monté le récit de ces deux jours de vie en m’efforçant de voir des personnages qui tissent une relation et qui cherchent à vivre ensemble", confirme-t-il, "Je me suis efforcé de garder cette distance avec moi-même, de me voir comme un personnage comme les quatre autres et oser montrer mes fragilités". Et cette distance donne une place toute nouvelle au spectateur. "J’ai favorisé l’échange et la relation, en mettant en valeur les moments de tension, de joie, de rires, de proximité, d’éloignement, ceux où je perds pied, plus que les bonnes réponses que je leur donne. C’est là que le spectateur cesse d’être passif et réagit, veut rentrer dans le cadre pour leur parler"." Mehran Tamadon.

Concert de soutien à l'Institut kurde