mercredi, novembre 06, 2013

"N'exécutez pas le Kurdistan !"

La nouvelle présidence n’a pas adouci le sort réservé aux prisonniers politiques kurdes et les pendaisons se sont même accélérées de façon très inquiétante si l’on songe au nombre de Kurdes qui attendent dans les couloirs de la mort.
Alors que l’année 2012 avait vu une baisse des exécutions, leur nombre s'est au contraire accru en 2013, avec 304 pendaisons connues et 234 autres exécutions secrètes selon des sources indiquées comme fiables par Amnesty International.

Ce mois a été particulièrement meurtrier et d'autres exécutions imminentes sont à craindre.

Le 4 octobre, dans son sermon du Vendredi, un imam de la ville kurde de Sine (Sanandadj), Mollah Husamaddin Mudjtahidj, a appelé à l’exécution rapide de la sentence de mort prononcée contre quatre jeunes Kurdes, condamnés pour le meurtre d’un autre imam de la ville, Sheikh Al-Islam Burhani A’ali, en déclarant que retarder plus longtemps leur pendaison serait « une insulte à l’islam et aux musulmans » (BasNews).
Djamshid et Djihangir Dehghani, Hamid Ahmedi et Kamal Mawlayi se trouvaient pourtant déjà en détention au moment du meurtre, selon Amnesty International. Mais cette absurdité n’a pas troublé les juges qui supposent aux Kurdes de Sine un don singulier d’ubiquité.

Amesty International a aussi alerté sur le sort de Hamid Ahmadi et Sedigh Mohammadi, également condamnés à la peine capitale, qui ont été transférés en cellule d’isolement le 26 septembre, ce qui est souvent le préalable à une exécution. Ils ont été convaincus d’être des « ennemis de Dieu » et de répandre « la corruption sur terre , c'est-à-dire pour des motifs politiques.

Les imams sont décidément en ce moment bien avides d’exécution. Depuis le 25 octobre, les autorités judiciaires et de la sécurité de la province du Kurdistan, conjointement avec la partie civile, l’imam de la ville kurde de Mariwan, essaient de faire appliquer la peine de mort prononcée contre Zanyar et Loqman Moradi, actuellement détenus à la prison Radjayi Shahr à Karaj, selon la Campagne internationale pour les droits de l’homme en Iran.

Loqman et Zanyar Moradi ont été arrêtés le 2 août 2009 et condamnés pour le meutre du fils de l’imam, pour être des ennemis de Dieu et avoir participé à des actions armées du Komala (un mouvement kurde) alors qu’ils ont toujours clamé leur innocence, affirmant que toute l’accusation a été montée par les services secrets et qu’ils n’avaient « avoué » qu’après de sévères tortures.

L’organisation Campagne internationale pour les droits de l’homme en Iran a fait état d’une source de Mariwan qui leur aurait révélé que, peu de temps après ce meurtre, de hauts gradés parmi les Gardiens de la Révolution, impliqués dans le meurtre de dizaines de civils kurdes, avaient été arrêtés par leur propre service. Il a été ensuite établi qu'ils avaient avaient assassiné de nombreux civils, les revêtant ensuite de tenues de combat, en les faisant passer pour des membres du PJAK ce qui leur permettait de toucher les primes allouées par les Gardiens pour chaque combattant kurde tué. Selon cette même source locale, le fils de l’imam aurait pu faire partie de ces infortunés civils. Mais l’affaire n’a pas été révélée publiquement par les autorités et le chef de ce groupe, Hiya Tab, qui était commandant des Gardiens dans la province du Kurdistan a été secrètement exécuté il y a quelques semaines. Selon l’agence Tadbir News, Hiya Tab était fortement soupçonné d’être responsable de ce meurtre comme de tant d’autres.

Le 25 octobre, Habibullah Gulperipour était exécuté dans un lieu inconnu après avoir été transféré le même jour de sa cellule d’isolement à Ourmiah. Il était emprisonné depuis 2007 et avait subi de graves tortures. Sa famille a été avertie au dernier moment et quand ils sont arrivés au centre de détention, Habibullah était déjà mort. Ils n’ont pu voir le corps et encore moins le récupérer pour des funérailles.

Habibullah Gulperipur avait été arrêté le 27 septembre 2007 à Mahabad. Le 14 mars 2010 il avait été condamné à mort en tant qu’« ennemi de Dieu » et appartenance au PJAK, après un procès qui a duré cinq minutes. Il a toujours nié avoir eu une quelconque activité armée et déclaré avoir été torturé durant ses interrogatoires.

Une agence de presse kurde clandestine, Mukiran News affirme, pour sa part, que le 29 octobre, c’est onze prisonniers détenus dans la prison d’Ourmiah qui ont été exécutés, six d’entre eux, Kurdes, étaient condamnés pour trafic de drogue.

Deux jours plus tard, le 31 octobre, la Haute Cour d’Iran a approuvé la peine de mort prononcée à l’encontre de Mansour Arwend, détenu dans la prison d’Ourmiah et arrêté deux ans auparavant à Mahabad pour activisme politique. Ismail Arwand, son frère, a indiqué à l’agence Kurdistan Press que les Gardiens de la Révolution avaient eux-mêmes averti sa famille que Mansour allait être prochainement exécuté. Fait troublant, son avocat a changé à la fois de numéro de portable et de domicile, les laissant sans nouvelles depuis le 2 novembre.

Un autre frère de Mansour, Sirwand Arwand, a lancé une vidéo sur YouTube appelant à suspendre l’application de la sentence




Le 4 novembre, c’est un autre prisonnier politique, Sherko Moarefi, qui était pendu, cette fois dans la prison de Saqiz. Âgé de 34 ans, il était originaire de la ville de Bane et avait été condamné à mort en tant qu’« ennemi de Dieu », le 1er novembre 2007. Cette peine avait été confirmée le 14 novembre 2009 et le 1er mai 2011, mais une campagne de pression internationale avait jusqu’ici empêché son application. Mutelib Ehmedi, un autre détenu politique, emprisonné à Saqez aurait pris sa place dans la cellule d’isolement de la prison, faisant craindre qu’il encourt rapidement le même sort.

Le même jour, Arman Perwizi, activiste kurde, était condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Rasht pour avoir « menacé l’intégrité territoriale de l’Iran » et faire partie d’une organisation politique kurde illégale.

Quand les prisonniers n’encourent pas la mort par pendaison, ils risquent de graves atteintes à leur intégrité physique pour raisons de santé. Ainsi la militante kurde Zeinab Djalalian, âgée de 31 ans et détenue dans la prison de Kermanshah depuis 2008, pourrait perdre la vue en prison, selon l’agence Hrana News. Ces lésions résulteraient des tortures et des agressions diverses qu’elle a subies en prison. Elle est privée de tout traitement médical et sa famille n’a pu lui rendre visite début octobre. 

Déjà en juin 2012, un rapport des médecins de la prison Dizel Abad de Kermanshah, mentionnait que Zeinab Djalalian souffrait d’hémorragies internes et d’une infection intestinale toujours suite à des séances de torture.

Zeinab Djalalian avait été arrêtée à Kermanshah, accusée d’être liée au Parti de la Vie libre (PJAK), la branche iranienne du PKK. Elle avait été condamnée à mort le 14 janvier 2009, par le Tribunal islamique révolutionnaire, après un procès qui avait duré 7 minutes, sans avocat de la défense. Sa peine avait été ensuite commuée en  emprisonnement à perpétuité en décembre 2011.

Devant cette vague de pendaisons, un certain nombre de prisonniers politiques kurdes ont entamé une grève dans la faim dans les villes de Sine, Kermanshah, Oiurmiah et Tabas.

À Mariwan, hier, une manifestation de protestation, avec des habitants de la ville brandissant des pancartes en persan, anglais et kurde : « N’exécutez pas le Kurdistan ! » a été immédiatement attaquée par les Gardiens de la Révolution, qui ont arrêté plusieurs personnes. Des soldats ont aussi été envoyés dans les rues pour disperser les plus petits rassemblements.

Des protestations publiques ont eu lieu aussi en dehors d’Iran, comme dans la ville de Van (Kurdistan de Turquie), à l’initiative du parti BDP. Même le PYD (PKK syrien), jusqu’ici peu critique envers les agissements de l’Iran sur le terrain syrien, a publié une déclaration condamnant ces exécutions.

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