jeudi, février 28, 2013

Salim Barakat : La Infància de fang ou L'Enfance de boue


Conversation sur les processus de traduction en catalan et en castillan du livre "Les deux biographies"  de Salim Barakat le 5 mars au Centre de culture contemporaine de Barcelone (détails dans la plaquette).


L’écrivain kurde Salim Barakat est né dans un petit village au milieu d’une région toute plate et poussiéreuse entre l’Euphrate et le Tigre, au nord de la Syrie. Il apprit l’arabe à l’école et est parvenu à le maitriser et à devenir une figure de la littérature en cette langue. Prolifique et en vers et en prose, son oeuvre parle de l’expérience du peuple kurde. 

Dans As-siratan (‘Les deux biographies’) il évoque l’étape de croissance d’une génération marquée par des événements politiques comme l’essai panarabiste de Nasser et le parti Baath. Il y dépeint les conditions de vie d’un groupe humain que l’on a cherché d’effacer de la surface de la terre. 

Les premières traductions sont sorties en France, et dans le cadre d’un projet européen le livre fut publié en suedois et en catalan, avec pour titre celui du premier épisode, ‘Le criquet de fer’. Postérieurement, il est apparu dans sa version espagnole: Dos trayectos. Il a été traduit aussi en l’allemand, dans les dialectes kurdes kurmanji et sorani, en turc et, de façon fragmentaire, en anglais. 

La langue et le style de Salim Barakat font de sa traduction un défi. La traductrice catalane, Margarida Castells, et le traducteur au castillan, Salvador Peña, partageront quelques-uns des aspects de leurs processus de travail, et rapprocheront le public de la version originale et de son auteur. 

Margarida Castells Criballés :  Co-autrice avec Dolors Cinca d’une traduction des Mille et une nuits au catalan ainsi que d’une autre en castillan, elle a mené à bien un dictionnaire arabe-catalan. Elle a traduit, avec Manuel Forcano, le récit de voyage d’Ibn Battuta et, en solitaire, des textes de Mahmud Darwich et Zakarïa Tamer, entre autres. Professeure à l’Universitat de Barcelone, elle s’est consacrée aux traductions latines du Coran et à la codicologie. 

Salvador Peña Martín : Professeur chercheur à l’Universidad de Málaga et collaborateur du programme de formation en traduction de l’arabe à l’Escuela de Traductores de Toledo, il a traduit, pour Ediciones del Oriente y del Mediterráneo, les autobiographies de Raouf Basta, Rachid Daïf et Abdelmajid Benjelloun. Il s’est préoccupé des aspects étiques et legaux de la profession et il a écrit de nombreux articles et livres de traductologie.

Recherche Alikan, Duderan, Mamadî et Soran désespérément…

Michael Thévenin, du site Transhumances kurdes est à la recherche de contacts parmi ces tribus kurdes pour une mission en avril.

Ses coordonnées sont ici.

2' pour la Syrie



Du 1er au 20 mars, sur France Télévisions, France 24, TV5 Monde, Assemblée nationale, Public Sénat, 20 films amateurs, tournés par de simples citoyens syriens, sur place, seront diffusés et commentés par 20 personnalités.

Les films, au fur et à mesure de leur diffusion, pourront aussi être vus sur le site Une Vague blanche pour la Syrie.

Spécial Turquie

Du lundi 4 mars au vendredi 8 mars à 11 h sur France Culture : Spécial Turquie ;  Culturesmondes, F. Delorme.

mercredi, février 27, 2013

66 ans après la chute de Mahabad, un Barzani de retour à Moscou

Photo publiée sur la page Facebook de Massoud Barzani :
 "Une visite à l'ancien lieu de résidence de feu mon père, Mustafa Barzani, à Moscou".


Après avoir fait un tour en Europe et notamment au sommet de Davos, au cours du mois de janvier, le président de la Région du Kurdistan, Massoud Barzani, n’est revenu que peu de temps à Erbil avant de repartir pour Moscou, le 19 février dernier. Les objectifs affichés de ce voyage étaient de « discuter des relations entre la Russie et le Gouvernement du Kurdistan et des développements en Irak et de la région en général ».

Dans la délégation qui l’accompagnait figuraient notamment le fils du président, Masrur Barzani, Conseiller sur la Sécurité au Kurdistan, le vice-premier ministre, Imad Ahmed, le chef du cabinet présidentiel, Fuad Hussein, le ministre des Affaires étrangères, Falah Bakir, Kamran Ahmed Abdullah, le ministre de la Construction et du logement et Ashti Hawrami, ministre des Ressources naturelles depuis plusieurs années. La présence des deux derniers ministres annonçait qu’un des enjeux de cette visite porterait sur des accords économiques et notamment sur l’exploitation et l’exploration des champs de prétrole au Kurdistan, la société russse Gazprom Neft étant jusqu’ici surtout active en Irak, même si, au début d’août 2012, la même société annonçait sa participation à deux blocs dans le Kurdistan irakien : 40% pour celui de Garmiyan et 80% pour celui de Shakal. La compagnie russe estimait alors que les ressources de ces deux blocs atteindraient une production d’environ 3,6 de milliards de barils.

Cette annonce était survenue en pleine controverse entre Bagdad et Erbil sur le droit de la Région à gérer et signer des propres accords avec l’étranger. En cet été 2012, l’Irak avait durci le ton en menaçant les sociétés signatrices de rétorsions dans leurs accords avec l’Irak. À ce moment-là, c’était surtout ExxonMobil qui était visé par Bagdad, et selon l’hebdomadaire Nefte Compass, spécialisé dans les questions d’énergies, le gouvernement de Nouri Maliki a envisagé d'évincer ExxonMobil par LUKOIL (autre société russe) et Gazprom Neft, après une rencontre entre le Premier Ministre Nuri Maliki et Vladimir Poutine. Mais aucune annonce ni acte officiel n’en avaient découlé.

En novembre 2012, des rumeurs contradictoires circulaient sur les activités futures de Gazprom Neft. Des sources proches du gouvernement irakien affirmaient qu’elle avait gelé ses projets dans la Région du Kurdistan, mais d’autres voix, émanant de la compagnie elle-même (sans que son porte-parole s’exprime directement sur cette question) avaient démenti et le porte-parole du GRK, pour sa part, déclarait que Gazprom Neft leur avait fait savoir que les contrats signés entre eux restaient d’actualité. 

Mais ce n’est pas uniquement dans le domaine des hydrocarbures qu’Erbil et Bagdad semblent se disputer l'alliance russe. En octobre 2012, Nouri Maliki s’était lui aussi rendu à Moscou et avait signé des contrats d’armement pour un montant de 4 milliards de dollars. Or, depuis la recrudescence des tensions entre Kurdes et Irakiens au sujet de Kirkouk et des autres territoires disputés, la politique d’armement suivie par l’Irak est observée avec la plus grande attention par le GRK, qui y voit une menace directe contre la Région. En décembre dernier, la rumeur avait couru d’un futur achat d’armes pour un montant de 87 millions de dollars dont cette fois bénéficieraient les Kurdes de la part de Moscou mais le porte-parole du Gouvernement d’Erbil, Safin Diyazee, avait démenti cette information en décembre et elle a nouveau été niée aujourd'hui par un autre porte-parole, Omed Sabah, alors que des medias avaient rapporté des propos de Massoud Barzani, niant sans nier (comme à son habitude), que ce n'était pas à l'ordre du jour mais que, si une telle offre se présentait, elle serait la bienvenue

Sept jours plus tard, si rien n'a filtré de concret au sujet d'une vente d'armes, on en sait un peu plus sur l’accord avec Gazprom Neft, et il est clair que le cinquième producteur de brut russe se taille la part du lion, avec 80% du contrat de partage de production du gisement Halabja dont les réserves seraient de 90 à 100 millitons de tonnes d’hydrocarbures. Mais la contrepartie d'un tel accord n'a, elle, pas été dévoilée.

« Notre prochaine mission consiste à préparer le programme des travaux de prospection géologique », a annoncé Validmir Iakovlev premier directeur général adjoint de Gazprom Neft.  Malgré cela, il a assuré n’avoir reçu aucun message négatif de la part de Bagdad et que le contrat portant sur le champ de Badra en Irak, n’était pas remis en question.


Autre sujet brûlant évoqué, celui de la Syrie. Damas est soutenu par Poutine, alors que Massoud Barzani est derrière toutes les initiatives pour tenter d’unifier la voix du Conseil national kurde syrien et a servi plusieurs fois d’intermédiaires entre le Conseil national syrien, le CNK et la Turquie. En tout cas, sa position le place ouvertement à l’opposé de Nouri Maliki qui, lui, est resté proche de Bachar Al Assad.

Le dossier nucléaire iranien concerne peu les Kurdes, qui choisissent de rester le plus neutre possible entre Téhéran et Washington, mais par contre l’influence iranienne de plus en plus présente à Bagdad n’a pas contribué  à apaiser le climat politique entre les Kurdes et Maliki.

Mais l’entrevue entre Massoud Barzani et Vladimir Poutine, selon le cabinet présidentiel kurde, a surtout porté sur une coopération économique et culturelle renforcée et sur le rôle des sociétés russes dans la reconstruction du Kurdistan.

S'il y a continuité avec la politique de son père, c'est aussi dans ce refus de Massoud Barzani de choisir entre un camp ou un autre, notamment entre les USA ou la Russie. Très souvent soutenus (et tout aussi souvent lâchés) par les Américains, les Barzani ont toujours gardé de bonnes relations avec les Russes et le long séjour de Mollah Mustafa et de ses hommes (dont beaucoup, sur place, ont épousé des Soviétiques et se sont formés là-bas) a toujours permis aux Kurdes d'Irak de garder la même neutralité entre les USA et les Russes ou bien les USA et l'Iran. 

Dans la querelle qui oppose la Région kurde à l'Irak, les Américains ont trop souvent tenté de temporiser et même de décourager les velléités autonomistes kurdes pour qu'Erbil ne se fie qu'à Washington pour assurer sa sécurité ou les soutiennent dans leurs différends avec l'Irak. L'histoire, encore, leur fournit quelques avertissements, avec la trahison des Kurdes par Henry Kissinger en 1975. Les commandes d'armes de Bagdad aux États-Unis les ont déjà inquiétés. La dernière sortie de l'ambassadeur américain à Ankara, Francis Ricciardone, mettant en garde la Turquie pour sa politique de partenariat énergétique avec les Kurdes, au détriment de la souveraineté de Bagdad, n'a guère plu à Erdogan, devenu tout soudain le fervent défenseur du fédéralisme constitutionnel irakien. 

À l'heure où troupes kurdes et irakiennes se font face depuis des mois à Kirkouk et devant les monts Hemrin, un tel plaidoyer contre l'autonomie kurde n'a sans doute pas été apprécié à Erbil. Quoi qu'il en soit, cette visite et l'accord avec Gazprom Neft, camouflet supplémentaire adressé à la politique centralisatrice du Premier Ministre irakien, permettent aux Kurdes de se poser comme puissance économique indépendante, quelques mois après le séjour de Maliki à Moscou.

Massoud Barzani a profité de son séjour à Moscou pour visiter la maison que son père, Mustafa Barzani, a habité lorsque, après sa légendaire «longue marche» de Mahabad jusqu’en Russie, il est resté plusieurs années en exil. 66 ans après la chute de la République de Mahabad qui avait vu le père  et 500 peshmergas demander asile aux Russes, le fils revient en tant que président d'un proto-État kurde arborant les mêmes couleurs que Mahabad mais devant tout autant se garder des amitiés américaines que des promesses éventuelles d'armement russes.

Kirkouk, histoire d'une ville disputée


À lire sur Les Clefs du Moyen Orient, par Allan Kaval :
Ville divisée et disputée depuis la création de l’Irak, Kirkouk, grand centre urbain multiethnique du nord du pays, se trouve plongée dans une nouvelle période d’incertitude, près de dix ans après la chute du régime de Saddam Hussein. Depuis l’automne 2012, la ville et sa région font les frais des tensions renouvelées qui opposent le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) à l’Etat central irakien. Les environs de Kirkouk sont le théâtre d’un face-à-face entre le Commandement des opérations du Tigre, une force militaire fidèle au Premier ministre Nouri al-Maliki et les peshmergas kurdes qui répondent des autorités du GRK. Alors que cette confrontation émaillée d’accrochages irréguliers se prolonge, fusillades et attentats se succèdent à l’intérieur même de la ville. Peuplée en majorité de Kurdes mais comportant de fortes minorités arabe et turkmène, Kirkouk cristallise les enjeux d’une crise irakienne où les facteurs régionaux jouent un rôle croissant et où le poids de l’histoire détermine largement l’avenir

mardi, février 26, 2013

L’éditeur Ragip Zarakolu condamné en Turquie


À lire sur le site CollectifVan, traduit du site InfoTürk, la lettre de Ragip Zarakolu et la liste des 44 procès lancés contre les éditions Belge en 40 ans  :


- Turquie : l’éditeur turc Ragip Zarakolu a envoyé vendredi 23 février 2013 un message alarmant publié le jour même sur le site belgo-turc Info-Türk et concernant les nouvelles condamnations qui le frappent. Reconnu coupable en tant que rédacteur en chef du Journal Alternatif, Ragip Zarakolu précise : « C’est la première fois qu’un rédacteur en chef est condamné sous la loi anti-terroriste ». Zarakolu est également condamné en tant qu’Editeur de Belge [Documents], maison d’édition qui a subi pas moins de 44 procès en 40 ans… Cette fois-ci, l’ouvrage incriminé s’intitule Le dossier KCK. Il est signé N. Mehmet Guler. L’auteur est par ailleurs condamné pour son roman Des décisions plus difficiles que la mort. Voilà des exemples édifiants de ce que la Turquie considère être du terrorisme. Par un hasard du calendrier, la Commission des Affaires Étrangères de l’Assemblée Nationale se réunit ce mardi 26 février 2013 à 17 heures pour examiner l’accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre la France et la Turquie. Ankara considère comme du terrorisme la défense des droits de l’homme et les actions en faveur de la reconnaissance du génocide arménien, domaine où Ragip Zarakolu a été un précurseur. Le Collectif VAN vous invite à signer de toute urgence cette pétition pour dire non à cette coopération.

mercredi, février 20, 2013

5 caméras brisées


Sort aujourd'hui, 5 caméras brisées, par Emad Burnat et Guy David :
Emad, paysan, vit à Bil’in en Cisjordanie. Il y a cinq ans, au milieu du village, Israël a élevé un " mur de séparation" qui exproprie les 1700 habitants de la moitié de leurs terres, pour "protéger" la colonie juive de Modi’in Illit, prévue pour 150 000 résidents. Les villageois de Bil’in s’engagent dès lors dans une lutte non-violente pour obtenir le droit de rester propriétaires de leurs terres, et de co-exister pacifiquement avec les Israéliens. Dès le début de ce conflit, et pendant cinq ans, Emad filme les actions entreprises par les habitants de Bil’in. Avec sa caméra, achetée lors de la naissance de son quatrième enfant, il établit la chronique intime de la vie d’un village en ébullition, dressant le portrait des siens, famille et amis, tels qu’ils sont affectés par ce conflit sans fin.

"La présence de la caméra a parfois empêché les soldats israéliens d’utiliser la violence. (...) Mais ce n’a pas toujours été le cas. Ainsi, les balles ont cassé certaines de mes caméras et, le jour où j’ai été arrêté, c’est parce que je filmais. Donc, parfois, ma caméra a été une alliée, et, à d’autres moments, elle a provoqué des situations douloureuses pour ma famille et moi." Le titre, 5 Caméras Brisées, est dû au fait que durant ces cinq ans de tournage au quotidien, cinq caméras ont été détruites. A chaque fois, Emad Burnat les a remplacées pour pouvoir continuer à filmer.

Les chevaux de Dieu


Les Chevaux de Dieu, par Nabil Ayoush :

Yassine a 10 ans lorsque le Maroc émerge à peine des années de plomb. Lui et son frère Hamid entament avec l'imam Abou Zoubeir une longue préparation physique et mentale. Un jour, on leur annonce qu'ils ont été choisis pour devenir des martyrs...

Le titre Les Chevaux de Dieu renvoie à une expression ancienne, dont l'intitulé complet est "Volez, chevaux de Dieux". Dans les légendes arabes, cette formule est prononcée par les premiers musulmans, qui se retrouvent aux côtés du prophète Mohammed. De nos jours, sa signification n'est plus la même : "Cette expression a été reprise au fil des siècles, que ça soit dans des discours, des chants ou des poèmes incitant à la guerre sainte. On la retrouve dans la propagande actuelle d’Al Qaida notamment dans le célèbre communiqué de l’organisation au lendemain du 11 septembre."

Syngué sabour


Sorti aujourd'hui, par Atiq Rahimi : Syngué Sabour


Au pied des montagnes de Kaboul, un héros de guerre gît dans le coma ; sa jeune femme à son chevet prie pour le ramener à la vie. La guerre fratricide déchire la ville ; les combattants sont à leur porte. La femme doit fuir avec ses deux enfants, abandonner son mari et se réfugier à l'autre bout de la ville, dans une maison close tenue par sa tante. De retour auprès de son époux, elle est forcée à l'amour par un jeune combattant. Contre toute attente, elle se révèle, prend conscience de son corps, libère sa parole pour confier à son mari ses souvenirs, ses désirs les plus intimes... Jusqu'à ses secrets inavouables. L'homme gisant devient alors, malgré lui, sa "syngué sabour", sa pierre de patience - cette pierre magique que l'on pose devant soi pour lui souffler tous ses secrets, ses malheurs, ses souffrances... Jusqu'à ce qu'elle éclate !

"Les intérieurs avec cette famille entassée dans une petite pièce : le père enfermé, le frère traqué et surtout l’enfant qui erre au milieu de tout ça comme mon héroïne. Tous les plans des rues de Kaboul en ruines sont directement inspirés de Rossellini" Atiq Rahimi.

mardi, février 19, 2013

Les meurtres rue La Fayette étaient-ils vraiment politiques ?


Le 9 janvier, trois militantes du PKK étaient retrouvées abattues de plusieurs balles dans la tête au Centre d’information du Kurdistan (CIK), le bureau  de communication et de relations politiques du PKK européen . Étant sans nouvelles depuis le milieu de la journée, ce sont des Kurdes qui ont finalement enfoncé la porte, aux alentours de minuit, et vu les corps.

Se rendant sur les lieux en début de matinée, le ministre de l’Intérieur Manuels Valls a qualifié ces actes d’ « exécution ».

Survenant quelques jours après l’annonce, par le Premier Ministre turc, d’un début de négociations directes entre Abdullah Öcalan et Hakan Fidan, le directeur du MIT (Renseignements) turc, ces meurtres ont en effet tout de suite été présentés comme une tentative de saborder le processus de réglement du conflit.

Sakine Cansiz a naturellement été désignée comme la cible réelle, les deux autres semblant n'avoir payé que pour avoir été sur place. 

Née en 1957, dans le Dersim, Sakine Cansız s’engage vite dans les mouvements révolutionnaires des milieux estudiantins d’Elazığ, et en 1976, entre dans le mouvement kurde révolutionnaire. Peu de temps après avoir participé au congrès fondateur du PKK le 27 novembre 1978, elle est arrêtée et emprisonnée avec plusieurs autres. Dans le climat de terreur politique qui suit le coup d’État du 12 septembre 1980, elle subit, dans la prison de Diyarbakir, de féroces tortures, un de ses bourreaux allant même jusqu’à la mutiler aux seins, et payant, de l’aveu de ses compagnes de cellules, le fait d’être kurde mais aussi de confession alévie.

Relâchée en 1991, elle rejoint le PKK au Kurdistan d'Irak et se bat dans la guérilla. Entrant en conflit avec plusieurs commandants militaires, elle doit quitter ses fonctions militaires mais sans être inquiétée personnellement, ayant toujours été une proche loyaliste d’Öcalan. Elle obtient le statut de réfugiée politique en France, mais réside plus souvent en Allemagne.

Fidan Doğan, était aussi une alévie, du district de Maraş-Elbistan, une région qui vit, à la fin des années 1978, une période de pogroms orchestrés par l’extrême-droite contre la communauté alévie. Née en 1982, elle émigre très tôt avec sa famille, en France, où elle grandit et commence ses études, études qu’elle interrompt pour s’engager au sein du PKK, à partir de 1999, l’année de l’arrestation d’Öcalan et de la première déclaration de cessez-le-feu unilatéral proclamée par le PKK. Elle est active dans la branche politique et européenne du parti à partir de 2002 et était responsable du CIK au moment de sa mort.

Leyla Söylemez, quant à elle, n’était pas alévie mais venait d’une famille yézidie de  la province de Lice et était née et avait grandi à Mersin (Mersin Adana abritant de nombreux Kurdes déportés après la destruction de leur village). Sa famille émigre en Allemagne dans les années 1990. Elle entreprend des études d’architecture une année avant de rejoindre le mouvement kurde en 2006 et passe un an et demi dans les camps du PKK au Kurdistan d’Irak, avant de revenir en Europe, en 2010.

Les victimes ont reçu, pour Sakine Cansız et Leyla Söylemez, trois balles dans la tête et Fidan Doğan, quatre balles, dont une dans la bouche, apparemment de la même arme, un 7.65 mm. Le fait que l’accès aux étages de l’immeuble ne se fait que par une porte intérieure qui n’ouvre que par interphone a tout de suite indiqué que les femmes connaissaient leur(s) meutrier(s) et avaient ouvert d’elles-mêmes la porte. La position des corps montre également qu’elles ont été tuées par surprise ou, à tout le moins, sans opposer de résistance.

À l’annonce du meurtre, des centaines de Kurdes se sont rassemblées devant le 147 rue La Fayette en scandant des slogans accusant la Turquie mais accusant aussi François Hollande de « complicité ».

Le président de la république, interrogé à chaud par la presse, a qualifié ces meurtres de « terribles » en indiquant qu’il connaissait une des victimes, qu’il avait déjà rencontrée (vraisemblement Fidan Doğan qui avait de fréquents contacts avec les cercles politiques de gauche français ainsi qu’avec le Parlement européen).

Mais bien que désignée spontanément par les militants kurdes, la responsabilité de l’État turc a laissé sceptique presque tous les observateurs et connaissances du « dossier kurde » en Turquie puisque, de fait, on ne voit pas très bien quel intérêt peut avoir le gouvernement AKP à saborder des négociations qu’il venait lui-même d’avoir initié. 

Une autre piste a aussitôt été soulevée, celle de divisions internes au PKK, d’abord par Recep Teyyip Erdoğan, jugeant que ces assassinats étaient de nature « crapuleuse » et à chercher dans les différents internes du PKK, notamment de la part de « factions » qui seraient hostiles au processus de paix. Le porte-parole de l’AKP, Hüseyin Çelik a de même rappelé les nombreuses exécutions politiques internes qui émaillent l’histoire du PKK. Le propre fiancé de Sakine Cansız n’a-t-il pas ainsi été « éliminé » au début des années 1990 pour dissidence politique ?

De la même façon, et comme en miroir, la piste des extrémistes nationalistes turcs a aussi très vite été évoquée, chaque camp, kurde et turc, accusant ainsi mutuellement les « faucons » de l’autre bord. La thèse de « l’État profond », avec la collusion entre des cercles d’extrême-droite, la mafia et des protections à un haut niveau dans l’État a été remise sur le tapis, certains n’y voyant ainsi qu’un rebondissement de l’affaire Ergenekon.

De même, toujours dans cette optique d’une tentative d’enrayer le processus de paix, deux États ont été suspectés d’avoir trempé dans les assassinats car n’ayant aucun intérêt à ce que le PKK et la Turquie concluent une trêve : l’Iran et la Syrie.

Mis en cause ouvertement par le député kurde Ahmet Türk, l’Iran a nié toute implication et son ministre des Affaires étrangères, Ramin Mehmanparast, a accusé des media « proches des sionistes » de vouloir tourner l’opinion publique turque contre son pays, alors que, selon le ministre iranien, « la république islamique d’Iran a toujours soutenu l’instauration de la paix entre les gouvernements et les ethnies et soutient le processus de paix qui a été entamé en Turquie ».

Le 20 janvier, on annonçait que deux Kurdes proches du CIK étaient en garde-à-vue. L’un d’eux était très vite relâché tandis que l’autre, Ömer Güney, présenté comme le chauffeur occasionnel de Sakine Cansız, était inculpé d’homicide, le procureur de Paris François Molins déclarant, dans une conférence de presse, qu’il y avait assez d’éléments sérieux pour le considérer comme étant au moins l’un des auteurs des meurtres, même si la possibilité qu’il n’ait pas été seul n'était pas totalement écartée, des traces d’ADN ne correspondant pas à celui de Güney ayant été retrouvées sur une des douilles.

Selon le procureur, Güney, lors de son audition par les services de police, aurait déclaré avoir déposé Sakine Cansız au CIK dans la matinée du mercredi 9  et avoir quitté les lieux vers 11 h. Or les caméras de surveillance le montrent  sortir de l’immeuble à 12 h 56, ce qui correspond à la tranche horaire pendant laquelle les meutres ont été commis. Sorti du CIK vers 13 h, portant un sac dans lequel on a retrouvé des traces de poudre, ce sont les caméra de surveillance (dont il ignorait peut-être l’existence) qui l’ont « trahi ».

D’après François Molins, il n’y avait aucun signe de combat sur place. Dans la pièce principale, 4 verres à thé. Pas de coups de feu ne semble avoir été entendu, ce qui peut laisser penser à l’usage d’un silencieux. Les 10 balles  tirées ont apparemment touché leurs cibles, sans que les trois femmes aient pu fuir ou résister, ce qui indique que les tirs ont été rapides et précis. 

Âgé de 30 ans, Ömer Güney a été d’abord présenté comme un « Kurde » par les autorités et la presse françaises. Après un temps de flottement et d’embarras, les media du PKK se sont empressés de « révéler » que le suspect n’était pas kurde mais turc, comme s’il le leur avait caché ou que le fait d’être turc était incompatible avec celui d’être pro PKK et même militant du parti : qu’ainsi, il avait dû leur mentir sur une prétendue identité kurde, afin de pouvoir les infiltrer. 

Or, il y a toujours eu des Turcs au PKK (ils ont dû être dans leurs petits souliers à ce moment-là) et dans les années 1990 l’un d’eux était même officiellement président de FEYKA (Fédération des associations kurdes de France). Mais il est vrai que ces Turcs pro-kurdes sont la plupart du temps alévis (quand on est alévi on peut être, du fait de son origine confessionnelle, soit kemaliste, ou au moins CHP parce que laïc, soit d’extrême gauche, voire même PKK ; cela aide à pimenter) certaines réunions de famille).

Mais le village d’où est originaire, Şarkişla (région de Sivas) Ömer Güney n’est pas du tout alévi et surtout pas sympathisant de la cause kurde, même si c’est une région effectivement mixte et qu’il est possible que Güney soit de père kurde et de mère turque, comme il l’a déclaré. Les élections ont vu voter Şarkişla pour les deux partis d’extrême-droite (un peu comme si un village français s’était, dans les urnes, partagé entre un candidat pro-Le Pen et un autre pro-Maigret). 

L’once d’Ömer Güney, contacté par la presse, nie toute implication de sa famille avec le PKK et décrit son neveu comme mentalement invalide, avec d’importantes pertes de mémoire dues à une tumeur au cerveau. Les fonctions d'Ömer Güney au sein de la communauté kurde pro-PKK n’étaient sans doute pas assez importantes pour qu’il ait pu faire l’objet d’une enquête serrée de la part des Kurdes : il servait de traducteur occasionnel, il parlait un bon français car sa famille s’y était installée quand il avait 5 ans. Il pouvait aussi aider à remplir des formalités administratives, et Fidan Doğan lui demandait parfois de servir de « chauffeur » au besoin. Ce qui ne l’a pas empêché de se présenter aux policiers comme un « membre du PKK depuis deux ans ».

Murat Karayılan, qui dirige le PKK de Qandil a déclaré assez rapidement qu’on ne devenait pas membre du PKK aussi facilement, sans formation idéologique ou militaire, ce qui est vrai : il y a, à FEYKA comme dans le reste de ces associations pro-PKK, la masse des sympathisants ou militants de base, qui, hormis une participation aux manifestations, aux activités associatives, et à l’impôt révolutionnaire, ne sont pas tenus par les règles et les obligations propres aux « cadres » : ils se marient, ont des enfants, et ne partent pas se battre dans les montagnes ou ne vivent pas la vie monacale des cadres européens. Ils ne sont pas non plus impliquées dans les affaires les plus secrètes du parti mais, par contre, peuvent côtoyer facilement des hauts responsables, ces derniers n’observant pas de règles particulières de sécurité, hormis quand ils font l'objet de mandats d'arrêt européens: s’il y a purge interne, c’est plutôt dans les montagnes que ça se passe, et Sakine Cansız aurait très bien pu « disparaître » au Kurdistan d’Irak sans faire de vagues.  

Pour ce qui est de l’extrême-droite turque, elle ne semble pas avoir été très active et très meurtrière envers les Kurdes ces dernières années.

Selon Murat Karayılan, il s’agit d’un agent infiltré depuis deux ans et, répondant aux affirmations du gouvernement turc qui y voit confirmation de sa thèse (règlement de compte interne), il accuse l’AKP de vouloir éliminer les cadres européens, dans une coopération avec le Gladio turc, accusant les USA et l’Europe d’avoir voulu saboter le processus de paix amorcé à Imralı : « Ni l’Europe ni les U.S.A n’ont soutenu une solution au problème kurde, aucune de ces puissances n’a jamais fait le moindre effort pour parvenir à une solution via des négociations, alors qu’ils ont toujours pris parti pour une solution basée sur la violence .»

À la fin du mois de janvier, les révélations de la presse (qu’elle soit turque, internationale ou pro-PKK) se concentraient sur la vie et la personnalité d’Ömer Güney et son parcours. Les co-locataires qui avaient vécu un certain temps avec lui, en France ou en Allemagne, pays où il vivait après son mariage, en 2003, en font un personnage au comportement contradictoire ou changeant : vu comme un Turc nationaliste en Allemagne, il se présente comme sympathisant du PKK aux Kurdes d’Ile-de-France. Mais tous le décrivent comme un garçon plutôt gentil, pas bien malin, sans ennuis financiers, avec une fascination pour les armes et une garde-robe de près de 50 costumes, 4 ou 5 téléphones mobiles. En 2011, il divorce et revient en France. Des crises d’épilepsies font détecter une tumeur au cerveau pour laquelle il est soigné à Saint-Anne et lui font obtenir une pension d’invalidité.

Plus troublant, l’enquête va révéler qu’en 2012, il s’est rendu de nombreuses fois en Turquie, ce qu’il cachait aux Kurdes, parlant de visites chez sa sœur, en Normandie. Mais sa famille parle de séjours en Turquie pour des noces, ou bien pour se trouver une nouvelle épouse.

Témoignant de façon anonyme à l’agence FiratNews (pro-PKK), un de ses co-locataire en France raconte la façon dont il a appris les meurtres et les réactions de Güney : « Je n’ai rien observé d’anormal dans son comportement ce jour-là quand un ami m’a appelé vers 3 h 05 du matin pour me dire que nos trois camarades avaient été tuées. Sous le choc j’ai immédiatement réveillé mes co-locataires et leur a dit ce qui s’était passé. Il [Güney] a dit qu’il n’y croyait pas, qu’il les avaient vues saines et sauves le même jour. Cependant, il n’a pas dit ce qu’il avait fait avec elles au bureau ce jour-là .»

Se rendant plus tard avec le même co-locataire pour être interrogé par la police, il ne semblait pas inquiet et pensait visiblement être convoqué pour son témoignage ou des traductions, alors qu’il aurait eu tout le temps pour fuir entre le 9 à la mi-journée et l’aube du 10 janvier quand on a découvert les corps. 

L’arrestation et l’inculpation d’Ömer Güney déclenchent alors de multiples « révélations » dans la presse turque, de sources plus ou moins fiables, souvent reprises par les Kurdes. Ainsi le journal turc Akşam a-t-il publié celles de son oncle Zeki Güney, parlant de deux autres personnes ayant accompagné son neveu sur les lieux du crime, filmées par les caméra de surveillance, mais dont les images auraient été « escamotées » dans les fims saisis par la police (on se demande pourquoi). Zeki Güney affirme, de la même façon, sans que l’on puisse savoir d’où il peut tenir toutes ces affirmations (il est douteux que la police française, comme il le dit, lui a fait tant de confidences), qu’Ömer Güney mentionne lui aussi deux personnes avec lui et qu’il nie les meurtres, ce qui « met sa vie en danger ». Pour Zeki Güney, l’État français a trempé dans l‘exécution et la lumière ne sera jamais faite sur l’affaire, et son neveu finira probablement assassiné en détention. 

Du côté de la presse kurde, Yeni Özgür Politika (pro PKK) a publié les confessions de Murat Şahin, Kurde d’Elazığ se prétendant agent du MIT quand il a été arrêté en décembre 2011 dans une opération policière qui visait une organisation d’extrême-gauche. Assurant alors être un agent, il aurait été relâché une semaine plus tard et serait revenu en Suisse. Se sentant « exploité » par l’État qui, selon lui, l’employait, il aurait quitté les Renseignements turcs.

Ce personnage, dont on ne sait s’il est complètement ou un peu mythomane, affirme ainsi à Özgür Politika et à la chaîne Nûçe TV reconnaître Ömer Güney d’après une photographie qu’une agente du MIT lui aurait montré, indiquant qu’il s’agissait d’un des leurs, à Paris. Lui aussi insiste sur la thèse des « deux ou trois » agents qui devaient l’accompagner.

S’appuyant par ailleurs sur un article de Hürriyet daté du 19 octobre 2012,  Yeni Özgür Politika, mentionne une récompense de 4 millions de lires turques, que la Turquie avait prévu de verser pour l’exécution de 50 responsables du PKK, dont 20 cadres européens.

S'agit-il d'un règlement de compte interne au PKK pour des motifs politiques ? Douteux. D’abord parce que Sakine Cansız n’avait pas le profil d’une « opposante » à la ligne Öcalan, loin de là. De plus, même en cas de « friction » avec des membres du Conseil de présidence moins enclins à signer en blanc ce qui se négocie à Imralı, Sakine Cansız ne participait visiblement pas aux négociations, n’a jamais exercé de fonctions diplomatiques. Si sa personnalité était légendaire, c’était en raison de son passé « historique », car finalement peu de gens demeurent au sein du PKK parmi ceux qui ont participé à sa fondation, entre les épurations politiques et les dissidences, ou les morts au combat. Tuer Sakine Cansız ne pouvait faire capoter les négociations et c’est bien ce qui est arrivé. Malgré ces meurtres, le processus enclenché entre le MIT, Öcalan et Qandil n’a pas ralenti d’un pas.  Même si un de ses courants peut pencher pour l’alliance iranienne et être tenté, comme en 1999, de prendre des distances envers les positions d’Öcalan, ce n’était pas, là, les personnes à abattre. D'ailleurs personne, au PKK, ne connaît sans doute encore les nouvelles conditions d'Öcalan posées à la paix.

Ce qui, du coup, fait s’interroger sur la thèse « extrême-droite ». En admettant que des factions ultra-nationalistes hostiles à la négociation aient envisagé, comme cela avait été le cas pour Ergenekon, d’assassiner des personnalités politiques ou représentatives afin de susciter des troubles et d’embraser à nouveau la question kurde en Turquie, pourquoi se fatiguer à infiltrer le PKK en Europe afin de tuer une membre, certes respectée mais dont la mort ne changera rien à la politique du mouvement ? Pourquoi prendre la peine d’infiltrer pendant 2 ans le PKK afin de tuer, presque au hasard, un cadre européen, alors qu’il aurait été plus simple et sûrement plus efficace, pour lancer une vague d’émeutes en Turquie, d’assassiner un membre en vue du BDP, un député élu, un maire médiatique, un des dirigeants du parti… Il est probable que « l’exécution » d’un Ahmet Türk, d’un Osman Baydemir, ou de Selahattin Demirtaş, notamment au moment des élections, aurait causé une onde de choc plus forte en Turquie. Du temps de la sale guerre, le JITEM ne se fatiguait pas non plus à infiltrer l’Europe pour envenimer le conflit kurde : Akin Birdal, Murat Bozlak, Mehmet Sincar, tous trois criblés de balles (et le dernier, n’en réchappant pas), peuvent en témoigner. Il fut un temps où le HADEP faisait campagne sous les lancers de grenades…

Ce qui pose de même la question pour les deux États pointés comme ayant tout intérêt à enrayer la paix kurdo-turque : la Syrie et l’Iran. Certes, ils sont connus pour n’avoir jamais hésité à assassiner des opposants politiques à l’étranger, notamment les Kurdes. Mais, dans le cas, par exemple, de Ghassemlou assassiné à Vienne en 1989 ou de son successeur Sherefkandi tué à Berlin en 1991, par les Iraniens, il s’agissait de décapiter le Parti démocratique du Kurdistan en Iran en tuant ses deux leaders, et cela réussit assez bien. 

Il en va de même pour la Syrie, qui assassine plus aisément les Kurdes qui la gênent sur son territoire, comme Meshaal Temo et si des cadres du PYD ou du PKK prenaient soudain des décisions contrariant Damas, ce serait sur place que tout se réglerait. Dans les montagnes, il n’est pas si difficile d’infiltrer les unités armées.

Reste l’hypothèse « Recep Teyyip Erdoğan », qui a parlé tout d’abord de motif « crapuleux ». L’état d’urgence en Turquie qui donne de larges pouvoirs à l’armée ou aux préfets, la position des bases du PKK, entre Iran et Turquie, la collusion entre mafia et État, tout cela favorise un large trafic de drogue. La paix pourrait compromettre des intérêts financiers, ce qu’avait souligné, il y a quelques années, le journal Radikal. Mais si ce n’était pas la « paix » qui était visée, peut-il y avoir un autre motif à tuer Sakine Cansız ? Dans un cable diplomatique datant de 2007 et révélé par wikileaks, elle était désignée par les USA, avec Riza Altun, comme un des personnages-clef concernant le financement du PKK, son aremement et sa stratégie, ce qui était vrai, et correspondait à son profil de « loyale inconditionnelle » d’Öcalan et de personne au-dessus de tout soupçon concernant les détournements de fond ou la corruption, si faciles quand il s’agit de lever ou de transférer d’importantes sommes, toutes clandestines :

« Notre but immédiat est d’interdire au PKK d’utiliser les systèmes de transferts financiers et de transports aériens européens pour amener de l’argent de l’Europe vers le nord de l’Irak pour leurs opérations. Nous pouvons y parvenir en améliorant le partage des informations, en rendant plus attentif le contrôle aux aéroports et plus strict les déclarations de trésorerie. Nous devons aussi insister auprès des Européens pour qu’ils prennent des mesures contre les deux plus célèbres financiers du PKK/KGK (sic) en Europe, Sakine Cansız et Riza Altun. Riza Altun est connu pour être un financier des plus éminent du PKK. Il a échappé à son arrestation en France en juillet et les autorités autrichiennes lui ont permis de prendre un vol pour l’Irak, mais il a été vu récemment se déplacer en Europe. Sakine Cansiz est une financier et pourvoyeuse d’armes et une stratège tacticienne. Elle a été arrêtée en Allemagne mais libérée par un tribunal de Hambourg après 40 jours de détention et demeure en Europe. Leur ré-arrestation et leurs poursuites limiteraient l’activité du PKK et enverraient le signal que l’Europe n’est pas une zone libre pour la lever de fonds du PKK. »

Ce qui ressort de ces fuites c’est qu’effectivement, l’importance de Sakine Cansız tenait à ses fonctions de « bâilleuse de fond » et de pourvoyeuse en armes. Cet extrait a été bien sûr largement repris et commenté par des Kurdes qui vont vu même la main des USA dans les meurtres, via un Gladio turc. L’arrestation récente d’Adem Uzun, lui aussi accusé de trafic d‘armes montre que parfois, la France peut se laisser convaincre de ne pas fermer les yeux. Sauf qu’à aucun moment il n’est question d’éliminer les deux membres du PKK, seulement de les neutraliser derrière les barreaux. Et puis, en 2012, soit 6 ans après, les USA sentaient-ils la même urgence pour neutraliser le financement et l’armement du PKK ? 

S'il s'agit d'un acte solitaire, Omer Güney n'a pas le comportement d'un Ogün Samast revendiquant le meurtre de Hrant Dink : il nie les faits et se présente bel et bien comme du PKK. S'il s'agit d'un motif crapuleux, il avait tout le temps de fuir et de profiter du salaire de ses meurtres. 

Enfin, la personnalité de Sakine Cansız l'a faite désigner, d'emblée, comme cible principale, parce que tous y ont vu d'abord un acte politique. Mais si Ömer Güney est le seul meurtrier, est-on sûr qu'elle était effectivement visée en premier lieu, ou bien n'était-ce pas elle qui, avec Leyla Söylemez venue d'Allemagne, a payé seulement pour avoir été là ? Après tout, Fidan Doğan était la plus en contact avec Güney. Simplement, s'il était agi là encore d'un assassinat prémédité, le moment n'était pas le mieux choisi, en présence de deux autres témoins, combattantes de surcroît.

Pourrait-il s'agir d'un acte de folie, due à sa maladie ? C'est ce que son avocate met en avant au moins pour expliquer le trou de son emploi du temps. Son client est présenté comme susceptible d'être manipulé mais pas comme ayant le profil d'un agent ou d'un tueur professionnel. Cela peut être aussi un acte de vengeance privée, commis par un apprenti tueur pas bien malin mais qui avait l'avantage de la surprise pour lui. Il se peut que des expertises psychiatriques ou à tout le moins psychologiques, plus poussées en disent davantage sur la personnalité indécise d'Ömer Güney et sur ce qui s'est passé, le 9 janvier, entre 11 heures et 13 heures, si la mémoire lui revient…



Du processus d’İmralı au «processus de paix»…

À lire sur OVIPOT, par Jean Marcou :
Le 16 février dernier, Recep Tayyip Erdoğan a une fois de plus plaidé en faveur des pourparlers en cours visant à résoudre la question kurde et à mettre un terme à la guerre civile larvée qui a fait plus de 40 000 victimes dans le sud-est de la Turquie depuis 1984. En déplacement à Mardin, la ville dont est originaire le nouveau ministre de l’Intérieur, Muammar Güler, le premier ministre a notamment déclaré à l’adresse des Kurdes : «Nous en sommes arrivés à un moment où c’est maintenant à vous de parler. C’est à vous d’entrer dans le processus en cours. Nous attendons des avancées de votre part, particulièrement des mères. Nous nous attendons à ce que vous disiez ‘assez !’, en vous opposant à l’insidieux phénomène de la terreur.» Rappelant qu’il était «plus difficile de faire la paix que de faire la guerre», Recep Tayyip Erdoğan a appelé le PKK à abandonner la lutte armée.

samedi, février 16, 2013

Soirées Kurdes - Şevberka Kurdî



Dans le cadre des "Soirées Kurdes - Şevberka Kurdî " organisées par Ronahî - Association des Kurdes de Syrie à Paris, vous êtes invités à un premier concert de musique kurde avec : 

 Cîhan Xan (Chant) ; Ciwan Temo (Luth kurde - timbur);  Rezan Temo (Percussion - derbouka).

le Samedi 23 février 2013 à 20h00 

Salle voûtée du restaurant KIBELE 12 rue de l‘Échiquier - 75010 Paris M° Bonne Nouvelles ou Strasbourg-Saint-Denis 

 Prix d’entrée: 8€ Nombre de places limitées - 
Réservation obligatoire: aksf.paris@gmail.com - tél: 06 51 60 61 10

Où va la Turquie ?

Kurdistan & Diaspora kurde



KURDISTAN ET DIASPORA KURDE : 1983-2012

Colloque organisé par l'Institut kurde de Paris, Samedi 23 février 2013, de 9h à 17h, Salle Victor Hugo, 101 rue de l'Université, 75007 Paris.


Les années 1980 occupent une place sombre dans les annales historiques kurdes, tant elles sont déterminées par un phénomène massif de répression et de destruction exercées par les États à l’encontre de toute résistance kurde, armée ou pacifique, mais aussi des populations kurdes : au Kurdistan d’Iran, les folles journées révolutionnaires de 1978-1979 laissent place au jihad lancé par l’ayatollah Khomeiny contre la société kurde dans son ensemble, au Kurdistan d’Irak la destruction des campagnes va crescendo pour déboucher sur une politique génocidaire vers la fin de la décennie, et dans la Turquie des généraux la kurdicité elle-même est criminalisée, ou alors associée à une pathologie à soigner par une dose accrue de kémalisme et la torture. La fondation d’un Institut kurde à Paris, rendue possible à la suite d’une alternance politique en France, découle autant d’une urgence consistant à sauver la culture de ce peuple que tout semblait vouer à une destruction irréversible, que de la volonté de fédérer les intellectuels kurdes chassés par la répression politique, doublée d’une guerre atroce entre l’Iran et l’Irak qui fera près d’un millions de victimes. 
Trente ans après, alors que le Moyen-Orient passe par une nouvelle période marquée par la violence dans de nombreux pays, l’heure est au bilan. Il va cependant de soi que ce bilan ne saurait être exclusivement celui de l’Institut kurde ou de la diaspora qui a lourdement marqué l’évolution du Kurdistan depuis des décennies. Il importe en effet de prendre la mesure des transformations politiques considérables, se traduisant, notamment, mais pas exclusivement, par l’émergence d’une région fédérée kurde en Irak, ou de réfléchir aux conséquences socio-économiques de l’urbanisation rapide qu’a connue le Kurdistan dans sa totalité au cours des années 1980-2010, entraînant dans son sillage l’émergence d’une jeunesse désormais partiellement aux commandes, aux profils sociologiques radicalement différents de l’intelligentsia nationaliste des décennies 1950-1970. La prise en compte du fait générationnel dans l’histoire récente du Kurdistan est d’autant plus cruciale qu’une partie des figures qui avaient dominé les domaines politiques ou culturels, d’Abdul Rahman Ghassemlou, dirigeant du PDK-Iran, au cinéaste Yilmaz Güney, des poètes Cegerxwîn ou Hejar aux savants Noureddine Zaza ou Ismet Chériff Vanly, appartiennent désormais au Panthéon national kurde. Si dans les années 1980 encore, la diaspora restait le seul espace où un brassage pacifique entre les Kurdes de divers pays était possible, l’intégration interne, économique, mais aussi culturelle voire politique, du Kurdistan s’est largement accélérée dans les années 1990-2000 ; les frontières interétatiques, déjà fragilisées par les nouvelles technologies de communication, le sont désormais aussi par un mouvement des populations. Force est enfin de constater que les domaines linguistiques et culturels connaissent depuis une ou deux décennies un renouveau inédit dans l’histoire kurde ; en contraste avec la situation de 1983 où le mot « kurde » même faisait peur dans de nombreuses universités, les « études kurdes » en Europe et aux États-Unis connaissent également une véritable montée en puissance, des dizaines de thèses sur l’histoire et la société kurde étant soutenues chaque année. 
Le « présent » constitue toujours cet espace-temps invitant les contemporains à évaluer le passé et de se projeter dans un avenir encore indéterminé. Ce colloque, célébrant le 30ème anniversaire de la fondation de l’Institut kurde, se veut une réponse à cette double invitation.

Voir le programme – S'inscrire en ligne

vendredi, février 15, 2013

Ensemble Yahyazadeh




L'Ensemble Yahyazadeh donne un concert le 22 février à l'auditorium du musée Guimet. Au programme :

Musique du Mazanderan

Avec Ahmad Yahyazadeh (santour, daf), Javid Yahyazadeh (ney, chant), Abbas Yahyazadeh (tombak), Pouya Khoshravesh (kamanche, chant), Nima Khoshravesh (setar, chant), Mani Khoshravesh (ney) et Javad Salkhordeh (tombak, setar).


"Ahmad Yahyazadeh est né en 1979 dans le Mazandaran, au nord de l'Iran. Cette région, connue pour ses vastes espaces de verdure, s'étend entre les montagnes, les forêts et la mer Caspienne. Différentes ethnies comme les Turcs, les Mongols et les Kurdes côtoient la population originaire de la région. De cette grande diversité culturelle propre au Mazandaran est née une véritable richesse de traditions musicales. Grandissant dans cet environnement musical multi-ethnique, Ahmad Yahyazadeh commence l'apprentissage de la musique à l'âge de 5 ans au sein de sa propre famille, avec ses frères et notamment auprès de son oncle Abolhasan Khoshro, l’un des grands compositeurs de musique folklorique iranienne. D’abord formé à la musique classique persane avec le santour, il choisit ensuite de se consacrer aux percussions, avec le daf, le tombak et le neghareh, au conservatoire de Téhéran. 
L’ensemble Yahyazadeh, résolument familial et virtuose, vous entraînera dans un voyage au Mazandaran, en vous offrant une palette thématique autour des mélodies jouées dans les rizières, ou les fêtes telles que les mariages. A travers les mélodies et les instruments traditionnels, seront racontés et chantés tous les moments clefs de la vie de cette région du sud de la Mer Caspienne. Chants d’amour et de mariages, chants du vent dans les rizières, chants des bergers, chants du Nouvel An, chants de résistance aux attaques russes… C’est l’existence de tout un peuple qui s’inscrit dans ce récital. 
Pendant la Révolution islamique, la musique du Mazandaran s'est développée, pour tendre à devenir une musique contestataire. Abolhasan Khoshro a donc chanté Mashti, mélodie contre le nouveau régime iranien, dans laquelle une voix grave a été ajoutée, voix manquant jusqu'alors dans les mélodies traditionnelles. 
Musique de tradition certes, mais aussi musique en devenir. Une musique à l’état pur, le souffle de la vie…"

Réservation, tarifs et renseignements sur le site du musée Guimet

jeudi, février 14, 2013

Le Kurdistan d’Irak : une entité en construction

Tourments au "Petit Kurdistan"

Ghada Shbeir : Arabesques orientales






Vendredi 15 février à 20 h 30, Ghada Shbeir donne un récital (dont on va se dépêcher d'oublier le titre remarquable de kitscherie coconne) à l'auditorium de l'Institut du monde arabe à Paris :


Ghada Shbeir est spécialiste du chant arabo-andalou et, bien sûr, du chant sacré syriaque, culture d’un peuple chrétien au parler araméen établi d’Iran jusqu’en Syrie et au Liban. Mais elle chante tout aussi magistralement le mouwashah, cet art de douceur élaboré dans l’Andalousie arabe de la fin du xie siècle qui a pris plusieurs formes au fil du temps, aussi bien au Maghreb, où il s’intègre dans la nouba arabo-andalouse, qu’au Moyen-Orient, où il devient un moment intense du tarab, l’extase musicale. De transmission orale, cette culture exigeante est de moins en moins interprétée. Parcourant les scènes du monde, Ghada Shbeir fait revivre de son timbre ample et lumineux ses poésies d’amour courtois, d’enchantements féminins, de cour assidue. La chanteuse-chercheuse restitue aussi avec une sensibilité extrême une musique et des prières syriaques et maronites qui ont traversé les siècles, et dont elle a réuni un corpus d’un demi-millier de mélodies. Outre différents diplômes et diverses récompenses musicales, Ghada a remporté en 1997 le premier prix du Concours de la meilleure chanson arabe en Egypte – le pays qui règne sur la musique orientale depuis près d’un siècle ; un prix donc loin d’être anecdotique… Par sa lecture et son interprétation modernes, elle donne aux traditions arabes, qu’elles soient savantes, spirituelles ou profanes, une actualité bienvenue et bienheureuse.

Renseignements, tarifs, réservations, etc.

mardi, février 12, 2013

L'Étrangère

Mercredi 13 février à 20 h 50 sur ARTE, L'Étrangère, de Feo Aladağ (All., 2010).

Pour protéger son fils de son mari violent, Umay, une jeune femme turque d’origine allemande, quitte Istanbul et retourne vivre dans sa famille à Berlin. Mais les membres de sa famille, prisonniers des valeurs de leur communauté, ne l’accueillent pas comme elle l’espérait. Umay est obligée de fuir à nouveau pour épargner le déshonneur aux siens.

Iran : deux Kurdes, un Azéri menacés d'être exécutés


Amnesty a lancé le 17 janvier un appel pour sauver de l’exécution de deux prisonniers politiques kurdes,  Zanyar et Loghman Moradi, ainsi qu’un azéri de la religion des Yarsans ou Ahl-é Haqq, Yunes Aghayan.

Zanyar at Loghman Moradi sont actuellement détenus à la prison Raja’i Shahr, à Téhéran. Ils ont été arrêtés le 1er août pour Zanyar et le 17 octobre pour son cousin Loghman, à Mariwan, province du Kurdistan. Détenus pendant 9 mois, sans accusation, par le ministère des Renseignements, ils ont été transférés de plusieurs centres de détention, sans jamais voir un avocat. Ils ont finalement atterri à la prison d’Evin, à Téhéran, section 209 (sous contrôle des Renseignements).





En novembre 2009, la chaîne PRess TV, une chaîne officielle iranienne de langue anglaise,  annonçait finlement que quatre "terroristes" liés au gouvernement britannique avaient été arrêtés à Mariwan : Plusieurs religieux kurdes occupant des fonctions religieuses officielles au Kurdistan, mais sans être des personnages clefs, avaient été mystérieusement assassinés, sans que les revendications de pseudo-peshmergas kurdes aient été bien convaincantes. La plupart des Kurdes d'Iran y voyaient la main du régime afin de discréditer les groupes de résistances kurdes auprès de la population.



Le 22 décembre 2010, ils avaient été condamnés par la 15ème chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, comme moharebeh (ennemi de Dieu) et pour le meurtre du fils de l’imam de Mariwan, ainsi que  d'actions armées au sein du Komala et d'espionnage pour le compte de la Grande-Bretagne. 

Une semaine après leur procès, Zanyar et Loghman avaient été transférés à la prison de Raja’i Shahr. De là, ils ont raconté, dans une lettre publique, que tous leurs aveux leur avaient été extorqués sous la torture et des menaces de viol, comme le précise Zanyar Moradi : « Je n’ai avoué aucune des accusations jusqu’`a ce qu’ils me menacent de viol. Ils ont apporté une bouteille et m;ont dit que je devais avouer ou ils m’assiérait sur cette bouteille.»

S’exprimant au sujet de l’accusation de meurtre du fils d’un mollah de Mariwan,  Eqbal Moradi, le père de Zanyar, étale les irrégularités et l’aspect très artificiel de ce dossier : 

"Mon fils a été arrêté il y a 20 mois, et c’est seulement 17 mois après qu’il a été accusé de meurtre et de terrorisme. Mais tous les gens de Mariwan, et même la famille de la victime, savent bien que ce n’est pas Zanyar et quelques autres de ces jeunes qui ont fait cela. Tous les gens de Mariwan et même la famille de la victime savent que ces cas récents de meurtres ne sont rien d’autre que le fait du régime, et que cela n’a rien à voir avec ces jeunes."

De même, le père de Loghman Moradi, Osman Moradi a confirmé le caractère tardif des accusations : 

"Durant les 9 premiers mois qu’il était détenu par les services de renseignements, il n’y avait pas d’accusation de meurtre dans son dossier. Même plus tard, durant les 7 mois où il était en prison, on n’a jamais parlé de cela. Mais ils l’ont ramené au ministère du Renseignement une fois de plus et ils l’ont gardé 25 jours. Il a été torturé et maltraité à un point tel qu’il a reconnu le meurtre. Je veux dire qu’il l’a reconnu pour échapper à une telle situation. Il a fallu 17 mois pour obtenir de lui cette confession."

En janvier 2012, La Cour suprême a maintenu la sentence et un mois plus tard, l’ordre de son application a été envoyée au bureau compétent de la magisrature à Téhéran.

Un an plus tard, des informations ont circulé sur Internet que l’exécution des deux cousins pouvait être imminente. Amnesty International, qui suit ce dossier depuis plusieurs années,  a en effet eu connaissance que l’imam, père de la victime, et le procureur du Kurdistan, se seraient rendus ensemble à Téhéran, ce qui pourraient signifier que la peine de mort pourrait être prochainement appliquée.


Yunes Aghyan a été arrêté en novembre 2004, après des heurts entre des fidèles Ahl-e Haqq (Yarsans) et la police, où au moins 3 membres des forces de sécurité ont été tués quand des Yarsans avaient refusé de cesser d’entonner des slogans religieux dans leur ferme d’élevage. Yunes, ainsi que sa famille, a toujours nié être impliqué dans ces heurts, indiquant qu’il n’était qu’ouvrier là-bas. Durant sa détention préventive, il aurait été torturé et soumis à de mauvais traitements.
Jugé avec 4 autres Yarsans par la 2ème chambre du tribunal révolutionnaire de Mahabad, Yunes Aghyan a été condamné, avec Mehdi Qasemzadeh, à la peine cpaitale, en tant qu’ « ennemis de Die u», en janvier 2005. Ces sentences ont été confirmés par la COur suprême en avril 2005. Mehdi Qasemzadeh a été exécuté le 28 février 2009.

Trois autres Yarsans – Sehend Ali Mohammadi, Bakhshali Mohammadi et Ebadollah Qasemzadeh – avaient été aussi intialement condamnés à mort, mais leur peine a été commuée par la Cour suprême  en septembre 2009 et ils purgent à présent une peine de 13 ans de prison en exil intérieur dans la province de Yazd.

Les Yarsans ou Ahl-e Haqq, majoritairerment kurdes et, en nombre moindre, azéris, ne sont pas reconnus en tant que minorité religieuse et leurs rites, l’expression de leur foi et leurs pratiques sont interdits.

Yunes Aghayan a été transféré de la prison de Mahanad (Azerbaïdjan occidental) le 26 décembre 2012, pour être détenu en isolement dans la prison d’Ourmieh. Les transferts en isolement sont souvent, pour les condamnés qui attendent dans le couloir de la mort, le signe que leur exécution approche. Yunes Aghyan a entamé une grève de la faim totale (ni nourriture ni boisson) dès le premier jour de son arrivée à Ourmieh. Depuis, sans contact avec l’extérieur, la poursuite de cette grève et son état de santé demeurent inconnus.




Concert de soutien à l'Institut kurde