mercredi, janvier 25, 2012

Le pauvre, le Kurde et son chameau

Mesnewî, Livre II, 2ème histoire :

"Un pauvre obtint un droit d'entrée dans une prison, et commença d'importuner les prisonniers en mangeant toutes leurs victuailles et en ne leur laissant rien. À la fin, ils envoyèrent une plainte officiel au Cadi, le priant de bannir de la prison ce pauvre si avide. Le Cadi convoqua le pauvre et lui demanda pourquoi il n'allait pas dans sa propre demeure au lieu de vivre sur le dos de sprisonniers. Le pauvre répliqua qu'il n'avait ni demeure ni moyen de subsistance, en-dehors de ceux qu'il tirait de la prison. Alors le Cadi ordonna qu'il soit promené dans toute la ville, et que soit proclamée sa pauvreté, de sorte que personne ne soit tenté de lui prêter de l'argent ni de commercer avec lui. 

Les serviteurs cherchèrent alors un chameau pour le promener dessus dans toute la ville, et finalement, persuadèrent un Kurde qui vendait du bois de chauffe, de prêter son chameau pour l'occasion. Le Kurde y consentit, dans l'espoir d'une récompense, et le pauvre, que l'on fit assoir sur le chameau, fut promené à travers la ville, du matin jusqu'au soir ; et son état de pauvreté fut proclamé en persan, en arabe et en kurde. 

Quand vint le soir, le Kurde demanda une rétribution, mais le pauvre refusa de lui donner quoi que ce soit, lui faisant remarquer que s'il avait bien ouvert ses oreilles, il aurait entendu la proclamation. Ainsi, le Kurde fut réduit, par son avidité, à gaspiller une journée dans un labeur inutile.

L'œuvre de Satan dans le monde.

Le pauvre a dit : "Ton gain est ma subsistance;
Pour moi, comme aux étrangers, ta prison est un paradis.
Si tu me bannis de ta prison avec réprobation,
Je devrais mourir d'indigence et de chagrin."
Tout comme Iblis dit à Allah :"Aie compassion,
Seigneur ! Accorde-moi un sursis jusqu'au jour de la Résurrection;
Car dans cette prison qu'est le monde, je suis à mon aise,
Et je pourrais égorger les enfants de mes ennemis.
À celui qui a vraiment foi en la nourriture,
Et s'approvisionne ainsi de pain,
Je le lui déroberai, par fraude ou ruse,
De sorte qu'ils pousseront d'amers cris de regret.
Parfois je les menace de pauvreté,
Parfois j'aveugle leur regard avec des tresses et des grains de beauté."
Dans cette prison, se fait rare le pain de la vraie foi,
Et par les tromperies de ce chien, celui qui s'y trouve est perdu.
Malgré les prières et les jeûnes et les peines sans fin,
C'est souvent lui qui dévore notre pain.
En Allah, protégeons-nous de Satan !
Hélas ! nous périssons par son insolence.
Il n'y a qu'un chien, mais il prend mille apparences;
Toute place qu'il pénètre devient sienne;
En tout ce qui vous fait trembler, il réside, sachez-le,
Le Diable est caché par sa forme apparente,
Et quand il ne trouve aucune forme, il s'introduit dans vos pensées,
Pour les amener à vous faire pécher,
Pour que vos pensées engendrent destruction,
Quand, de temps en temps, de mauvaises pensées vous viennent à l'esprit.
Quelquefois des pensées de plaisirs,
Quelquefois d'affaires,
Quelquefois des pensées savantes,
Quelquefois des pensées de maison et de foyer,
Quelquefois des pensées de gains et de transactions,
Quelquefois des pensées de marchandises et de richesses,
Quelquefois des pensées d'argent, de femmes et d'enfants,
Quelquefois des pensées de sagesse ou de tristesse,
Quelquefois des pensées de beaux meubles et de linges fins,
Quelquefois des pensées de tapis, quelquefois de balais,
Quelquefois des pensées de moulins, de jardins et de villas,
Quelquefois de nuages et de brumes, de plaisanteries et de tours de jongleurs,
Quelquefois des pensées de paix et de guerre,
Quelquefois des pensées d'honneur et de disgrâce.
Ah ! Chasse de ton esprit ces vaines songeries,
Ah ! Balaie de ton cœur ces maléfiques suggestions.
Crie : "Il n'y a de pouvoir et de force qu'en Dieu !"
Pour détourner le Malin du monde et de ton âme.
C'est le véritable Bien-Aimé qui est cause de toute beauté apparente qui existe sur terre.
Tout ce qui est perçu par les sens, Il l'annule,
Mais Il affermit ce qui est caché aux sens.
L'amou de l'amoureux est visible, son Bien-Aimé est caché.
L'Ami est absent, la distraction qu'il nous cause, présente.
Renonce à ces affections envers les formes apparentes,
L'Amour ne dépend pas d'une forme apparente ni d'un visage.
Tout ce qui est aimé n'est pas forme vide,
Que votre aimé soit du ciel ou de la terre.
Quelle que soit la forme dont tu t'éprends,
Pourquoi l'abandonnez au moment où la vie l'abandonne?
La forme est toujours là ; d'où vient, alors, ce dégoût d'elle ?
Ah ! Amoureux, regarde bien ce qu'est en vérité ton amour :
Si un objet sensible est le bien-aimé,
Alors tous ceux qui ont gardé leur sens doivent encore l'aimer;
Et puisque l'amour augmente la constance,
Comment la constance pourrait-elle échouer, tandis que demeure la forme ?
Mais la vérité est que les rayons du soleil frappent le mur,
Et que le mur ne fait que refléter cette lumière empruntée.
Pourquoi donner ton cœur à de simples pierres, Simplet ?
Va ! Cherche la source de lumière qui éclaire tout !
Distingue bien l'aube véritable de la fausse,
Distingue la couleur du vin de celle de la coupe;
Ainsi, au lieu des nombreux yeux du caprice,
Un seul œil pourrait s'ouvrir, par la patience et la constance.
Alors tu verras les vraies couleurs et non les fausses,
Et de précieux joyaux au lieu de pierres.
Mais qu'est-ce qu'un joyau ? Non, tu seras un océan de perles;
Oui, un soleil qui mesure les cieux !
Le véritable artisan est caché dans son atelier,
Va dans cet atelier et vois-Le, face à face.
Dans la mesure où sur l'artisan, l'atelier a tiré son rideau,
Tu ne pourras Le voir hors de Son œuvre.
Car Son atelier est la demeure du Sage,
Quiconque le cherche en dehors reste ignorant de Lui.
Viens, alors, dans cet atelier, qui est le non-être,
Et tu pourras voir le Créateur et la création'
Qui a vu combien brille l'atelier
Voit combien l'extérieur de la boutique est obscur.
Pharaon le rebelle a tourné son visage vers l'être,
Et fut ainsi aveugle devant cet atelier.
Par la force il chercha à changer le décret divin,
Et espéra détourner son destin de cette porte,
Alors que l'ennemi se tenait en son propre corps;
Il est comme Pharaon et Moïse est son propre corps,
Celui qui court au-dehors en criant : "Où est mon adversaire ?"
Tandis que la convoitise réside chez lui, en son corps,
Il se mord le doigt, de dépit contre des étrangers."



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