mardi, janvier 24, 2012

Human Rights Watch : rapport pour l'année 2011




Human Rights Watch vient de sortir son Rapport 2011, dont voici les extraits concernant les Kurdes :
TURQUIE

Alors que le Parti de la justice et du développement (AKP) s'attache à promouvoir les intérêts régionaux de la Turquie en réponse aux mouvements pro-démocratie du Printemps arabe, les droits de l'homme ont subi des reculs à l'intérieur de ses frontières. Depuis 2005, les réformes en faveur des droits de l'homme ne sont plus la priorité du gouvernement, et les libertés d'expression et d'association sont attaquées par les procédures judiciaires en cours et les incarcérations de journalistes, d'écrivains et de centaines de militants politiques kurdes.  
Après avoir remporté un troisième mandat, avec 50% des votes, le 12 juin, aux élections législatives, le gouvernement AKP de Recep Tayyip Erdoğan a de nouveau promis de se livrer à une révision complète de la constitution de 1982. Réécrire la constitution en faveur des droits de l'homme est un sujet de débat récurrent depuis les législatives de 2007. "L'ouverture démocratique" du gouvernement, annoncée à l'été 2009, s'adressant aux droits de la minorité kurde en Turquie, n'a pas progressé. Des négociations préliminaires entre l'État et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), interdit, en vue de mettre fin au conflit, ont tourné court. Ce mois de juillet a vu une escalade de la violence, avec des attaques contre l'armée et la police, menées par le PKK, tandis que le gouvernement lançait, sur les bases du PKK, au Kurdistan d'Irak, les premiers bombardements depuis 2008. Parmi un nombre croissant d'attaques contre des civils, il y a eu, le 2 septembre, à Ankara, un attentat à la bombe par les Faucons de la Liberté du Kurdistan (TAK) – un groupe lié au PKK – qui a tué 3 personnes, et une attaque du PKK qui a tué quatre femmes dans un bus, à Siirt. La non-résolution de la question kurde demeure le plus grand obstacle au progrès des droits de l'homme en Turquie.

Liberté d'expression, d'association et de réunion
Alors que la dernière décennie a montré un élan, en Turquie, pour des débats plus ouverts sur des questions controversées, les lois, les procureurs, les juges et les politiciens turcs restent à la traîne. La définition trop large, en Turquie, du 'terrorisme' permet de lancer les accusations les plus sévères de terrorisme à l'encontre de personnes, même avec des preuves infimes de soutiens logistique ou matériel du terrorisme ou d'une implication dans la préméditation d'actions violentes. Les procureurs portent fréquemment plainte contre des individus pour des discours ou des écrits non-violents. Les politiciens poursuivent leurs détracteurs pour 'diffamation'. Les tribunaux rendent leur jugement sans prendre suffisamment en compte la protection de la liberté d'expression. Une révision complète de toutes les lois restreignant la liberté d'expression est toujours en souffrance.
En mars, deux journalistes, Ahmet Şık et Nedim Şener, , ont été arrêtés et emprisonnés, accusés de terrorisme, ainsi qu'en octobre, une universitaire, Büşra Ersanlı et un éditeur Ragip Zarakolu. Şık et Şener sont accusés de complicité avec l'organisation Ergenekon, une bande criminelle accusée de complot contre le gouvernement AKP. L'unique 'preuve' contre Şık et Şener est leurs écrits non-violent, et dans le cas de Şık, un manuscrit non publié. À la date de la rédaction de ce rapport, tous deux ont passé 8 mois en détention préventive, attendant leur procès en novembre.

[Le procès est actuellement en cours, depuis le 23 novembre, et les deux journalistes sont toujours en détention].

Ersanlı et Zarakolu seront jugés en 2012. Les deux sont accusés de liens avec l'Union des communautés du Kurdistan (KCK/TM), elle-même en lien avec la direction du PKK.  Ils ont été arrêtés dans une vague d'emprisonnements, qui a commencé en avril 2009 et s'est intensifiée en 2011,  dirigée contre le parti pro-kurde, Paix et démocratie (BDP), qui a pourtant une existence légale. Des centaines de personnes sont en détention préventive et des milliers font face à des procès pour terrorisme, après toute une série d'arrestations d'officiels et de membres du BDP (qui a obtenu 36 sièges aux législatives de juin 2011), toujours pour liens avec le KCK. 
Il y a peu d'avancée dans le procès majeur de 153 membres du KCK,  à Diyarbakir, dont 6 maires BDP et un défenseur des droits de l'homme, emprisonnés depuis 22 mois. Les accusés ont insisté pour mener leur défense en kurde, mais cela a été refusé par la cour. 
En août, le gouvernement a renoncé à un projet de filtrage Internet généralisé, mais environ 15 000 sites restent bloqués, soit pour 'contenu pornographique' soit pour contenu pro-kurde ou d'autres messages politiques, ce par décision à la fois de justice et du ministère des Télécommunications.

 Combattre l'impunité

L'augmentation des débats publics concernant le passé et l'émergence d'informations nouvelles sur des crimes antérieures sont des occasions de lancer des enquêtes judiciaires sur des abus de droits de l'homme, menés par l'État dans les années 1980 et 1990. Le gouvernement doit soutenir ce processus, et prendre des mesures pour réformer les défaillances de la justice pénale et renforcer les critères d'un procès équitable. Il reste de grands obstacles pour assurer la justice auprès des victimes d'abus policiers, ou de l'armée ou d'officiels de l'État.
L'exemple le plus significatif pour mener en justice les auteurs d'exécutions extra-judiciaires (agissant pour le compte de l'État), et les enlèvements, est le procès en cours se déroulant à Diyarbakir, impliquant un colonel en retraite, des gardiens de village et des informateurs, pour le meurtre de 20 personnes à Cizre (Şırnak), entre 1993 et 1995. En mars, l'ancien officier de police Ayhan Çarkın s'est exprimé publiquement pour la première fois et a ensuite témoigné devant un procureur sur son implication dans une opération spéciale menée par une unité ayant perpétré des assassinats politiques contre des Kurdes connus et des militants de gauche dans les années 1990. Çarkın a affirmé que l'unité avait agi par ordre du gouvernement et avec sa connivence. En juin, il a été à nouveau emprisonné dans l'attente de son procès, après avoir reconnu son implication dans quatre meurtres. L'enquête du procureur est en cours à la date de rédaction de ce rapport.
 En septembre, Mehmet Ağar—ancien chef de police, ancien ministre de l'intérieur et parlementaire –, que le témoignage de Çarkın a mis en cause a été condamné à 5 ans d eprison pour avoir formé une bande armée et criminelle, impliquant à la fois l'État et la mafia. Le procès d'Ağar confirme l;existence d'une collaboration entre l'État et la mafia,  déjà révélée après l'accident de voiture, survenu en 1996, près de Susurluk. Jusqu'en 2007 Ağar bénéficiait de l'immunité parlementaire. Il a fait appel de sa condamnation et reste en liberté.




IRAN



En octobre 2011, au moins 16 Kurdes atendaient dans les couloirs de la mort, la plupart d'entre eux condamnés pour atteinte à la sécurité nationale ou pour être des "ennemis de Dieu".
Les autorités exercent des discriminations envers des minorités musulmanes, dont les sunnites, qui forment 10% de la population, en entravant leurs participations politiques ou leur accès à l'emploi. Elles les empêchent aussi de construire des mosquées dans les villes principales. Ces dernières années, les sunnites ont été régulièrement empêchés, par des représentants de l'État, de se livrer à des prières séparées lors des fêtes religieuses, à Téhéran et d'autres grandes villes.
Le gouvernement a restreint les activités politiques et culturelles dans tout le pays, contre les Azéris, les Kurdes, les Arabes et les Baloutches, restriction qui inclut les organisations se consacrant à des questions sociales.
Les opérations militaires iranienne et turques au delà de la frontière, dans le Kurdistan irakien, contre les rebelles kurdes, commencées à la mi-juin, ont au moins tué 10 personnes, blessé une douzaine d'autres et déplacé des centaines de civils.


KURDISTAN D'IRAK

Des manifestations contre le gouvernement ont débuté le 17 février. À la date de rédaction de ce rapport, les forces de sécurités ont tué au moins 10 manifestants et blessé plus de 250 d'entre eux. Le 6 mars, des assaillants masqués ont attaqué des manifestants place Sara – centre des manifestations quotidiennes à Silêmanî – et mis le feu à leurs tentes, mais ils n'ont pu les déloger de la place. Le 18 avril, les forces de sécurité ont repris le contrôle de la place Sara pour empêcher d'autres manifestations. le 27 avril, le Gouvernement Régional du Kurdistan a publié un rapport de 19 pages qui établit que les forces de sécurité et les manifestants sont responsables des violences, et que les forces "n'étaient pas préparées à contrôler la situation".

Plus de 20 journalistes ayant couvert les manifestations au Kurdistan ont dit que les forces de sécurité et leurs agents les ont régulièrement menacés, arrêtés arbitrairement, battus et harcelés, ont confisqué ou détruit leur matériel. Après avoir mis fin aux manifestations quotidiennes de Silêmanî, les officiels du GRK et les forces de sécurité ont augmenté leurs pressions contre les journalistes, au moyen de poursuites pour diffamation, de coups, d'emprisonnement et de menaces de mort. Les menaces d'attaques et d'arrestations ont obligé des journalistes à se cacher.

Les mutilations génitales féminines (excision) sont pratiquées en majorité dans des zones kurdes du nord de l'Irak et plusieurs études officielles ou d'ONG estiment que la prévalence des excisions parmi les femmes et fillettes au Kurdistan est d'au moins 40%. Le 21 juin, le Parlement du Kurdistan a adopté une loi contre les violences familiales, qui comprend plusieurs dispositions rendant criminelles cette pratique, ainsi que les mariages forcés ou les mariages d'enfants, les abus verbaux, physiques et psychologiques des femmes et des jeunes filles.



SYRIE


Le gouvernement syrien, en pleine répression sanglante de la révolte,

a promulgué un certain nombre de réformes, dans une tentative infructueuse d'étouffer le mouvement protestataire, en levant l'état d'urgence, en votant une nouvelle loi sur les media, et en accordant la citoyenneté aux Kurdes apatrides. Mais à la date de la rédaction de ce rapport, la répression sanglante en cours montre la détermination du gouvernement à écraser la dissidence et à rejeter toute réforme qui pourrait diminuer son autorité.
Pour télécharger le rapport complet.

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Concert de soutien à l'Institut kurde