mardi, janvier 31, 2012

Hiner Saleem

Mercredi 1er février à 12 h 10 sur RFI : Hiner Saleem ; En sol majeur.

Syrie : Formation d'un Congrès national kurde


Longtemps divisés, les Kurdes de Syrie commencent à se regrouper et à débattre de leur projet politique pour l’avenir de la Syrie. Après plusieurs mois d’échanges et de discussions, la plupart des partis politiques kurdes de Syrie ont pu former un Conseil nationl kurde, appelé à représenter les Kurdes de Syrie sur les plans politiques et diplomatiques pour faire entendre leurs revendications et défendre leurs intérêts.

Dès sa formation, le Conseil a lancé une offensive diplomatique en Europe et au Proche-Orient. Le président du Conseil national des Kurdes de Syrie, Abdul Hakim Bashar s’est rendu à Paris fin janvier, après avoir été invité à Londres par le ministre des Affaires étrangères britannique. En France, il a pu rencontrer des responsables du ministère des Affaires étrangères français. Réondant à un journaliste du Nouvel Observateur, Abdul Hakim Bashar explique que son Conseil souhaite être considéré « avec les autres minorités, à égalité avec l'opposition arabe » et rechercher l’appui des gouvernements étrangers à cet effet. Les 15 et 16 janvier derniers, le Conseil national des Kurdes de Syrie a adressé officiellement cette demande au président du Conseil national syrien, Burhan Ghalioun. Questionné sur la relative modération des Kurdes dans les manifestations, le leader affirme au contraire, que toutes les régions kurdes organisent des manifestations, mais que les media arabes ne les filment pas. Les revendications du Conseil national des Kurdes de Syrie s’axent autour d’une Syrie décentralisée et laïque, comme l’explique Abdul Hakim Bashar : « Nous demandons une décentralisation politique car la Syrie est composée de différentes ethnies et religions. Bashar al-Assad a voulu nous monter les uns contre les autres en prétendant que s'il tombe, viendront alors des terroristes islamistes à sa place et d'ailleurs beaucoup l'ont cru. Nous, nous demandons la décentralisation car elle seule peut garantir les droits de toutes les communautés. Une décentralisation dans une Syrie unie. Les Alaouites, proches d'Assad craignent d'avoir de gros problèmes s'il est destitué. Mais avec la décentralisation, leurs droits aussi pourraient être préservés et si l'opposition nous suivait dans cette démarche, ils seraient rassurés. Nous demandons également un Etat laïc alors que l'opposition arabe demande un Etat civil. Or, un Etat civil ne garantit pas la laïcité. Des islamistes peuvent se revendiquer d'un Etat civil. »

Sur la question des revendications proprement kurdes, le CN KS demande : - la reconnaissance du peuple kurde dans la constitution syrienne, - l'annulation des lois et décrets racistes et discriminatoires à l'encontre des Kurdes, - le droit à l'autodétermination mais dans l'unité de la Syrie. Sur la question de la préservation de « l’unité syrienne » il s‘agit, comme pour les Kurdes d’Irak, d’accepter un état de fait imposée aux Kurdes, et de former une association arabo-kurde au sein d’un État décentralisé : « Pourquoi ? Quand la Syrie a été créée, cette unité a été faite par la force. Nous voulons accepter les frontières actuelles par libre choix. Nous sommes le deuxième peuple en Syrie, nous composons entre 15 et 20% de la population et nous voulons être un véritable associé dans le pays. Les Arabes doivent arrêter de dire "ça c'est bon ça c'est mauvais pour les Kurdes". Ce n'est pas à eux de décider de nos droits. Malheureusement, jusqu'à maintenant les négociations avec l'opposition arabe n'ont pas abouti. Ils disent qu'ils donneront plus après le changement mais cela nous inquiète. Nous pensons que si aujourd'hui ils ne nous donnent rien, ils ne nous donneront rien demain non plus et n'établiront pas non plus la démocratie. Si les Alaouites, les Druzes, les chrétiens ne sont pas vraiment dans la révolution syrienne c'est parce que l'opposition n'a pas pu les convaincre, n'a pas su les rassurer sur le fait que le changement de régime est dans leur intérêt. Deux choses vont les rassurer : la décentralisation et une vision politique claire qui montre que les communautés sont associées. Il ne faut pas que l'opposition syrienne distribue les droits mais il faut que tous soient associés, il faut que cette pensée de "nous sommes les dominants et nous vous distribuons des droits" soit écartée. »

Les 28 et 29 janvier, plus de 200 hommes politiques kurdes venus de tous les pays se sont réunis en conférence à Erbil, sur l’invitation du président de la Région du Kurdistan d’Irak, afin de débattre de la situation en Syrie et de s’entendre sur des objectifs communs. Parmi les leaders des partis kurdes syriens figuraient des personnalités indépendantes, et, bien sûr, les dirigeants de partis ayant rejoint le Conseil national syrien.

Les buts de cette conférence ont été annoncés par son président, Ali Shindin, sur le site Aknews : « Les leaders kurdes discuteront de la question kurde en Syrie, comment traiter avec l’opposition syrienne et comment instaurer les droits kurdes en Syrie. Les conclusions de la conférence seront soumises ultérieurement au groupe d’opposition du Conseil national syrien, de sorte qu’ils puissent traiter avec les Kurdes en fonction de leur présence et de leur poids, maintenant et dans le futur. »

Burhan Ghalioun, à la tête du Conseil national syrien, s’est d’ailleurs rendu à Erbil en début de mois pour y rencontrer Massoud Barzani, et apaiser les inquiétudes des Kurdes suscitées par la présence de mouvements arabes religieux au sein de l’opposition. Selon le journal Rudaw, le Syrien aurait assuré au président kurde ses intentions de garantir les droits de ses compatriotes en Syrie. Abdul-Bast Sayda, un Kurde membre du comité exécutif du Conseil national syrien, qui accompagnait Burhan Ghalioun lors de cette rencontre a assuré que l’attitude du président Barzani à l’égard du Conseil national syrien « aurait changé » après cette rencontre. Les Kurdes de Syrie se plaignent en effet de voir leurs revendications négligées ou mises de côté par l’opposition arabe et dix partis kurdes ont boycotté la réunion fondatrice du CNS, qui a eu lieu à Istanbul en septembre dernier, par méfiance ou hostilité à la Turquie. Les mouvements kurdes absents ont alors fondé leur propre Conseil national du Kurdistan mais dans l’ensemble, les partis kurdes de Syrie restent divisés sur l’adhésion au CNS. Abdul Bast Sayda milite lui même activement pour rallier le plus de Kurdes possible au CNS et souhaite une « unification des Conseils nationaux syrien et kurde », en envisageant une future rencontre à Erbil, ce qui permettrait d’ailleurs aux Kurdes d’Irak d’exercer une influence sur la question syrienne et l’opposition, au lieu de laisser le champ libre à la seule Turquie.

Mais lors de son discours à cette conférence, Massoud Barzani a affirmé que la Région du Kurdistan ne souhaitait pas « interférer dans les affaires des Kurdes de Syrie », mais qu’elle offrait une aide et un soutien à leurs décisions. « Mais, a ajouté le président, « à condition que vous restiez unis dans cette période sensible et que vous évitiez les conflits internes. La situation est importante pour nous car (la Syrie) est un pays voisin, nous avons une longue frontière avec elle, et plus de deux millions de Kurdes y vivent. C’est important de savoir quel sera son futur. » Le président kurde a poursuivi en disant que « l’époque de négation des Kurdes était révolue ».

S’ils n’étaient pas présents à la conférence d’Erbil, les dirigeants du Conseil national syrien ont cependant envoyé une déclaration en forme de mea culpa, qui a été lue, reconnaissant que « toutes les forces politiques en Syrie avaient nié les droits des Kurdes et que leurs soutiens n’avaient pas été ce qu’ils auraient dû être. » Le CNS a appelé à la reconnaissance du peuple kurde en tant que tel et à lui octroyer ses droits. Dans la déclaration finale, la violence des forces syriennes contre les manifestants a été dénoncée, et l’accent a été mis sur l’importance d’une coopération entre les Kurdes hors et dans le territoire syrien.

Malgré cela, les participants sont restés divisés sur plusieurs points, à commencer par la question d’une intervention militaire étrangère en Syrie. De même, Jawad Mella, le Secrétaire général du Congrès national kurde a appelé à la création d’un gouvernement autonome en Syrie, et s’est dit favorable à une intervention étrangère pour chasser Bashar Al Assad du pouvoir. « Une intervention internationale est la seule solution, parce que nous avons déjà connu l’expérience du régime de Saddam Hussein, qui ne serait jamais tombé sans une intervention extérieure. » a-t-il déclaré à l’AFP. « Le Baath syrien est de même nature que le Baath irakien, et rien ne pourra l’éliminer hormis une intervention extérieure. C’est la seule solution. »

Saadeddin Al-mulla, un dirigeant du parti Démocratie a par ailleurs fait remarquer que des interventions étrangères étaient actuellement déjà en cours en Syrie, celle de l’Iran qui soutient le régime, et celle de la Turquie qui soutient l’opposition. Ainsi, l’ONU pourrait utiliser le chapitre VIII de sa charte, qui prévoit toutes sortes de mesures, dont une intervention militaire, en cas de menace pour la paix ou d’agressions contre un pays.

Hamid Darwish, secrétaire du Parti kurde progressiste de Syrie, appuie lui aussi une demande auprès de l’ONU : « Si la Ligue arabe ne peut imposer ses solutions, le cas devra passer au Conseil de sécurité qui ne peut rester spectateur devant ce qui se passe dans ce pays. » Mais le Parti démocratique du Kurdistan a exprimé, lui, ses réticences à ce sujet, par la voix de son leader Abdul Hakim Bashar : « Il est trop tôt pour parler d’une intervention internationale, et je pense que nous devons chercher une solution nationale avant une pression internationale dans les domaines politique, économique, ceux des media ou de la diplomatie. »

Sur la question de l’auto-détermination des Kurdes syriens, le président du Conseil national des Kurdes de Syrie, Abdul Hakim Bashar, a répété ce qu’il avait dit à Paris sur la décentralisation dans une Syrie unie, et se dit favorable à un référendum sur cette question : « C’est au peuple kurde de décider ce qu'il veut, et son droit à l'autodétermination se fera dans le cadre de l'unité de la Syrie et sur le principe de la décentralisation. » Saad Adin Mullah, membre de l'Union patriotique du Kurdistan de Syrie, appuie lui aussi un referendum, dont les options seraient « décentralisation, autonomie ou fédéralisme ». Quant à Jawad Al Mulla, dirigeant du Congrès national kurde, il appuie un gouvernement (autonome) kurde en Syrie, plus à l’instar du Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak : « Mais comme pour le moment, la rue et les partis politiques ne sont pas d'accord entre eux, il vaut mieux laisser cette question pour après la chute du régime. Il y aura alors un referendum pour déterminer si les Kurdes veulent rester dans le cadre de la Syrie ou opter pour leur indépendance. » De son côté, Hamid Darwich, secrétaire du Parti progressiste kurde de Syrie, a rejeté le modèle d’une large autonomie, telle qu’elle s’applique au Kurdistan d’Irak : « Nous n'allons pas obtenir la même chose que les Kurdes irakiens car les circonstances sont différentes. Nous demandons que nos droits nationaux soient inscrits dans la Constitution et qu'ils soient approuvés par nos frères arabes. »

lundi, janvier 30, 2012

Une révolution oubliée : la révolution de 1908 dans l’Empire ottoman



Mardi 31 janvier de 18 h à 20h, conférence de François Georgeon, directeur de recherche émérite au CNRS (CETOBAC, EHESS) :


Une révolution oubliée : la révolution de 1908 dans l’Empire ottoman

Conférence publique organisée par l’IISMM/EHESS et le Collège de France dans le cadre du cycle : Révolutions dans le monde musulman, l’actualité au regard du passé.




Rejetée dans l’ombre par les réformes kémalistes de l’entre-deux-guerres, la révolution qui s’est produite en 1908 dans l’Empire ottoman est aujourd’hui oubliée : pour situer les révolutions arabes dans l’histoire, on a évoqué toutes sortes de révolutions du passé, sauf celle-là. Pourtant, cette révolution s’est produite dans un État musulman, elle a mis fin à un régime autoritaire et répressif d’une trentaine d’années, celui du sultan Abdülhamid, elle a provoqué sur le moment une immense « ivresse de la liberté », elle a instauré un régime parlementaire, elle a vu s’opposer milieux occidentalisés et milieux religieux et conservateurs, elle a accentué le conflit des générations et a jeté les bases de nouveaux rapports entre politique et religion. Elle offre ainsi une riche matière à réflexion pour aider à mieux comprendre le temps présent des révolutions arabes.

Entrée libre. EHESS, Amphithéâtre, 105 bd Raspail, 75006 Paris 







Présentation de l'éditeur 
Abdülhamid II (1876-1909) a-t-il été le dernier grand sultan, modernisateur de l'Empire ottoman, ou le despot sanguinaire dénoncé à l'époque comme le " sultan rouge " ? Né en 1842 au début des réformes des Tanzimat, monté sur le trône à trente-trois ans, il se retrouve à la tête d'un empire qui s'étend de l'Adriatique au golfe Persique et du Caucase à l'Afrique du Nord. Mais celui-ci est fragile, il est " l'homme malade de l'Europe ". Confronté dès son avènement à l'une des plus graves crises de l'histoire ottomane, le sultan ne peut éviter une lourde défaite face aux armées russes ni les graves amputations territoriales du traité de Berlin. Souverain d'un empire désormais moins étendu et affaibli, Abdülhamid met tout en œuvre pour le redresser. Reclus dans son palais de Yildiz, il établit un régime autocratique, modernise la bureaucratie, la justice, l'armée et l'enseignement. Jouant de sa qualité de calife, il s'appuie sur les musulmans des provinces, s'efforce de freiner les aspirations nationales des Albanais, des Arabes et des Kurdes. Prenant acte du recul dans les Balkans, il consolide la présence de l'État en Anatolie et au Proche-Orient. Cette politique se heurte à l'émergence du nationalisme arménien, aux pressions accrues de l'Europe, aux activités terroristes en Macédoine et, pour finir, à l'opposition des jeunes Turcs. La révolution de 1908 cantonne l'autocrate de Yildiz dans le rôle de monarque constitutionnel, avant de le déposer quelques mois plus tard. Sultan déchu, il s'éteint en 1918, l'année de la disparition de l'Empire. 

S'appuyant sur les recherches les plus récentes, François Georgeon éclaire la figure controversée d'un souverain qui voulait à tout prix sauver " l'homme malade " et rêvait de faire de son empire un État moderne et une grande puissanc musulmane 

Biographie de l'auteur : François Georgeon est directeur de recherche et responsable de l'équipe d'Études turques et ottomanes au CNRS. 
 Relié: 528 pages Editeur : Fayard (19 novembre 2003) Langue : Français ISBN-10: 2213599297 ISBN-13: 978-2213599298

samedi, janvier 28, 2012

IRAN : FORTES PRESSIONS POLICIÈRES SUR LES MEDIA ET LES SYNDICATS INDÉPENDANTS


Le 2 janvier, la bloggeuse Rojîn Mohemmedi a été relâchée de la prison d’Evin (Téhéran). Elle était détenue depuis le 23 novembre 2011, accusée de propagande contre le régime. Étudiante en médecine à Manille, elle avait été arrêtée dès son retour, à l’aéroport de Téhéran, et avait été mise au secret dans le carré 2A de la prison d’Evin, contrôlé par l’Armée des gardiens de la révolution islamique (IRGC).
Mais la pression, les intimidations, les arrestations et les jugements arbitraires se poursuivent en Iran, visant particulièrement des militants pacifistes, féministes ou pour les droits de l’homme, ou des bloggeurs.

Ronak Saffarzadeh est une militante féministe kurde, qui participe notamment à la campagne « Un million de signatures pour le retrait des lois discriminatoires envers les femmes ». Elle est aussi membre d’une association qui fait un travail d’éducation et d’alphabétisation des femmes kurdes dans leur langue maternelle, l’Azar Mehr Kurdish Women Society. Le 8 octobre 2008, elle a été arrêtée par les forces de sécurité, parce qu’elle distribuait des tracts qui réclamaient l’éducation en langue kurde et dénonçaient la pratique des « crimes d’honneur » à l’occasion de la Journée internationale de l’Enfance. Les autorités sont venues l’arrêter chez elle, en fouillant sa maison et confisquant ses affaires. Après un an et demi de détention, elle a finalement été condamnée à 6 ans et 7 mois de prison par le Premier Tribunal révolutionnaire de Sanandaj (Sine), le 13 avril 2009 mais a été disculpé du chef d’accusation « moharebeh », ou « ennemi de Dieu » qui lui aurait fait encourir la peine de mort. Elle a cependant été jugée coupable d’appartenance au PJAK et de « propagande contre le régime ». En août 2009, la cour d’appel a confirmé la sentence dans sa totalité et l’a envoyée à la prison centrale de Sanandaj, au milieu des droits communs et non de politiques, ce qui met sa vie en danger, Ronak Saffarzadeh ayant été agressée et blessée à plusieurs reprises.

Un autre militant des droits de l’homme, Muhammad Sediq Kaboudvand a été transféré à l’hôpital de la prison de la prison d’Evin où il est détenu depuis 5 ans. M. S. Kaboudvand a été arrêté en 2007 et condamné à 10 ans de prison pour « atteinte à la sécurité nationale » ayant fondé et dirigé la Défense de l’organisation des droits de l’Homme du Kurdistan, et était aussi le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Payam-e Mardom, magazine bilingue en persan et kurde, qui traitait de questions politiques, sociales et culturelles. Il avait écopé d’une peine supplémentaire d’un an pour « propagande contre la République islamique ». Son épouse, interviewée par le journal Zamaneh a indiqué qu’en 54 mois, aucune permission ne lui avait été accordée et que durant 2 ans, toute visite individuelle lui était interdite. Muhammad Sediq Kaboudvand est en mauvaise condition physique, ce qui nécessite des interventions chirurgicales, à la fois du cœur et de la prostate.

La Cour suprême a par ailleurs confirmé la peine de mort de deux prisonniers politiques kurdes, selon des sources locales relayées par la Campagne internationale pour les droits de l’Homme en Iran. Le 22 décembre 2010, Zanyar Moradi et Loghman Moradi, détenus à la prison Rajaee Shahr de Mariwan, avaient été condamnés par la 15ème chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, en tant que moharebeh (ennemi de Dieu) et pour le meurtre du fils de l’imam de Mariwan.

Ayant pu s’entretenir brièvement avec sa famille, par téléphone, Loghman Moradi a confirmé ce verdict, en ajoutant que puisqu’il ne lui a été signifié qu’oralement et non par écrit, il espérait encore en une tentative d’intimidation. L’avocat des deux prisonniers a exprimé lui aussi sa surprise en apprenant ces condamnations.

Loghman Moradi et Zanyar Moradi avaient auparavant déclaré dans des lettres qu’ils ont pu adresser à l’extérieur, que tous leurs aveux avaient été extorqués sous la torture. S’exprimant au sujet de l’accusation de meurtre du fils d’un mollah de Mariwan, le père de Zanyar étale les irrégularités et l’aspect très artificiel de ce dossier : « Mon fils a été arrêté il y a 20 mois, et c’est seulement 17 mois après qu’il a été accusé de meurtre et de terrorisme. Mais tous les gens de Mariwan, et même la famille de la victime, savent bien que ce n’est pas Zanyar et quelques autres de ces jeunes qui ont fait cela. Tous les gens de Mariwan et même la famille de la victime savent que ces cas récents de meurtres ne sont rien d’autre que le fait du régime, et que cela n’a rien à voir avec ces jeunes. »

De même, le père de Loghman Moradi, Osman Moradi a confirmé le caractère tardif des accusations : « Durant les 9 premiers mois qu’il était détenu par les services de renseignements, il n’y avait pas d’accusation de meurtre dans son dossier. Même plus tard, durant les 7 mois où il était en prison, on n’a jamais parlé de cela. Mais ils l’ont ramené au ministère du Renseignement une fois de plus et ils l’ont gardé 25 jours. Il a été torturé et maltraité à un point tel qu’il a reconnu le meurtre. Je veux dire qu’il l’a reconnu pour échapper à une telle situation. Il a fallu 17 mois pour obtenir de lui cette confession. »
De façon générale, toute forme d’opposition ou de protestation, qu’elle soit politique ou sociale, encourt les foudres du régime qui ne faiblit pas dans le durcissement de sa répression. Les régions kurdes, comme toutes celles abritant de fortes minorités ethniques, sont particulièrement visées. Ainsi, Human Rights Watch a dénoncé, le 31 janvier l’arrestation de plusieurs dizaines de syndicalistes à Téhéran, dans la province de Kurdistan et dans la ville de Tabriz. « Les syndicats indépendants ont joué un rôle clef dans la protection des travailleurs, sous la présidence de Mahmoud Ahmadinjad » explique Joe Stork, responsable du département Moyen-Orent à HRW. « Ces récentes arrestations sont dans la continuité d’une longue et répugnante tradition qui prend pour cible ces syndicats indépendants pour assurer un total contrôle de l’État sur ces groupes. »

Toute contestation de cette répression entraîne d’autres mesures judiciaires. Ainsi, un éminent militant syndical de Sine (Sanandadj, Kurdistan) a été arrêté ainsi qu’un dirigeant de l’Union des travailleurs libres d’Iran. Ce dernier a été arrêté après qu’il se soit rendu au bureau du procureur de Sanandadj pour s’enquérir du sort de deux autres syndicalistes arrêtés en début de mois.

vendredi, janvier 27, 2012

Dengbêj Baqî Xido



Baqî Xido est né en 1920, dans la ville de Kobanî (auj. Kurdistan de Syrie). Ce fut un célèbre dengbêj de la plaine d'Urfa (Sîrûc), dont les enregistrements et plus tard les cassettes se distribuaient et s'écoutaient, surtout dans les région d'Urfa, de Cizîr, de Dîlok (Gaziantepe). Malgré cela, sa vie fut difficile et il vécut dans une grande pauvreté. Il tomba malade en 1995 et perdit alors sa voix. Une de ses dernières apparitions fut sur les plateaux de MED-TV, où malgré le voile de  sa voix, la justesse de son phrasé et de ses notes charment encore. Il mourut le 7 février 2009.





jeudi, janvier 26, 2012

Crise syrienne : enjeux et perspectives



Vendredi 3 février 2012, de 10 h à 18 h 30, à l'Assemblée nationale, salle Victor Hugo, 101 rue de l'Université, 75007 - Paris.

Colloque international : Crise syrienne – Enjeux et perspectives
organisé par l'Institut kurde de Paris


"La répression sanglante qui sévit en Syrie depuis de longs mois révèle la nature milicienne du clan Assad au pouvoir depuis 1970. Trente ans après les massacres de Hama, le pouvoir syrien se particularise de nouveau par sa guerre contre sa société, comme l’avait analysé Michel Seurat (1947-1986), autre victime du régime Assad. La destruction de l’espace urbain, de Deraa à Homs, en passant par les zones désertiques ou les côtes, va de pair par la volonté affichée de Damas de déstabiliser deux pays fragiles de la région, l’Irak et le Liban. 
Le colloque organisé par l’Institut kurde sur la Syrie part de l’urgence de s’interroger autant sur les ressorts de survie d’un régime aux abois que sur les dynamiques de résistance d’une société menacée dans son existence même. 
Quels sont les acteurs d’une contestation surtout provinciale qui change pourtant la « carte politique » du pays dans son ensemble ? 
Quelles sont les chances des instances politiques de l’opposition syrienne qui se structure depuis l’exil ? 
Quel rôle les courants politiques, islamiste, libéral ou de gauche, jouent-ils dans l’espace politique dissidente ? Dans quelle mesure la donne confessionnelle participe-t-elle de la répression ou de la contestation ? 
Quelles marges de manœuvre disposent les minorités chrétiennes du pays ? 
Quelle place les acteurs kurdes occupent-ils dans la résistance ? Comment analyser le poids des « grands États » de la région (l’Arabie saoudite, l’Iran et la Turquie) dans l’évolution de la crise syrienne ? 
Telles sont quelques-unes des questions auxquelles les spécialistes de la Syrie et des personnalités syriennes réunis pour l’occasion tenteront de répondre."



9h30 : Accueil des invités 
10h00 : Mot de bienvenue et présentation du colloque par Mme Seve Izouli, Institut kurde de Paris.

10h10-11h30: 1ère Table ronde : Dynamiques de la contestation et ressorts de survie du régime – Modérateur : Joyce Blau, professeur émérite des universités, Paris.

Intervenants : Samuel Forey, journaliste, Le Caire ; Jordi Tejel Gorgas, professeur-chercheur, Institut des hautes études internationales, Genève ; Kamiran Haj Hebdo, membre du Conseil national kurde syrien ; Calé Saleh, International Crisis Group, Le Caire.



11h30-12h45 : 2ème Table ronde : Enjeux internationaux – Modérateur : Jonathan Randal, ancien correspondant de Washington Post, Paris.
 Intervenants : Dr. Sadedin Mela, membre du Conseil national kurde syrien ; Ahmad Salamatian, ancien député iranien ; Antoine Sfeir, directeur des Cahiers d'Orient, Paris. 

13h00-14h30 : pause déjeuner.

15h00-16h30 : 3ème Table ronde : Enjeux régionaux et internationaux – Modérateur : Kendal NEZAN, président de l'Institut kurde de Paris.

Intervenants : Joseph Bahout, professeur à l'Institut d'études politiques, Paris ; Henri Barkey, professeur à l'Université de Leigh, USA (*) ;  Alain GRESH, directeur-adjoint du Monde Diplomatique ; Dr. Fuad HUSSEIN, directeur du Cabinet du Président du Kurdistan d'Irak ;  un représentant du ministère français des Affaires étrangères.

16h30-18h30 : 4ème Table ronde : Quel avenir pour la Syrie ? – Modérateur : Marc Kravetz, journaliste à France Culture.
Intervenants : Enes Abdah, président du parti Justice et développement, membre du Secrétariat général du Conseil national syrien ; Abdulahad Astepho, président de l'Organisation démocratique assyrienne, membre du Bureau exécutif du Conseil national syrien ; Burhan Ghalioun, président du Conseil national syrien (*) ; Kamiran Hajo, membre du Conseil national kurde syrien ; Zuhat Kubani, responsable du parti de l'Unité démocratique (PYD) en Europe ; Haytham Manna, président du Comité de coordination de la révolution syrienne.

 18h30 : Discours de clôture.
 (*) non confirmé.

mercredi, janvier 25, 2012

Le pauvre, le Kurde et son chameau

Mesnewî, Livre II, 2ème histoire :

"Un pauvre obtint un droit d'entrée dans une prison, et commença d'importuner les prisonniers en mangeant toutes leurs victuailles et en ne leur laissant rien. À la fin, ils envoyèrent une plainte officiel au Cadi, le priant de bannir de la prison ce pauvre si avide. Le Cadi convoqua le pauvre et lui demanda pourquoi il n'allait pas dans sa propre demeure au lieu de vivre sur le dos de sprisonniers. Le pauvre répliqua qu'il n'avait ni demeure ni moyen de subsistance, en-dehors de ceux qu'il tirait de la prison. Alors le Cadi ordonna qu'il soit promené dans toute la ville, et que soit proclamée sa pauvreté, de sorte que personne ne soit tenté de lui prêter de l'argent ni de commercer avec lui. 

Les serviteurs cherchèrent alors un chameau pour le promener dessus dans toute la ville, et finalement, persuadèrent un Kurde qui vendait du bois de chauffe, de prêter son chameau pour l'occasion. Le Kurde y consentit, dans l'espoir d'une récompense, et le pauvre, que l'on fit assoir sur le chameau, fut promené à travers la ville, du matin jusqu'au soir ; et son état de pauvreté fut proclamé en persan, en arabe et en kurde. 

Quand vint le soir, le Kurde demanda une rétribution, mais le pauvre refusa de lui donner quoi que ce soit, lui faisant remarquer que s'il avait bien ouvert ses oreilles, il aurait entendu la proclamation. Ainsi, le Kurde fut réduit, par son avidité, à gaspiller une journée dans un labeur inutile.

L'œuvre de Satan dans le monde.

Le pauvre a dit : "Ton gain est ma subsistance;
Pour moi, comme aux étrangers, ta prison est un paradis.
Si tu me bannis de ta prison avec réprobation,
Je devrais mourir d'indigence et de chagrin."
Tout comme Iblis dit à Allah :"Aie compassion,
Seigneur ! Accorde-moi un sursis jusqu'au jour de la Résurrection;
Car dans cette prison qu'est le monde, je suis à mon aise,
Et je pourrais égorger les enfants de mes ennemis.
À celui qui a vraiment foi en la nourriture,
Et s'approvisionne ainsi de pain,
Je le lui déroberai, par fraude ou ruse,
De sorte qu'ils pousseront d'amers cris de regret.
Parfois je les menace de pauvreté,
Parfois j'aveugle leur regard avec des tresses et des grains de beauté."
Dans cette prison, se fait rare le pain de la vraie foi,
Et par les tromperies de ce chien, celui qui s'y trouve est perdu.
Malgré les prières et les jeûnes et les peines sans fin,
C'est souvent lui qui dévore notre pain.
En Allah, protégeons-nous de Satan !
Hélas ! nous périssons par son insolence.
Il n'y a qu'un chien, mais il prend mille apparences;
Toute place qu'il pénètre devient sienne;
En tout ce qui vous fait trembler, il réside, sachez-le,
Le Diable est caché par sa forme apparente,
Et quand il ne trouve aucune forme, il s'introduit dans vos pensées,
Pour les amener à vous faire pécher,
Pour que vos pensées engendrent destruction,
Quand, de temps en temps, de mauvaises pensées vous viennent à l'esprit.
Quelquefois des pensées de plaisirs,
Quelquefois d'affaires,
Quelquefois des pensées savantes,
Quelquefois des pensées de maison et de foyer,
Quelquefois des pensées de gains et de transactions,
Quelquefois des pensées de marchandises et de richesses,
Quelquefois des pensées d'argent, de femmes et d'enfants,
Quelquefois des pensées de sagesse ou de tristesse,
Quelquefois des pensées de beaux meubles et de linges fins,
Quelquefois des pensées de tapis, quelquefois de balais,
Quelquefois des pensées de moulins, de jardins et de villas,
Quelquefois de nuages et de brumes, de plaisanteries et de tours de jongleurs,
Quelquefois des pensées de paix et de guerre,
Quelquefois des pensées d'honneur et de disgrâce.
Ah ! Chasse de ton esprit ces vaines songeries,
Ah ! Balaie de ton cœur ces maléfiques suggestions.
Crie : "Il n'y a de pouvoir et de force qu'en Dieu !"
Pour détourner le Malin du monde et de ton âme.
C'est le véritable Bien-Aimé qui est cause de toute beauté apparente qui existe sur terre.
Tout ce qui est perçu par les sens, Il l'annule,
Mais Il affermit ce qui est caché aux sens.
L'amou de l'amoureux est visible, son Bien-Aimé est caché.
L'Ami est absent, la distraction qu'il nous cause, présente.
Renonce à ces affections envers les formes apparentes,
L'Amour ne dépend pas d'une forme apparente ni d'un visage.
Tout ce qui est aimé n'est pas forme vide,
Que votre aimé soit du ciel ou de la terre.
Quelle que soit la forme dont tu t'éprends,
Pourquoi l'abandonnez au moment où la vie l'abandonne?
La forme est toujours là ; d'où vient, alors, ce dégoût d'elle ?
Ah ! Amoureux, regarde bien ce qu'est en vérité ton amour :
Si un objet sensible est le bien-aimé,
Alors tous ceux qui ont gardé leur sens doivent encore l'aimer;
Et puisque l'amour augmente la constance,
Comment la constance pourrait-elle échouer, tandis que demeure la forme ?
Mais la vérité est que les rayons du soleil frappent le mur,
Et que le mur ne fait que refléter cette lumière empruntée.
Pourquoi donner ton cœur à de simples pierres, Simplet ?
Va ! Cherche la source de lumière qui éclaire tout !
Distingue bien l'aube véritable de la fausse,
Distingue la couleur du vin de celle de la coupe;
Ainsi, au lieu des nombreux yeux du caprice,
Un seul œil pourrait s'ouvrir, par la patience et la constance.
Alors tu verras les vraies couleurs et non les fausses,
Et de précieux joyaux au lieu de pierres.
Mais qu'est-ce qu'un joyau ? Non, tu seras un océan de perles;
Oui, un soleil qui mesure les cieux !
Le véritable artisan est caché dans son atelier,
Va dans cet atelier et vois-Le, face à face.
Dans la mesure où sur l'artisan, l'atelier a tiré son rideau,
Tu ne pourras Le voir hors de Son œuvre.
Car Son atelier est la demeure du Sage,
Quiconque le cherche en dehors reste ignorant de Lui.
Viens, alors, dans cet atelier, qui est le non-être,
Et tu pourras voir le Créateur et la création'
Qui a vu combien brille l'atelier
Voit combien l'extérieur de la boutique est obscur.
Pharaon le rebelle a tourné son visage vers l'être,
Et fut ainsi aveugle devant cet atelier.
Par la force il chercha à changer le décret divin,
Et espéra détourner son destin de cette porte,
Alors que l'ennemi se tenait en son propre corps;
Il est comme Pharaon et Moïse est son propre corps,
Celui qui court au-dehors en criant : "Où est mon adversaire ?"
Tandis que la convoitise réside chez lui, en son corps,
Il se mord le doigt, de dépit contre des étrangers."



mardi, janvier 24, 2012

Valse avec Bachir



Mercredi 25 janvier à 22 h 10 sur ARTE : Valse avec Bachir, d'Ari Folman (2008) :


Synopsis : Valse avec Bachir est un film autobiographique. Ari Folman, metteur en scène israélien, a rendez-vous en pleine nuit dans un bar avec un ami en proie à des cauchemars récurrents, au cours desquels il se retrouve systématiquement pourchassé par une meute de 26 chiens. 26, exactement le nombre de chiens qu'il a dû tuer au cours de la guerre du Liban, au début des années 80 ! Le lendemain, Ari, pour la première fois, retrouve un souvenir de cette période de sa vie. Une image muette, lancinante : lui-même, jeune soldat, se baigne devant Beyrouth avec deux camarades. Il éprouve alors un besoin vital de découvrir la vérité à propos de cette fraction d'Histoire et de lui-même et décide, pour y parvenir, d'aller interviewer à travers le monde quelques-uns de ses anciens compagnons d'armes. Plus Ari s'enfoncera à l'intérieur de sa mémoire, plus les images oubliées referont surface.



Persepolis

Mercredi 25 janvier à 20 h 35 sur ARTE : Persepolis, de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (2007).

Synopsis : Téhéran 1978 : Marjane, huit ans, songe à l'avenir et se rêve en prophète sauvant le monde. Choyée par des parents modernes et cultivés, particulièrement liée à sa grand-mère, elle suit avec exaltation les évènements qui vont mener à la révolution et provoquer la chute du régime du Chah. Avec l'instauration de la République islamique débute le temps des "commissaires de la révolution" qui contrôlent tenues et comportements. Marjane qui doit porter le voile, se rêve désormais en révolutionnaire. Bientôt, la guerre contre l'Irak entraîne bombardements, privations, et disparitions de proches. La répression intérieure devient chaque jour plus sévère. Dans un contexte de plus en plus pénible, sa langue bien pendue et ses positions rebelles deviennent problématiques. Ses parents décident alors de l'envoyer en Autriche pour la protéger. A Vienne, Marjane vit à quatorze ans sa deuxième révolution : l'adolescence, la liberté, les vertiges de l'amour mais aussi l'exil, la solitude et la différence.



Human Rights Watch : rapport pour l'année 2011




Human Rights Watch vient de sortir son Rapport 2011, dont voici les extraits concernant les Kurdes :
TURQUIE

Alors que le Parti de la justice et du développement (AKP) s'attache à promouvoir les intérêts régionaux de la Turquie en réponse aux mouvements pro-démocratie du Printemps arabe, les droits de l'homme ont subi des reculs à l'intérieur de ses frontières. Depuis 2005, les réformes en faveur des droits de l'homme ne sont plus la priorité du gouvernement, et les libertés d'expression et d'association sont attaquées par les procédures judiciaires en cours et les incarcérations de journalistes, d'écrivains et de centaines de militants politiques kurdes.  
Après avoir remporté un troisième mandat, avec 50% des votes, le 12 juin, aux élections législatives, le gouvernement AKP de Recep Tayyip Erdoğan a de nouveau promis de se livrer à une révision complète de la constitution de 1982. Réécrire la constitution en faveur des droits de l'homme est un sujet de débat récurrent depuis les législatives de 2007. "L'ouverture démocratique" du gouvernement, annoncée à l'été 2009, s'adressant aux droits de la minorité kurde en Turquie, n'a pas progressé. Des négociations préliminaires entre l'État et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), interdit, en vue de mettre fin au conflit, ont tourné court. Ce mois de juillet a vu une escalade de la violence, avec des attaques contre l'armée et la police, menées par le PKK, tandis que le gouvernement lançait, sur les bases du PKK, au Kurdistan d'Irak, les premiers bombardements depuis 2008. Parmi un nombre croissant d'attaques contre des civils, il y a eu, le 2 septembre, à Ankara, un attentat à la bombe par les Faucons de la Liberté du Kurdistan (TAK) – un groupe lié au PKK – qui a tué 3 personnes, et une attaque du PKK qui a tué quatre femmes dans un bus, à Siirt. La non-résolution de la question kurde demeure le plus grand obstacle au progrès des droits de l'homme en Turquie.

Liberté d'expression, d'association et de réunion
Alors que la dernière décennie a montré un élan, en Turquie, pour des débats plus ouverts sur des questions controversées, les lois, les procureurs, les juges et les politiciens turcs restent à la traîne. La définition trop large, en Turquie, du 'terrorisme' permet de lancer les accusations les plus sévères de terrorisme à l'encontre de personnes, même avec des preuves infimes de soutiens logistique ou matériel du terrorisme ou d'une implication dans la préméditation d'actions violentes. Les procureurs portent fréquemment plainte contre des individus pour des discours ou des écrits non-violents. Les politiciens poursuivent leurs détracteurs pour 'diffamation'. Les tribunaux rendent leur jugement sans prendre suffisamment en compte la protection de la liberté d'expression. Une révision complète de toutes les lois restreignant la liberté d'expression est toujours en souffrance.
En mars, deux journalistes, Ahmet Şık et Nedim Şener, , ont été arrêtés et emprisonnés, accusés de terrorisme, ainsi qu'en octobre, une universitaire, Büşra Ersanlı et un éditeur Ragip Zarakolu. Şık et Şener sont accusés de complicité avec l'organisation Ergenekon, une bande criminelle accusée de complot contre le gouvernement AKP. L'unique 'preuve' contre Şık et Şener est leurs écrits non-violent, et dans le cas de Şık, un manuscrit non publié. À la date de la rédaction de ce rapport, tous deux ont passé 8 mois en détention préventive, attendant leur procès en novembre.

[Le procès est actuellement en cours, depuis le 23 novembre, et les deux journalistes sont toujours en détention].

Ersanlı et Zarakolu seront jugés en 2012. Les deux sont accusés de liens avec l'Union des communautés du Kurdistan (KCK/TM), elle-même en lien avec la direction du PKK.  Ils ont été arrêtés dans une vague d'emprisonnements, qui a commencé en avril 2009 et s'est intensifiée en 2011,  dirigée contre le parti pro-kurde, Paix et démocratie (BDP), qui a pourtant une existence légale. Des centaines de personnes sont en détention préventive et des milliers font face à des procès pour terrorisme, après toute une série d'arrestations d'officiels et de membres du BDP (qui a obtenu 36 sièges aux législatives de juin 2011), toujours pour liens avec le KCK. 
Il y a peu d'avancée dans le procès majeur de 153 membres du KCK,  à Diyarbakir, dont 6 maires BDP et un défenseur des droits de l'homme, emprisonnés depuis 22 mois. Les accusés ont insisté pour mener leur défense en kurde, mais cela a été refusé par la cour. 
En août, le gouvernement a renoncé à un projet de filtrage Internet généralisé, mais environ 15 000 sites restent bloqués, soit pour 'contenu pornographique' soit pour contenu pro-kurde ou d'autres messages politiques, ce par décision à la fois de justice et du ministère des Télécommunications.

 Combattre l'impunité

L'augmentation des débats publics concernant le passé et l'émergence d'informations nouvelles sur des crimes antérieures sont des occasions de lancer des enquêtes judiciaires sur des abus de droits de l'homme, menés par l'État dans les années 1980 et 1990. Le gouvernement doit soutenir ce processus, et prendre des mesures pour réformer les défaillances de la justice pénale et renforcer les critères d'un procès équitable. Il reste de grands obstacles pour assurer la justice auprès des victimes d'abus policiers, ou de l'armée ou d'officiels de l'État.
L'exemple le plus significatif pour mener en justice les auteurs d'exécutions extra-judiciaires (agissant pour le compte de l'État), et les enlèvements, est le procès en cours se déroulant à Diyarbakir, impliquant un colonel en retraite, des gardiens de village et des informateurs, pour le meurtre de 20 personnes à Cizre (Şırnak), entre 1993 et 1995. En mars, l'ancien officier de police Ayhan Çarkın s'est exprimé publiquement pour la première fois et a ensuite témoigné devant un procureur sur son implication dans une opération spéciale menée par une unité ayant perpétré des assassinats politiques contre des Kurdes connus et des militants de gauche dans les années 1990. Çarkın a affirmé que l'unité avait agi par ordre du gouvernement et avec sa connivence. En juin, il a été à nouveau emprisonné dans l'attente de son procès, après avoir reconnu son implication dans quatre meurtres. L'enquête du procureur est en cours à la date de rédaction de ce rapport.
 En septembre, Mehmet Ağar—ancien chef de police, ancien ministre de l'intérieur et parlementaire –, que le témoignage de Çarkın a mis en cause a été condamné à 5 ans d eprison pour avoir formé une bande armée et criminelle, impliquant à la fois l'État et la mafia. Le procès d'Ağar confirme l;existence d'une collaboration entre l'État et la mafia,  déjà révélée après l'accident de voiture, survenu en 1996, près de Susurluk. Jusqu'en 2007 Ağar bénéficiait de l'immunité parlementaire. Il a fait appel de sa condamnation et reste en liberté.




IRAN



En octobre 2011, au moins 16 Kurdes atendaient dans les couloirs de la mort, la plupart d'entre eux condamnés pour atteinte à la sécurité nationale ou pour être des "ennemis de Dieu".
Les autorités exercent des discriminations envers des minorités musulmanes, dont les sunnites, qui forment 10% de la population, en entravant leurs participations politiques ou leur accès à l'emploi. Elles les empêchent aussi de construire des mosquées dans les villes principales. Ces dernières années, les sunnites ont été régulièrement empêchés, par des représentants de l'État, de se livrer à des prières séparées lors des fêtes religieuses, à Téhéran et d'autres grandes villes.
Le gouvernement a restreint les activités politiques et culturelles dans tout le pays, contre les Azéris, les Kurdes, les Arabes et les Baloutches, restriction qui inclut les organisations se consacrant à des questions sociales.
Les opérations militaires iranienne et turques au delà de la frontière, dans le Kurdistan irakien, contre les rebelles kurdes, commencées à la mi-juin, ont au moins tué 10 personnes, blessé une douzaine d'autres et déplacé des centaines de civils.


KURDISTAN D'IRAK

Des manifestations contre le gouvernement ont débuté le 17 février. À la date de rédaction de ce rapport, les forces de sécurités ont tué au moins 10 manifestants et blessé plus de 250 d'entre eux. Le 6 mars, des assaillants masqués ont attaqué des manifestants place Sara – centre des manifestations quotidiennes à Silêmanî – et mis le feu à leurs tentes, mais ils n'ont pu les déloger de la place. Le 18 avril, les forces de sécurité ont repris le contrôle de la place Sara pour empêcher d'autres manifestations. le 27 avril, le Gouvernement Régional du Kurdistan a publié un rapport de 19 pages qui établit que les forces de sécurité et les manifestants sont responsables des violences, et que les forces "n'étaient pas préparées à contrôler la situation".

Plus de 20 journalistes ayant couvert les manifestations au Kurdistan ont dit que les forces de sécurité et leurs agents les ont régulièrement menacés, arrêtés arbitrairement, battus et harcelés, ont confisqué ou détruit leur matériel. Après avoir mis fin aux manifestations quotidiennes de Silêmanî, les officiels du GRK et les forces de sécurité ont augmenté leurs pressions contre les journalistes, au moyen de poursuites pour diffamation, de coups, d'emprisonnement et de menaces de mort. Les menaces d'attaques et d'arrestations ont obligé des journalistes à se cacher.

Les mutilations génitales féminines (excision) sont pratiquées en majorité dans des zones kurdes du nord de l'Irak et plusieurs études officielles ou d'ONG estiment que la prévalence des excisions parmi les femmes et fillettes au Kurdistan est d'au moins 40%. Le 21 juin, le Parlement du Kurdistan a adopté une loi contre les violences familiales, qui comprend plusieurs dispositions rendant criminelles cette pratique, ainsi que les mariages forcés ou les mariages d'enfants, les abus verbaux, physiques et psychologiques des femmes et des jeunes filles.



SYRIE


Le gouvernement syrien, en pleine répression sanglante de la révolte,

a promulgué un certain nombre de réformes, dans une tentative infructueuse d'étouffer le mouvement protestataire, en levant l'état d'urgence, en votant une nouvelle loi sur les media, et en accordant la citoyenneté aux Kurdes apatrides. Mais à la date de la rédaction de ce rapport, la répression sanglante en cours montre la détermination du gouvernement à écraser la dissidence et à rejeter toute réforme qui pourrait diminuer son autorité.
Pour télécharger le rapport complet.

La situation des Kurdes en Syrie


LA SITUATION DES KURDES EN SYRIE 

Rencontre-débat avec Dr. le Hakim BACHAR
Président du Conseil kurde de Syrie en visite en France
à l'institut kurde de Paris, le mercredi 25 janvier à 18 h 00.

Institut kurde de Paris, 106 rue Lafayette, 75010, Paris.

lundi, janvier 23, 2012

"Affaire criminelle - Hrant Dink"


"À l’occasion du 5e anniversaire de la disparition de Hrant Dink, Rémi Féraud, maire du 10e arrondissement de Paris, l’Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie (ACORT) ont le plaisir de vous inviter Le lundi 30 janvier, à 20h00, en Salle des fêtes à la projection-débat du film "Affaire criminelle - Hrant Dink" un film d'Osman Okkan et Simone Sitte (ARTE/WDR TV 2009). 
Avec la présence du réalisateur Osman Okkan et de Markar Esayan, romancier turco-arménien, éditorialiste du quotidien Taraf ainsi que de l’hebdomadaire turco-arménien Agos (fondé par Hrant Dink en 1996). 
Ce film passionnant de 80 minutes, oeuvre des réalisateurs Osman Okkan et de son épouse Simone Sitte, aujourd’hui disparue, met en lumière les événements qui conduisirent à l’assassinat du journaliste arménien Hrant Dink en janvier 2007. Ce documentaire, produit en 2009 en Allemagne, aborde aussi les relations malaisées entre Arméniens et Turcs et le procès en cours, qui a révélé les agissements criminels d’Ergenekon, cet "État profond" de la Turquie. 


Mairie du 10e 72, rue du Faubourg Saint-Martin M° Château d’Eau ou Jacques Bonsergent Bus n° 38, 39, 47 Vélib’ rue Hittorff - rue des Petites Ecuries

Rezan Bahri Shaykhmus: Nous déclarons clairement que ce régime doit être renversé'

Entretien intéressant, avec KurdWatch, de Rezan Bahri Shaykhmus, Président du Bureau de Relations du Mouvement kurde du Futur, qui donnera aussi une idée du bordel de la confusion politique qui règne entre les 17 ou 18 partis des Kurdes de Syrie.


KurdWatch: L'assassinat de Mish'aal Tammo, le 11 septembre 2001, a-t-il eu un impact sur le Mouvement du Futur en Syrie  ? 


Rezan Bahri Shaykhmus : La mort de Mish'aal Tammo nous a laissés une très, très profonde blessure. Pour nous, il était comme un bouclier. Il se plaçait toujours en avant de nous. C'était un politicien talentueux et un bon théoricien. Il a aidé le Mouvement du Futur à évoluer et apportait fréquemment d'importantes suggestions dans les débats. Mish'aal était de ces rares personnes qui expriment ouvertement et sans peur leurs opinions politiques. Personne n'avait agi comme lui, auparavant. Sa mort n'a pas seulement nui au Mouvement du Futur mais au mouvement kurde dans son ensemble. Son ouverture a donné à beaucoup de gens force et courage. C'était un des rares leaders kurdes estimés par l'opposition arabe. Il aurait joué un rôle important pour les Kurdes dans la nouvelle Syrie. Durant les 3 années que Mish'aal a passé en prison, nous savions qu'il reviendrait et infuserait au Mouvement du Futur son énergie. Maintenant, nous savons qu'il ne reviendra pas, et naturellement, il manque beaucoup à notre mouvement. 


Kurdwatch : Depuis 3 mois, le Mouvement du Futur est sans porte-parole. On dit que la direction ne peut s'entendre sur une personne. Est-ce vrai ?


Rezan Bahri Shaykhmus: Non. Croyez-moi, il n'y a pas de querelles du tout sur cette question. Absolument pas. De par les statuts de notre parti, le porte-parole doit être élu par une assemblée générale – et, d'ailleurs, c'est le seul leader qui ait choisi ce moyen. Nous avons un bureau pour les relations publiques qui avait assumé les fonctions de porte-parole quand Mish'aal était en prison. Nous gérons cette situation de la même façon, jusqu'à ce que se tienne le congrès de notre parti et que nous élisions un nouveau porte-parole. Par ailleurs, le porte-parole du Mouvement du Futur n'exerce pas la fonction la plus haute. Le porte-parole est seulement responsable des relations publiques. La plus haute fonction est celle de président du Bureau des communications générales.

KurdWatch: Quel rôle ont joué les autres partis kurdes dans l'assassinat de Mişal Temo ?


Rezan Bahri Shaykhmus: Les partis kurdes ont une part de responsabilité morale dans l'assassinat de Mish'aal.  Nous ne disons pas qu'ils l'ont tué. Il est clair que le régime est responsable, quels que soient les moyens qu'il a utilisés. Immédiatement après que Mish'aal a été relâché de prison, il a dit qu'il prendrait part à la révolution et se tiendrait aux côtés des jeunes activistes. Il disait que jamais il ne se joindrait à un mouvement qui voudrait engager des pourparlers avec le régime. En conséquence, des leaders de partis kurdes l'ont attaqué, dénigré, et lui ont dit qu'il ne faisait plus partie du mouvement kurde.

Après le premier attentat contre sa vie, nous avons formé une commission après les comités de coordination des activistes. La commission a engagé des pourparlers avec les partis kurdes, en appelant à leur sens de la responsabilité, et en leur demandant de faire une déclaration. Malheureusement, ils ne l'ont pas fait. Le secrétaire du parti El, Abulhakim Bashar, a même affirmé que Mish'aal voulait seulement se donner de l'importance avec ces histoires d'assassinat et que le conte qu'il nous présentait était comme sorti d'un mauvais film indien.


 KurdWatch:  Quel rôle a joué le  PYD dans l'assassinat de Mish'aal ? Il prétend que la Turquie a une part de responsabilité dans cet assassinat.


Rezan Bahri Shaykhmus: C'est absolument faux. La Turquie n'a rien à voir avec sa mort. Personne là-bas n'avait intérêt à ce que Mish'aal soit assassiné. Pourquoi les Turcs l'auraient tué ? Nous avons eu de sérieuses controverses avec le PYD ; ils l'ont attaqué vigoureusement, encore et encore. Mais une fois de plus, personne n'a pu tuer Mish'aal Tammo sans l'accord du régime. Les services secrets syriens ont tué Mish'aal Tammo. Le mouvement kurde aurait pu largement profiter de la mort de Mish'aal. Après sa mort, finalement, ils auraient pu participer activement à la révolution syrienne. Si cela avait été le cas, je suis sûr que les Kurdes auraient pu favoriser le succès de la révolution et la réussite de ses buts. Un tel rôle aurait eu des conséquences positives pour la réalisation des demandes kurdes en Syrie.


KurdWatch: Dans une interview donnée à KurdWatch, Mişal Temo déclarait que les Kurdes descendraient dans la rue en masse si un seul Kurde était tué dans les manifestations des régions kurdes. Après ses funérailles, deux manifestants ont été tués à Qamişlo. Mais une manifestation de centaines de milliers de personnes a échoué à se matérialiser. Pourquoi ?


Rezan Bahri Shaykhmus: Le soir du meurtre de Mish'aal, le mouvement politique kurde a pris des mesures pour amoindrir le nombre des participants aux funérailles. Ils ont contacté la famille et les ont convaincus d'enterrer Mish'aal dans son village. Nous, le Mouvement du futur, nous voulions l'enterrer à Qamişlo afin que son cortège funéraire et les jours de deuil ensuite tournent en de grandes manifestations. Si la Conférence patriotique kurde ne prend pas la position de défendre un seul individu, comment se ferait-il l'avocat des droits d'un peuple ? Les partis politiques kurdes ne veulent pas que les Kurdes manifestent contre le régime.

KurdWatch: Qui a décidé où Mish'aal serait enterré ? 

Rezan Bahri Shaykhmus: La famille. Mais le mouvement kurde a envoyé des responsables trouver la mère de Mish'aal, en lui demandant si plus de gens devaient mourir comme son fils, simplement parce qu'il allait être enterré à Qamişlo. Ils ont fait pression sur sa mère et ainsi, il a été décidé qu'il serait enterré dans son village. Si une décision différente avait été prise, les manifestations auraient aussi pris un tout autre tour.

KurdWatch: Comment vont Zahida et le fils de Mişal, Marsil, tous les deux ayant été blessés dans l'attaque contre Mish'aal ?  

Rezan Bahri Shaykhmus: Au vu des circonstances, tous deux vont bien. Marsil va mieux que Zahida. On lui a tiré deux fois dans la jambe. Les balles étaient des dumdum qui lui ont brisé les os. Cela prendra du temps avant qu'elle puisse remarcher sans aide.

KurdWatch: Est-ce que le Mouvement du futur va travailler avec la Conférence patriotique kurde ? Si oui, à quelles conditions ?  

Rezan Bahri Shaykhmus: Au regard de leurs positions envers le régime et la révolution syrienne, nous ne pouvons pas actuellement travailler avec la Conférence. S'ils avaient une position claire sur les points suivants, alors rien ne s'opposerait plus à la coopération : Premièrement, la Conférence doit adopter une position claire envers le régime syrien. Deuxièmement, des moyens doivent être développés pour apporter un soutien fort à la révolution syrienne dans les régions kurdes. Troisièmement, des demandes concrètes portant sur les droits kurdes dans la nouvelle Syrie doivent être formulées, indépendamment des influences extérieures et dans l'intérêt des Kurdes syriens. Quatrièmement et en dernier, les activistes et les hors-partis doivent avoir une plus grande représentation dans la Conférence patriotique kurde.

KurdWatch: Que voulez-vous dire par "une position claire envers le régime syrien" ? Cette phrase est tout sauf claire.

Rezan Bahri Shaykhmus: Nous déclarons clairement que ce régime doit être renversé. Cela fait longtemps que nous n'espérons plus que ce régime fasse quoi que ce soit pour le peuple. Ce n'est pas quelque chose que nous venons juste de commencer. Depuis notre formation en 2005, nous disons que nous sommes un mouvement d'opposition. C'est pourquoi nous rejetons tous pourparlers avec le régime.

KurdWatch: Continuerez-vous de dialoguer avec les responsables de la Conférence patriotique kurde ?

Rezan Bahri Shaykhmus: La porte est toujours ouverte pour un dialogue. Néanmoins, nous sommes forcés de former un nouveau groupe politique, l'Union des forces démocratiques kurdes. Elle se consacre entièrement à la révolution. Il est alors possible que nous formions un comité pour nous coordonner avec l'autre coalition kurde.

KurdWatch: Les groupes qui seront représentés dans ce bloc sont seulement actifs à l'étranger et n'ont pas de base au Kurdistan, comme, par exemple, le Parti de l'union du Kurdistan en Syrie, ou ils n'ont presque pas de soutiens, tel, par exemple, le parti d'Abdurrehman Aluji, le Parti démocratique kurde- Syrie. Seul le Mouvement du futur et les groupes de coordination des activistes sont politiquement actifs en Syrie. Travailler avec ces groupes politiques faibles ne nuit pas au Mouvement du futur ?


Rezan Bahri Shaykhmus: Il y a 17 ou 18 partis kurdes en Syrie. La Conférence patriotique kurde représente, elle aussi, des grands et des petits partis. C'est aussi vrai pour notre bloc. Nous avons des partis basés à l'étranger ; d'autres avec une influence moindre. Ce qui nous relie est notre position politique commune. Pourquoi ne pas nous unir sur cette base ? Nous voulons construire une Syrie civile, pluraliste, et démocratique. Cela ne nous dérange pas que la Syrie ait deux blocs kurdes, qui, avec le Parti de l'union démocratique (PYD), représentent les Kurdes au Kurdistan de Syrie. Ce sont simplement deux blocs, qui représentent deux voies politiques distinctes.

 KurdWatch: Pensez-vous réellement pouvoir bâtir plus aisément un État syrien moderne avec Abdurrahman Aluji et Abdulbasit Hammu que, par exemple, avec Abdulhakim Bashar? 

Rezan Bahri Shaykhmus: Nous fondons nos espoirs avant tout sur les jeunes activistes et leurs comités de coordination. Nous devons les remercier du fait que les Kurdes sont une partie de la révolution syrienne. Ce que ces jeunes gens ont fait en 8, 9 mois, les partis kurdes ne l'ont pas réussi en 50 ans. Nous voulons construire la nouvelle Syrie avec eux. Nous voulons former un nouveau bloc, avec l'espoir que nous pourrons, plus lard, former conjointement un nouveau parti kurde d'influence.

KurdWatch: Avec Yekitî, le Mouvement du Futur est le seul parti qui a manifesté avec les activistes ces 8-9 derniers mois. Les autres partis ont seulement pris part aux manifestations dans les régions kurdes. Néanmoins, six groupes de jeunes ont rejoint la Conférence patriotique kurde. Pourquoi ?

Rezan Bahri Shaykhmus: Ceux qui ont rejoint la Conférence patriotique kurde ne représentent pas la jeunesse indépendante ; Ils appartiennent à ces partis.

 KurdWatch: Dans quelle mesure vos demandes spécifiques pour les Kurdes diffèrent-elles de celles de la Conférence patriotique kurde ?

Rezan Bahri Shaykhmus: La différence essentielle est notre position envers le régime et la révolution syrienne, tout comme nos relations avec l'opposition. Nous disons que la nouvelle Syrie doit reconnaître les Kurdes comme une ethnie principale. Ils disent que les Kurdes sont la seconde ethnie du pays. 'Seconde ethnie' signifie que nous n'aurons jamais des droits égaux. Être une ethnie principale veut dire que nous sommes des partenaires égaux dans cet État. Les autres partis kurdes voient la question kurde comme un problème régional. Au contraire, nous voulons être partenaires dans toute la Syrie. Nous disons que de même les Arabes sont nos partenaires dans nos régions, alors nous sommes leurs partenaires dans leurs régions. Nous voulons aussi participer au processus politique dans les autres parties de la Syrie, où il n'y a pas de majorité kurde, comme Damas, par exemple. Avec les Arabes, nous voulons bâtir la nouvelle Syrie et assumer des responsabilités.

KurdWatch: À la fin de novembre, le Gouvernement régional du Kurdistan d'Irak a invité 21 membres de la Conférence patriotique kurde à  Erbil pour débattre de la  situation des Kurdes en Syrie et de la révolution syrienne. Après le retour des membres de la délégation, des désaccords auraient surgi. Que s'est-il passé ?  

Rezan Bahri Shaykhmus: Alors qu'une révolution populaire a lieu dans toute la Syrie, la Conférence patriotique kurde  se querelle et se bat au sujet de l'argent utilisé pour corrompre ses membres au Kurdistan irakien, de sorte que les Kurdes d'Irak gagnent en influence. Salih Gado a annoncé sa démission du  comité exécutif après que les 21 membres de la délégation aient été accusés d'avoir reçu chacun 10 000 $ US du PDK irakien. Ce comportement est honteux et indigne d'organisations politiques. Il doit y avoir des suites.

KurdWatch: Comment voyez-vous le futur du Mouvement du futur ? Sans un leader charismatique comme Mish'aal Tammo, sombrera-t-il dans l'oubli ? 

 Rezan Bahri Shaykhmus: Je suis convaincu que le Mouvement du futur jouera un rôle dans la période de la révolution et dans la construction de la nouvelle Syrie. Le nombre d'amis et de supporters du Mouvement du futur grandit jour après jour. Il se peut qu'aujourd'hui, nous n'ayons personne pour remplacer Mish'aal Tammo. Il avait un réel charisme et des qualités de leader. Nous essayons de combler le vide qu'il a laissé en dynamisant les institutions du Mouvement du futur, en favorisant le travail d'équipe, et en enrôlant tout le monde dans la formulation des décisions politiques. Nous, dans le Mouvement du futur, sommes prêts à poursuivre la politique de Mish'aal Tammo, une politique qui sert les intérêts de tout le peuple syrien.


KurdWatch, 18 décembre 2011.

vendredi, janvier 20, 2012

Erdogan et Davutoglu. La nouvelle politique étrangère turque

Vendredi 27 janvier 2012 à 15 h 00, conférence de Tancrède Josseran, chercheur en géopolitique, directeur de l’Observatoire du monde turc et des relations euro-turques :




" Jusqu’alors passive et arcboutée sur la défense du pré carré anatolien, l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002 a bouleversé la politique étrangère turque. Abandonnant sa position statique, la Turquie a pris une orientation dynamique et multidimensionnelle. 
Grand artisan de cette rupture avec l’autarcie kémaliste traditionnelle, le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu entend renouer avec un passé et une tradition spirituelle prestigieuse. De pays périphérique, la Turquie doit se hisser au stade d’Etat pivot et enfin devenir une puissance globale. Pour autant cette réorientation ne remet pas en cause officiellement le processus d’adhésion à l’Union Européenne auquel non sans arrières pensées les islamiste turques se sont convertis. 
À l’avant garde du monde islamique Ankara est le modèle vers lequel au Moyen-Orient se tourne tous les regards du Caire à Damas en passant par Tripoli.
 Maison des Mines, 270 rue Saint-Jacques 75005 PARIS
Entrée pour une conférence : 13 € Étudiants de moins de 26 ans : 10 € Carte Fidélité : 100 € pour 10 conférences. Carte Amis de Clio : 150 € pour 20 conférences.

 Bibliographie : La nouvelle puissance turque : L’adieu à Mustapha Kemal ; Tancrède Josseran Ellipses Marketing, 2010


Présentation de l'éditeur 

"La politique d'un Etat est dans sa géographie, elle suggère, à la manière d'un portrait une destinée ". Sans conteste, la célèbre formule prêtée à Napoléon convient à la Turquie. Avancée de terre entourée de mers, aux confins de l'Europe et de l'Asie, la Turquie est un Janus géopolitique. A l'image du Dieu romain, elle associe deux visages antagonistes, l'un tourné vers l'Occident, l'autre profondément épris de sacré. L'histoire de la Turquie contemporaine est celle d'un conflit permanent entre Islam et laïcité, démocratie et autoritarisme, peuple et élite. Or, depuis 2002 et l'arrivée des islamistes aux affaires, une révolution silencieuse est en cours. La marche vers l'Europe, la mondialisation, ont bousculé les clivages. Convertis, non sans arrière-pensée, au rêve européen, les islamistes turcs sont les plus ardents partisans de l'adhésion. Nationaliste, laïque, progressiste, la matrice kémaliste est démantelée au profit d'une synthèse originale alliant foi, démocratie et économie de marché. Ce processus est porté par une classe d'entrepreneurs islamiques dynamiques. La nouvelle élite entend aujourd'hui construire un nouveau contrat social à l'écoute des attentes réelles de la population. L'ancienne Turquie s'était bâtie sur l'oubli du passé impérial et le rejet de la théocratie, la nouvelle puise, sans complexe, ses racines dans l'histoire ottomane et la transcendance. Cette révolution verte clôt chaque jour davantage la parenthèse ouverte en 1923 par Mustapha Kemal.

Biographie de l'auteur : Tancrède Josseran est spécialiste de la Turquie et dirige l'Observatoire du monde turc et des relations euro-turques de la Lettre " Sentinel Analyses et Solutions ".

Broché: 219 pages Editeur : Ellipses Marketing (25 juillet 2010) Langue : Français ISBN-10: 2729854673 ISBN-13: 978-2729854676

jeudi, janvier 19, 2012

Sheikh Sayyid Abu'l Wafa al-Kurdî, qui s'endormit kurde et se réveilla arabe

Dans le Masnawî de Rûmî, la XIVème histoire, celle de la compétition du peintre chinois et du peintre grec (qui reprend une légende grecque antique) est suivie, comme les autres historiettes d'un poème didactique, dont l'intention est énoncée dès le premier vers : "La connaissance du cœur est préférable à celle des écoles". 

Se fondant sur l'illettrisme du Prophète, il prend ensuite pour modèle un certain Kurde, ayant appris l'arabe en une nuit, la connaissance lui étant tombée toute cuite dans le bec (ou dans le cœur ) :

"Apprends ce mystère, 'la nuit dernière, j'étais un Kurde,
et ce matin, je suis devenu un Arabe.
Ce mystère de 'la nuit dernière' et de 'ce matin'
Te guide sur la route qui te mène à Dieu"

Ce Kurde du 'mystère de la nuit' est le sheikh Sayyid Tadj al-Dîn Abu-l Wafa al-Kurdî, connu aussi comme étant le grand-père d'un autre mystique, Husam al-Dîn Çelebî, fils du chef des akhis de Konya, à qui Rûmî dédia précisément son masnawî, en faisant aussi son nakib, son représentant et son remplaçant (calife), et qui devint le sheikh de sa communauté après lui. Sa famille, originaire d'Urmiah avait émigré pour Konya en 1225, sans doute dans le mouvement de fuite vers l'ouest des Iraniens devant l'avancée mongole. 

Mais ce grand-père kurde, Abu'l Wafa, mourut, lui, à Bagdad, en 1107. Ses biographes le disent grand gnostique, mais illettré, ce qui veut dire qu'il ne maîtrisait pas l'arabe. Mis un jour dans l'embarras par des membres de sa communauté, qui le défièrent de prêcher à la mosquée (ce qui impliquait forcément que ce fusse en arabe), il répondit à ses détracteurs que si Dieu le voulait, il prêcherait le lendemain, en les conviant à son sermon. Il passa donc une nuit en prière, et vit en rêve le Prophète qui lui assura que Dieu se manifesterait en lui au bon moment, au moyen de ses attributs (qui sont aussi deux de Ses noms), al-'Alim, le Savant et al-Hakim (le Sage). 

Le lendemain, devant un public tout prêt à la risée, il monta en chaire et commença son prêche par : "Cette nuit, je me suis endormi kurde et ce matin je me suis levé arabe." Et il leur fit un beau sermon, très savant et très éclairé, surprenant l'assemblée.

Avant Husam al-Dîn Çelebî, Rûmî avait élu à la fois au même titre de sheikh et calife et dans son cœur, pour succéder à Shams al Dîn Tabrizî, un orfèvre, Salah al-Dîn, lui aussi illettré, ce qui avait soulevé une fois de plus les soufis contre le favori de Rûmî. Certains en venaient même à regretter Shams al-Dîn. Le grand-père kurde de Husam al-Dîn et son apprentissage miraculeux de l'arabe venait donc à point pour répliquer aux critiques passées des derviches.


mercredi, janvier 18, 2012

Les chats persans

Jeudi 19 janvier à 22 h 20 sur Ciné+ Club : Les chats persans, de Bahman Ghobadi, 2009.


"À leur sortie de prison, une jeune femme et un jeune homme musiciens décident de monter un groupe. Ils parcourent Téhéran à la rencontre d'autres musiciens underground et tentent de les convaincre de quitter l'Iran. N'ayant aucune chance de se produire à Téhéran, ils rêvent de sortir de la clandestinité et de jouer en Europe. Mais que faire sans argent et sans passeport ..."

Le Printemps de Téhéran



Sortie mercredi 18 janvier du documentaire Le Printemps de Téhéran - histoire d'une révolution 2.0 ; par Ali Samadi Ahadi.


Synopsis : Juin 2009, Azedeh et Keveh sont étudiants à Téhéran. Comme d’autres générations avant eux, à l’approche des élections présidentielles, ils commencent à rêver d’une transition démocratique possible en Iran. Ils vont être emportés par cette "vague verte" qui embrase le pays. Des premières révoltes à la répression sanglante, ils nous racontent leur combat, leur espoir, leur peur et leur souffrance. Le Printemps de Téhéran conjugue des images filmées sur le vif et relayées partout dans le monde sur les réseaux sociaux avec des témoignages et des séquences animées qui nous font pénétrer au cœur de cette révolution populaire, au plus proche de ses acteurs.


Islam et démocratie




Vendredi 20 janvier 2012, de 18h  à 20 heures, conférence à l’Institut de Recherche et d’Etudes Méditerranée et Moyen-Orient 


Islam et démocratie 

Avec Nilufer Göle, directrice de recherches à l’EHESS, Bernard Hourcade, chercheur au CNRS, Sadri Khiari, militant tunisien, membre fondateur du mouvement des Indigènes de la République. 

 À la lumière des cas turc, iranien et tunisien, les intervenants discuteront des relations islam-démocratie. 

Débat animé par Jean-Paul Chagnollaud, Professeur des universités et directeur de l’iReMMO. Controverse en partenariat avec le magazine Moyen-Orient et l’émission de Marie-France Chatin Géopolitique, le débat sera diffusé sur RFI le dimanche 22 janvier 2011 à 13h40 et 20h10. 

 iReMMO - 5 rue Basse des Carmes, 75005 Paris : Inscription : infos@iremmo.org Participation : 8 et 5€ (étudiants, demandeurs d’emploi)

mardi, janvier 17, 2012

Rapport sur le massacre de villageois de Gülyazı (Bujeh) et d'Ortasu (Roboski) du district d'Uludere (Qileban) de la province de Şırnak Province (extraits, partie 2)

Entretiens résumés des deux commissions avec les survivants et les villageois :

Hacî et Servet Encü, photo Radikal.


 1- Haci Encü (19ans) qui a survécu à l'incident, interrogé le 29 décembre à l'hôpital :

 Le 28 décembre 2011 à 16 h 00, nous avons traversé la frontière de l'Irak avec un groupe de 40 à 50 personnes et un même nombre de mules pour y ramener de l'essence et de la nourriture. Nous n'avons pas informé le QG de la gendarmerie, intentionnellement, mais ils savaient déjà que nous allions et venions. Notre but était de ramener de l'essence et du sucre. En fait, déjà en route nous avons entendu le bruit des engins volants sans pilote (drones) mais nous avons continué parce que toujours, nous passions et repassions. À 19 heures, nous avons commencé de nous en retourner, après avoir chargé les mules. À 21 heures, nous étions proches de la frontière. Nous avions atteint le plateau de notre village. D'abord, il y a eu des fusées éclairantes, et puis des tirs d'obus. Nous avons laissé le chargement de l'autre côté de la frontière. Immédiatement après, les avions sont arrivés et ont commencé de bombarder. Nous étions deux groupes : il y avait une distance de 300-400 mètres entre le groupe de devant et celui de l'arrière. Tout de suite après, il y eu les salves aériennes. Il n'y avait pas d'autre chemin pour passer de l'autre côté de la frontière parce que les soldats tenaient notre plateau. Ainsi, les groupes étaient coincés et ont dû se réunir, et à la fin nous avons formé deux grands groupes. C'est avec le premier bombardement aérien que le groupe d'une vingtaine de personnes qui se trouvait sur le point-zéro de la frontière a été anéanti. Tout de suite nous avons pris la fuite. Les bombes ont commencé de pleuvoir sur ceux qui étaient entre les rochers. Le groupe dont je faisais partie comprenait 6 personnes dont 3 ont survécu. Nous étions habillés en civil, personne n'avait d'armes. Deux d'entre nous sont entrés dans le ruisseau, avec 3 mules. Après avoir attendu une heure, nous nous sommes réfugiés sous une roche et nous ne pouvions rien savoir de nos amis. Entre 23 h et 23 h 30, nous avons compris que les villageois venaient, aux bruits et aux lumières. Les soldats ont commencé de quitter le plateau qu'ils tenaient quand les paysans se sont mis à hurler. 
Nous faisions ce travail depuis longtemps. Deux d'entre nous étaient mariés, les autres étaient étudiants ou écoliers. Personne ne m'a convoqué pour que je donne mon témoignage. Après les événements, je n'ai vu aucun soldat. Les autres survivants sont Davut Encü (22 ans) et Servet Encü (blessé, à l'hôpital de Şırnak ).


2- Servet Encü interrogé après les funérailles le 30 décembre (résumé):

Nos pères, nos grands-pères ont fait aussi ce métier  (contrebande). Nous l'avons aussi fait. Il n;y a pas d'usine. Nous gagnons de quoi vivre avec ce travail. Tout le monde dans ce village, sur cette frontière, fait ce métier. La nuit de l'incident, 7 ou 8 personnes de 2 ou 3 villages chacun, sur cette frontière, ont fait ce travail, ce qui fait en tout presque 40 personnes, avec nos mules, et nous avons franchi la frontière d'environ 2 kilomètres. Là, nous avons acheté de l'essence, du sucre et de la nourriture des Irakiens. Nous ne sommes pas allés à Haftanin ni Sinat. Au retour, les soldats nous ont stoppés. Ils le font à chaque fois, mais ils nous donnent toujours la permission de passer. Cette fois, ils ne l'ont pas fait. Ils nous ont fait attendre à la frontière. Et finalement, ils ont jeté leurs bombes sur nous. 
 37 personnes, dont des étudiants, âgés de 10 à 20 ans, ont été abattus pour un travail qui leur rapportait 50, 60 ou 100 lires turques (100 lires turques = 42, 5 euros). Selam Encü,, l'un des morts, était étudiant ingénieur. Şivan avait 15 ans, Orhan 10, Mehmet avait 11 ans. Personne n'était du PKK. Le PKK ne trafique pas de l'essence avec 40 ou 50 mules. Les soldats qui nous ont arrêtés à la frontière ne nous ont pas dit un mot. Après l'incident, aucun officiel militaire n'est venu nous aider. Après le bombardement, plusieurs blessés ont gelé à mort sur le sol car personne ne s'est montré pour leur porter secours. Nous sommes les 3 survivants sur 38. Ils ne m'ont pas vu parce que je me suis caché en m'enterrant sous la neige. 
Avant, les soldats nous arrêtaient un moment et puis nous donnaient la permission de passer. Cette fois, ils ne nous ont pas laissés et nous ont encerclés. Les soldats sont partis avec leurs voitures dès que les bombardements ont commencé. Si je n'avais pas survécu, les corps auraient pu attendre 2 ou 3 jours. Nous formions 3 groupes distincts, l'un à la frontière et deux loin d'elle. Nous avons pensé partir et laisser notre chargement quand ils nous ont stoppés. 
Après le bombardement, j'ai marché environ 100 mètres et j'ai demandé de l'aide par téléphone. Après 2-3 heures, ils sont venus au secours. Aucun soldats ou aucun autorité n'est venu, ce sont juste nos gens qui sont venus. Nous avions quitté le village à 17 heures, et à 21 h 30 nous gagné la frontière. à 21 h 40, il y a eu le bombardement. Les étudiants qui étaient avec nous faisaient cela pour leur argent de poche. Notre village est à 5 kilomètres de la frontière. Le premier groupe nous a informé que les soldats avaient pris des mesures. Nous avons pensé laisser notre chargement et repasser la frontière à cause du froid. À ce moment, 4 avions sont venus et nous ont bombardé plus d'une heure. Nous avons informé le QG par téléphone et ils ne sont pas venus. À 3 heures, nous avons porté les blessés et les morts jusqu'à mi-chemin vers le village. La moitié des blessés sont morts durant le trajet. Deux ou trois d'entre eux auraient pu survivre s'il y avait eu une intervention médicale à temps. Les soldats sur la frontière savaient que nous étions des villageois et que nous faisions ce travail. Avant l'incident, de temps en temps ils attendaient sur la frontière. Ils ont fermé la route. Nos amis nous ont informés que la frontière était tenue par les soldats. Les explosions m'ont fait voler dans les airs, et puis je suis retombé et je me suis retrouvé enfoui dans la neige. Nous faisions ce travail comme nous avions l'habitude de le faire. Jusqu'ici il n'y avait eu aucun affrontement sur ce parcours. Jusqu'à aujourd'hui, quand les soldats nous attrapaient, ils tuaient nos mules, brûlaient les selles et les biens que nous ramenions. Cette fois, ils nous ont tiré dessus. Le premier groupe nous a informé que nous ne pouvions pas traverser la frontière. Nous sommes restés où nous étions. Alors que nous attendions de voir si les soldats nous laisseraient passer ou si nous pouvions trouver un autre moyen de passer, nous avons été bombardés en deux groupes séparés. Nous avons été bombardés séparément. J'ai vu des blessés mourir en perdant leur sang, et ni les forces de sécurité ni une ambulance ne venait."


3- Une personne d'un autre village, qui a été une des premières à arriver sur les lieux (elle n'a pas voulu donner son nom) :

Deux jours avant l'incident il y a eu un affrontement au carrefour de la route pour Uludere. Les soldats ont dit à des amis qui achetaient les biens que nous ramenons du commerce frontalier et qui sont vendus dans les boutiques : "Cette nuit, c'est la dernière fois. Vous ne pourrez plus faire ce travail désormais."


4- Le père de  Ferhat Encü (tué) :

Tout le mois dernier, les soldats ne nous ont causé aucun problème quand nous faisons ce travail.


5- Un autre villageois (qui n'a pas voulu donner son nom)

Le personnel médical a essayé de venir sur les lieux de l'incident avec des ambulances, de la province de Şırnak, à 3 heures du matin.  Les soldats les en ont empêchés, en leur disant "vous ne pouvez pas aller là-bas avec des ambulances." Après que les villageois ont réagi auprès du personnel médical, ils sont allés au Qg en disant qu'ils voulaient se rendre sur les lieux. Mais au QG on leur a dit que seuls les chemins pouvaient être empruntés, que la route n'était pas sûre. C'est un de mes amis qui fait partie du personnel médical de la province de Şırnak Province qui m'a dit cela.

6- Un autre villageois (qui n'a pas voulu donner son nom )

Moi aussi j'ai été un contrebandier. Il y a un contract tacite entre les soldats et nous. L'État pouvait sauver les blessés avec les hélicoptères de la province de Şırnak comme ceux qui ont transporté les blessés de Lybie dans des avions ambulances privés, ou ceux qui ont été blessés dans l'attaque du Marmara par Israël. Certains de nos blessés sont morts gelés.



7- Şükrü Uysal, le frère d'Özcan Uysal (tué)  :

J'habite au village d'Ortasu. J'étais dans ce village quand c'est arrivé. Beaucoup de gens de notre village gagnent leur vie avec le commerce frontalier. Le commerce frontalier dure depuis des années. Le QG de la gendarmerie de notre village en est informé depuis longtemps. Le groupe de mon frère est parti du village pour la frontière irakienne le 28 décembre à 14 heures. Alors qu'ils revenaient vers 21 heures, ils se sont séparés en deux groupes après avoir vu les soldats fermer la route. Le groupe en tête a attendu à la frontière et a observé les soldats alors que l'autre groupe les tenaient informés. C'est alors qu'ils ont été attaqués. 
Le groupe à l'arrière s'est réfugié dans une zone rocheuse. Le premier groupe a été tué sur un terrain plat, qui tout était encore recouvert de neige. Les fusées éclairantes tirées par les soldats illuminaient tout comme en plein jour. Grâce à ces lumières, les soldats pouvaient clairement tous les voir. Le parcours était continuellement utilisé et il y a une route sur ce trajet. Il y avait des mines sur la route. 35 villageois ont été tués et 3 blessés dans cet incident.



8- Le chef du village d'Ortasu, parlant la maison de deuil :

Nous faisons ce commerce frontalier sur ce trajet, je veux dire ce travail, depuis que les Anglais ont tracé la frontière. Les soldats et les officiels de l'État savent que nous faisons de la contrebande. Je crois que cet incident vient d'un mouvement comme Ergenekon ou Balyoz parce que cela survient juste après que Bülent Arınç a dit qu'ils devaient donner des droits aux Kurdes. De plus, les villages alentour votent BDP (le parti kurde). Je crois que c'est pour ça que cet incident est arrivé. La région n'est pas sur le parcours du PKK parce que ce côté-ci de l'Irak est plat. Il n'est pas possible d'attaquer la Turquie par surprise de ce côté-là. Celui qui approcherait par ce côté serait remarqué par les soldats turcs. Jusqu'à présent il n'y a eu aucun affrontement sur ce parcours. En général, durant une opération, le chef du village et les gardiens de village temporaires sont avertis afin qu'ils empêchent les contrebandiers d'aller et de venir dans la région. Notre endroit, le village de Gülyazı ne peut pas être une municipalité, malgré sa population élevée. Nous voulons que la frontière soit ouverte. Nous avons fait des demandes officielles, mais…"


9- Un autre villageois, parlant dans la maison de deuil du village d'Ortasu:

Les Heron (drones) détectent tout. Nos enfants ne portaient pas d'armes. Les Herons auraient dû détecter cela. Au lieu de ça, pourquoi ils ont bombardé nos enfants…


10- Hacı Encü, le premier survivant, reparle dans la maison de deuil à Ortasu :

Nous avons atteint la frontière à 19 heures. Nous avons chargé de l'essence et du sucre à un endroit qui est à 2,5 - 3 kilomètres au-delà de la frontière et nous sommes retournés. Servet Encü est venu du groupe avant, à 200- 300 mètres de la frontière, en disant que les soldats avaient fermé la frontière.  Après, ils ont éclairé la frontière. Nous avons entendu les tirs d'artillerie.  Puis ils ont bombardé. Une heure et demi plus tard ils ont bombardé notre place. Le premier groupe a été complètement brûlé. Notre endroit n'a pas noirci.


11- Un autre villageois parlant dans la maison de deuil d'Ortasu :

Personne n'est venu aider après l'incident, bien que nous avions alerté. Ils n'ont pas répondu à nos appels téléphoniques. Nous avons porté nos morts. Nos enfants auraient été sauvés s'ils étaient intervenus à temps.


Concert de soutien à l'Institut kurde