mercredi, août 31, 2011

IRAK : LE PROCHAIN RETRAIT DES TROUPES AMÉRICAINES AVIVE LES TENSIONS KURDO-ARABES


Le prochain retrait d’Irak de l’armée américaine pose de multiples questions sur les futures relations arabo-kurdes et les tensions qui restent non résolues. À Kirkouk, la Force combinée de Sécurité (FCS), composée de militaires américains, arabes et kurdes, pour assurer la sécurité de la province, se vide peu à peu de ses éléments américains pour devenir, fin 2011 une force uniquement composée de soldats irakiens et de peshmergas kurdes.

Faisant un bilan des résultats de la FCS, créée en 2010, le colonel américain Michael Bowers, chargé de conseiller le commandement central pour le nord de l'Irak en matière de stratégie, estime que son efficacité sur le terrain s’est révélée positive ainsi que la cohabitation des troupes arabes et kurdes. Mais les difficultés logistiques et financières assombrissent l’avenir de cette armée multi-ethnique. Enfin, la cohabitation entre Arabes et Kurdes au sein de cette force est jusqu’ici « patronnée » par les Etats-Unis.

Mais après le départ des troupes américaines, beaucoup craignent que le conflit entre Erbil et Bagdad au sujet de Kirkouk et des autres provinces revendiquées par les Kurdes ne fasse éclater cette cohésion.

Ainsi, à la fin du mois d’août, des troupes de peshmergas se sont déployées dans les districts à majorité kurde de la Diyala, à 55 km au nord de Bagdad, pour protéger les Kurdes qui y vivent, victimes de violences liées à l’instabilité de l’Irak et à l’incapacité de ce pays à protéger sa population. Dans une déclaration du bloc kurde au parlement de Bagdad, il est fait état d’environ 500 civils kurdes tués dans la Diyala et de 1400 familles qui ont dû fuir. Mais les Kurdes, et plus particulièrement l’UPK qui a ordonné le déploiement de ses peshmergas, soulignent que ces attaques ne sont plus le fait, maintenant, de terroristes, mais viennent davantage de milices arabes hostiles à la tenue d’un référendum qui détacherait éventuellement les districts kurdes pour les intégrer dans la Région du Kurdistan, en vue d’une « arabisation » de la Diyala. Les députés accusent même l’armée irakienne d’être à l’origine de plusieurs attaques contre les civils kurdes.

En 2003, juste après la chute du Baath, des Peshmergas avaient assuré la protection de la Diyala à la demande des Etats-Unis. Ils s’en étaient retirés en 2008, toujours à la demande américaine, pour laisser les Kurdes de la province entre les mains des militaires américains et des policiers et soldats irakiens. Le 18 août, le président du gouvernement kurde, Kemal Kirkouki, a déclaré que ce retrait, en 2008, avait été « une erreur stratégique » : « Ces zones font partie de la Région du Kurdistan, et il est de notre devoir d’y envoyer les forces des Peshmergas pour sauver la vie des citoyens. Nous avons demandé le déploiement des Peshmergas dans les parties kurdes de la Diyala et le gouvernement du Kurdistan d’Irak a répondu positivement. » 7000 Peshmergas ont alors pris position dans les bourgades de Sadiya et Jalawla, district de Khanaqin, où les Kurdes avaient été en butte à de multiples attaques. Selon la presse locale, ils seraient lourdement armés, et des religieux kurdes leur auraient même accordé une dispense pour le jeûne du Ramadan.

Les statistiques officielles les plus récentes indiquent que le nombre des Kurdes à y vivre a chuté depuis 2003 et que ces régions tendent à s’arabiser. À Jalawla, le nombre des Arabes serait ainsi passé de 40 à 77%, et à Sadiya, de 37 à 82%. Mais Jabbar Yawar, le porte-parole des Peshmergas affirme que cette baisse de la population kurde vient de leur situation dangereuse, en avançant que sur les 555 personnes assassinées dans la région, 423 étaient kurdes ; que 679 familles kurdes ont dû fuir sous les menaces à Jalawla, 610 à Sadiya et 64 à Qartaba.

mardi, août 30, 2011

TURQUIE : BOMBARDEMENTS MEURTRIERS AU KURDISTAN


Les attaques meurtrières se poursuivent au Kurdistan de Turquie. Le 17 août, huit soldats turcs ont été tués par la guerilla du PKK, dans la province de Hakkari, par deux mines ayant explosé au passage du convoi militaire. En représailles, l’aviation turque a bombardé « 168 objectifs du PKK » au Kurdistan de Turquie et violé la frontière irakienne pour pilonner, selon les communiqués officiels, « 85 objectifs et positions du PKK » situés au Kurdistan, dans la zone de Khakurk, Qandil et Zap.

Cela faisait un an que l’armée turque n’avait pas passé la frontière pour attaquer les bases du PKK. Le bilan humain de ces bombardements serait d’une centaine de morts dns les rangs du PKK, en plus de 80 blessés, selon la Turquie, qui indique aussi que 14 installations, 8 dépôts de vivres, un autre de munitions, neuf canons de DCA, 18 cavernes et 79 caches ont été touchés. Les Kurdes d’Irak dénoncent, eux, un raid de l’aviation responsable de la mort de 7 civils, dans la région de Qalah Dizah, dans le village de Kortek, dans la province de Suleïmanieh.

Une famille, fuyant en voiture, le 21 août, les bombardements, a été en effet entièrement massacrée. Les images et les vidéos des corps et des débris du véhicule, très choquantes, ont fait le tour de la presse kurde, des sites web, et ont été brandies dans des manifestations de protestions à Erbil, alors que la presse turque choisissait d’ignorer ces dégâts collatéraux. Amnesty International a réclamé des autorités turques une enquête indépendante pour éclaircir les circonstances de la mort de Hussein Mustafa Hassan, âgé de 61 ans, de sa femme, Mer Haci Mam Kak, 43 ans, de sa fille, Rezan Hussein Mustafa, 20 ans, de ses deux petites-filles, Sonia Shamal Hassan (2 ans) et Sholin Shamal Hassan (6 mois), 2 ans et 10 ans, de son fils, Zana Hussein Mustafa (11 ans) et sa nièce, Askar Khuzer Hassan (10 ans). De son côté, l’Irak a demandé l’arrêt immédiat de ces violations de son territoire et a protesté contre ces victimes civiles.

Ainsi pris entre deux feux, le gouvernement de la Région du Kurdistan a de nouveau appelé à un cessez-le-feu bilatéral. L’ancien Premier Ministre et l’actuel nº 2 du Parti démocratique du Kurdistan, Nêçirvan Barzanî, de retour de Téhéran, a ainsi appelé dans une interview donnée au journal Rudaw les combattants du PKK et du PJAK à déposer les armes. « Le gouvernement turc doit poursuivre une politique d'ouverture et de démocratie, et dans le cadre de cette politique, (le PKK) doit déposer les armes et entreprendre un combat civil et parlementaire en Turquie. »

En Turquie, les conséquences de la guerre se font sentir dans la vie politique et civile, en échauffant la rue turque contre les Kurdes et en incitant les citoyens kurdes à protester contre le durcissement de la politique d’Ankara. La répression policière d’une manifestation à Çukurca (Selê), où l’attaque des convois a eu lieu, a ainsi provoqué la mort d’un élu kurde, Yildirim Ayhan, membre du BDP, tué par une cartouche de gaz lacrymogène : "Les officiers ont soudain donné l'ordre aux soldats qui nous faisaient face d'intervenir. Ils ont commencé à tirer des gaz lacrymogènes. L'une des cartouches a atteint Ayhan et nous l'avons vu en train de s'effondrer", a déclaré un témoin à l'AFP.

Mais les représailles militaires n’ont pas eu pour résultat l’arrêt des combats, et le 28 août, trois militaires et un gardien de village trouvaient la mort dans l’explosion d’une mine télécommandée au passage de leur véhicule à Semdinli. Trois autres soldats ont été blessés. À Midyat, l’attaque nocturne d’un poste de police a causé la mort d’un gardien de village et a fait trois blessés parmi ces miliciens.

lundi, août 29, 2011

'Je pars aider les chrétiens en Irak… et j'ai rien compris au Kurdistan'

Depuis le temps, entre ce blog et l'institut kurde, on finit par s'habituer au défilé de bonnes âmes venues se mêler du sort de 'l'Irak' en réclamant toute l'aide, la logistique ou les renseignements des Kurdes pour ça, sans, quand même, vouloir trop se mouiller avec la mouvance séparatiste ou indépendantiste (bizarrement les consulats irakien ou turc semblent pourtant être moins sollicités pour ces régions). Comme les Kurdes sont gentils, ils aident, ils renseignent, ils se disent qu'une fois sur place,  les gens vont finir par se rendre compte.

Peine perdue, en général, ce genre d'expédition-reportage donne, certains hivers, 'Terre entière et Noël en Irak (Duhok, en fait, mais Irak, Irak for ever, on n'en démord pas). Cet été, nous fûmes gratifiés des péripéties hallucinantes de Fraternité en Irak alias 'Je pars aider les chrétiens en Irak'.

Je dis 'hallucinante', parce qu'ils ont quand même réussi à faire plus fort que Terre Entière : Trouver des chrétiens et minorités persécutés au Kurdistan, comme nous le répète avec insistance le journal catholique La Vie, qui patronne le reportage 'À la rencontre des chrétiens d'Irak' :

'Les membres de l'association Fraternité en Irak, partis à la rencontre des chrétiens persécutés du Kurdistan'…
Après une dizaines de jours passés au Kurdistan, à rencontrer les chrétiens et autres minorités religieuses persécutées…
Après 2 semaines passées au Kurdistan auprès des minorités religieuses persécutées

Car à aucun moment, il n'est précisé que si les chrétiens se réfugient au Kurdistan, c'est bien parce qu'ils sont persécutés, oui, mais dans le reste de l'Irak (pour une fois qu'on leur demandait d'en parler, de l'Irak !), et non à Iènichkè, Araden, Komané, Bederesh, Duhok, Ankawa, Zakho et ses villages, et j'en passe, là où, bien au contraire, le gouvernement kurde, non seulement les accueille et les reloge, mais chasse même d'autorité des familles kurdes musulmanes qui s'étaient installées dans des maisons ou des terres d'où avaient été délogés leurs propriétaires il y a des décennies (du temps où notre bon ami Saddam passait pour un protecteur des chrétiens). 

Tout ceci, l'accueil des familles, les allocations de subsistance, la recontruction des villages et des églises, les écoles et leur enseignement en araméen, et le fait que ce soit financé par le Gouvernement kurde et non irakien, même s'ils l'ignoraient en arrivant, ils ont certainement dû l'entendre de la bouche de l'évêque d'Amadiyya, chez qui ils ont passé cinq jours et qui n'a certainement pas dû leur sortir un couplet du style : 'nous autres chrétiens irakiens terrifiés par les Kurdes'… 

Mais voilà, de tous ces villages qui témoignent de l'histoire millénaire du christianisme au Kurdistan, Komané, d'Araden, de Bede Resh,  Iènichké, on parle à peine, autrement que comme des abris pour des Irakiens nouvellement venus de Bagdad ou Mossoul, en nous expliquant que, 'logiquement ces réfugiés se sentent étrangers au Kurdistan. '

Quant aux Kurdes musulmans (qui sont finalement en grande partie à l'origine de ces sauvetages de chrétiens, puisqu'ils forment la majorité de la population et donc du gouvernement), leur cas est vite expédié :

'Les Kurdes, qui ont acquis une certaine autonomie depuis l’intervention américaine, sont certes tolérants avec les chrétiens qu’ils savent pacifistes, mais continuent à cultiver une certaine méfiance. Pour les chrétiens du Kurdistan la marge de manœuvre est donc ténue entre le repli communautaire et l’émigration.'

Je dois dire que la 'méfiance' des Kurdes envers les chrétiens n'est pas franchement palpable sur place… Pourquoi diable se méfieraient-ils des chrétiens, qui, justement, ne représentent aucun danger d'infiltration terroriste ni de ré-arabisation du Kurdistan (ce sont au contraire ces réfugiés qui se re-syriaquisent et apprennent le kurde en oubliant l'arabe) ? Les Kurdes se méfient des Arabes musulmans, oui, de qui ils ont quand même eu pas mal à se plaindre depuis la création de l'Irak. Mais si les chrétiens leur fichent la frousse à ce point, on se demande pourquoi ils repeuplent toutes leurs montagnes et des districts entiers de Duhok, Erbil ou Suleïmanieh, avec ces dangereux colons à chapelet.

Il eût été intéressant de faire parler un Kurde musulman à ce sujet, mais on en voit jamais dans le récit, ils semblent invisibles. C'est vrai qu'entre Amadiyya et Duhok, il faut les chercher, les Kurdes, ils se font rares. Ou alors, ils sont tellement 'méfiants' qu'ils sont restés tout le temps en embuscade dans les montagnes, mitrailleuse sur l'épaule, attendant le départ de Fraternité en Irak, ou n'importe quel autre moment propice, pour fondre sur les villages à clocher. Ils ne semblent pas avoir remarqué non plus, sur la route entre Amadiyya et Qara Qosh, les check-point de Peshmergas qui assurent la sécurité de toute la Région (et donc la leur aussi, et celle de leurs déplacements 'en Irak') dont une bonne partie des effectifs est musulmane (avec un bon quota yézidi). Il faut croire que, là aussi, la méfiance kurde envers les chrétiens les a fait se planquer au passage de la voiture de Mgr Rabban : Après tout, si de simples civils les stressent rien qu'en faisant le signe de croix ou entonnant le Notre Père, imaginez l'effet que doit leur faire un évêque en grande tenue…

Pour le reste, c'est-à-dire les séjours à Kirkouk et Qara Qosh, ce qu'on peut en dire, c'est que si les lecteurs de La Vie ont compris que ces deux villes ne sont pas dans la Région du Kurdistan, et que les enlèvements, attentats et autres animations locales ne sont donc pas plus le fait des Kurdes musulmans que des yézidis de Sindjar, ils sont forts ; ou ils ont été consulter wikipedia ; ou ils lisent ce blog, ce qui est une bonne idée.

Pour ajouter à la confusion, il est dit, au tout début, que le groupe, qui a pourtant atterri à Erbil, passe un certain temps à Kirkouk, 'capitale du Kurdistan irakien'. Certes, c'est très gentil d'anticiper les résultats du référendum prévu par l'article 140 de la constitution ir,akienne sur le rattachement de la province au Kurdistan. C'est même la seule gentillesse envers les Kurdes que l'on peut lire dans ce reportage. Le problème c'est que, comme j'indique plus haut, Kirkouk subissant, hélas, des enlèvements de chrétiens et des attaques d'églises (comme celle du 2 août), et qu'il n'est jamais dit de quelle origine sont les terroristes, qu'il n'est jamais dit non plus (ou pas très fort) que les fanatiques de Mossoul ou de Kirkouk s'attaquent aussi bien aux chrétiens et aux mandéens qu'aux Kurdes, qu'ils soient yézidis ou  musulmans, la thèse des 'chrétiens persécutés du Kurdistan' a d'emblée une autoroute devant elle pour passer sans avoir à forcer les esprits. Même à Suleïmanieh, où on l'on daigne reconnaître que
'Les derniers témoignages insistent sur l'accueil que la population leur a réservé, sur les aides reçues du gouvernement, sur la grande fraternité qui unit tous les chrétiens de la ville.'
il est impossible de savoir, si l'on ne connaît rien de la Région, de quel gouvernement il s'agit. Alors que c'est, bien sûr, Erbil, et non Bagdad, qui donne les aides, de même à Ankawa, Qara Qosh, et partout où les chrétiens sont pris en charge. Rien non plus sur le fait que si Qara Qosh est maintenant 'la plus grande concentration de chrétiens d'Irak', avec 50 000 habitants, c'est parce qu'ils sont protégés par les Peshmergas et les milices 'locales', chrétiennes ou yézidies, financées par le budget des Kurdes. 

Sur les yézidis, hormis un dîner dans une famille de Qara Qosh et une enfilade de lieux communs sur cette religion 'mystérieuse' (il a évidemment fallu placer 'Satan' quelque part, ce qui leur fait toujours plaisir, merci pour eux), on ne saura rien : pas une visite à Lalesh, ni à Sheikhan, où vivent pourtant leurs autorités religieuses et politiques, ni même à Duhok, où ils ont leur centre culturel et social. Ça doit manquer de victimes en larmes à étreindre, dans ces coins-là… Un Kurdistanî heureux est évidemment moins intéressant, quelle que soit sa confession, pour le programme 'Je pars aider les chrétiens en Irak'. Pourtant, la meilleure façon de savoir comment aider serait peut-être d'aller regarder là où les choses s'arrangent, là où ça marche, là où il n'y a pas de problèmes, et de comprendre pourquoi.

Décidément, De Gaulle a fait des ravages avec son : 'Vers l'Orient compliqué, je volais avec des idées simples'. Certes, il n'avait pas recommandé de voler avec des idées simplistes, voire sans idée aucune, et de revenir aussi ignorant au retour qu'à l'aller. Mais comme les suiveurs sont toujours plus extrémistes que le maître, il s'agit maintenant de voler vers le Kurdistan avec le principe : 'J'y suis allé sans savoir, j'ai rien compris et pour preuve, je vous le raconte.'






SYRIE : LA DÉCLARATION DE DAMAS PROMET AUX KURDES LA PLEINE RECONNAISSANCE DE LEURS DROITS


Samir Nashar, Secretaire général et porte-parole de la force d’opposition syrienne « Déclaration de Damas pour un changement démocratique », fondée en 2005, interviewé par le site Kurdwatch, a affirmé que la question kurde en Syrie ne serait pas mise de côté par l’opposition arabe, si elle parvenait au pouvoir, et que son mouvement travaillait à « une solution juste et démocratique » à l’égard de la situation des Kurdes. « La question kurde en Syrie est une question nationale qui doit être résolue à une échelle nationale, a affimé Samir Nashar, « dans un nouvel État démocratique, à multiples facettes, un État civil. Comme tous les autres citoyens, arabes, assyriens, arméniens ou tcherkesses, les Kurdes sont aussi des citoyens syriens. »

Selon l’opposant, donner des droits civiques identiques à toutes les composantes de la population syriennes réglera toutes les difficultés. Interrogé plus précisément sur ces droits, Samir Nashar a évoqué la question des Kurdes sans nationalité, celle de l’accès des Kurdes à des postes gouvenementaux, et au droit de ces mêmes Kurdes à pratiquer leur culture, leurs traditions, leur langue, et à avoir leurs propres universités. Le kurde serait même la seconde langue officielle en Syrie, et aurait un statut prépondérant dans les régions à majorité kurde. S’exprimant sur une des revendications de certains partis kurdes, à savoir la reconnaissance constitutionnelle de « l’ethnie kurde » en Syrie, Samir Nashar se montre plus réticent, indiquant qu’il n’approuve pas un nationalisme assyrien ou kurde qui ne se dirait pas « syrien avant tout ». « Moi-même, je refuse tout nationalisme, même le nationalisme arabe. J’aimerais que les nationalistes arabes et kurdes fassent de même. Certains groupes arabes craignent que la reconnaissance des Kurdes comme la seconde ethnie syrienne amène les Kurdes à demander la sécession de la Syrie, ou une auto-détermination ou à s’auto-gouverner dans l’avenir. » Cependant, Samir Nashar se dit favorable à une décentralisation de l’État syrien au profit d’acteurs locaux dans les différentes provinces.

Au sujet des expropriations causées par la politique de la « ceinture arabe » dans les régions kurdes, l’opposant syrien incline plus pour des compensations versées aux propriétaires lésés que pour des restitutions. Enfin l’attentisme des partis kurdes devant la révolution syrienne, et l’attitude ambiguë de certains d’entre eux, hésitant entre rejoindre l’opposition et négocier avec le régime en place, pourrait avoir que des conséquences négatives pour les Kurdes après la chute du Baath, selon les dissidents arabes.

Les Kurdes de Syrie, il est vrai, peinent toujours à s’unifier dans une action et une ligne politique claire et commune. Le 4 août, ils ont annoncé projeter une conférence pour élaborer enfin une stratégie plus nette sur leur rôle futur dans la nouvelle Syrie, mais sans faire déjà l’unanimité sur la tenue de cette conférence. Ainsi sur les 12 partis kurdes, le mouvement Sawa de la jeunesse kurde, un des plus actifs dans les manifestations, a décliné sa participation. « Les partis kurdes n’ont même pas clarifié leur position envers le régime syrien. Cela nous rend suspicieux. Nous espérons qu’ils annonceront publiquement cette position avant la tenue de la conférence, parce que, en ce qui nous concerne, nous en avons fini avec le régime d’Assad. Et malgré cela, les partis kurdes parlent encore de possibles négociations avec ce régime. »

samedi, août 27, 2011

KURDISTAN D’IRAK : LES PREMIERS EFFETS DES CAMPAGNES ANTI- EXCISION


En juin dernier, le parlement kurde d’Erbil avait voté une loi interdisant la pratique de l’excision, après une campagne de plusieurs années de la part d’ONG locales et internationales visant à l’interdiction de cette pratique. WADI, une ONG kurdo-allemande, avait ainsi sillonné les régions du Kurdistan d’Irak pour évaluer l’importance des cas d’excision, avec le soutien du gouvernement kurde.

À présent, l’attention et les efforts de cette même ONG se porte sur les districts kurdes en dehors de la Région, notamment à Kirkouk, mais aussi dans le reste de l’Irak où ce qui était présenté comme une tradition kurde pourrait aussi affecter les populations arabes. La province étant multi-ethnique et multi-confessionnelle, elle permet aux ONG d’émettre des hypothèses sur la situation des provinces irakiennes où il est trop dangereux d’enquêter.

Sur 100 entretiens conduits dans le gouvernorat de Kirkouk, il apparaît que 54% des sunnites pratiquaient des excisions, tandis que les chiites et les autres minorités religieuses ne sont presque pas touchées ; que les excisions sont surtout pratiquées dans les zones rurales et très peu en ville. Sur la répartition entre Kurdes, Arabes et Turkmènes il apparaît que les cas d’excision sont kurdes à 78%, pour seulement 25% d’Arabes et de Turkmènes. Les chrétiens, qu’ils soient assyriens, chaldéens ou arméniens ne sont pas touchés par cette pratique.

Sur les femmes ayant subi une excision, seulement 2% affirment souhaiter que leurs filles le soient à leur tour, tandis que 62% des excisées se disent contre. Cependant, parmi ce même groupe, 29% ont déjà fait exciser leurs filles, ce qui indique un basculement des mentalités très récent, peut-être dû aux campagnes d’information très actives venues de la Région kurde et ce malgré l’opposition de certains milieux islamistes, toutefois minoritaires, hostiles à cette interdiction.

vendredi, août 26, 2011

IRAN : MANIFESTATIONS DES AZÉRIS ET DES KURDES POUR DÉFENDRE LE LAC D’OURMIEH


Les habitants d’Ourmieh, au Kurdistan d’Iran protestent contre le refus, de la part du parlement de Téhéran, de détourner plusieurs cours d’eaux pour réalimenter en eau le plus grand lac salé du monde, mis en danger écologique par les barrages et la construction de routes et de ponts. Plusieurs manifestations ont été réprimées, le 27 août, par la police anti-émeutes, qui a chargé les cortèges et usé de tirs lacrymogènes.

Mais cette protestation écologique peut cacher ou couver des tensions plus politiques, notamment entre Kurdes et Azéris, ces deux peuples se partageant les rives du lac d’Ourmieh, entre les provinces d’Azerbaïdjan occidental (comprenant le nord du Kurdistan d’Iran) et d’Azerbaïdjan oriental. Mohammad-Javad Mohammadi-Zadeh, le vice-président du Bureau des questions d’environnement, qui dirige l’Organisation de protection de l’Environnement accuse des groupes locaux de « politiser » la défense du lac d’Ourmieh.

Les manifestations et les affrontements avec la police se déroulent dans un contexte politique tendu au Kurdistan d’Iran, alors que les attaques contre les bases du PJAK se poursuivent, dans et hors l’Iran.

Les Azéris, quant à eux, constituent une ethnie chiite assez bien représentées au sein du pouvoir central, beaucoup de dirigeants actuels du pays étant azéris, dont le Guide suprême Khamenei lui-même. Cependant, des mouvements pan-turcistes agitent régulièrement le pays et lorgnent vers une réunification à la république azérie et au monde turc. Les deux peuples, kurde et azéri ont ainsi été souvent en révolte contre le pouvoir central persan, depuis la révolution constitutionnel de 1906. Tous deux ont proclamé des républiques indépendantes et éphémères en 1946 avec l’appui des Soviétiques, et les deux provinces ont été d’actifs opposants au Shah d’Iran lors de la révolution de 1979.

Parution : Le Turquetto


Présentation de l'éditeur
Se pourrait-il qu'un tableau célèbre - dont la signature présente une anomalie chromatique - soit l'unique oeuvre qui nous reste d'un des plus grands peintres de la Renaissance vénitienne : un élève prodige de Titien, que lui-même appelait "le Turquetto" (le petit Turc) ? Metin Arditi s'est intéressé à ce personnage. Né de parents juifs en terre musulmane (à Constantinople, aux environs de 1519), ce fils d'un employé du marché aux esclaves s'exile très jeune à Venise pour y parfaire et pratiquer son art. Sous une identité d'emprunt, il fréquente les ateliers de Titien avant de faire carrière et de donner aux congrégations de Venise une oeuvre admirable nourrie de tradition biblique, de calligraphie ottomane et d'art sacré byzantin. Il est au sommet de sa gloire lorsqu'une liaison le dévoile et l'amène à comparaître devant les tribunaux de Venise... Metin Arditi dépeint à plaisir le foisonnement du Grand Bazar de Constantinople, les révoltes du jeune garçon avide de dessin et d'images, son soudain départ... Puis le lecteur retrouve le Turquetto à l'âge mûr, marié et reconnu, artiste pris dans les subtilités des rivalités vénitiennes, en cette faste période de la Renaissance où s'accomplissent son ascension puis sa chute. Rythmé, coloré, tout en tableaux miniature, le livre de Metin Arditi convoque les thèmes de la filiation, des rapports de l'art avec le pouvoir, et de la synthèse des influences religieuses qui est la marque particulière du Turquetto. Né en Turquie, familier de l'Italie comme de la Grèce, Metin Arditi est à la confluence de plusieurs langues, traditions et sources d'inspiration. Sa rencontre avec le Turquetto ne doit rien au hasard, ni à l'histoire de l'art. Car pour incarner ce peintre d'exception, il fallait d'abord toute l'empathie - et le regard - d'un romancier à sa mesure. 
Biographie de l'auteur
Né lui-même en Turquie, établi en Suisse, familier de l’Italie comme de la Grèce, Metin Arditi
est à la confluence de plusieurs langues, traditions et sources d’inspiration. Sa rencontre avec le Turquetto ne doit rien au hasard, ni à l’histoire de l’art. Car pour incarner ce peintre d’exception, il fallait d’abord toute l’empathie d’un romancier à sa mesure. Contournant à merveille les afféteries des romans “en costumes”, Metin Arditi donne à son personnage une présence et une pérennité splendides.

Le Turquetto
Broché: 280 pages
Editeur : Actes Sud (12 août 2011)
Collection : ROMANS, NOUVELL
Langue : Français
ISBN-10: 2742799192
ISBN-13: 978-2742799190

jeudi, août 25, 2011

Cemîlê Horo



Encore un fameux dengbêj d'Efrîn. Cemîlê Horo est né en 1934 et mourut en 1989. Jusqu'au début des années 1960, il chantait dans les fêtes et les noces puis il enregistra sur disque son répertoire à Alep, au studio S. Kamil. Parmi ses chants, beaucoup appartiennent au folklore kurde, d'autres sont de sa création : Memê Alan, Feteh beg, Ûsib Şer, Xana Dinê, Eyşa Îbê, Dizo, Cebelî, Xemê Zalim, Tosino, Wey lawo.. Lo bavo, etc. En 1970 son activité politique l'obligea à fuir la Syrie pour la Turquie, où il s'était déjà rendu plusieurs fois entre 1960 et 1965. Il enregistra avec la célèbre chanteuse Eyşe Şan et travailla avec de nombreux autres artistes de Turquie, kurdes, mais aussi turcs et arabes. Mais il revint en Syrie et mourut à Alep, après une vie d'artiste et de militant politique bien remplie.

Derviche, bois et feutre



mercredi, août 24, 2011

TV : constantinople 1910, iran, versets sataniques




Vendredi 26 août à 16 h 35 sur ARTE : Chienne d'histoire, Serge Avedikian, 2008, 14 mn. (Rediffusion lundi 29 août à 16H15 et jeudi 8 septembre à 12 h 00).

Constantinople 1910. Trop de chiens errants dans les rues de la ville. Le gouvernement nouvellement en place, influencé par un modèle de société occidentale, cherche auprès d'experts européens les moyens de s'en débarrasser avant de décider, seul, de déporter 30 000 chiens sur une île déserte, au large de la ville. A travers le double regard d'une chienne qui vient de mettre bas et du gendarme qui l'encage, on suit l'exil forcé de ces chiens dont la plupart mourra de faim et de soif.



Mardi 30 août à 20 h 35 sur Histoire : Iran, une puissance dévoilée, Jean-Michel Vecchiet, 2008.
+ à 22 h 11 : L'Affaire des Versets sataniques.


mardi, août 23, 2011

'Pourquoi partir pour La Mecque sans vin ni amour?'





Machrab a fait, plus récemment, l'objet, (avec deux autres qalandars) d'une étude d'Alexandre Papas (Mystiques et vagabonds en islam : Portraits de trois soufis qalandar). Le Vagabond flamboyant est la traduction du diwan de ce très beau poète soufi, fleuron de la Malamatiyya, cette 'Voie du Blâme' musulmane qui mêle l'indifférence du Christ et l'insolence des bouddhistes tchan envers la Religion (ses rites, ses temples, ses sacrements, ses lois, ses clercs), comme envers la 'Cité' humaine (ses lois, ses souverains, sa police, son armée, ses juges, ses devoirs familiaux, son pain quotidien). Mais avec, en plus, ce 'Ishq, digne héritier de l'Éros grec du Banquet (celui de Diotime et non d'Aristophane).

Que faire de la poussière de ce corps et d'un esprit volage,
Si ma belle est loin de ma vue, que faire de mon âme ? 
Pourquoi partir pour La Mecque sans vin ni amour,
Que faire de cette vieille bicoque abandonnée par Abraham ? 
Dois-je briser sur ma tête les huit enfers et les huit paradis ?
Si je ne la trouve pas, que faire des deux mondes ? 
Je pose mes pieds au sommet du ciel,
Et prends la place de l'absence : que faire de cet espace ? 
Si chaque fragment de lumière n'est pas semblable au soleil,
Que faire, jusqu'à la fin des temps, du secret caché ? 
Toutes choses, à part Dieu, ô Machrab, sont étranges…
Si je tiens une rose à la main, que faire des épines ?


Je suis venu au monde et par ignorance me suis noyé dans sa vase.
Comme il n'y avait pas de secours en vue, j'ai crié… 
J'ai vu que ses ennemis sont l'esprit et le corps :
Dans ses yeux j'ai tiré les flèches du non. 
Entrant dans la mosquée, comme un mystique, je me couvrais de glace ;
Entrant dans le cabaret, j'ai su que j'y brûlerais. 
À toi la prière, mystique ; à moi la bouteille de vin :
Je vendrais mille chapelets pour une seule coupe de vin. 
Le temps que la folie de ma gloire s'empare du monde :
Durant une seule de ses rotations, j'ai traversé deux mondes. 
J'ai bu du vin de l'unité servi des mains du maître des échansons
Et tout de suite, comme Mansour, j'ai livré ma tête à la potence… 
Amis, n'accusez pas Machrab d'insignifiance…
Qu'y puis-je, j'ai parcouru toutes les rues de la souffrance !

Machrab, Le vagabond flamboyant, trad. Hamid Ismaïlov.

vendredi, août 19, 2011

TV, radio : zeugma, grecs d'istanbul, riz persan et détenus iraniens

TV

Vendredi 26 août à 21h 32 sur Histoire : Les derniers jours de Zeugma ; Thierry Ragobert :

La construction d'un barrage sur le cours de l'Euphrate, en Turquie, va entraîner la destruction d'une des villes les plus importantes de l'Empire romain. La cité antique de Zeugma sera engloutie sous 40 mètres d'eau.Une équipe composée d'archéologues, d'épigraphes, de céramologues est mobilisée. Le film suit le travail des archéologues sur le terrain et raconte en parallèle l'histoire de cette cité emblématique fondée sur la route de la soie par un des généraux d'Alexandre le Grand.

Radio

Dimanche 21 août à 8 h00 sur France Culture : Les Grecs d'Istanbul. Avec Méropi Anastassiadou, co-auteur avec Paul Dumont de Les Grecs d'Istanbul et le patriarcat œcuménique au seuil du XXIe siècle. Une communauté en quête d'avenir (Cerf). Foi et tradition, Sébastien de Courtois.


Présentation de l'éditeur
Les Grecs d'Istanbul, qui formaient à la fin du XIXe siècle un des éléments les plus dynamiques de l'Empire ottoman, ne représentent plus, dans la Turquie d'aujourd'hui, qu'une population résiduelle de quelques milliers d'âmes. Le déclin est-il irrémédiable ? Nombre d'observateurs estiment que la communauté est en voie de disparition. Toutefois, ce livre donne aussi la parole à ceux qui croient encore à un rebond. L'amélioration des relations gréco-turques, à partir de 1999, a suscité d'immenses attentes, insufflant un nouveau dynamisme aux rescapés de l'exode. Ce travail est le résultat de plusieurs années d'immersion dans la vie de l'orthodoxie stambouliote. Fondé sur le partage de moments forts, il se veut surtout témoignage. Mais les auteurs ont aussi veillé à évoquer les turbulences de l'histoire, tout en brossant un tableau précis de la situation actuelle : démographie, vie économique et sociale, structures éducatives, leadership laïque et religieux, patrimoine culturel, lieux de mémoire... L'institution patriarcale, porteuse d'un itinéraire pluriséculaire, occupe dans l'étude une place centrale. Aux yeux de tous, Bartholomaios 1er, l'actuel patriarche oecuménique, est le principal porte-parole de la communauté. C'est lui qui négocie avec les autorités turques. Jouissant d'un prestige considérable, c'est aussi lui qui représente le Phanar sur la scène internationale. 
Biographie de l'auteur
Méropi Anastassiadou est chargée de recherche au CNRS. La plupart de ses travaux portent sur l'histoire des sociétés urbaines de l'Est méditerranéen (Grèce, Turquie). Elle a notamment publié Salonique 1830-1912. Une ville ottomane â l'âge des réformes (Leyde, 1997). Paul Dumont, professeur à l'université de Strasbourg, s'intéresse à l'histoire de la Turquie moderne. Ses travaux récents portent sur des thèmes aussi variés que les minorités, les mouvements d'idées, la littérature de voyage, ou les cercles de sociabilité.

Broché: 311 pages
Editeur : Cerf (6 mai 2011)
Collection : L'histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204093246
ISBN-13: 978-2204093248




Lundi 22 août à 12 h00 sur France Culture : La Perse et l'art du riz. Avec Shahrokh Moshkin Ghalam, Comédie-Française ; Ali Tavassoli, chef du restaurant Mazeh à Paris ; Hervé Nègre, photographe ; On ne parle pas la bouche pleine ! A. Kruger.

Vendredi 26 août à 14 h 30 : Iran : récits de détention (rediff. 2010). Les pieds sur terre, S. Kronlund.

jeudi, août 18, 2011

Apê Adik



Apê Adîk ou "Oncle Adik" (1907-2007), Hassan Adik pour l'état-civil, naquit en 1907, dans la région d'Afrin, où il exerça ses talents près de soixante-dix ans. Il avait à son  répertoire les épopées classiques kurdes, Mem û Zîn, Cebelî, Teyar, Derwêşê Evdî û Edulê. Il jouait de plusieurs instruments : tembûr (petit luth) et keman (violon) pour les cordes, pîk et bilûr (roseau, flûte), mais c'est son jeu et son style impressionnant au tembûr qui ont fait que l'on parle parfois de 'méthode Apê Adik'.

Têgeyştinî Rastî : Comprendre la Vérité


Tout comme Pierre Rondot et l'armée française furent des soutiens et des promoteurs de la langue kurde écrite et du journal Hawar en Syrie-Liban, les Britanniques, avec le major Soane, assurèrent la promotion du soranî au Kurdistan d'Irak et le journal Têgeyştinî Rastî ("Comprendre la Vérité)", moins célèbre que son compatriote kurmancî, mais bien plus directement commandé par l'armée de Sa Majesté, dans les années 1918-1919, en est un des premiers témoins.

Ce journal est consultable en version numérisée sur la World Digital Library (Thanks to Kurdistan Commentary), dont je traduis la notice plus bas, en faisant juste une remarque sur la dernière phrase, concernant l'antériorité du journal dans ses articles sur l'histoire kurde : c'est à vérifier, car il serait étonnant que le premier journal kurde, Kurdistan, publié en 1898 au Caire, par Miqdad Midhat Beg et Ebdulrehman, Bedir Xan (le fils de l'Émir de Cizirê Botan, destitué en 1847), n'ait jamais abordé ce sujet, d'autant qu'il maintint ses parutions jusqu'en 1902, en ayant déménagé le siège en Europe, navigant entre la Grande-Bretagne et Genève pour échapper à la censure ottomane, en raison de leurs positions critiques envers le régime (ainsi leur condamnation des massacres de chrétiens en 1894-1895, le fils Bedir Xan ne marchant pas, en cette voie, sur les traces de son père). 

"Têgeyştinî Rastî ("Comprendre la Vérité") fut un journal bi-hebdomadaire publié par ordre de l'armée britannique en Irak, en 1918-1919. À cette époque, les Britanniques étaient en guerre avec l'Empire ottoman qui régnait sur l'Irak depuis le XVIe siècle. Quand les forces britanniques commencèrent d'avancer vers la région du Kurdistan irakien au printemps 1918, ce journal devint le porte-parole de l'Empire britannique, avec une propagande en faveur des positions britanniques sur les questions politiques, sociales et culturelles. Ce journal se vendait un ana, ou quatre fels, une somme alors très faible. Le siège du journal était à Bagdad, dans ce qui est à présent la rue Nahr, dans le même immeuble que le journal Jaridet Al-Arab. L'encadré du journal ne mentionne ni le nom des propriétaires, ni ceux de l'équipe de rédaction, et les articles ne sont pas signés. On sait, cependant, que le rédacteur en chef était le major Soane, et que c'est lui qui préparait entièrement le journal pour sa publication. Soane maîtrisait la langue kurde, et il était assisté dans sa tâche par le poète et littérateur Shukri Fadhli. Destiné à servir de media et outil de propagande pour mobiliser les Kurdes contre les Turcs ottomans, Têgeyştinî Rastî, dans ses dépêches et ses articles, attaquait l'Empire ottoman. Il se servait aussi de la glorification de l'islam et de la promotion des sentiments nationaux des Kurdes pour tenter de gagner les cœurs et les esprits du peuple kurde. Cela alla jusqu'à publier les noms de plusieurs officiers britanniques convertis à l'islam et qui avait adopté des prénoms musulmans. Le journal adopta également une position hostile à la Révolution d'Octobre en Russie. Il tenta de rallier les chefs tribaux et d'autres leaders influents de la communauté kurde. L'armée  britannique est dépeinte comme libératrice des Kurdes sous contrôle ottoman. La littérature kurde est promue, avec la poésie d'Al-Hadj Qadir Al-Kobî et de Nalî Rimhawî Ka, et ce fut le premier journal kurde à écrire sur l'histoire et les origines du peuple kurde."

Les numéros peuvent être vus et téléchargés en fichier tif à cette page.

mardi, août 16, 2011

'there is no occurence of the second person feminine'

Antah, Ant  = tu au masculin.

"Note that there is no occurence of the second person feminine singular in BA (Biblical Aramaic)."   
(A Short Grammar of Biblical Aramaic, Alger F. Johns).

Décidément, Dieu ne cause pas souvent aux dames, dans la Bible. Évidemment, avec seulement Ezra et Daniel en araméen, ça limite le vocabulaire. Heureusement, la grammaire Rosenthal, pour une fois utile, donne un tu féminin (Anti) en spécifiant qu'il n'est pas tiré de la Bible (mais je suppose qu'avec la masse de littérature talmudique, on a de quoi combler certains trous). Mais cela me fait sourire car je me souviens du problème soulevé par Erri de Luca, concernant les Dix Commandements qui ne sont qu'un TU au masculin, dispensant les femmes de la Loi. Pas que des inconvénients, dans tout ça.

vendredi, août 12, 2011

Agaxan Abdullayev



Agaxan Abdulllayev (prononcez Agakhan) est un chanteur azéri né à Bakou en 1950. Il enseigne le mugham depuis 1973 et se produit en public depuis 1975, en Azerbaïdjan et dans le monde entier.


Si tu meurs, je te tue : sortie en dvd

Sortie le 17 août en dvd du film de Hiner Saleem, Si tu meurs je te tue (Océans). Extrait, annonce, critique et interviews sur l'Heure de la sortie.

Synopsis :
Philippe, qui vient de sortir de prison, rencontre Avdal, un Kurde à la recherche d'un criminel irakien. Les deux hommes se lient d'amitié. Avdal, qui rêve de rester en France, a prévu de faire venir sa fiancée, Siba, à Paris. Soudain, Avdal meurt. Philippe se retrouve seul à devoir s'occuper de ses funérailles. Siba arrive à Paris et apprend la mort de son fiancé... Recueillie par un groupe de Kurdes, elle fait la connaissance de Philippe alors que Cheto, le père d'Adval, arrive également à Paris.


mercredi, août 10, 2011

TV, radio : islam, hespèrion xxi.

TV

Mardi 16 août  et mercredi 17 août à 20 h 30 sur LCP : Au nom de l'islam, d'Antonio Wagner, France, 2009.
1) : Le ressentiment. 
2) : Djihad ou démocratie ?

Radio 

Mardi 16 août à  de 12 h à 14 h sur France Musique :  Istanbul 1711. Musiques ottomanes, séfarades, arméniennes, occidentales. Jordi Savall & Hespèrion XXI. Festival de Fontfroide, R. Machart.

Voir détail du programme.


vendredi, août 05, 2011

Le 'printemps kurde' de Syrie : entre conflit politique et conflit de générations

Après un retrait relatif par rapport à l’agitation printanière des Arabes syriens, des manifestations ont commencé, au début d'avril, dans les régions kurdes. Radif Mustafa, le président du comité kurde pour les droits de l'Homme, a déclaré à l’AFP, le 1er avril : "plusieurs centaines de personnes ont défilé pacifiquement dans les rues, après la prière de vendredi à Qamişlo et Amude en scandant : 'nous ne voulons pas seulement la nationalité mais aussi la liberté' et 'Dieu, la Syrie et la liberté'. À Hasaké, 150 à 200 personnes ont manifesté avec les mêmes mots d'ordre, avant d'être dispersées par les forces de sécurité. C'est la première fois depuis le début de la contestation que des manifestations ont lieu dans cette région à majorité kurde."

Les autorités syriennes ont cependant semblé désireuses d’éviter un ralliement massif des Kurdes aux contestations de Damas, de Deraa et de Lattaquié : le 21 mars a vu, pour la première fois depuis des années, une fête de Newroz sans violence de la part des forces de sécurité ; la question des Kurdes privés de leur nationalité a été, une fois de plus, évoquée publiquement par le président Bachar al Assad, qui a ordonné la constitution d'une "commission chargée de régler le problème du recensement organisé en 1962 dans le gouvernorat de Hasaké." Cette commission devait achever ses travaux avant le 15 avril afin que le président Assad promulguât un décret adéquat sur ce problème (agence officielle syrienne Sana). Ce début d’agitation dans des villes kurdes a sans doute incité le gouvernement à lâcher un peu plus de lest en faveur des Kurdes. Le 6 avril, 48 détenus, en majorité kurdes, arrêtés il y a un an lors des affrontements du Newroz, ont été libérés.

Cette libération a été confirmée dans un communiqué rédigé et signé par six organisations kurdes syriennes de défense des droits de l'Homme : "Nous avons pris connaissance de la décision mercredi du juge d'instruction militaire d'Alep de libérer 48 Syriens arrêtés lors des événements qui ont lieu durant la célébration du Norouz le 21 mars 2010. Nous saluons cette décision. Nous demandons au gouvernement de libérer tous les détenus politiques et de cesser la série d'arrestations abusives qui sont un crime contre la liberté personnelle." 

La commission chargée d’étudier le cas des Kurdes apatrides, créée le 31 mars, devait rendre ses conclusions avant le 15 avril. Mais la procédure a été finalement accélérée. Le 5 avril, le président Bachar al-Assad recevait des représentants de Hasaké, une des régions les plus concernées par la question des apatrides. Le 7 avril, un décret accordant la citoyenneté à ces habitants a été promulgué, comme l’a annoncé l'agence officielle Sana : "Le président Assad a promulgué un décret octroyant à des personnes enregistrées comme étrangères dans le (gouvernorat de Hasaké) la citoyenneté arabe syrienne. Le décret entre en application aussitôt sa publication au Journal officiel et le ministre de l'Intérieur est chargé d'appliquer cette mesure sur le terrain." 

Mais alors que l’agitation se poursuivait dans tout le pays, les représentants kurdes syriens n’entendaient pas, du moins en paroles, baisser leur garde, même s’ils ont salué cette décision, survenant après un demi-siècle d’imbroglio administratif et juridique pour les Kurdes de l’est du pays : "Il s'agit d'une mesure positive", a déclaré le président du Comité kurde pour les droits de l'Homme. Mais les Kurdes ont encore bien d'autres droits à revendiquer en Syrie : droits civiques, politiques culturels et sociaux." 

"C'est un pas dans la bonne direction car il répare une injustice d'un demi-siècle, commentait, pour sa part, Fuad Aliko, membre du comité politique du parti kurdeYekitî, un parti qui a été en pointe de la contestation kurde dans le pays, et s’est fait surtout remarquer, dès 2001, pour ses manifestations publiques en faveur de ces Kurdes apatrides. Mais les autres revendications kurdes n'étaient pas, pour autant, mises de côté ; subsistent la question de l’enseignement du kurde et des droits culturels, de façon générale : "Nous souhaitons l'enseignement du kurde à l'école au même titre que le français et l'anglais, pouvoir célébrer nos fêtes sans être harcelés par les services de sécurité et posséder des centres culturels pour faire connaître notre histoire et transmettre notre patrimoine." Enfin, Fuad Aliko appelait à "l'ouverture d'un dialogue entre les dirigeants du mouvement politique kurde et le pouvoir" et "la reconnaissance de notre particularité à travers une forme d'autonomie dans les régions à majorité kurde ". 

Cette politique des 'petits gestes', de la part de Damas, n’a pas suffi à dissuader les Kurdes de manifester. Le 8 avril, près de 3.000 personnes défilaient dans plusieurs villes, notamment Amude, Dêrik, Deirbasiyé, Qamişlo et Hasaké, en réclamant l'abolition de la loi d'urgence et la libération des autres détenus. Fait remarquable, des Arabes s’étaient joints aux Kurdes, et surtout, des chrétiens assyriens qui, jusqu’ici, avaient observé une politique de neutralité vis-à-vis du régime alaouite, craignant que l’avènement d’un gouvernement à majorité sunnite ne compromette leur liberté religieuse.

Contrairement aux autres villes syriennes, ces manifestations d'avril n’ont donc pas été réprimées par les armes, mais les organisations kurdes ont dénoncé, le 29 avril, des raids menés par les forces de sécurité aux domiciles de plusieurs militants kurdes, notamment dans la ville d’Amude. Le même jour, en soirée, les communications téléphoniques (fixes et mobiles) ainsi qu’Internet étaient coupées, aussi bien à Amude qu’à Qamişlo et Deirbasiyé. Les routes alentour étaient bloquées par les forces de sécurité. Plusieurs militants, des jeunes pour la plupart, ont été ainsi arrêtés, par surprise et clandestinement. Leurs familles et proches ont indiqué qu’ils avaient reçu des menaces depuis plusieurs jours, s’ils ne cessaient leurs activités. À Qamişlo, une dizaine de personnes ont été aussi arrêtées, dont l’imam Abdul Samad Omar, qui soutenait et encourageait les protestations lors des prêches du Vendredi, et dont les sermons servaient de point de ralliement à de nombreux manifestants. Un autre dignitaire religieux, le cheikh Ebdul Qadi Kheznewî, membre d’une famille soufie influente dans la région, et dont l’un des leaders a été mystérieusement assassiné en 2005, pour ses prises de position en faveur des Kurdes, a également été arrêté. Le parti Yekitî a aussi fait état de plusieurs arrestations dans ses rangs. Des groupes de jeunes Kurdes ont alors appelé à des sit-ins devant le siège des forces de sécurité jusqu’à ce que leurs compatriotes soient relâchés.

C'est alors que, malgré ce début "d'intimidation", ou par une tactique visant à souffler le chaud et le froid sur les villes kurdes, le président Bachar Al-Assad a rétabli officiellement dans leur citoyenneté les quelques 300 000 Kurdes "apatrides" dans leur citoyenneté, le 2 mai. À cette annonce, les manifestations se sont temporairement arrêtées à Qamişlo et Amude, mais ont continué dans d’autres villes, comme Hasaké. 

De façon générale, les voix kurdes se sont accordées pour rappeler que cette mesure ne résolvait pas toute la question kurde en Syrie. Ainsi le chanteur Omar Şan, originaire d’Efrîn, déclarait au site Aknews que la citoyenneté syrienne, accordée seule, ne signifiait rien : "Les Kurdes ont besoin de beaucoup d’autres choses, allant de l’électricité aux soins médicaux, qu’est-ce que cette 'citoyenneté creuse' va leur apporter s’ils n’ont aucun droit ? La négligence du Conseil de Sécurité de l’ONU et des organisations des droits de l’homme concernant les droits du peuple kurde est regrettable." De même l’activiste Aras Yusuf jugeait que les Kurdes doivent voir tous leurs droits reconnus en tant que citoyens vivant en Syrie, indiquant que l’octroi de la nationalité n’est qu’une petite partie de ces droits. Sur l’arrêt  momentané des manifestations à Qamişlo et Amude, Aras Yusuf a également indiqué que tous les réseaux des téléphones mobiles et autres moyens de communication ayant été coupés, et que cela avait pu mettre un frein aux rassemblements de rue.

De fait, le 20 mai, à Qamişlo, le mouvement de rue reprenait avec ampleur : 10 000 personnes participaient à une manifestation organisée lors du vendredi dit ‘Azadî’, de la liberté. À Amude, environ 8 000 étaient dehors pour ce Vendredi de la Liberté ; à Koban, 5 000 ; dans de plus petits villes comme Serê Kaniyê et Deirbasiyé, les manifestants étaient environ 3 000. À Efrîn, 150 personnes ont tenté de manifester mais ont été immédiatement encerclées par les forces de sécurité. Cette alternance de calme et de reprise soudaine s'explique par le fait que les Kurdes sont politisés depuis des décennies en Syrie, et la plupart affiliés à des organisations, soit politiques, soit de défense des droits de l’homme. Il est donc facile, en une journée, de mobiliser plusieurs milliers de personnes ou de les démobiliser provisoirement.

Début juin, le gouvernement syrien relâchait plus de 450 prisonniers politiques, dont des Kurdes. Cela n’a pas empêché les manifestations de se poursuivre. Plus de 8000 personnes ont défilé le 3 juin, dont 3000 dans la seule ville de Qamişlo, portant des drapeaux syriens, réclamant la chute du président Bachar Al Assad et clamant leur soutien à la ville de Jisr al Choughour, dans l’ouest du pays, où avait lieu au même moment une opération militaire de répression, ainsi qu’à la ville de Deraa, au sud du pays. qui a subi les plus dures exactions de la part des forces de l’ordre. Dans la ville d’Amude, plus de 4000 personnes ont aussi manifesté, ainsi que 1000 à Ras al Ayn, entonnant les mêmes slogans de soutien à la ville de Jisr al Choughour et brandissant des banderoles interpellant le président syrien : "Bashar, sors de nos vies".

Mais à la fin du mois de mai, l’annonce du boycott, par les groupes d’opposants kurdes syriens de la réunion, à Antalya, des principaux partis d’opposition syriens arabes, réunion 'patronnée' par la Turquie, montre la persistance d'une distance – et d'une méfiance – des partis kurdes par rapport à l’opposition arabe, sentiments qui donnent aussi l'impression d'une valse hésitante dans les déclarations et prises de décision des uns et des autres.


Les buts affichés de ce rassemblement étaient "d’unir les énergies de tous les Syriens, quelles que soient leurs ethnies, appartenances religieuses ou opinions politiques, pour un changement démocratique". Les participants attendus allaient de figures majeures de la Déclaration de Damas, d’anciens parlementaires, des Frères musulmans et des représentants de l’association indépendante des industriels et des hommes d’affaires. Des activistes kurdes étaient attendus en individuels, mais les représentants des partis politiques kurdes syriens ont décliné l’invitation. 

Ces derniers, dans une déclaration publiée dans le journal Asharq al-Awsat, ont annoncé, s’exprimant au nom de 12 partis politiques kurdes, leur intention de boycotter la réunion, en raison du lieu où elle se déroulait : "Toute réunion de ce genre, se tenant en Turquie, ne peut être qu’au détriment des Kurdes de Syrie, puisque la Turquie est contre les aspirations des Kurdes, pas seulement en ce qui concerne le Kurdistan du nord, mais toutes les parties du Kurdistan, dont celui de Syrie." Le représentant du Parti de gauche kurde, Saleh Kado, a confirmé cette préoccupation, en disant que la Turquie a une attitude  "négative" sur toute la question kurde en général, et qu’Ankara doit d’abord résoudre "le problème des 20 millions de Kurdes qui vivent sur son territoire avant de chercher à amener les partis kurdes syriens à s’accorder sur un projet unifié pour gérer les événements actuels de Syrie." Saleh Kado ajoutait que les Kurdes de Syrie ne faisaient pas confiance à la Turquie et à sa politique, et que, par conséquent, ils avaient décidé le boycott de ce sommet. Une autre raison invoquée a été la présence de Frères musulmans à cette rencontre. Les Kurdes, en effet, ont très peu de sympathies pour les mouvements religieux arabes, tant en raison de leur propre culture musulmane, éloignée de l’intégrisme, que parce que ces mouvements islamistes prônent une arabisation des Kurdes, au nom d’une soumission à la langue du Coran. 

Autre raison de ce rejet, l’indifférence, reprochée par les Kurdes, des mouvements arabes concernant leurs revendications. Ainsi, deux semaines avant la réunion, le Mouvement national des partis kurdes a mis au point son propre plan pour un changement démocratique et des réformes à tous niveaux, mais ce document aurait été complètement ignoré par l’opposition non kurde. Abdul Baqi Yusef, un des dirigeants du parti kurde Yekitî, a aussi confié au journal Aknews ses doutes envers cette plate-forme, déclarant ne connaître aucun de ses organisateurs, qui n’ont jamais pris contact avec le mouvement kurde lors des préparatifs. Par ailleurs, le sommet d’Antalya n’a pas invité tous les partis kurdes mais seulement cinq d’entre eux : le Parti démocratique de Syrie, le Parti de la gauche kurde, le Part Azadî, le Mouvement du futur kurde, et le Parti démocratique progressiste kurde. Si bien que l’ensemble de ces partis invités auraient préféré décliner, afin de ne pas 'fragmenter' l’opposition kurde.

Cependant, certains partis kurdes désapprouvaient ce boycott. Ainsi, le représentant du Mouvement du futur kurde, Mohammed Hako, a jugé cette absence au sommet comme une "énorme erreur" : "En tant que Kurdes, nous devons profiter de chaque occasion pour débattre de l’avenir de notre peuple et de la nation. Je suis contre le fait de boycotter un sommet qui aura tant de poids, surtout au regard de la situation critique et sensible de la Syrie aujourd’hui." C’est pourquoi Mohammed Hako a déclaré vouloir y assister, mais en son nom propre et non en celui de son parti.

Abu Sabir, un leader du Parti uni démocratique kurde, a reconnu dans un entretien à Rudaw, que le fait que l’Union des partis kurdes de Syrie n’ait pas été invitée à la conférence l’avait rendu suspicieux sur les intentions des mouvements arabes syriens, mais que la déclaration qui a clos la conférence l’avait convaincu, car elle évoque ouvertement les droits des citoyens kurdes et assyriens comme égaux à ceux des Arabes. À l’issue de cette conférence, les différents groupes d’opposition ont formé un comité consultatif et ont appelé le président syrien à démissionner immédiatement et à céder ses pouvoirs à son vice-président, jusqu’à ce qu’une assemblée soit constituée pour garantir une transition démocratique. Ce comité consultatif, qui veut représenter toutes les composantes religieuses et ethniques de la Syrie, compte 31 membres et 4 de ses sièges sont réservés aux Kurdes.

D’autres voix ont critiqué le fait que les Kurdes ne soient pas d’emblée qualifiés de 'second groupe ethnique en Syrie'. Mais selon Fawzî Şingar, un autre leader kurde, fondateur du parti Wifaq, le problème majeur est l’absence d’unité des voix kurdes, qui affaiblit leur poids au sein des groupes politiques dissidents en Syrie : "Le problème avec nous, les Kurdes, est que nous n’avons toujours pas d’agenda commun. Nous n’avons aucun papier à présenter à l’opposition syrienne pas plus qu’au gouvernement… Il est capital que les partis et les intellectuels kurdes entament des discussions et forment un conseil. Sinon, nous aurons des problèmes."

Parallèlement aux vétérans des partis politiques kurdes syriens, des mouvements de jeunesse, plus ou moins organisés, se font connaître et donnent le sentiment d’avoir leur propre calendrier, voire de mener le jeu plus avant que leurs aînés, qu’ils n’hésitent pas à critiquer pour leurs lignes politiques peu claires et leurs divisions permanentes. Ainsi, Ciwan Yusuf, porte-parole de la Coalition de Jeunesse Sawa a déclaré dans un entretien accordé au journal Rudaw que la "faiblesse" des partis politiques kurdes –dont certains auraient tenté de dissuader les jeunes de prendre part aux manifestations – a été un des facteurs propices à l’éclosion de multiples mouvements de jeunesse kurdes.

Selon  Ciwan Yûsuf, les partis kurdes syriens, non seulement manquent d'une ligne politique claire et unanime sur les révoltes, mais ont même tenté de freiner les actions des mouvements de jeunesse : "Pour nous, à Sawa, il était clair dès le début que nous sommes une partie de ce processus politique et de ce mouvement de rue, tout en n’appartenant à aucun mouvement politique. Mais les partis politiques s’opposent les uns aux autres et divisent nos mouvements. Ils nous soutiennent dans leurs communiqués officiels mais leurs actes prouvent tout le contraire."

Les jeunes Kurdes de Syrie attendaient, semble-t-il depuis longtemps une occasion de manifester au grand jour, mais par peur des représailles du régime, se cantonnaient à des actions culturelles. Aujourd’hui, leur impatience de passer à une action politique les pousse à utiliser leurs propres associations et mouvements au lieu de se rallier aux partis politiques, qu’ils jugent trop hésitants et manquant de coordination : "Nous savions tous qu’un jour la Syrie pourrait changer. C’est pourquoi nous avions déjà formé des groupes organisés." Ciwan Yûsuf mentionne quatre groupes militants de jeunes kurdes pour la seule ville de Qamişlo : les Jeunesses révolutionnaires, la Société civile Cizre, l’Accord des jeunes Kurdes et Sawa : "Ces groupes étaient déjà actifs dans le passé, surtout dans le domaine de la culture. Mais quand la révolution a commencé en Syrie, nous avons fait un pas en avant et avons même changé notre nom pour la Coalition Sawa de la Jeunesse."

D’autres mouvements de jeunes Kurdes sont actifs, non seulement dans le reste des villes kurdes, à Amude, Efrîn, mais aussi Damas et Alep. Barzan Behram, un écrivain kurde, confirme le rôle prépondérant qu’a joué la jeunesse kurde par rapport à ses aînés : "Depuis le début de la révolution syrienne, les jeunes travaillent étroitement tous ensemble. Ils veulent s’unir et parler au nom des Kurdes de Syrie." Barzan Behram reconnaît lui aussi que les partis kurdes de Syrie ont tendance à vouloir diviser les rangs des jeunes activistes en fonction de leurs propres désaccords politiques, mais minimise les effets de cette rivalité : "La principale raison (de ce manque de cohésion) est la dictature du régime syrien. Malgré cela, nous travaillons très bien ensemble."

Les révoltes spontanées des jeunesses kurdes avaient jusqu'ici été toujours contenues et encadrées par les partis kurdes ou les élites religieuses. Ainsi, en 2004, des rencontres entre le régime, les partis kurdes et une figure influente comme le cheikh Kheznewî, avaient réussi à éviter une aggravation des affrontements. Il semble que la tendance puisse s'inverser et selon Fawzî Şingar, la jeunesse kurde qui manifeste dans les rues, a, désormais, plus d’influence sur le cours des événements que les partis politiques traditionnels : "Les autres partis et nous-mêmes avons participé aux manifestations, mais ceux qui ont commencé et qui continuent aujourd’hui sont les jeunes. Je crois aussi que les partis politiques kurdes cesseront bientôt d’être politiquement divisés. À la fin, ils entonneront tous les mêmes slogans."

Paradoxalement, il se peut que ce soit la politisation de longue date de la communauté kurde en Syrie, et l’habitude d’agir dans le cadre de mouvements organisés, qui paralyse son action par rapport aux révoltes spontanées et sans leaders réels de la 'rue arabe' : "Les partis ne sont pas capables de contrôler la situation et la population ne peut agir séparément de ces partis. Ceux qui sont actifs actuellement agissent au hasard, sans avoir rien planifié et jusqu’ici, la politique du gouvernement a été d’observer une certaine neutralité dans les régions kurdes, afin de ne pas avoir à les attaquer."

La réticence des partis kurdes à se radicaliser s’explique aussi par le fait qu’ils ne croient pas à un effondrement rapide du régime, contrairement à ce qui s’est produit en Tunisie et en Égypte. "Le régime résistera. L’État syrien soutient le Baath depuis 45 ans. Mais nous espérons que la situation ne devienne pas aussi violente qu’en Lybie. Nous espérons que le régime laisse un conseil provisoire gouverner le pays pour 6 mois, jusqu’à ce que des élections aient lieu pour élire un nouveau président et un nouveau parlement."

Une autre raison d’hésiter à engager une résistance violente est l’inertie de la communauté internationale qui n’a, jusqu’ici, que condamner verbalement la Syrie pour la répression sanglante des manifestations. Quant à l’influence ou l’action des partis kurdes hors de la Syrie, comme celle du PKK ou les partis du Kurdistan d’Irak, elles ne peuvent être que limitées et dépendent de leur propre agenda et alliances politiques. Abdullah Öcalan, dont le parti a longtemps bénéficié de la protection syrienne, a appelé les leaders kurdes de Syrie à négocier avec le gouvernement. De même, les partis de Massoud Barzanî, président du Kurdistan d’Irak, et de Jalal Talabanî, président d'Irak, sont tenus par des relations diplomatiques complexes et tendues avec ses voisins, et ne peuvent guère aller plus loin qu'un vague appel à l’apaisement et à la démocratie.

La réticence ou la 'prudence' des activistes plus âgés peut aussi s’expliquer par des années d’expériences décevantes ou négatives dès que, dans l’histoire du Kurdistan, il a fallu compter sur la solidarité des mouvements arabes et sur leur reconnaissance de la spécificité kurde. Les partis craignent que les revendications des Kurdes ne soient pas prises en compte ou oubliées par le reste des opposants syriens ; d’où une impression de confusion et d’hésitation dans les prises de paroles et les décisions de l’opposition kurde.

Quant au gouvernement syrien, il tente toujours, dans sa politique des promesses et des petits gestes, de dissuader ou d’empêcher une coalition kurde qui se joindrait aux mouvements arabes. Selon le journal turc Milliyet, Bachar Al Assad aurait invité les représentants de douze partis kurdes, dont le PKK, pour des pourparlers qui ne concerneraient que les revendications des Kurdes syriens, avec une promesse de réforme et d’amnistie des prisonniers politiques. Le journal Milliyet affirmait que les partis kurdes avaient accepté cette rencontre, ce qui a été formellement démenti le 9 juin par les intéressés, comme l’a annoncé le journal Al-Arabiya.

L’Union démocratique des partis kurdes a confirmé l’invitation mais a démenti qu’elle a été acceptée. Après une réunion des partis kurdes à Qamishlo, ces derniers auraient rejeté la rencontre, considérant que les circonstances n’étaient pas "favorables" à de telles négociations. Par ailleurs, l'Union demande un cessez-le-feu bilatéral, le retrait de l’armée des villes syriennes, et qu’une autonomie des régions kurdes soit accordée, avec une administration séparée. Fawzî Şingar s'est dit méfiant envers les tentatives de pourparlers du régime et de son invitation lancée aux partis kurdes, mais sans la rejeter catégoriquement. Selon lui, une telle rencontre ne peut avoir lieu tant que certaines conditions ne seront pas remplies : "Ils doivent retirer tous les tanks des rues et les responsables syriens doivent venir s’excuser à la télévision auprès de tout le peuple syrien pour tous ceux qu’ils ont fait mourir. Ils doivent aussi expliquer où en sont leurs propositions de réformes et ce qu’ils ont réalisé jusque-là. Cela fait 45 ans que le régime parle de réformes mais rien n’a été fait."(rudaw)


Enfin, on ne peut manquer de relever l'extrême fragmentation des forces politiques kurdes en Syrie, avec leurs 12 partis (cela a été jusqu'à 17 ou 18), contrastant avec les autres régions du Kurdistan, mono ou bipartites. N'ayant jamais connu de guérilla sur son sol, et sa lutte ayant toujours été pacifique (ceux qui voulaient en découdre l'ont fait hors de Syrie, dans les rangs du PKK ou, auparavant, avec les Peshmergas d'Irak ou d'Iran) le Kurdistan de Syrie a eu tout à loisir d'expérimenter le débat démocratique et ses inconvénients. Au début de ce mois, l'Union démocratique kurde de Syrie vient d'annoncer la tenue d'une conférence, dans une ville kurde syrienne non encore dévoilée, afin d'unifier leur agenda politique et de peaufiner une stratégie commune qui pèserait peut-être un peu plus sur celle de l'opposition arabe. Selon Ismaïl Hama, le président de l'Union démocratique, 11 partis sur 12 ont accepté cette rencontre. Chaque ville kurde enverra des délégués, choisis parmi les représentants des partis, mais aussi parmi des personnalités indépendantes, intellectuels, représentants de mouvements de jeunesse, etc.

Comme le résume Abdulhakim Bachar, leader du Parti démocratique kurde : "Ce qui se passe maintenant en Syrie sera décisif pour les Kurdes. C'est pourquoi nous croyons nécessaire de nous rassembler et de prendre une décision, une décision kurde."

Mais la conférence aura-t-elle un impact sur les mouvements de rue ? Ciwan Yusuf, au nom de Sawa, se déclare opposé à un tel rassemblement : "La conférence comprendra des Jeunesses kurdes. Mais nous avons signifié notre opposition à cette conférence, parce que les partis veulent ainsi s'octroyer pour moitié le crédit de ce qui se passe aujourd'hui et ne donner au peuple qu'une moitié des sièges. Tenir une telle conférence ne fera que compliquer davantage la situation."

Ne se disant pas opposé à un rassemblement national, Ciwan Yusuf souhaite cependant qu'il soit mieux organisé : "Les partis kurdes n'ont toujours pas clarifié leur position envers le régime syrien. Cela nous rend suspicieux. Nous espérons qu'ils annonceront publiquement leur position envers le régime avant la tenue de la conférence, parce que, de notre côté, nous avons rejeté le régime d'Assad, alors que les partis kurdes parlent encore de négociations possibles avec le régime." (rudaw.net).

Aussi, les buts de la révolution syrienne laissent-ils beaucoup de Kurdes dans l’expectative, en tant que minorité ayant à se défier du monde arabe, mais aussi des islamistes autant portés sur le fantasme de 'l'arabisation' que les baathistes. Quant à la réponse, jusqu’ici modérée, du régime syrien envers les Kurdes, par rapport à la répression dans les villes arabes, elle a plusieurs raisons. D’abord, la propagande du régime selon laquelle les manifestants seraient des fondamentalistes islamistes ne peut s’appliquer aux Kurdes qui, dans leur immense majorité, n’ont jamais versé dans l’intégrisme religieux. De plus, empêtré dans la répression des villes arabes, le gouvernement ne souhaite pas ouvrir un second front dans les villes kurdes. Enfin, la Syrie fait face à des pressions internationales et le fait que de nombreux Kurdes vivent de l’autre côté de ses frontières, que ce soit en Turquie ou en Irak, la dissuade d’ajouter d’autres afflux de réfugiés qui pourraient rencontrer, cette fois, le soutien plus actif de compatriotes, en plus de celui des Kurdes vivant hors du Moyen-Orient.


Autre fait nouveau : alors que, jusqu'ici, dans les manifestations kurdes, étaient brandis les drapeaux du Kurdistan, ou de partis politiques kurdes, on peut voir maintenant, côte à côte, le drapeau de l'État syrien et celui du Kurdistan. Interrogé par le site Aknews, un tweetter kurde, 'Rêber' a répondu que la question des Kurdes de Syrie "réside à Damas et doit être résolu(e) seulement à Damas ; la constitution doit arbitrer cette question. Nous sommes en Syrie, pas au Kurdistan et notre problème a ses sources en Syrie." 

Cette volonté de traiter la question kurde syrienne sans dépendre des grands partis kurdes de Turquie ou d'Irak n'est pas nouvelle. Depuis la fin des années 1990, en effet, avec l'effondrement du PKK en Syrie et la guerre civile au Kurdistan d'Irak, une volonté de ne plus se sacrifier aux causes des Kurdes voisins (comme cela leur était ouvertement requis par le PKK, par exemple) avait poussé les partis kurdes syriens, comme Yekitî, à se concentrer sur des revendications purement syriennes, comme la question des 'sans-papier'. Mais les tentatives de regrouper les dissidents kurdes et arabes sous un front uni se sont toujours heurtées à une méfiance ou une réticence réciproques, les uns craignant le 'séparatisme kurde', les autres ayant eu à se plaindre de nombre de promesses trahies lors des révolutions arabes antérieures.



mercredi, août 03, 2011

radio : arménie

Dimanche 7 août à 8 h 00 : Anahide Ter Minassian, pour l'ouvrage collectif Nos Terres d'enfance. L'Arménie des souvenirs (Parenthèses). Foi et tradition, Sébastien de Courtois.

Présentation de l'éditeur
Le parcours des « terres d'enfance » proposé dans ce livre, de la banlieue new-yorkaise à Téhéran, de Bagdad à Bakou, de Erevan à Istanbul, de Beyrouth à Trébizonde, de Paris à Mouch, gomme volontairement l'espace et le temps. Tous les acteurs de ces voyages involontaires, sous une forme ou une autre, ont écrit sur les paysages ruraux ou urbains de leur enfance, retrouvant dans des quotidiens contrastés la marque de leur appartenance multiple : une identité revisitée dont chaque signe est vécu dans le regard de l'autre.
 
Les textes rassemblés dans cette anthologie sont pour la plupart autobiographiques : ce sont des autofictions ou des témoignages, des documents « qui recréent la vie » et réinventent une continuité dans les bribes et les itinéraires. Quel que soit le genre, il s'agit toujours d un regard sur une enfance réinterprétée, entre souvenirs et rémanences. Si, comme en Occident, l'écolier a été une figure montante de la littérature, les violences et les ruptures qui ont marqué l'histoire des Arméniens au xxe siècle ont assigné à l'enfant une fonction charnière dans la transmission d'une langue et d'une histoire. 
Biographie de l'auteur
Textes rassemblés par Anahide Ter Minassian et Houri Varjabédian.
Textes de : Arthur Adamov, Avétis Aharonian, Alexandrian, Michael Arlen, Peter Balakian, Kaspar Bedeyan, Krikor Beledian, Nina Berberova, Berdjouhi, Zaven Bibérian, Helena Bonner, Carzou, Chahan Chahnour, Armen Chékoyan, Eleonore Dabaghian, Zabel Essayan, Anchèn Garodouni, Nubar Gulbenkian, Ara Güler, Arménak Hagopian, Hamasdegh, Simon Kapamadjian, Arménouhie Kévonian, Viken Klag, Violette Krikorian, Lass, Mathéos Mamourian, Meguerditch Margossian, Hrant Matevossian, Martin Melkonian, Hagop Mentsouri, Anastase Mikoyan, Chavarche Nartouni, Armen Ohanian, Sergueï Paradjanov, Nicolas Sarafian, Martiros Sarian, William Saroyan, Séda, Léon Surmélian, Vahan Totovents, Antranik Zaroukian, Hratch Zartarian.

Broché: 352 pages
Editeur : Parenthèses (23 septembre 2010)
Collection : Diasporales
Langue : Français
ISBN-10: 2863641808
ISBN-13: 978-2863641804

mardi, août 02, 2011

La Turquie



Présentation de l'éditeur
Pays-carrefour aux portes de l'Europe, la Turquie contemporaine connaît une trajectoire exceptionnelle. Héritière d'un Empire ottoman considéré un temps comme " l'homme malade de l'Europe ", elle est le premier Etat musulman à entreprendre une véritable modernisation qui, sous la férule de Mustafa Kemal, n'est pas allée sans une certaine dose d'occidentalisation. En témoigne son invention d'une forme de laïcité unique en terre d'islam. Autre exception turque : une expérience démocratique précoce et néanmoins actuelle puisque le système accepte en son sein un parti d'inspiration religieuse, militant de l'adhésion à une Union européenne qui exige toutefois davantage de respect des droits de l'Homme en Turquie. Si le pays est pionnier en matière de démocratie autour de la Méditerranée, celle-ci se révèle néanmoins fragile, car l'armée qui a pris le pouvoir à plusieurs reprises a donné au régime une dimension autoritaire. Cela non seulement en vertu de la tradition centralisatrice de l'Etat turc, mais aussi de la priorité que l'institution militaire accordait à la sécurité nationale du fait du " séparatisme kurde ". La société turque compte nombre de groupes ethniques, si bien que l'identité nationale - incarnée notamment par la langue - s'est développée dans une tension permanente entre un principe d'unité promu par l'Etat et une diversité que l'on retrouve notamment dans la culture, la littérature et les arts, y compris ceux de la table. La diversité reflète ici le positionnement géographique d'un pays au croisement de plusieurs régions : le Moyen-Orient, la zone d'influence russe et l'Union européenne, à laquelle la Turquie désire adhérer malgré les hypothèques géopolitiques qu'auront longtemps fait peser son contentieux avec la Grèce et la question de Chypre. Allié traditionnel des Etats-Unis, la Turquie rejoindra-t-elle le giron européen au terme des négociations qui s'ouvrent aujourd'hui ? La démographie turque, qui alimente déjà une forte communauté immigrée dans l'Union européenne, et l'essor de son économie - dont une partie, il est vrai, relève encore du secteur informel - seront-ils ici perçus comme des atouts ou des menaces ?

Table des matières
Remerciements
Introduction (Semih Vaner)
PREMIÈRE PARTIE : La sortie de l'Empire 
Chapitre premier : L'obsession territoriale ou la douleur des membres fantômes (Stéphane Yérasimos).
Chapitre II : Mustafa Kemal et le kémalisme (Alexandre Jevakhoff)
Chapitre III : Le mouvement constitutionnel (Jean Marcou) 
DEUXIÈME PARTIE : Les relents de l'autoritarisme et les avancées démocratiques 
Chapitre IV : L'État, figure centrale de la modernité turque (Ali Kazancıgil).
Chapitre V : La démocratie et l'autoritarisme vont de pair (Semih Vaner).
Chapitre VI : Démocratie et société civile (Gérard Groc).
Chapitre VII : Structure de pouvoir, coercition et violence (Hamit Bozarslan).
Chapitre VIII : Les femmes, le genre mal-aimé de la République (Şirin Tekeli). 
TROISIÈME PARTIE : L'islam : laïcité, sécularisation et pluralisme 
Chapitre IX : L'islam à la fin de l'Empire ottoman et dans la république kémaliste : diversité et modération (Faruk Bilici).
Chapitre X : Laïcité et laïcisme. Quelques réflexions sur l'islam politique dans le contexte pluraliste (Semih Vaner).
Chapitre XI : La question alévie (Élise Massicard). 
QUATRIÈME PARTIE : Ethnicité et disparités régionales 
Chapitre XII : Reposer la "question kurde" (Jean-François Pérouse).
Chapitre XIII : Diversité ethnique et disparité régionale (Marcel Bazin). 
CINQUIÈME PARTIE : Les économies : économie formelle et économie informelle 
Chapitre XIV : L'économie turque depuis l'avènement de la République : performances ou contre-performances ? (Deniz Akagül).
Chapitre XV : L'économie grise (Teoman Pamukçu et Ahmet Haşim Köse) 
SIXIÈME PARTIE : Les relations extérieures et l'émigration 
Chapitre XVI : Les relatons extérieures. Constance dans la quête de sécurité et d'intégration (Semih Vaner) 
Chapitre XVII : Les incertitudes européennes (Deniz Akagül et Semih Vaner).
Chapitre XVIII : La question de l'émigration turque : une diaspora de cinquante ans en Europe occidentale et dans le reste du monde (Ural Manço). 
SEPTIÈME PARTIE : La culture : ancrages et changements 
Chapitre XIX : La question du roman (Timour Muhidine)
Chapitre XX : Lettres turques de langue française, De La Lyre turque (1902) à Suite byzantine (2003) (Alain Mascarou).
Chapitre XXI : Les musiques. Expression d'une société en mutation (Sami Sadak).
Chapitre XXII : Cinéma et identité nationale (Nicolas Monceau).
Chapitre XXIII : La cuisine ottomane turque et le changement culturel : du Palais de Topkapı aux "palais de couronnes" (Artun Ünsal). 
ANNEXES
Notes sur les lettres turques
Chronologie
Glossaire
Bibliographie thématique sélective
Index des noms de personnes/organisations
Index des noms de lieux
Table des cartes et des tableaux.


Broché: 733 pages
Editeur : Fayard (1 octobre 2005)
Collection : LITT.GENE.
Langue : Français
ISBN-10: 2213623694
ISBN-13: 978-2213623696


Concert de soutien à l'Institut kurde