mercredi, juin 22, 2011

Voyage en Arménie : Alaguez

Pas encore trouvé quel est ce tombeau de géant kurde…

"J'ai vu le tombeau du géant kurde aux dimensions prodigieuses et l'ai accepté comme un dû.
De ses sabots le petit cheval de tête battait des roubles et sa prodigalité était sans limite.
Dans l'arçon de ma selle brinquebalait une poule non plumée, égorgée le matin même à Byourakan.
Parfois, le cheval se courbait vers l'herbe, et son encolure exprimait la soumission des obstinés, un peuple plus ancien que les Romains.
Vint un apaisement laiteux. Le petit-lait du calme se coagulait. Les clochettes caséeuses et les  grelots de canneberge de divers calibres marmottaient et résonnaient. Près de chaque enclos se tenait un meeting de brebis astrakanes. Il semblait que des dizaines de petits forains avaient disséminé leurs tentes et leurs baraques sur la hauteur pouilleuse, et pris de court par un gain brut, surpris à l'improviste, s'agitaient dans leurs abris, faisaient tinter les seaux à traire et se fourraient dans le bercail aux agneaux, se dépêchant de les boucler pour la nuit dans leur royaume, partageant d'un aboiement les têtes de bétail fatigué, fumant et suant.
Les campements arméniens et kurdes ne se distinguent en rien d'après les ornements. Ce sont des camps sédentaires d'éleveurs de bétail sur les terrasses d el'Alaguez, des haltes de campagnes, éparpillés en des endroits où l'envie vient de s'arrêter.
Des bordures de pierre délimitent le plan du foyer et de sa petite cour attenante, avec une clôture de bouse. Les campements délaissés ou inoccupés ressemblent à des décombres d'incendie."
Ossip Mandelstam, Voyage en Arménie.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Concert de soutien à l'Institut kurde