mardi, mai 31, 2011

TURQUIE : UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE SANGLANTE POUR LES LÉGISLATIVES


La campagne électorale pour les législatives en Turquie n’a pas été des plus pacifiques, émaillée d’attentats, de manifestations meurtrières et d’accrochages entre l’armée et le PKK.

Ainsi, le 4 mai, à Diyarbakir, lors des funérailles de quatre combattants de la guerilla, un cortège de plusieurs milliers de Kurdes s’est heurté aux forces de l’ordre qui avaient tiré en l’air pour disperser la manifestation. Un véhicule de police a été pris à parti par la foule, trois policiers ont été frappés et un quatrième blessé à l’arme blanche.

Le lendemain, 5 mai, c’est la propre voiture du Premier Ministre turc, Recep Tayyip Erdoğan, qui était visée par un attentat qui n’a pas été immédiatement revendiqué. Alors en pleine tournée électoral, le Premier Ministre a en effet essuyé des tirs au fusil-mitrailleur et à la grenade. L’embuscade s’est produite peu après que la voiture officielle a quitté la ville de Kastamonu (mer Noire). Même si le journal Taraf, relayé par les quotidiens Milliyet et Sabah, a affirmé que, selon les sources de la sécurité, l’attaque proviendrait d’un commando de six membres du PKK, aucune accusation précise n’a été lancée par les autorités, pourtant promptes, en général, à désigner le PKK comme auteur d’attentats, réels ou fictifs, sur le territoire turc. Cette fois, le Premier Ministre s’est contenté de mentionner vaguement des « affiliés à une organisation terroriste ». Il est à noter que cette région de la mer Noire n’est pas, habituellement, un théâtre d’opérations du PKK. Aussi, la police turque accuse des groupes d’extrême-gauche de relayer la guerilla kurde hors de son terrain. Cependant, la mer Noire est aussi le fief de l’extrême-droite turque et compte de nombreux sympathisants des Loups Gris (MHP).

Le même jour, le parti kurde (BDP) en campagne, réuni à Diyarbakir, a condamné les opérations militaires des derniers jours, les arrestations de plusieurs militants, et menacé de boycotter les élections. Le Premier Ministre turc a immédiatement réagi : « Le BDP cherche à atteindre ses objectifs avec le soutien des terroristes ».

Finalement, le 6 mai, l’attaque contre le convoi du Premier Ministre a été revendiqué dans un communiqué du PKK, « en représailles à la terreur exercée par la police sur le peuple kurde (Firat News) » affirmant curieusement que la cible de l’attentat n’était ni le Premier Ministre, ni les civils, mais la police. Dans le même temps, le leader du PKK, Abdullah Öcalan a menacé, de sa prison : « "Soit un processus de négociations sérieuses commencera après le 15 juin, soit ce sera le début d'une grande guerre », mais comme ce n’est pas la première fois que ce genre d’ultimatum précède un prolongement de cessez-le-feu, la menace a peu ému la classe politique turque.

Par contre, l’éditorialiste Mehmet Ali Birand a estimé que la déclaration du BDP au sujet d’un éventuel boycott des élections était à prendre au sérieux : « La légitimité des élections serait en cause", et M. Erdogan serait très embarrassé, car il veut faire la démonstration d'une élection démocratique, à laquelle tout le monde participe. Mais les deux parties trouvent un peu leur compte dans cette tension sur la question kurde. Erdogan veut prendre des voix au MHP, donc il mène une politique nationaliste et s'en prend aux Kurdes accusés de menacer l'unité nationale. Quant au parti pro-kurde, "il montre ses muscles et fait la démonstration qu'il défend sa communauté » (AFP).
Les accrochages avec l’armée se sont poursuivis, avec deux membres du PKK abattus à Mardin, un policier tué et un autre grièvement blessé dans une attaque du mouvement kurde à Silopi le 7 mail. Le 13 mai, douze guerilleros kurdes étaient tués, alors qu’un commando tentait de franchir la frontière, à partir du Kurdistan d’Irak, près de Şirnak. Le 14 mai, un soldat turc était tué par une mine lors d’une opération de ratissage dans la montagne de Hakkari. Le 16 mai, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du Kurdistan de Turquie pour protester contre la mort de ces douze Kurdes, alors que des centaines de manifestants ont franchi la frontière avec le Kurdistan irakien pour récupérer les corps des combattants tués afin de les ramener à leurs familles. Les forces de sécurité sont intervenues et ont pu reprendre les quatre corps portés par les manifestants. À Diyarbakir, à Siirt, Istanbul et dans la province de Batman, plusieurs affrontements ont eu lieu avec les forces de l’ordre.

Le 23 mai, un autre attentat a été déjoué contre le Premier Ministre, toujours en tournée, cette fois dans les régions kurdes. Une bombe télécommandée contenant 36 kg d'explosifs a été en effet trouvée et désamorcée au pied d'un pont dans la province de Sirnak où Recep Tayyip Erdogan devait se rendre pour un discours électoral. Le 26 mai, un attentat à la bombe, cette fois à Istanbul, a fait huit blessés, dont deux grièvement. La bombe était placée sur un engin deux-roues et a explosé à 9 heures du matin, sous un pont, près d'un arrêt d'autobus, dans un quartier huppé de la rive européenne. « Une femme a eu un pied arraché par la déflagration et une autre souffre de brûlures du système respiratoire » (Agence Anatolie). Selon les services de sécurité, « le fait que l'explosion s'est produite à proximité d'une école de police laisse penser que l'attentat a peut-être visé la police. » Une fois encore, le Premier Ministre a laissé entendre que le PKK pouvait être à l’origine de l’attaque.

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