samedi, avril 30, 2011

SYRIE : LA RÉVOLTE GAGNE LES VILLES KURDES


Alors que jusqu’ici, les Kurdes avaient observé un retrait relatif par rapport à l’agitation des Arabes syriens, des manifestations ont commencé, en début de mois, dans les régions kurdes du nord. Radif Mustapha, le président du comité kurde pour les droits de l'Homme, a déclaré à l’AFP, le 1er avril : « plusieurs centaines de personnes ont défilé pacifiquement dans les rues, après la prière de vendredi à Qamishli et Amouda en scandant : « nous ne voulons pas seulement la nationalité mais aussi la liberté » et « Dieu, la Syrie et la liberté.
À Hassaké, 150 à 200 personnes ont manifesté avec les mêmes mots d'ordre, avant d'être dispersées par les forces de sécurité. C'est la première fois depuis le début de la contestation que des manifestations ont lieu dans cette région à majorité kurde. »

Les autorités syriennes avaient cependant semblé désireuses d’éviter ce « ralliement » des Kurdes aux contestations de Damas, de Deraa et de Lattaquié : le 21 mars avait vu, pour la première fois depuis des années, une fête de Newroz sans violence de la part des forces de sécurité ; la question des Kurdes privés de leur nationalité avait été, une fois de plus, évoquée publiquement par le président Bachar al-Assad, qui avait ordonné la constitution d'une « commission chargée de régler le problème du recensement organisé en 1962 dans le gouvernorat de Hassaké. Cette commission doit achever ses travaux avant le 15 avril afin que le président Assad promulgue un décret adéquat sur ce problème » selon l’agence officielle Sana. Ce début d’agitation dans des villes kurdes a sans doute incité le gouvernement à lâcher un peu plus de lest en faveur des Kurdes. Le 6 avril, 48 détenus, en majorité kurdes, arrêtés il y a un an lors des affrontements du Newroz, ont été libérés.

Cette libération a été annoncée dans un communiqué rédigé et signé par six organisations kurdes syriennes de défense des droits de l'Homme : « Nous avons pris connaissance de la décision mercredi du juge d'instruction militaire d'Alep de libérer 48 Syriens arrêtés lors des événements qui ont lieu durant la célébration du Norouz le 21 mars 2010. Nous saluons cette décision. Nous demandons au gouvernement de libérer tous les détenus politiques et de cesser la série d'arrestations abusives qui sont un crime contre la liberté personnelle. » La commission chargée d’étudier le cas des Kurdes apatrides, créée le 31 mars, devait rendre ses conclusions avant le 15 avril. Mais la procédure a été finalement accélérée.

Le 5 avril, le président Bachar al-Assad avait reçu des représentants de Hassaké, une des régions les plus concernées par la question des Kurdes apatrides. Le 7 avril, un décret accordant la citoyenneté à ces habitants a été promulgué, comme l’a annoncé l'agence officielle syrienne Sana : « Le président Assad a promulgué un décret octroyant à des personnes enregistrées comme étrangères dans le (gouvernorat de Hassaké) la citoyenneté arabe syrienne. Le décret entre application aussitôt sa publication au Journal officiel et le ministre de l'Intérieur est chargé d'appliquer cette mesure sur le terrain. » Alors que l’agitation se poursuit dans tout le pays, les représentants kurdes syriens n’entendent pas, cependant, baisser leur garde, même s’ils saluent cette décision, survenant après un demi-siècle d’imbroglio administratif et juridique pour les Kurdes de l’est du pays : « Il s'agit d'une mesure positive, a déclaré le président du Comité kurde pour les droits de l'Homme.

Mais les Kurdes continueront à revendiquer leurs droits civiques, politiques culturels et sociaux. » « C'est un pas dans la bonne direction car il répare une injustice d'un demi-siècle », commente, pour sa part, Fouad Alliko, membre du comité politique du parti kurde Yekitî (interdit), un parti qui a été en pointe de la contestation kurde dans le pays, et s’est fait surtout remarquer pour ses manifestations publiques en faveur de ces Kurdes apatrides. Mais les autres revendications kurdes ne sont pas pour autant mises de côté ; ainsi, la question de l’enseignement du kurde et des droits culturels, de façon générale : « Nous souhaitons l'enseignement du kurde à l'école au même titre que le français et l'anglais, pouvoir célébrer nos fêtes sans être harcelés par les services de sécurité et posséder des centres culturels pour faire connaître notre histoire et transmettre notre patrimoine. »

Enfin, Fouad Alliko a souhaité « l'ouverture d'un dialogue entre les dirigeants du mouvement politique kurde et le pouvoir » et « la reconnaissance de notre particularité à travers une forme d'autonomie dans les régions à majorité kurde ». Mais cette politique des « petits gestes » de la part de Damas, intervenant tardivement, n’a pas suffi à dissuader les Kurdes de manifester. Le 8 avril, près de 3.000 personnes ont défilé dans plusieurs villes kurdes, notamment Amude, Derik, Deirbassiyé, Qamishlo et Hassaké, en réclamant l'abolition de la loi d'urgence et la libération des autres détenus.
Fait remarquable, des Arabes s’étaient joints aux Kurdes, et surtout, des chrétiens assyriens, qui, jusqu’ici, avaient observé une politique de neutralité vis-à-vis du régime alaouite, craignant que l’avènement d’un gouvernement à majorité sunnite ne compromette leur liberté religieuse. Si, contrairement aux autres villes syriennes, ces manifestations n’ont pas été réprimées par les armes, les organisations kurdes ont dénoncé, le 29 avril, des raids menés par les forces de sécurité aux domiciles de plusieurs militants kurdes, notamment dans la ville d’Amude. De plus, le même jour, en soirée, les communications téléphoniques (fixes et mobiles) ainsi qu’Internet étaient coupées aussi bien à Amude qu’à Qamishlo et Derbasiyya. Les routes autour étaient bloquées par les forces de sécurité. Plusieurs militants, des jeunes pour la plupart, ont été ainsi arrêtés, par surprise et clandestinement. Mais les familles et proches ont indiqué qu’ils avaient reçu des menaces depuis plusieurs jours, s’ils ne cessaient leurs activités. À Qamishlo, une dizaine de personnes ont été aussi arrêtées, dont l’imam Abdul Samad Omar, qui soutenait et encourageait les protestations lors des prêches du Vendredi, et dont les sermons servaient de point de ralliement à de nombreux manifestants. Un autre dignitaire religieux, le cheikh Abdul Qadi Khaznawi, membre d’une famille soufie influente dans la région, et dont l’un des leaders avait été mystérieusement assassiné en 2005, pour ses prises de position en faveur des Kurdes, a également été arrêté. Le parti Yekitî a aussi fait état de plusieurs arrestations dans ses rangs. Des groupes de jeunes Kurdes ont appelé à des sit-ins devant le siège des forces de sécurité jusqu’à ce que leurs compatriotes soient relâchés.

"ana-l- Haqq"

Si tu parviens à te connaître totalement, si tu peux affronter honnêtement et durement à la fois tes côtés sombres et tes côtés lumineux, tu arriveras à une forme suprême de conscience. Quand une personne se connaît, elle connaît Dieu.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

vendredi, avril 29, 2011

TURQUIE : SEPT CANDIDATS KURDES INTERDITS D’ELECTIONS PUIS RÉINTÉGRÉS


Le 18 avril, le Haut Conseil électoral (YSK) a déclaré inéligibles sept candidats soutenus par le parti pro-kurde (Parti pour la paix et la démocratie, BDP) pour les législatives qui auront lieu le 12 juin en Turquie. Le Haut Conseil a motivé son interdiction en arguant du « manque de documents officiels requis pour participer aux élections » et des condamnations de plusieurs candidats pour « activités terroristes ou liens avec le PKK ».

Parmi les sept politiciens écartés, figurent deux députés et Leyla Zana, élue députée en 1991, qui avait bravé l'interdiction de parler le kurde en s'exprimant dans la langue de son peuple lors de sa prestation de serment au Parlement, ce qui lui avait valu de passer dix ans en prison, de 1994 à 2004. «C'est un grave coup porté contre la démocratie, déjà faible», a immédiatement dénoncé Selahattin Demirtas, coprésident du BDP. L'éviction des représentants kurdes pourrait conduire à un boycott des élections. » Mais Selattin Demirtas a ajouté que « toutes les options étaient envisagées, y compris un retrait de tous les candidats présentés par sa formation mais sur des listes indépendantes. »

Fait notable, cette décision de la Haute Cour a été condamnée par la majorité des partis politiques turcs, en raison des réactions parmi la population kurde, qui pourraient ensanglanter la campagne électorale. Même Mehmet Ali Sahin, président de l'Assemblée nationale et membre du parti au pouvoir, l'AKP l'a critiquée: «Cette décision affaiblit la mission du Parlement.» La décision des autorités électorales a aussitôt provoqué de violents affrontements au Kurdistan de Turquie, où environ 4000 manifestants ont lancé des pierres contre la police anti-émeute, qui a riposté avec des bombes lacrymogènes et des canons à eau, et fait usage de matraques.

Mais le 20 avril, la police aurait tiré à balles réelles, faisant une victime à Bismil, dans la banlieue de Diyarbakir, en plus de deux autres blessés. Une autre manifestation similaire a eu lieu à Van, causant plusieurs blessés et un sit-in a été organisé à Istanbul sur la place de Taksim. Environ 3.000 personnes y étaient rassemblées. Ils ont immédiatement été encerclés par des centaines de policiers anti-émeutes. Des heurts sont survenus alors que la foule marchait vers des tentes dressées par le BDP dans le quartier voisin d’Aksaray. Des groupes de jeunes ont alors attaqué des stations de métro, des bâtiments scolaires et un bureau de poste, à coups de pierres et de coktails Molotov (source AFP). Les jeunes ont également pris pour cibles des bus, des voitures, des véhicules de pompiers et des journalistes. Les forces de sécurité ont réagi en faisant usage de grenades lacrymogènes.

Le 21 avril avaient lieu les obsèques du manifestant tué, Ibrahim Oruç, âgé de 21 ans. Surveillé par des centaines de policiers d'unités anti-émeute, un cortège de manifestants a suivi le cercueil, lors du trajet qui ramenait le défunt de l’hôpital de Diyarbakir à Bismil, alors que des jeunes manifestants kurdes masqués criaient vengeance, et que d’autres participants scandaient des slogans en faveur des rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Selon l’AFP, qui a pu obtenir une copie du rapport d'autopsie, le jeune homme a été tué par une balle qui a pénétré par le bras gauche et est ressortie par la poitrine, sans que la provenance des tirs soit indiquée. Mais un témoin des affrontements a déclaré à cette même agence que la police avait ouvert le feu sur les manifestants, d'abord avec des balles en plastiques, puis à balles réelles.

En tout, 160 personnes ont été arrêtées à Diyarbakir, et 70 cocktails Molotov et 50 petites bombes artisanales auraient été saisis selon l’agence gouvernementale Anatolie. À Istanbul, deux bombes artisanales ont explosé tôt, le 21, sans faire de victimes, devant un local du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir. Jouant la carte de l’apaisement, le président Abdullah Gül a alors appelé le Haut Conseil à revenir sur sa décision, en ne mentionnant que la question des documents administratifs nécessaires à la candidature, sans aborder la question des « liens avec une organisation terroriste » : « Il apparaît que les documents (des candidats éconduits) étaient incomplets. Comme ils les ont maintenant complétés, il ne devrait pas y avoir de problème ».

Finalement, le Haut Conseil électoral est revenu sur sa décision, expliquant dans un communiqué laconique, que de « nouveaux documents judiciaires » avaient été présentés durant la période de l'appel ». Oubliant soudain, eux aussi, la question des liens politiques avec le PKK, les magistrats turcs ont donc réintégré les 7 candidats kurdes après une délibération de plus de 8 heures. Peu après cette annonce, des rassemblements en nombre réduit et pacifiques, cette fois, ont eu lieu à Diyarbakir pour célébrer cette « victoire de la rue kurde ». À Istanbul, des sympathisants ou membres du BDP ont tenté, le vendredi 22, de bloquer la circulation d’un des deux ponts traversant le détroit du Bosphore, mais la police les a dispersés. Contrairement au président Gül, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan n’a commenté que le « vandalisme » à l’œuvre dans les provinces kurdes, et a accusé le BDP d'être à l’origine des manifestations et des jets de cocktails Molotov lancés par de jeunes Kurdes.

"le diable est dans nos cœurs"

Tout l'univers est contenu dans un seul être humain : toi. Tout ce que tu vois autour de toi, y compris les choses que tu n'aimes guère, y compris les gens que tu méprises ou détestes, est présent en toi à divers degrés. Ne cherche pas non plus Sheïtan hors de toi. Le diable n'est pas une force extraordinaire qui t'attaque du dehors. C'est une voix ordinaire en toi.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

jeudi, avril 28, 2011

Duhok-Manguish-Duhok

Nous partons pour Duhok, au lycée où je peux profiter enfin d'Internet, poster sur Amedî, répondre aux mails. Je bavarde avec des professeurs.

À 14 h, fin des cours, On va déjeuner chez les neveux de Monseigneur, et puis Manguish où il va porter ses condoléances à une famille. Moi, il me largue devant le couvent de religieuses, où il y a "une Française de Sarcelles là-bas. Et ensuite, allez visiter l'église, et je viendrai ensuite venir ici les saluer." Sauf que la porte du couvent ne s'ouvre pas. Donc je laisse un mot disant que je vais à l'église puisque personne ne répond. 


À l'église, qui est très jolie, c'est la sortie des vêpres. Je débarque tranquille dans leur cour, nez en l'air et appareil photo en main, en saluant en kurde. Les femmes, qui sont très contentes que je salue en kurde, appellent alors le prêtre/diacre?, un beau type de montagnard chenu, grand et robuste, le teint basané, un peu cuivré, comme Rabban, et les yeux bleus aussi. Je lui explique et il téléphone je ne sais où, puis revient avec "ordre" de me faire visiter l'église. Ce que je fais, et avec plaisir. Manguish est un de ces lieux de culte "habités". Le Père me mène ensuite au couvent et il doit avoir une façon magique de sonner, car cela s'ouvre. Deux religieuses (la Française est à Mossoul) et une jeune fille (yézidie et orpheline, recueillie par les sœurs – qui ont des foyers, comme ça, pour les filles en difficulté, quelle que soit leur religion–, et qui fait ses études universitaires maintenant). Elles sourient, m'embrassent, avec ce regard d'enfant éclairé de certaines religieuses. On bavarde, surtout en anglais avec Sundus, qui est ravie de pratiquer. Je photographie leurs œufs, leur arbre de Pâques, leurs tableaux, leur chapelle. Sundus est si contente qu'elle me donne son mail, veut le mien et, comme elle chatte, on chattera. Là aussi, le lieu et la chapelle ont une grâce.




Le lendemain, encore le lycée. De retour dans la salle des profs, j'ai déjà ma place, à côté de Nijeen, la prof de français avec qui je parle des heures (ce que je parle ici… j'ai peur d'être logorrhéïque, mais je trouve toujours des gens ravis de pratiquer). Puis, vers 10h, elle veut assister au cours de français de Monseigneur. Comme il passait dans la classe pour interroger les élèves, je n'y ai pas coupé et même que j'ai bien répondu : "Qu'est-ce que c'est ? – C'est un œil."  Je suis douée, pas à dire.

À la récréation, c'était très drôle. Les gamines venaient deux par deux, saluer leur professeur et me sortir tout leur vocabulaire anglais et francais. Puis Nijeen leur disait que je parle kurde. Yeux ronds, bouche bée : oooooo, kurdî zane ? Puis d'autres arrivaient et disaient à leur tour hello ou bonjour et les averties clamaient toutes fières : "kurdî bixave ! ew kurdî zane !" Même yeux ronds et bouche en O : "Kurdî zaneeeee ?" J'aurais adoré les filmer.



miroir terni

La seule vraie crasse est celle qui emplit nos cœurs. Les autres se lavent. Il n'y a qu'une chose qu'on ne peut laver à l'eau pure : les taches de la haine et du fanatisme qui contaminent notre âme. On peut tenter de purifier son corps par l'abstinence, mais seul l'amour purifiera le cœur.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

mercredi, avril 27, 2011

miroir dépoli

Il est si facile d'aimer le Dieu parfait, sans tache et infaillible qu'Il est. Il est beaucoup plus difficile d'aimer nos frères humains avec leurs imperfections et leurs défauts. Sans aimer les créations de Dieu, on ne peut sincèrement aimer Dieu.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

mardi, avril 26, 2011

polissage

Dieu s'occupe d'achever ton travail, intérieurement et extérieurement. Il est entièrement absorbé par toi. Chaque être humain est une œuvre en devenir qui, lentement mais inexorablement, progresse vers la perfection. Chacun de nous est une œuvre d'art incomplète qui s'efforce de s'achever.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

lundi, avril 25, 2011

Komané-Araden- Bede Resh

vCe matin, messe et scène du bon larron : Le larron essaie, le deuxième jour de Pâques, d'entrer au paradis et l'Ange huissier lui barre la route avec un gros bâton. C'est une vraie comedia dell arte. À Komané, le larron prend parfois le bâton et distribue des coups de gourdin sur les têtes des fidèles. Éclat de rire général, sauf pour ceux qui écopent. Quand ça tombe sur certains, peut-être plus respectables en temps ordinaire, ça rit plus fort : ainsi une vieille qui en prend trois fois de suite et grommèle, peut-être un notable ou deux, et un qui râle en désignant d'autres têtes à atteindre et, du coup, s'en prenant plus que les autres, se lève et part, écœuré...


Ici à Araden, le Larron fait son Bouffon et les coups de bâton sont plus rares.

Bref l'Ange et le Larron chantent leur partie respective, le Larron plaidant sa cause et à la fin, la Croix arrive sur scène et le Larron, sauvé par elle, peut entrer, sous les applaudissements.



Ensuite la fête de saint Georges à Bede Resh, près de Sersing, puis une visite à Iènishkê, toujours pour saint Georges, dont la fête tombe le 24 avril, et comme ce jour était celui de Pâques cette année ils l'ont décalée. À Saint Georges de Bede Resh, défilé de gosses et du chœur avec cymbaliste, derrière le portrait du saint et l'évêque fermant le rang.




Iènishkè a une nouvelle église (depuis 1978) dédiée à sainte Shmony la mère martyre des Macchabées et à ses fils. Beau tableau néo-baroque aux couleurs acryliques :



L'ancienne église était aussi dédiée à saint Georges, aussi les gens y montent pour y prier, allumer des cierges et les jeune ados, en bandes ou en couple, y sont les plus nombreux, ça fait mi promenade romantique mi QG des teens.

Petit-déjeuner de Pâques : œufs et keleç




Temps alternativement ensoleillé (donc chaud et agréable) ou orageux (donc température qui chute jusqu'à 11º dans la journée. Amedî et sa fantaisie des saisons…

lâcher prise

Ne tente pas de résister aux changements qui s'imposent à toi. Au contraire, laisse la vie continuer en toi. Et ne t'inquiète pas que ta vie soit sens dessus dessous. Comment sais-tu que le sens auquel tu es habitué est meilleur que celui à venir ?
"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

dimanche, avril 24, 2011

Komané

Temps toujours épouvantable, orage et pluie. À croire que j'amène toujours ça à Komané.

Recette du thon de Carême à la Komané,  qui consiste à ouvrir 2 boites de thon à l'huile (une chacun), à en presser le couvercle au-dessus de la poubelle pour en sortir le maximum d'huile, et à faire chauffer directement la boite sur le gaz, à la scout, en y ajoutant du jus de citron. C'est très bon.





Pâques. Le Christ est ressuscité, me dit Rabban. Good news. Moi, j'étais un peu morte de fatigue avec sa messe de 5 h, c'est-à-dire que réveillée à 3h 18, ça ne servait pas à grand-chose de me rendormir. J'attends donc sous les couvertures le signal du tocsin de de 4 h, enfin la cloche, qui a sonné à 4 h 30. Me suis habillée de ce que je trouvais sous la main, enfile des sandales et hop, je descends.

La veille, à 17 h, le Matran était parti pour ses trois messes de nuit, sur des routes que l'orage avait laissées dans un état épouvantable. Il n'y a que lui pour tenter de se forcer un chemin, s'enfiler trois messes, rentrer à 1h 40 et remettre ça à 4 h. Nuit blanche, d'autant plus qu'aujourd'hui, c'est visite sur visite. Donc, à 5 h, l'église était quasi-pleine.

Avant cela, la veille de Pâques, je n'ai finalement pas dîné seule, comme j'aurais pu très bien le faire, tranquille, devant un film. À 18 h 30, j'entends monter à l'étage. J'étais assise au sol, Giovanni sur un coussin, quand ça toque à la porte et une tête timide apparaît à l'entrebaillement. Je crois comprendre que le Matran lui a téléphoné entre deux ornières pour lui dire de s'occuper de moi, c'est-à-dire de me nourrir. Visiblement, Rabban doute de ma capacité à faire chauffer une boîte de thon sur le gaz. Au demeurant, ce neveu, Ashur, est très gentil. Donc on a parlé kurde toute la soirée, de dialectologie comparée du bohti et du behdinani.



Lendemain, messe. J'y étais à 5 h, j'ai la preuve, j'ai les photos.




Je somnole à moitié pendant tout l'office, mais j'ai l'excuse de rien comprendre

Je rentre ensuite pour me doucher et je réussis à somnoler par phases de 10 mn, ça et là, ce qui finit par me revigorer. Quand je descends, je vois le Matran dans le salon de réception, recevoir les visites par rafales : certains viennent de villages éloignés et repartent au bout de 5 mn, ayant encore un long périple à faire. Les gosses défilent et reçoivent des bonbons. Moi, ne sachant trop que faire de mon corps, j'ai tiré une chaise à l'entrée et j'écris au soleil, en regardant le défilé. Entre deux visites et deux coups de tel, on échange quelques propos, enfin lui, il me commente les visites.

faux gourous

Il y a plus de faux gourous et de faux maîtres dans le monde que d'étoiles dans l'univers. Ne confonds pas les gens animés d'un désir de pouvoir et égocentristes avec de vrais mentors. Un maître spirituel authentique n'attirera pas l'attention sur lui ou sur elle, et n'attendra de toi ni obéissance absolue ni admiration inconditionnelle, mais t'aidera à apprécier et à admirer ton moi intérieur. Les vrais mentors sont aussi transparents que le verre. Ils laissent la Lumière de Dieu les traverser.
"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

samedi, avril 23, 2011

métamorphose

La quête de l'Amour nous change. Tous ceux qui sont partis à la recherche de l'Amour ont mûri en chemin. Dès l'instant où vous commencez à chercher l'Amour, vous commencez à changer intérieurement et extérieurement.
"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

vendredi, avril 22, 2011

DErbil - Duhok- Komané



Le matin, j'ouvre un œil à 8 h. Très relax. Dans la nuit, gros orage et aujourd'hui, temps gris. Comme c'est un vendredi, Erbil est quasi désert, en plus du vent de poussière.

Je descends et constate que maintenant, le Shereen Palas ne fait plus de petit-déjeuner. Il va falloir songer à changer de crèmerie. Je me fais donner de l'eau chaude, pour un nescafé, grignote les amandes que j'avais encore en poche et décide de décamper. Bien sûr, les 2 garçons restés à garder l'hôtel ne sont pas très dégourdis, et à mes questions sur un taxi pour Duhok, on m'indique vaguement, sur la droite, un garaj. Bof. Il suffit de marcher dans les rues d'Erbil pour que tout se débloque. Je n'avais pas fait trois pas en tirant la valise dans la poussière pour qu'un taxi klaxonne. Je vais vers lui et lui explique que je cherche un taxi pour Duhok, par exemple un garaj. Il opine, et me prend. Puis dès qu'on roule, me dit qu'au garaj, c'est le système des dolmush (voyage à plusieurs) et que ce ne sera pas confortable. Ce que je vois surtout, c'est qu'un dolmush attend que des voyageurs arrivent, et pas toujours avec célérité. Il me dit qu'un taxi individuel c'est mieux et j'opine. Sauf que je ne sais où en trouver. Il me dit que ça doit être cher, 80 000 ? Je fais un signe d'ignorance, oui, peut-être. Il est jeune, rieur, sympathique et ne dit soudain qu'il peut le faire. Pour combien ? 80 000. Je regarde mon convertisseur de devises. Si on compte le dinar à 1600/1700, ça va. D'accord. Et nous voilà partis.


Que ce soit cher ou non, je n'en sais rien (jamais été douée pour estimer quelques chiffres que ce soit) et de toute façon, voilà, fortune de voyage. 2 jours avant de partir, j'avais trouvé 50 euros sur le trottoir en marchant vers l'institut. Ça paiera le trajet. On bavarde tout le long du voyage, et je me remets dans le bain du kurde.


À Duhok, il a un peu de mal à trouver le centre Lalesh, mais une fois que je repère le bon quartier, ça va vite. Le Centre est quasi vide, mais je remets quelques têtes et surtout, quelques têtes me remettent, surtout ceux qui m'ont vue débarquée avec Roxane et 'Matran Rabban' le jour de la fête, alors que tout le monde siégeait sous les tentes. J'explique pourquoi je suis là (glandouiller et manger ici en attendant 3 heures) et qu'ils me trouvent un taxi pour Amedî. Programme entièrement réalisé. Je leur présente du même coup celui de la conférence et on se retrouvera là-bas.




À 3h30, le taxi arrive. Entre temps, le temps et la pluie me rappellent Pâques 2009 à Ankawa. Ça n'allait pas s'améliorer. Plus on avance en taxi et plus la pluie se fait épouvantable, une vraie tempête, la route inondée. Devant Amedî, je voyais à peine les villages du bas. Le chauffeur sort héroïquement sous les trombes pour demander et on le guide une fois qu'ils ont trouvé le nom kurde de Komané. Une fois dans la bonne route, je repère l'église assez vite. Il fait de plus en plus sombre, c'est un vrai déluge, on voit à peine 2, 3 silhouettes. Devant l'église, je l'aurais parié, porte close. Tout bouclé et pas un chat. Dans le village, pour demander à quelqu'un, il faut chercher… On finit par coincer une camionnette rouge, occupée par un neveu de Rabban, ça tombe bien. Il essaie lui aussi de joindre le Matran, mais ses 2 téléphones sont fermés. Ils nous indique la direction de 'sa maison' enfin celle de son neveu. On se gare sous le déluge. Le chauffeur entre dans la cour, je le suis bravement, et on parle, bien trempés, au mari de sa nièce, que l'on avait vu il y a 2 ans. Il me remet, heureusement. Essaie lui aussi de joindre le Matran à Mangesh. Bon, il doit se dire qu'il risque peut-être un savon s'il me laisse me noyer dehors et décide que je vais attendre le Matran chez lui, là où j'étais déjà venue. Je paie le chauffeur, 40 000 dinars au lieu de 35, il l'a bien mérité, et voilà, nous montons. Moi trempée, comme euh… une petite fille aux allumettes dégoulinante mais recueillie et non morte de noyade ou de froid, parce qu'on est au Kurdistan pas en Scandinavie.

(Non ce ne sont pas des œufs de Pâques mais ceux du Nouvel An yézidi)

la voie du potier

Les sages-femmes savant que lorsqu'il n'y a pas de douleur, la voie ne peut être ouverte pour le bébé et la mère ne peut donner naissance. De même, pour qu'un nouveau Soi naisse, les difficultés sont nécessaires.
Comme l'argile doit subir une chaleur intense pour durcir, l'amour ne peut être perfectionné que dans la douleur.
"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

jeudi, avril 21, 2011

Erbil




Le Shereen Palas, comme il y a deux ans. Aujourd'hui, temps gris et doux, brume ou poussiere.

derviche

Est, Ouest, Sud ou Nord, il n'y a pas de différence. Peu importe votre destination, assurez-vous seulement de faire de chaque voyage un voyage intérieur. Si vous voyagez intérieurement, vous parcourrez le monde entier et au-delà.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

mercredi, avril 20, 2011

radio : ney, chretiens d' irak et du kurdistan

Dimanche 24 avril à 6h 10 et 22h 10 sur France Culture : La flûte de la séparation, avec Kudsi Erguner. Cultures d'islam. A. Meddeb.

à 15h00 sur France Culture : Chrétiens d'Irak. Avec Agnès Ide (Institut assyro-chaldéen-syriaque ; Ephrem-Isa Yousif. Reportages d'E. Bouvier à Bagdad, Mossoul, et au Kurdistan. Tout un monde, M.H Fraissié.

"Patience, mon cœur…"

La patience, ce n'est pas endurer passivement. C'est voir assez loin pour avoir confiance en l'aboutissement d'un processus. L'impatience signifie une courte vue, qui ne permet pas d'envisager l'issue. Ceux qui aiment Dieu n'épuisent jamais leur patience, car ils savent qu'il faut du temps pour que le croissant de lune devienne lune pleine.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

mardi, avril 19, 2011

les faubourgs du désespoir

Quoi qu'il arrive dans ta vie, si troublant que tout te semble, n'entre pas dans les faubourgs du désespoir. Même quand toutes les portes restent fermées, Dieu t'ouvrira une nouvelle vie. Sois reconnaissant ! Il est facile d'être reconnaissant quand tout va bien. Un soufi est reconnaissant non pas pour ce qu'on lui a donné, mais aussi pour ce qu'on lui a refusé.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

lundi, avril 18, 2011

Calligraphie inspirée

Du 25 avril au 6 mai 2001 exposition de Newzad Menaf :

Calligraphie inspirée

Vernissage le samedi 23 avril à 16 h, à l'Institut kurde de Paris, 106 rue Lafayette, Paris 10º.

Site de Newzad Menaf.

l'autre côté du miroir

L'esseulement et la solitude sont deux choses différentes. Quand on est esseulé, il est facile de croire qu'on est sur la bonne voie. La solitude est meilleure pour nous, car elle signifie être seul sans se sentir esseulé. Mais en fin de compte, le mieux est de trouver une personne, la personne qui sera votre miroir. N'oubliez pas que ce n'est que dans le cœur d'une autre personne qu'on peut réellement se trouver et trouver la présence de Dieu en soi.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

dimanche, avril 17, 2011

"contrée énorme où tout se tait"

La plupart des problèmes du monde viennent d'erreurs linguistiques et de simples incompréhensions. Ne prenez jamais les mots dans leur sens premier. Quand vous entrez dans les zones de l'amour, le langage tel que nous le connaissons devient obsolète. Ce qui ne peut être dit avec des mots, ne peut être compris qu'à travers le silence.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

samedi, avril 16, 2011

Namdar Qeredaxi

Plonge !

L'intellect relie les gens par des nœuds et ne risque rien, mais l'amour dissout tous les enchevêtrements et risque tout. L'intellect est toujours précautionneux et conseille : "Méfie toi de trop d'extase !" Alors que l'amour dit : "Oh, peu importe ! Plonge !"


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

vendredi, avril 15, 2011

Kodja yî ?

Tu peux étudier Dieu à travers toute chose et toute personne dans l'univers parce que Dieu n'est pas confiné dans une mosquée, une synagogue et une église. Mais si tu as encore besoin de savoir précisément où Il réside, il n'y a qu'une place où le chercher : dans le cœur d'un amoureux sincère. 


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

jeudi, avril 14, 2011

"lis le Coran comme s'il n'avait été écrit que pour ton propre cœur"

Chaque lecteur comprend le saint Coran à un niveau différent, pour aller à la profondeur de sa compréhension. Il y a quatre niveaux de discernement. Le premier est la signification apparente, et c'est celle dont la majorité des gens se contentent. Ensuite, c'est le batini – le niveau intérieur. Le troisième niveau est l'intérieur de l'intérieur.Le quatrième est si profond qu'on ne peut le mettre en mots. Il est donc condamné à rester indescriptible.
"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

TV : Aghet, arméniens

TV

Mercredi 20 avril à 20h 40 sur ARTE Doc : Aghet : 1915, le génocide arménien, documentaire d'Eric Friedler, All. 2010.

Jeudi 21 avril à 20h 50 sur Toute l'Histoire : Mon fils sera arménien, documentaire de Hadop Goudsouzian, Can., 2004.

mercredi, avril 13, 2011

Qui se connaît, connaît son Seigneur

La voie de la vérité est un travail du cœur, pas de la tête. Faites de votre cœur votre premier guide ! Pas votre esprit. Affrontez, dépassez votre nafs avec votre cœur. Connaître votre ego pour conduira à la connaissance de Dieu.


"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

mardi, avril 12, 2011

L'usage du monde : Les Kurdes de Mahabad

Route de Mahabad

Aucun brigand ; mais à plusieurs reprises, des groupes de six ou sept personnes pleines d'espoir nous arrêtèrent. Dans l'esprit des Kurdes, tout ce qui possède un moteur et quatre roues, c'est nécessairement l'autobus, et ils s'emploient à monter dedans. On a beau leur expliquer que le moteur est trop faible, que les ressorts vont casser… ils se récrient, vous claquent dans le dos, s'installent avec leurs paquets sur les ailes, les marchepieds, le pare-chocs, pour vous montrer comme ils seront bien, que l'inconfort ne leur pèse pas, qu'il ne s'agit après tout que de cinquante kilomètres… Lorsqu'on les fait descendre – avec ménagement car ils sont tous armés – ils pensent qu'il s'agit de négocier et sortent affablement un toman de leur ceinture. Ils ne pensent ni à la taille, ni à la capacité de la voiture, sorte de bourrique d'acier destinée à porter le plus possible et à mourir sous les coups. Pour nous : un adulte ou deux enfants, c'est le plus que nous puissions faire.
Aux abords de Mahabad, nous ramassâmes ainsi un vieillard crotté jusqu'aux fesses, qui brassait d'un bon pas la neige fondue et chantait à tue-tête. En s'installant sur le siège du passager, il tira de sa culotte une vieille pétoire qu'il confia poliment à Thierry. Ici, il n'est pas séant de conserver une arme en pénétrant chez quelqu'un. Puis il nous roula à chacun une grosse cigarette et se remit à chanter très joliment.
Moi, par-dessus tout, c'est la gaieté qui m'en impose.
Mahabad
Maisons de torchis aux portes peintes en bleu, minarets, fumée des samovars et saules de la rivière : aux derniers jours de mars, Mahabad baigne dans le limon doré de l'avant-printemps. À travers l'étoupe noire des nuages, une lumière chargée filtre sur les toits plats où les cigognes nidifient en claquant du bec. La rue principale n'est plus qu'une fondrière où défilent des shi'ites aux lugubres casquettes, des Zardoshti coiffés de leur calotte de feutre, des Kurdes enturbannés et trapus qui vocifèrent des couplets enroués et dévisagent l'étranger avec effronterie et chaleur. Ceux qui n'ont pas d'affaire plus pressante lui emboîtent résolument le pas, et le suivent à trois mètres, le buste un peu penché et les mains dans le dos – toujours dans le dos, parce que leurs pantalons n'ont pas de poches.
Ainsi escortés, on flâne à travers un pied de boue, dans la compagnie de ces regards intenses, buvant des thés aux échoppes, humant l'air vif et acquiesçant à tout… sauf à ces deux flics au visage miné, qui vous talonnent anxieux de produire quelques lambeaux d'autorité, et font mine de disperser cette foule inoffensive en distribuant mollement des claques. 
C'était le point noir à Mahabad : trop d'uniformes. Les tuniques bleu roi de la gendarmerie iranienne, et partout, de petits groupes de soldats dépenaillés qui traînaient avec des airs perdus et des têtes de mauvais rôdeurs. Leurs officiers se montraient moins ; bien par hasard, en se promenant le soir de l'arrivée, nous en surprîmes une douzaine qui palabraient à l'entrée d'un pont menacé par la crue. Ils s'interrompirent pour éplucher nos permis, nous enjoignirent sèchement de regagner la ville "avant que les Kurdes nous détroussent", et reprirent leur débat. Ils criaient pour s'entendre par-dessus le fracas de la rivière, chacun à son tour, pendant qu'un planton inscrivait des noms et des chiffres dans son calepin. Il nous fallut un moment pour comprendre qu'il notait des paris sur le point de savoir si, oui ou non, le pont s'effondrerait. C'était oui.
Il n'y avait pas de détrousseurs kurdes à Mahabad, des mécontents seulement, que l'armée se chargeait de faire taire. Mais les histoires de bandits fournissaient un prétexte commode au maintien d'une garnison importante ; les officiels les colportaient donc avec complaisance et les étayaient au besoin par quelques arrestations arbitraires. Les Kurdes supportaient d'autant pus mal cette occupation déguisée que l'armée avait laissé ici de mauvais souvenirs. En 1948, la liquidation de la petite République kurde de Mahabad s'était opérée sans douceur : les autonomistes kurdes dont les prétentions étaient pourtant modestes avaient été décimés, et leur chef, Qâzi Mohammed, pendu haut et court malgré les assurances les plus solennelles. Les gens de Mahabad fleurissaient fidèlement sa tombe et regardaient passer la troupe d'un œil qui ne promettait rien de bon.

*
 Un conteur kurde du bazar venait aussi partager nos repas. Il connaissait quantité de légendes et de mélopées pastorales que nous enregistrions. Il chantait comme un forcené, avec une sorte de gaieté opiniâtre qui ameutait tout l'étage. Nos voisins de palier frappaient l'un après l'autre à notre porte et s'installaient en rang sur les lits pour l'écouter. C'étaient des arbabs des bords du lac d'Urmia, corpulents, musclés, vifs comme des belettes, qui avaient laissé leurs domaine sous bonne garde et rallié Mahabad pour suivre de plus près les tractations préélectorales. Excepté le turban d'étoffe sombre dont les franges pendent sur les yeux, la large ceinture de cotonnade et le poignard kurde, ils étaient vêtus à l'occidentale : solides barons du XVe siècle en complets de drap anglais, parfaitement à l'aise dans cette chambre étrangère, qui nous examinaient, nous et notre bagage, avec ce regard appuyé si particulier aux Kurdes, nous tendaient leur tabatière guillochée, ou faisaient sonner en souriant contre leur oreille les oignons d'or massif qu'ils tiraient de leur gousset. 

*

Petit bazar allégrement chahuté par le vent. Des échoppes ouvertes sur la boue rutilante, des buffles aux yeux cernés vautrés dans les flaques, des tentures fouettées par l'averse, des chameaux, le front couvert de perles bleues contre le mauvais œil, des ballots de tapis, des bards de riz, de lentilles, ou de poudre à fusil, et sur chaque auvent, le blanc remue-ménage des cigognes. Au milieu de ce bestiaire, les boutiquiers shi'ites calculent à toute allure sur leur boulier d'ébène ; les muletiers font ferrer leurs bêtes dans les étincelles et l'odeur de corne brûlée, ou les chargent – sans trop de mystère – de contrebande destinée aux "pays" du Kurdistan irakien. Sans s'attarder non plus, parce que le chômage saisonnier et la proximité d'une frontière incontrôlable stimulent vivement la concurrence. Beaucoup d'enfants aussi, qui s'étourdissent à brailler des comptines ou à danser des rondes dont les spectateurs – de grands sérieux patibulaires – se placent à l'intérieur du cercle. On est d'avis ici que pour regarder convenablement une ronde il faut se mettre dedans. Il y a ainsi une manière kurde pour toute chose, et dans cette manière une espèce de cocasserie fraternelle qui vous perce le cœur.
 *

Fin d'après-midi. Pluie. Nous nous morfondions. Par la fenêtre ouverte on entendait le pas mou des chameaux dans la boue, et le convoyeur qui chantait, tordant sa voix comme une éponge : une phrase, une pause, une grande gueulée sauvage…
– Qu'est-ce qui le fait hurler si fort ?
– Il anticipe un peu, répondit en riant le capitaine, écoutez ce que ça donne.
…partout du sainfoin, des tulipes sauvages
c'est fou… le soleil brille
et l'odeur des lilas me tourne la tête.
Comme les vizirs des contes arabes, je me sentis fondre de plaisir. C'était bien les Kurdes ! ce défi, cette gaieté remuante, cette espèce de levain céleste qui les travaille tout le temps. Toutes les occasions de se divertir sont bonnes ; les gens de Mahabad n'en négligeaient aucune, et il fait convenir que les élections qui venaient de commencer en fournissaient d'incomparables. Dans une histoire qui faisaient pâmer toutes les boutiques de la ville, un mollah apostrophe deux paysans prosternés  devant l'urne aux bulletins : "Pourquoi adorez-vous cette boîte, mécréants ?" – Vénéré Mollah, elle vient de faire un miracle : Tout le village a mis Kassem dedans et c'est Youssouf qui en est sorti."
Et une tempête de rires balayait la politique et ses turpitudes.
L'usage du monde, Bicolas Bouvier : Les turbans et les saules.

Conférence : La langue araméenne, passé, présent et futur

Dieu, tel que nous sommes

La manière dont tu vois Dieu est le reflet direct de celle dont tu te vois. Si Dieu fait surtout venir de la peur et des reproches à l'esprit, cela signifie qu'il y a trop de peur et de culpabilité en nous. Si nous voyons Dieu plein d'amour et de compassion, c'est ainsi que nous sommes. 
"Les 40 règles de la religion de l'amour" de Shams ed-Din Tabrizi.

in Soufi, mon amour, Elif Shafak.

lundi, avril 11, 2011

L'usage du monde : Les Kurdes de Tabriz

Loin au sud, au-delà des roseaux de l'immense lac d'Urmia, les hautes vallées et les crêtes du Kudistan ferment l'horizon. C'est une région magnifique et peu parcourue dont l'armée iranienne contrôle pratiquement tous les accès. Les tribus d'éleveurs qui l'habitent ont dans la ville une réputation de brigandage et de rapines, aussi solide qu'injustifiée. Que les Tabrizi les détestent, n'empêche pas les Kurdes de descendre parfois ici, bardés de cartouches, avec des sourires dévorants pour d'énormes bombances de volaille et de vodka.
*
Cette même semaine, un Kurde mourut dans la ville sans que sa famille fût là pour l'enterrer. Pas de chance ! Il serait "mal enterré". Entre ces montagnards sunnites et ces citadins sh'ites, il existait une rogne vivace que mille incidents se chargeaient d'alimenter. Mais les Kurdes sont de dangereux bagarreurs et les Tabrizi les craignaient trop pour les attaquer vivants ; ils prenaient malicieusement leur revanche à l'heure de la mort. Les Kurdes trépassés dans la ville couraient grand risque d'être enterrés à plat et face contre terre, au lieu d'être installés dans la fosse, le visage tourné contre La Mecque, comme l'exige la coutume. Ainsi Azraël, l'ange de la mort, blessé par cette posture inconvenante, leur refuserait l'accès du paradis. Aussi arrivait-il parfois qu'un Kurde, malade à l'hôpital du district, et sentant ses forces décroître, disparaisse, vole un cheval et rentre, bride abattue, mourir en Kurdistan.
Un soir, devant le Bain Iran justement, un jeune Kurde m'aborda pour me demander avec beaucoup insistance l'adresse d'une fille du quartier. Il portait un turban de soie blanche et une ceinture d'étoffe neuve d'où dépassait un poignard de mille tomans au moins. Manifestement, il sortait des mains du laveur et se proposait d'aller faire sa cour. Je connaissais l'adresse, et la fille, que nous avions enregistrée quelques jours plus tôt ; une pecque qui se piquait de chanter le beau folklore arménien "comme au conservatoire" avec des simagrées qui nous avaient gâché une bande entière. Je lui en voulais donc un peu, mais pas au point de conduire jusqu'à sa porte un prétendant à l'air aussi déterminé. Je l'envoyai dans la direction opposée et continuai mon chemin.
Comme on peut s'y attendre, les Tabrizi faisaient courir sur les Kurdes toutes sortes de rumeurs malveillantes :… c'étaient des sauvages, des coupeurs de bourses, qui vendaient leurs filles à bas prix, qui s'en prenaient à celles des autres, etc. Les Arméniens faisaient chorus, mais du bout des lèvres seulement ; en fait, leurs apports avec les Kurdes étaient meilleurs qu'ils ne voulaient le laisser croire. Les marchands de bois du bazar traitaient avec plusieurs tribus, depuis longtemps déjà et sur un pird d'entière confiance. On prétendait bien que, de loin en loin, autour de Rézaïé, les Kurdes se permettaient encore d'enlever une de ces Arméniennes dont ils sont si friands, mais c'étaient surtout les filles qui répétaient ces histoires pour montrer à quels extrêmes leur beauté pouvait conduire, et je n'ai jamais eu vent d'un cas précis. Quoi qu'il en soit, les affaires n'en pâtissaient pas. Comme les Perses l'avaient déclaré voici longtemps à Hérodote : Enlever les femmes, évidemment, c'est malhonnête ; mais prendre les choses à cœur au point de vouloir les venger, quelle folie !  les gens sérieux ont autre chose à faire.

*
L'hiver nous avait d'ailleurs enseigné la patience. Il pesait encore sur la ville mais, dans le Sud, il commençait à lâcher prise. Là-bas, le vent chaud de Syrie qui sautait les montagnes faisait fondre la neige et grossissait les ruisseaux du Kurdistan. Certains soirs, dans cette direction, un fond de ciel jaunâtre et vagabond annonçait déjà le printemps.
J'avais justement trouvé à la bibliothèque un recueil de contes kurdes* dont la fraîcheur me transportait : un moineau – kurde évidemment – réplique que gonflant ses plumes au Grand Roi des Perses qui lui a manqué d'égards : Je pisse sur la tombe de ton père ; des génies à oreilles d'âne, hauts comme une botte, sortent du sol en pleine nuit dans un grondement de tonnerre pour délivrer les plus étonnants messages. Et des combats singuliers à faire pâlir Turpin et Lancelot ! Chacun frappe à son tour, et le premier coup déchargé enterre jusqu'aux épaules l'adversaire qui se dégage, s'ébroue, et prend son élan pour rendre la pareille. Au cimeterre, à la massue, à l'épieu. Toute la contrée résonne ; une main s'envole par-ci, un nez par-là, et le ressentiment – mais aussi le plaisir de se dépenser ainsi – grandissent en conséquence.
Ces éclaircies au fond du ciel et cette littérature allègre nous donnaient bien envie d'aller voir ça de près. Ce fut toute une affaire d'obtenir les djavass, parce qu'en Kurdistan la situation était tendue. Les Kurdes sont iraniens de pure race et loyaux sujets de l'Empire, mais leur turbulence a toujours inquiété le pouvoir central. Voici dix-sept siècles déjà, l'Arsacide Artaban V écrivait à son vassal révolté Ardeshir** : Tu as dépassé la mesure et t'es toi-même attiré ton mauvais destin. toi KURDE élevé dans les tentes des Kurdes… Depuis cet avertissement, ni les Arabes, ni même les Mongols n'ont pu déloger les bergers kurdes de ces hautes pâtures lyriques qui séparent l'Irak de l'Iran. Ils s'y sentent chez eux, entendent y mener les affaires à leur guise, et lorsqu'ils sont résolus à défendre leurs coutumes ou à vider une querelle à leur manière, la voix de Téhéran a du mal à dominer le bruit des carabines. 

* Recueilli par la mission Lescot, dans la région de Diarbékir.
** Cité par Altheim dans Gesicht vom Abend und Morgen, Fischer Büscherei.

L'usage du monde, Nicolas Bouvier : Tabriz-Azerbaydjan.


Women without men, de Shirin Neshat


Sortie le 13 avril prochain de Women without men, un film de Shirin Neshat : 

"1953, sur fond de coup d'état iranien orchestré par la CIA, le destin de 4 femmes converge vers un magnifique verger synonyme pour elles d'indépendance, de réconfort et d'amitié."

vendredi, avril 08, 2011

Enseignement en langue kurde : enjeux et problèmes




Colloque organisé par Institut kurde de Paris

le vendredi 16 avril 2010, de 13h30 à 19h30

Salle Victor Hugo
101, rue de l’Université, 75007 Paris


Le droit à l’enseignement en langue kurde est devenu la revendication politique et culturelle de l’ensemble des mouvements politiques et des organisations de la société civile kurde en Turquie. Ce droit est également revendiqué par les quelques 12 millions de Kurdes en Iran et les 2 millions de Kurdes en Syrie.
En Irak, le kurde est reconnu dans la Constitution langue officielle au même titre que l’arabe. Dans la région fédérée du Kurdistan tous les établissements scolaires du premier et du second degré dispensent leur enseignement en langue kurde tandis que dans les universités certaines matières sont enseignées en kurde, d’autres, scientifiques, en anglais. Les minorités linguistiques du Kurdistan (Turkmènes, Assyro-chaldéens) disposent des écoles enseignant dans leur langue.
En Turquie, où selon les estimations de la Commission européenne, on compte 15 à 18 millions de Kurdes, la question linguistique est devenue un élément majeur du débat public. Dans un pays, qui affiche son ambition de construire « une démocratie exemplaire », où les « bienheureux Turcs » disposent en leur langue de plus de 150 universités, leurs « frères kurdes » qui forment près du quart de la population du pays ne possèdent aucune école publique, aucune université dans leur langue. Le Premier ministre turc, M. Erdogan, lors de ses déplacements en Allemagne qualifie publiquement l’assimilation de « crimes contre l’humanité » mais ne dit mot sur la politique assimilationniste systématique pratiquée par la République turque depuis 1923 contre les Kurdes. Il demande que les immigrés turcs d’Allemagne apprennent d’abord la langue et la culture turques avant d’apprendre celles de leur pays d’accueil mais ne reconnaît pas ce même droit élémentaire à ses propres citoyens kurdes qui vivent sur la terre de leurs ancêtres.
Cette politique de « deux poids deux mesures » fait débat en Turquie, bien sûr, mais aussi en Europe où la presse allemande a récemment invité M. Erdogan à faire preuve de cohérence en accordant aux Kurdes les droits qu’il revendique pour les immigrés turcs d’Allemagne.
Dans le début public, qui bat son plein dans cette période électorale en Turquie, les nationalistes turcs restent sur le dogme kémaliste d’un Etat unitaire, homogène avec une seule langue, le turc, et une seule culture. Les Kurdes revendiquent pour leur langue, et sa survie, un statut d’égalité juridique avec le turc dans tous les domaines de la vie y compris dans l’enseignement et dans l’administration, à tout le moins dans les provinces peuplées majoritairement de Kurdes. Entre les deux, il y a aussi des libéraux et des intellectuels musulmans qui préconisent la liberté d’usage privé du kurde et son enseignement comme matière optionnelle dans les écoles.
Tandis que pour la plupart des Kurdes, la seule chance de sauvegarder leur langue millénaire, déjà victime de décennies d’érosion et d’étouffement, et de la transmettre aux générations futures, est un système d’enseignement public en kurde, nombre de Turcs affirment que cela conduirait à terme à la partition du pays.
Le colloque a pour objectif d’apporter des éclairages pluriels dans ce débat de haute importance pour les relations turco-kurdes, et pour la démocratie en Turquie et au Proche-Orient.
A côté des experts qui vont évoquer les expériences du multilinguisme en Europe (Espagne, Scandinavie, Suisse), en Asie (Inde), en Afrique du Sud et au Canada et son impact pour la stabilité de ces pays, des personnalités turques et kurdes représentatives de la vie politique et culturelle de Turquie sont invitées à apporter au débat leurs opinions et leurs propositions.
Des représentants de la Commission européenne, du Conseil de l’Europe et de l’Unesco, seront également invités à ce colloque en raison du statut de la Turquie en Europe et aussi parce que la problématique des langues et cultures menacées est désormais une préoccupation universelle.
L’ensemble du débat sera enregistré et diffusé ultérieurement sur plusieurs chaînes de télévision kurdes afin d’informer aussi largement que possible le public kurde mobilisé et passionné pour la défense de sa langue

Langues du colloque : français, anglais, kurde et turc (avec traduction simultanée).
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Programme

13h30 : Accueil des invités

14h00 : Mot de bienvenue et présentation de la conférence

14h10-15h30: 1ère Table ronde : Expériences de multilinguisme

Modérateur : Bernard DORIN, Ambassadeur de France.

Intervenants :
Afrique du Sud
Fida BIZRI, maître de conférences, responsable de l'enseignement du singhalais à l'INALCO, Paris.
André POUPART, professeur émérite de droit, Quebec
Xavier VILA, directeur du Centre universitaire de sociolinguistique et de la communication de l'Université de Barcelone, Catalogne
Reso ZÎLAN, linguiste et professeur de kurde, Suède.

15h30-17h00 : 2ème Table ronde : La protection des langues minoritaires et le droit international

Modérateur : William BOURDON,avocat à la cour, Paris.

Intervenants :
Baskin ORAN, politologue et professeur de relations internationales à Ankara
Mesut YEGEN, professeur à Şehir Üniversitesi, Istanbul
Conseil de l'Europe (représentant)
UNESCO (représentant)

17h00-17h20 : PAUSE

17h30-19h30 : 3ème Table ronde : Enseignement en kurde : Problèmes et perspectives

Modérateur : Kendal NEZAN

Intervenants :
Khaman ASSAD, représentante du Gouvernement Régional du Kurdistan à Paris (KRG)
Bayram BOZYEL, president du parti du Droit et des Libertés (Hak ve Özgürlükler Partisi- Hak-Par)
Serafettîn ELÇî, ancien ministre, président du parti de la Démocratie participative (Katilimci Demokrasi-KADEP)
Un représentant du parti AKP
Leyla ZANA, lauréate du Prix Sakharov 1995 du Parlement européen.
Hasip KAPLAN, deputé du parti de la Paix et de la Démocratie (BDP) de Sirnak.

jeudi, avril 07, 2011

TV, radio : welcome, iran


TV

Lundi 11 avril à 20h40 sur Cinécinéma Premier : Welcome, de Philippe Lioret, 2008 :

Pour impressionner et reconquérir sa femme, Simon, maître nageur à la piscine de Calais, prend le risque d'aider en secret un jeune réfugié kurde qui veut traverser la Manche à la nage.





Radio

Dimanche 10 avril à 19h 00 sur France Culture : Iran, avec Delphine Minoui et Saeed Paivandi (Paris VIII). Masse critique,  F. Martel.

mardi, avril 05, 2011

Jean Gorek de Kerboran, le patriote des montagnes

Au moment où l'on discute de l'instauration – ou non – d'un territoire autonome chrétien à Ninive, ou de la formation d'une citoyenneté kurdistanî, ou d'une autonomie éventuelle dans des districts kurdes où les chrétiens seraient majoritaires, ou bien d'un territoire assyrien qui, pour les plus extrémistes devrait s'étendre de Amadiyya à Mossoul, englober Erbil et descendre sans doute jusqu'à Kirkouk, il est intéressant de relire ce qu'écrivait Jean Gorek de Kerboran en 1920 ("Réflexions de M. J. Gorek de Kerboran sur la constitution de l'État assyro-chaldéen" in L'Action assyro-chaldéenne, nº10, octobre 1920), au moment où Arméniens, Kurdes, Syriaques, Assyriens nestoriens, Chaldéens, se pressaient, en délégations auprès des Puissances et de la Société des Nations occupées à redécouper le Moyen-Orient. Un texte sensible, 'lucide' comme le dit  Claire Weibel Yacoub, courageux aussi, parce que, au lendemain du génocide, il fallait avoir la tripe vaillante et le cœur bien accroché pour envisager une union avec les Kurdes, qui venaient de les massacrer en masse, mais aussi d'un réalisme poétique, avec une affirmation que ne renierait pas un Kurde : face au 'vent' des chimères historiques et du soi-disant 'droit des peuples', il n'y a de garantie sûre que la patrie des montagnes : une patrie multi-culturelle, à multiples langues, dans un État laïc… et fédéral. Plus de 80 ans après, dans une aire géographique de dimensions plus réduites, le Gouvernement régional kurde reprend les mêmes revendications, face à Bagdad et à ses voisins.

Ce texte a donc, aujourd'hui, une résonance étonnamment actuelle, aussi dans ses mises en garde aux populations locales – n'abandonnez pas votre terre, ne la morcelez pas non plus entre confessions !  –et intelligente, 'de terrain', loin des faiseurs de cartes hypothétiques, qui sévissaient sévissent aussi bien chez les Arméniens que chez les Kurdes ou les Syriaques, et les défauts d'irréalisme et de naïveté qu'il pointe chez ses compatriotes pouvaient tout aussi bien être ceux des autres délégations, futurs dupes et lésés du traité de Lausanne.

Jean Gorek de Kerboran, originaire du village de Kerboran, situé dans la région du Djebel Tour au nord-est de Mardin, et dont la population fut massacrée pendant la Grande Guerre, se penche lui aussi sur la question nationale de son peuple. de Tunisie, il livre ses réflexions au mensuel L'Action assyro-chaldéenne, avant de s'adresser à la Société des Nations. Cette initiative s'inscrit  au moment où les Alliés et la Turquie s'accordent pour ratifier le traité de Sèvres. Ce traité de paix envisage la création d'une Arménie indépendante et des garanties pour les Assyro-chaldéens au sein d'un Kurdistan autonome, perspectives qui fortifient les convictions de Jean Gorek de Kerboran,. Le 6 septembre 1920, il écrit : "Que demandons-nous ? Une Assyro-Chaldée ! Et vous attendez que les puissances vous en fassent don, qu'elles viennent vous établir sur le trône des Salmanasar et des Assurnasirpal ! Vous réclamez ce que les puissances convoitent […] ; et vous croyez que les puissances vont s'exproprier pour vous enrichir !"
Il poursuit sa réflexion sur la question du droit : "Oh, le droit ! Vous savez bien que son règne n'est pas de ce monde ; il a toujours été aérien ; il a toujours eu les ailes du vent. Le vent, les montagnes seules l'arrêtent ; le droit, une lame d'acier bien trempé ou un boulet de canon l'emportent mieux que tous les discours des humains. N'y comptons pas, croyez-moi ; nous perdons notre temps. Tandis que nous atermoyons, tout travaille contre nous : temps, puissances, voisins."
Et d'affirmer : "Nous aurons été des héros seulement pour servir une cause étrangère ? Pour nous-mêmes, pour la cause de l'Assyro-Chaldée, rien ? […] Tous nos sacrifices, le plus noble, le plus pur sang de nos enfants, auront-ils été consentis en vain ? Encore une fois, ne comptons que sur nous-mêmes ; n'attendons notre propre salut et le salut de l'Assyro-Chaldée que de nous-mêmes. L'Assyro-Chaldée, nous n'avons pas besoin que l'on nous en fasse don."
Jean Gorek de Kerboran ne s'arrêtera pas à cette devise "ne comptons que sur nous-mêmes", il formule également des propositions politiques.
Cet homme instruit rêve de réaliser une entente entre Kurdes et Assyro-Chaldéens, pour que ces deux peuples marchent enfin main dans la main. Dans le même article, il déclare : "C'est que cette union est tout dans nos montagnes : rien sans elle, tout pour elle !" Il s'explique ainsi sur ce point : "Pouvons-nous d'ailleurs éviter ce rapprochement, cette union ? Les masses assyro-chaldéennes et kurdes ne se mêlent-elles pas, ne se confondent-elles pas à travers toute la montagne ? Est-il un coin perdu où il n'y ait que des Kurdes, que des chrétiens, que des Yézidis ? Il n'est pas gorge de montagnes, si profonde soit-elle, de sommet si escarpé, où nous ne vivions côte à côte, où nous n'habitions presque sous ce même toit." Et encore :
Le lopin de terre que l'on a fertilisé de père en fils, avec un inlassable labeur, que l'on a arrosé de sa sueur, de son sang ; les rives des torrents, les vallées profondes, les sommets majestueux qui virent naître et mourir les aïeux : tout cela est devenu trop cher au cœur humain ; impossible de l'abandonner sans meurtrissure, sans déchirement ; nos morts même sortiraient du séjour des ombres pour s'accrocher à nous, pour nous retenir de leurs mains squelettiques, pour nous river au sol où ils dorment leur sommeil éternel. Qui veillerait sur leurs tombes ? Qui vénérerait leur mémoire ? Le Tiari abandonnerait le Zab bruyant et fougueux ! Les riverains de la mer d'Ourmiah déserteraient pour toujours les plaines de Mergavar, de Tergavar, de Baradost, de Salamas ! Le Yézidi de Maloub, à qui laisserait-il la garde de son saint Adî ! Non ! Pas d'émigration ! Pas d'abandon ! Restons-là où nous sommes. Nos montagnes sont unes depuis Ourmiah jusqu'au Sindjar, jusqu'au Tour, et par-delà le Tour, jusqu'aux bouches de l'Euphrate. N'y établissez pas des cloisons étanches : ici, les Kurdes ; là, les Yézidis ; plus loin, nestoriens et Chaldéens ; et ailleurs encore, Syriens et jacobites. Que montagnes et plaines soient toutes à tous. Ce système de division, de morcellement, ne peut qu'engendrer des haines que l'on éteindra tôt ou tard dans les douceurs de l'union, ou que l'on noiera dans le sang. Or, du sang de nos frères nous en avons assez vu couler… Il n'y a pas d'alternative…
Et de conclure : "L'œuvre patriotique, c'est l'unification des montagnes ; l'œuvre patriotique, c'est que la religion ne s'immisce point dans les affaires d'État, c'est que l'État se tienne à l'écart de toute question religieuse ; l'œuvre patriotique, c'est l'établissement d'une paix durable, éternelle, entre Kurdes et Assyro-Chaldéens."
Afin d'éviter à son peuple une émigration massive, source de multiples souffrances, Jean Gorek de Kerboran ne voit qu'une seule solution, celle d'abattre les murs entre Kurdes, Yézidis, nestoriens, Chaldéens et Syriaques. Ce geste ne peut être imposé de l'extérieur. Il ne peut venir que de ces montagnards qui, ensemble, aspireront à construire une paix durable, en se rassemblant autour de valeurs communes. Ce projet, Jean Gorek de Kerboran tente de l'expliquer aux siens, mais il le diffuse aussi parmi des personnalités siégeant à la conférence de la paix ou à la Société des Nations. Le 26 août 1920, il rédige un rapport dans lequel il préconise une unification des montagnes depuis le Caucase au Sindjar et depuis la mer Noire et l'Euphrate à la frontière persane. Intitulé Mémorandum de la confédération assyro-chaldéo-ourartienne, il commente ainsi ce titre :
C'est un projet qui voit plus loin que les Assyro-Chaldéens et les Kurdes, qui n'exclut aucun des éléments de nos montagnes, qui les réunit tous sous une forme fédérative, tout en assurant l'autonomie aux groupements ethniquement et historiquement définis, tels que Kurdes, Assyro-Chaldéens, Arméniens, Géorgiens.
Dans ce mémorandum, il aborde la question des frontières :
Les limites de la confédération seraient le Kour ou le Caucase, au nord ; le Yéchil-Irmak et l'Euphrate, à l'ouest ; les premières plaintes de Mésopotamie et le Singar, au sud ; la mer d'Ourmi et la frontière persane, à l'est. Nous avons de la sorte plus d'un port sur la mer Noire ; nous avons presque accès au golfe Persique.
Il appelle également à l'établissement "d'un gouvernement assyro-chaldéo-kurde".
Ce point de vue original se fonde sur les intérêts nationaux communs des peuples montagnards. Jean Gorek de Kerboran espère rassembler ces peuples au sein d'un État fédéral, garant de leur autonomie. Prônant la séparation du pouvoir politique et du pouvoir religieux, son idée rejoint celle d'une certaine laïcité.
Construire une entité étatique, qui n'exclut pas la diversité culturelle de ses communautés, reste un enjeu réel, encore aujourd'hui. En cherchant une solution locale, indépendamment des puissances, Jean Gorek de Kerboran a eu le mérite de la soulever pour les Assyro-Chaldéens et leurs proches voisins dès la fin de la guerre.

Le rêve brisé des Assyro-Chaldéens, Claire Weibel Yacoub.




Concert de soutien à l'Institut kurde