mercredi, juillet 28, 2010

TURQUIE : LE BDP APPELLE AU BOYCOTT DU REFERENDUM


Un référendum doit avoir lieu en Turquie, le 12 septembre, afin que les Turcs se prononcent sur une réforme de la constitution héritée du coup d’État militaire de 1980. Le paquet d’amendements récemment approuvé par le parlement turc prévoit de réformer 26 articles, et d’abolir l’article provisoire 15 de la constitution qui ne permet pas le jugement des membres du Conseil national de sécurité qui s’est formé après le coup d’État du 12 septembre 1980. Les nouveaux textes abrogent aussi l’interdiction des grèves générales et permettront aux citoyens d’adhérer à plus d’un syndicat.

Les Kurdes de Turquie ont exprimé leur point de vue sur le texte à approuver, point de vue dans l’ensemble critique. La plupart des leaders kurdes le considèrent insuffisant concernant leur question nationale, puisque les Kurdes ne sont pas mentionnés. Le PKK a ainsi appelé au boycott de ce référendum, par la bouche d’un de ses porte-parole en Irak, Farhan Omar : « Il n’y a rien de nouveau pour les Kurdes dans les amendements constitutionnels. Le PKK n’est pas favorable à ces changements constitutionnels. L’ancienne constitution interdisait la langue kurde. La nouvelle fait de même. Les enfants kurdes ne pourront être éduqués dans leur langue maternelle, ils ne pourront recevoir de prénoms kurdes, et ni les villes ni les montagnes kurdes ne pourront être appelées par leurs noms kurdes. »

Cet appel au boycott est, sans surprise, relayé par le principal parti kurde en Turquie, le BDP. Selahattin Demirtaş, le co-président du parti a ainsi déclaré qu’ils renverraient des urnes vides au gouvernement. Il accuse dans la foulée le Premier Ministre turc d’être responsable des récentes émeutes anti-kurdes menées par des groupes ultra-nationalistes dans l’ouest du pays, et même d’être complice du complot Ergenekon : « Nous sommes à l’avant-garde de ceux qui souhaitent vivre dans une constitution démocratique, mais il est clair pour nous que l’AKP nourrit de mauvaises intentions et soutient les comploteurs. » De façon plus pondérée, l’autre co-président du BDP a plutôt exposé le dilemme politique dans lequel les place ce référendum : selon Gülten Kışanak, voter oui serait soutenir ce qui n’est qu’un replâtrage de la constitution issue du coup d’État, alors que voter non serait la légitimer.

Le 1er août, des milliers de Kurdes ont défilé dans les rues d’Istanbul pour protester contre l’absence d’amendements concernant la question kurde. À l’opposé, les partis kurdes HAKPAR et KADEP appellent à participer au référendum et à approuver les réformes, considérant celles-ci comme un pas en avant dans le processus de démocratisation du pays. Les principaux partis d’opposition turcs, appellent, eux, à un non sans équivoque, tant il est clair que le succès de ce référendum sera aussi compris comme un plébiscite du gouvernement. Enfin, un groupe d’intellectuels, d’artistes et de journalistes turcs ont adopté une position finalement plus proche de celle des Kurdes, même si elle ne se traduit pas par un boycott : « oui, mais » soit « yetmez ama evet », ce n’est pas suffisant mais oui. Mais indépendamment des positions des partis et des appels au boycott, la question de l’attitude de l’électorat kurde se pose. Si le boycott est largement suivi, cela renforcera l’impact du BDP sur la politique kurde en Turquie.

À l’inverse, un boycott relativement faible serait interprété comme un vote de confiance des Kurdes envers l’AKP.

Dans un entretien accordé au journal Zaman, proche de l’AKP, l’ancien président du BDP, Ahmet Türk, expose plus longuement, et en des termes plus mesurés que Selahattin Demirbaş, les réponses possibles des Kurdes au référendum. Ainsi, pour le leader kurde, les progrès actuels dont bénéficient les Kurdes en Turquie, ne doivent rien à la classe dirigeante turque : « Ni le Parti de la justice et du développement (AKP) ni les gouvernements de Süleyman Demirel et de Bülent Ecevit n’ont dit : « Il y a des Kurdes parmi nos citoyens. Ces différences sont un atout. » Le point où nous en sommes, aujourd’hui, ne doit rien à leur mentalité. Au contraire, tous les progrès qui ont été faits, nous les devons à de nombreuses souffrances et au débat [sur la question kurde]. »
Jugeant insuffisante l’action de l’AKP pour résoudre la question kurde, Ahmet Türk cite en exemple l’Espagne qui a eu, à un moment, le « courage » nécessaire pour prendre des décisions politiques en faveur de la Catalogne et du Pays basque, alors que des milices d’extrême-droite faisaient peser sur le pays une menace similaire à celle d’Ergenekon en Turquie. Pour l’ancien leader du BDP, le problème vient de ce que la Turquie a toujours été gouvernée par une classe politique prônant le statu-quo, et qui se considère comme « propriétaire » de la république turque, et qui, de plus, n’ont pas grande confiance en la démocratie pour résoudre les problèmes.

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