jeudi, juillet 15, 2010

Parution : L'âne dans la culture et la société kurdes



Il n'y a pas que les Cash à avoir introduit (et dans leur cas, bien funestement pour les vrais 'bourricots') le terme d'âne dans les cercles politiques kurdes. Dans un article paru le mois dernier, pubié dans le 87ème numéro de la revue Ethnozzotechnie, Mirella Galletti fait un panorama de tout ce que représente mon animal kurde préféré :

"L'âne dans la culture et la société kurdes - passé et présent".

J'y ai appris, avec ébahissement – et enchantement – qu'il y eut, dans les années 1940, un "Parti des Ânes" à Suleïmanié, qui n'avait rien à voir avec les futurs collaborateurs de 1966 et d'après :


"Entre 1940 et 1946, le gouvernement irakien décida d'autoriser la formation d'organisations syndicales dans tous les secteurs du travail en Irak. Les commerçants de la ville de Suleimanie, connus pour leur sens de l'humour et leur ironie, demandèrent à Kak Osman d'organiser un syndicat et d'en prendre la direction.

Kak Osman refusa cette proposition et suggéra plutôt la création d'un Parti des Ânes dont il prendrait volontiers la direction. Tous ceux qui étaient présents se mirent à braire, d'autres donnèrent des coups de pieds…

Le Parti des Ânes était né d'une plaisanterie de Kak Osman. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre peut-être parce que les distractions étaient rares à cette époque.

D'après l'écrivain Mohammad Mala Karimé : "La création du Parti des Ânes avait pour but de tourner en ridicule les autres partis politiques. Les objectifs du Parti des Ânes étaient plus humains et plus sociaux et les sympathisants du parti formulaient volontiers leurs revendications librement en public."

Dans les années 1950 encore, on venait chez Kak Osman pour se faire examiner les dents ou les pieds (sabots!) comme on aurait fait pour des ânes ; ce fut longtemps un sujet de plaisanterie. Si par hasard on rencontrait Kak Osman, il était accueilli par des "Bienvenue Monsieur l'Âne". Aux reproches formulés, il répondait : "Ne redites jamais cela parce que vous êtes en train d'insulter les ânes (sous-entendant : ne dites pas que cette personne qui peut être imbécile est un âne car vous insultez l'âne qui lui est supérieur).

La création de ce parti devint un sujet de plaisanterie nationale et un moyen de s'amuser. Les soldats kurdes et même les soldats arabes s'arrêtaient devant la boutique de Kak Osman, esquissaient le salut militaire en disant : "Comment vas-tu, grand chef ?"

Lui, le grand chef, avait préparé un cahier où quiconque avait adopté l'idéologie asine pouvait signer et adhérer au parti. Il devenait membre du parti ipso facto. Des notables également venaient à la boutique pour plaisanter quelques instants.

C'est ainsi que Kak Osman recevait du courrier d'Iran et de Syrie de personnes qui souhaitaient probablement adhérer au parti. Son fils, professeur à l'université, raconte qu'il avait adopté, lui aussi, l'attitude de son père et lorsque la personne qui l'approchait faisait l'âne, il jouait le jeu en la bénissant.

Il est probable que les habitants de Suleimanie ont aimé ce parti virtuel qui leur permettait de rire et de supporter les frustrations de la situation politique. Le caractère enjoué de la petite ville de Sulamanie, les années de privation et le climat politique de la petite ville de Sulamanie ont certainement facilité la propagation des nouvelles et la longévité du parti."

Non, vraiment : À quand la résurrection du Parti des Ânes ?




photo : Au hasard Balthazar, R. Bresson, 1966.

3 commentaires:

  1. est-ce qu'alors à la base Jash veut bien dire ânon? et pourquoi c'est devenu synoyme de traître?
    Merci

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  2. cehşik ou caş (on dit aussi daşik) veut dire ânon, oui, ou bourricot, cad un âne de petite taille.

    À ma connaissance le surnom a été donné pour la première fois en 1966, quand les partisans de Talabani ont collaboré avec le Baath pour combattre les peşmerga. Je ne sais pas si c'était utilisé avant, en tout cas le terme de mépris de "çaş 66" (qui stigmatise aussi leur stupidité) n'est pas gentil pour les pauvres ânes.

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  3. bravo, enfin comme dans toute regle et loi la verité reprend le dessus,Ane animal rustique,robuste qui a tant donné pour l'humanité dans toutes circonstances ,surtout en temps de querres et de catastrophes (utilisé comme moyen d'acheminement alimentation,medicament,materiel de guerre,blessés ect ect ).Ce nom de parti Ane me reconforte car meme si cela semble sortir de l'ironie,ce dernier merite beaucoup plus de respect qu'on le pense.Vive la justice civine

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Concert de soutien à l'Institut kurde