dimanche, avril 26, 2009

Amedî



Nous devions aujourd'hui partir d'Amedî par la route de Barzan, mais le temps assez gris dissuade Roxane de prendre les plus belles montagnes du Sud sous un ciel nuageux. Aussi nous décidons de remonter à Amedî pour rendre visite à Yasin et au PDK, des fois qu'il aurait des idées d'excursion locale.

Comme d'habitude, le covoiturage fonctionne à merveille. Une voiture s'arrête assez vite et dès que nous montons, le passager, sans que nous ayons ouvert la bouche, informe le conducteur que nous sommes "les invitées du Matran". "Ah"... fait le conducteur d'un air approbateur. Mais attention, se croit obligé de préciser le passager : "Les invitées du Matran, mais de Kwane !" "Voulait-il ainsi souligner qu'être invité par le Matran à Kwane ne fait pas de vous de la gnognotte d'invitées (pas comme si, par exemple, on était resté uniquement les invitées d'Ankawa) ? Ou bien qu'être invitées par le Matran de Kwane, ce n'était vraiment pas du tout comme être invitées par celui d'Amedî ou celui d'Erbil ? Mystère...

En tout cas, le conducteur a l'air frappé de respect à l'annonce des hôtes de marque qu'il a à l'arrière de sa voiture, car il croise mon regard et répète : "Invitées du Matran..." J'opine, et c'est là qu'il précise à son tour : "De notre Matran !" Des fois, évidemment, qu'il y aurait un autre évêque que Monseigneur Rabban dans la région, une sorte de Matran alternatif ou dissident à Amedî et Kwane, qui prétendrait, en plus, voler les deux seules touristes françaises de la région à leur évêque légitime... Je le rassure : Oui, il s'agit bien de leur Matran, celui de Kwane, oui... Incroyable comme ils sont prompts à vous imposer leur marque tribale sur le front. On peut se balader autant que l'on veut le nez en l'air et mains dans les poches à Amedî et aux alentours, avec ou sans Sayyid (ce dernier invisible et muet, visiblement absorbé par le synode qui ouvre aujourd'hui et ne daignant pas répondre à un simple sms), fréquenter tout le PDK, on est visiblement estampillé "propriété du Matran" ; encore heureux que la mode des tatouages tribaux est passée, on finirait déguisées en bande dessinée...

Mais bon, ils doivent bien nous lâcher au PDK. Là, Yasin nous parle d'un vieux moulin, le plus vieux moulin de la région et d'un très vieux pont, qui serait, en plus petit, la réplique du pont Delal à Zaxo. Le tout au bas de la ville, dans une vallée. On s'y rend avec un guide alloué par le Parti et on manque s'étouffer (moi, de rire) en voyant le soi-disant moulin traditionnel, qui semble en plus filtrer tous les détritus de la rivière, et le pont qui est en tout point semblable à n'importe quel petit pont enjambant un rû dans nos campagnes. La réplique du pont Delal, c'est ça... Certains ont une imagination...




Mais bon, il fait subitement beau, avec des nuages passagers, et l'on décide de poursuivre la balade avec le chauffeur, qui a la bonne idée de nous amener d'un côté des montagnes que nous n'avions pas encore vu, avec des paysages vraiment superbes. Arrêt dans une maison unique, presque un camp d'été, avec des paysans qui élèvent vaches, moutons et chèvres. Chevreaux et agneaux ont des oreilles si longues qu'on croirait qu'ils les ont empruntées à un basset-hound. Du coup, on les mitraille parce que, c'est comme pour les orangers, non, on n'en a pas des comme ça à Paris. Il y a aussi de ces superbes chiens à loups qui abondent dans la région (les chiens autant que les loups, sans doute).




Puis le chauffeur, qui se nomme Saleh, nous emmène boire un thé chez son père (qui a lui aussi le Matran pour ami, nous informe-t-il, comme ça on est cerné), lequel réside en bas d'une grotte visible de notre motel, transformée en poulailler...




et gardée par une sentinelle en armes, allez comprendre, à moins que le PKK ne vienne en douce leur voler des poulets...


En plus de la sentinelle, nous sommes accueillies par les gémissements affectueux et les câlins frénétiques de trois féroces exemplaires de ces chiens à loups, qui semblent nous avoir adoptées tout de suite. On se jure, du coup, que lorsqu'on s'installe à Amedî, on en emmène un pour de bon.



Finalement, comme il est impossible aux Kurdes de ne pas vous faire manger, Saleh nous emmène à Sulav où une fois de plus on se gave de qozî (mouton + riz et soupe de haricots et ratatouille etc). Là, on recroise Yasin, accompagné de trois bambins. Puis on redescend au motel, profitant du soleil de cinq heures qui dore les montagnes et la ville. Allez, demain, il fera beau très tôt et ce sera bon pour prendre la route de Barzan.




2 commentaires:

  1. Comment ça un ? Je veux les trois moi !

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  2. Ben tu demanderas au matran d'acheter un camion-benne à la place de sa ridicule Toyota :D

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Concert de soutien à l'Institut kurde