mardi, septembre 30, 2008

KHANAQIN CRISTALLISE LES TENSIONS ENTRE BAGDAD ET ERBIL


La crise entre le gouvernement de Bagdad et le GRK au sujet de Khanaqin ne s’apaise guère, allant jusqu’à des affrontements entre Kurdes et forces irakiennes, malgré les multiples rencontres entre les deux gouvernements et un accord provisoire. Le 1er du mois, une délégation kurde s’est rendue à Bagdad pour y rencontrer le Premier ministre Nouri al-Maliki. Les entretiens ont été qualifiés d’ « ouverts et de transparents » par Yassin Madjid, un conseiller en communication du Premier ministre, tandis que le député de l’Union islamique kurde, Sami Atroushi, avait exprimé le souhait que la délégation kurde puisse obtenir des résultats positifs, par la voie du dialogue, en écartant toute « option militaire », dans tous les dossiers sur lesquels Bagdad et Erbil sont en contentieux, et tout particulièrement celui de Khanaqin. De son côté, le président kurde Massoud Barzani avait appelé personnellement le Premier ministre irakien pour lui demander instamment d’éviter la crise qui couve sur place entre les deux forces de sécurité.
Le 5 septembre, la signature de l’accord était annoncée par les officiels des deux gouvernements : il était décidé que l’armée et les Peshmergas se retireraient conjointement, au profit de la police locale de Khanaqin, hormis un check-point qui serait partagé entre ces forces de police et les forces irakiennes. « Les choses retournent au point où elles étaient avant l’entrée des forces de sécurité irakiennes dans le district » expliquait le chef d’état-major de l’armée irakienne, le kurde Babekir Zebarî, dans une conférence de presse donnée avec le commandant des Peshmergas de Khanaqin, Mala Bakhtyar. Le général kurde, de par ses fonctions au sein de la Défense de l’Irak, s’exprimait au nom du gouvernement de Bagdad, tandis que Mala Bakhtyar le faisait au nom du GRK, ce qui donne la mesure de l’imbroglio politique du « partenariat kurdo-arabe » au sein du gouvernement central.
Mais les propos du général Babekir sonnent finalement de façon assez ambiguë car la situation « d’avant l’arrivée des forces de sécurité irakiennes » était bel et bien un contrôle kurde sur la région. De fait, l’application de cet accord, se heurte, sur le terrain, à la réalité des faits : La ville de Khanaqin, peuplé à 85% de Kurdes dont 97% sont de confession chiite, souhaite rester sous le contrôle des Peshmergas en attendant de pouvoir être réintégrée dans la Région du Kurdistan, comme l’a expliqué au Guardian Ibrahim Badjelani, un membre du Conseil provincial : « L’armée irakienne veut toujours entrer et les Peshmergas sont encore présents. Nous sommes tous sur la brèche. Si l’armée irakienne tente d’entrer sans un accord préalable, nous ne pourrons être considérés comme responsables des conséquences. »
Déjà, en juin 2006, le conseil municipal de la ville avait réclamé son rattachement au GRK. Ici, le message des bureaux politiques kurdes, tout comme celui du maire, Mala Hassan, est clair : il faut appliquer l’article 140, qui, par référendum, permettra le retour de Khanaqin dans les zones administrées par les Kurdes, comme l’explique à l’AFP le commandant des Peshmerga Mala Bakhtyar : « 
Notre message au gouvernement (irakien) est simple : Appliquer la Constitution et autoriser la tenue d'un référendum local d'auto-détermination. Si le gouvernement ne fait rien, il y aura des troubles politiques et des violences. »
Les Kurdes chiites ont été particulièrement visés par les persécutions de l’ancien régime et la majeure partie d’entre eux ont été déplacés de force dans les années 1970-1980. Leur retour dans cette ville date de 2003 et ils n’ont aucune envie de voir à nouveau les troupes irakiennes patrouiller dans les rues de la ville, qui a été libérée par les Peshmergas, comme le raconte Mala Bakhtyar : « Quand nous sommes arrivés ici, il y avait 36 militaires américains et pas de troupes irakiennes. Je suis venu à la tête de 4.000 à 5.000 hommes. Il n'y a pas de combattants d'Al-Qaïda ici, pas de violence. Pourquoi alors des troupes irakiennes? Le gouvernement central devrait nous remercier plutôt que nous demander de déguerpir! » Sommés de quitter ces districts du nord de la Diyala, les Peshmergas, forts du soutien de la population, refusent donc de quitter la place, et ne prennent leurs ordres que du gouvernement kurde, actuellement en négociation avec Bagdad.
L’animosité et la crainte des habitants s’expliquent aussi par les conditions de leur récent retour. Alors que les réfugiés de Kirkouk attendent encore, souvent dans des camps, d’être dédommagés ou relogés, les Kurdes de Khanaqin se sont réinstallés d’office, à la faveur de l’arrivée des troupes kurdes dans la ville, dans les habitations laissées par les colons arabes qui avaient pris la fuite, comme le raconte Mohammed Aziz, un professeur de mathématiques dont la famille avait été chassée de son village en 1975, alors qu’il n’avait que quatre ans : « Nos maisons ont été prises par les Arabes sans qu'on nous ait versé aucune compensation. Nous sommes revenus et avons pris une des maisons vides. Les Arabes d'ici avaient fui. ». Mohammed Aziz, qui avait dû résider dans la province chiite de Babylone pendant 30 ans, se dit à présent heureux de pouvoir élever ses trois enfants en kurde, de revenir « sur sa terre » et souhaite le rattachement définitif de Khanaqin au Kurdistan. 
Selon Mala Hassan, lui aussi favorable au rattachement, 90% des Kurdes déplacés de Khanaqin sont à présent revenus. Le maire de Khanaqin, qui faisait partie de la délégation kurde qui a signé l’accord, affirme que sa ville restera sous contrôle kurde, même si les troupes irakiennes se retirent : « Nous sommes tous Peshmergas maintenant. »
De fait, dans la ville, ce sont les portraits de Massoud Barzani et le drapeau du Kurdistan qui sont affichés. Même une zone mixte, peuplée également d’Arabes, comme Al-Djalawla, est entièrement contrôlée par les Kurdes et le GRK alloue même au district un budget annuel plus important que celui fourni par Bagdad (15 millions de dollars). Pour les Kurdes de la ville, un rattachement à la Région du Kurdistan est de toute façon un état de fait, comme l’explique au Washington Post Nihad Ali, qui commande ici le détachement des Peshmergas : « Qui peut contester que nous n’avons pas déjà fait de cette région une partie du GRK ? Qui a dépensé tout cet argent ici ? Quels martyrs y ont versé leur sang ? Ces gens sont totalement dépendants des Kurdes. Nous ne pouvons les abandonner. »
Seuls des Arabes sunnites de la région, souvent liés à l’ancien régime, voient d’un très mauvais oeil la perspective de dépendre du gouvernement d’Erbil. Ahmed Saleh Hennawi al-Nuaimi, un chef tribal de Djalawla, ancien officier sous Saddam, se plaint de ce qu’il appelle un processus de « kurdification » : « Nous sommes soumis à deux occupations, l’une par les Américains et l’autre par les Kurdes. Celle des Kurdes est la pire et mène la population au terrorisme. »
Ces accusations de « kurdification » sont rejetées par le GRK, qui indique n’avoir pas eu besoin de « kurdifier » la région, pas plus qu’il n’essaie de « prendre le contrôle » de la région, comme les accusent les groupes arabes, car, réplique Fouad Hussein, le chef de Cabinet de Massoud Barzani : « Nous contrôlons déjà la région. Il y a une réalité sur le terrain dans ces zones disputées en Irak qui ne peut être ignorée. » Et c’est au contraire le gouvernement d’Al-Maliki qui est accusé par les Kurdes d’avoir « un agenda secret » pour les chasser de la région. « Certains d’entre eux voudraient même nous chasser de tout l’Irak. »
Dans une déclaration officielle, faisant état de la position du Gouvernement kurde sur cette question, Fouad Hussein réaffirme qu’ils n’envisagent pas « une annexion unilatérale » de ces territoires, et que la présence des Peshmergas n’a pour seul but que de protéger la population du terrorisme. Le chef de cabinet ajoute que l’application de l’article 140 permettrait seule de régler ces conflits, par voie constitutionnelle.
En tous cas, Bagdad peine à chasser ne serait-ce que de Djalawla les quelques centaines de Peshmergas qui refusent de quitter leurs quartiers, malgré les demandes réitérées de l’armée qui a tenté plusieurs fois d’entrer, mais s’est vu à chaque fois barré le chemin par les Peshmergas de l’UPK. Le 20 septembre, Sarchil Adnan, qui dirige la branche de l’UPK dans la ville, a tout de même annoncé que « les partis kurdes à Djalawla, Al-Saadiya, Khanaqin et Qara Tepe ont accepté d’évacuer les bâtiments gouvernementaux qu’ils utilisaient comme bureaux », mais sans donner de date précise concernant ce retrait. Le 27 mars, la police irakienne (récemment formée dans le district et composé exclusivement d’Arabes selon les accusations des Kurdes) a attaqué un bâtiment occupé par les Asayish kurdes (services de sécurité) tuant l’un d’eux, avant que le couvre-feu soit décrété dans la ville.
Les forces kurdes sont visées aussi par des attaques terroristes. Une explosion visant un véhicule de patrouille a ainsi tué six d’entre eux et blessés trois autres, en milieu de mois, tandis que le 28 septembre, c’est le maire kurde de la petite ville de Saadiyah, à l’est de Khanaqin, qui a été blessé, avec six de ses hommes, dans un attentat à la bombe, alors qu’il se rendait à son bureau.
Par ailleurs, les craintes des Kurdes de Khanaqin concernant la nouvelle police mise en place à Diyala, dont le recrutement, selon eux, exclut les Kurdes au profit des Arabes, et surtout leur apparaît susceptible d’être infiltré par Al-Qaïda, n’ont pu que se renforcer avec l’arrestation, le 30 septembre, du général Hassan Karawi, commandant de la police de Djalawla, par les forces multi-nationales. Il est suspecté d’être impliqué dans des actions terroristes, avec trois autres officiers, le général de brigade Abdullah Anu, le lieutenant Raed Sheikh Zaed et Ibrahim Abdullah, ancien directeur du centre des services secrets de Khanaqin, sous le régime baathiste. Tous ont été arrêtés dans la demeure d’un chef d’une tribu arabe locale.

lundi, septembre 29, 2008

SYRIE : ARRESTATIONS, CENSURE ET PROCES INIQUES


Après l’arrestation de Mashaal Tamo, dirigeant de la plate-forme d’opposition « Avenir kurde », survenue le 15 août et dénoncée par l’Observatoire des droits de l’Homme en Syrie, cette même organisation dénonce celle de Talal Mohammad, du parti Wifaq, une branche (interdite) du PKK en Syrie, qui a été aussi mis au secret, à la fin du mois d’août. Tous deux sont accusés d’ « offense majeure » envers l’Etat.
Mashaal al-Tammo avait déclaré, peu de temps avant son arrestation, que l’attitude des policiers syriens envers les Kurdes risquait de provoquer des émeutes semblables à celles de 2004, ce que la justice syrienne a qualifié d’ « incitation à la guerre civile », un chef d’accusation qui fait encourir la peine capitale, bien que celle-ci soit rarement appliquée contre des opposants politiques connus. Il est aussi accusé plus classiquement, quand il s’agit des leaders kurdes, d’appartenance à une organisation « ayant pour but de changer les fondements de la société et de créer des tensions raciales et sectaires ».
L’arrestation a eu lieu peu avant la visite de Nicolas Sarkozy dans ce pays, qui a plaidé pour la libération des prisonniers politiques syriens et une libéralisation de la vie politique en Syrie. Mais le message français ne semble guère être passé, car dans le même temps, le Centre syrien pour la liberté des media et la liberté d’expression annonçait que depuis l’année 2000, la Syrie avait bloqué l’accès Internet à 160 sites, de partis politiques kurdes, d’opposants politiques, de journaux (en particuliers libanais), de mouvements pour les droits de l’homme, d’associations diverses, islamiques ou civiles... Et selon Mazen Darwish, le président de l’organisation, cette répression va en s’accroissant : « Ceci n’est que le début d’une politique de censure de la presse, et d’une tentative de contrôler tous les utilisateurs d’Internet », lesquels, selon Mazen Darwish, ont de plus en plus recours à ce media pour s’exprimer et commenter la vie politique dans leur pays.
De fait, le 15 septembre, 50 Kurdes étaient jugés par une cour militaire de Damas, et condamnés à des peines allant de 4 à 6 mois de prison, pour avoir participé aux manifestations qui ont suivi l’enlèvement et l’assassinat du cheikh soufi Maashuk al-Khaznawî. A l’époque, les manifestants réclamaient que toute la vérité soit faite sur ce meurtre par le biais d’une enquête indépendante. Les 50 accusés avaient été arrêtés sur les lieux, détenus 2 mois avant d’être relâchés. Ils ont été condamnés pour « incitation aux dissensions religieuses et raciales et à des conflits entre différentes religions et groupes de la nation. »
Le 18 septembre, s’ouvrait aussi le procès d’Ahmad Tohme, Jaber al-Shoufi, Akram al Bunni, Fida al-Hurani, Ali al-Abdullah, Walid al-Bunni, Yasser Tayser Aleiti, Fayez Sarah, Mohammed Haj Darwish, Riad Seif, Talal Abu Dan et Marwan al-Esh. Les douze hommes sont membres du Conseil national de la déclaration de Damas pour un changement démocratique (NCDD), un mouvement qui comprend plus de 160 hommes politiques, militants pour les droits de l’homme, intellectuels et artistes. Depuis décembre 2007, date à laquelle il a été créé pour remplacer l’ancien Conseil national de Damas pour un changement démocratique (fondé en 2005), quarante de ses membres ont déjà été arrêtés par les services secrets syriens. Les douze actuellement jugés sont ceux qui ont été gardé en détention.
Le 28 janvier 2008, ils ont comparu devant un juge, sur la base de l’article 285 du Code criminel syrien, réprimant « l’affaiblissement des sentiments nationaux », de l’article 286 pour avoir propagé « des informations notoirement fausses » et avoir voulu « affaiblir le sentiment national », de l’article 306, concernant l’appartenance à une « association ayant pour but de changer la structure économique ou la structure sociale de l’Etat, et de l’article 307 visant « toute action, discours ou écrit incitant au sectarisme ou encourageant les conflits entre sectes ». Le 26 août dernier, le procureur général avait confirmé les chefs d’accusation. Les avocats de la défense, entendus le 24 septembre, ont plaidé non coupable, en exposant que la Déclaration de Damas avait seulement pour but d’initier un débat sur un processus de réformes pacifiques et démocratiques en Syrie. Les accusés encourent jusqu’à 15 ans de prison. Le verdict est attendu pour le mois d’octobre.
Le procès a été vigoureusement dénoncé à la fois par le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (une plate-forme de travail conjointe avec la Fédération internationale des droits de l’homme et l’Organisation mondiale contre la torture), Human Rights Watch et Human Rights First. Ces ONG ont exprimé leur « profonde préoccupation » pour ce qu’elles qualifient de détention arbitraire et de procès inique, dans une déclaration cosignée, où elles demandent instamment aux autorités syriennes l’annulation du procès ainsi que la libération immédiate et sans condition des accusés, en rappelant que les membres de la Déclaration de Damas ne font qu’exercer « pacifiquement leurs droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par les lois internationales et la constitution syrienne elle-même, par exemple l’article 38 qui stipule que « tous les citoyens ont le droit d’exprimer librement et ouvertement leurs opinions, verbalement, par écrit, et par tout autre moyen d’expression. »
Les ONG craignent aussi que les accusés ne puissent avoir droit à un procès régulier et dénoncent aussi les termes « vagues et très larges » du code pénal, qui permettent aux autorités de les utiliser contre des dissidents politiques pacifiques ou des militants des droits de l’homme. Les avocats ont fait part aussi des mauvais traitements subis par leurs clients, qui ont tous été battus durant les interrogatoires et contraints de signer de fausses déclarations, lesquelles ont été utilisées ensuite par le procureur au cours du procès.
Enfin, l’état de santé de certains des dissidents s’avère préoccupant et nécessite des soins médicaux suivis : Riad Seif, le secrétaire général du NCDD souffre ainsi d’un cancer de la prostate et ne bénéficie actuellement d’aucun traitement ; le Dr. Fidaa al-Horani, le président du NCDD s’est vu également refusé une surveillance médicale alors qu’il est atteint de problèmes cardiaques ; Ali Abdallah, un journaliste indépendant, a perdu l’ouïe de son oreille gauche, conséquence des coups reçus lors de ses interrogatoires. Le 28 janvier dernier, il a été examiné par un médecin qui a refusé de faire un rapport, ce qui a empêché ainsi de fournir au prisonnier un traitement médical. De plus, Ali Abdallah a été transféré il y a deux mois dans un quartier disciplinaire, où les conditions de détention sont encore plus sévères, pour avoir refusé de se lever durant une altercation avec un gardien.
Les organisations rappellent à la Syrie qu’elle est signataire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de multiples conventions, notamment celle sur les droits civils et politiques portant, entre autres, sur le droit d’expression et la liberté d’association. Elle a aussi signé la Déclaration des Nations Unies de 1998 « sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus ». Elles demandent aussi la levée de l’état d’urgence et des lois qui en découlent, en appelant toutes les institutions de l’Union européenne à se joindre à cette protestation et à en faire part la Syrie.

Cinéma : Là-bas, il fait froid


Sortie le 8 octobre en France

Synopsis : 1925, Kurdistan, Turquie : l'armée turque commet des massacres sur la population d'un village kurde de Turquie. Une jeune femme est contrainte d'assister à la mise à mort de son mari et de son fils.
50 ans plus tard : dans ce même village, Resho, un petit de dix ans, et sa mère Fatima font la connaissance de Salahadin, un étudiant en théologie. Une nuit, des résistants kurdes se réfugient au village. Fatima les héberge et les nourrit. Mais l'armée turque les trouve. Les représailles sont terribles et font basculer la vie de Resho dans l'horreur. L'histoire se répète, sous les yeux d'une très vieille femme qui se souvient de son fils et de son mari assassinés...
Produit et réalisé par : Mansur Tural.
Casting : Farzin Karim Sharos, Ahmet Zireki, Ronahî Tural.
Musique : Temo, Kamkaran.
Pour en savoir plus :

dimanche, septembre 28, 2008

IRAK : MECONTENTEMENT CHRETIEN APRES L’ADOPTION DE LA LOI ELCTORALE PROVINCIALE


L’assemblée nationale irakienne a finalement accouché dans la douleur, le 24 septembre, d’une nouvelle loi sur les élections provinciales, lesquelles devraient se tenir au plus tard le 31 janvier 2009, dans 14 des 18 provinces de l’Irak. Les 191 députés présents ont voté à main levée et la loi a été ainsi adoptée à la majorité des présents.
Approuvée à l’unanimité, la loi électorale nouvelle version a été qualifiée par Mahmoud al-Mashshadani, le porte-parole du parlement, de « grand jour pour l’Irak, et un jour pour la démocratie durant lequel les Irakiens ont prouvé qu’ils peuvent parvenir à des solutions de consensus. Kirkouk est la source des problèmes, mais aujourd’hui, c’est devenu un symbole de l’unité irakienne. »
En fait, le « symbole de l’unité irakienne » fera simplement l’objet d’un report des élections, suivant en cela l’avis des représentants des Nations Unies qui ont conseillé un report des élections pour Kirkouk et la formation d’une commission chargée de préparer les élections dans cette région, ce que le parlement irakien a accepté. Selon le député de l’Alliance kurde Khalid Shawani, cette commission sera constituée « de deux représentants de chaque communauté, arabe, kurde et turkmène, et un de la communauté chrétienne. » Son objectif est de « préparer le terrain » pour la tenue des élections, prévues courant 2009, de mettre en place les nouveaux « mécanismes du partage de l’autorité » à Kirkouk, de revérifier le recensement des citoyens et l’inscription des électeurs sur les registres, tout en corrigeant les « excès qui ont eu lieu avant et après avril 2003 », date de la chute du régime baathiste. Le rapport de la commission devra être présenté au parlement avant le 31 mars et ce sont les députés qui choisiront alors la date du scrutin.
En attendant, le Conseil provincial de Kirkouk, composé en majorité de Kurdes, continuera de gouverner la région. Le député kurde Khalid Shawani a également déclaré sur la radio La Voix de l’Irak, que le parlement avait approuvé unanimement la recommandation de l’envoyé de l’ONU, sur la commune « participation du gouvernement fédéral et du Gouvernement régional du Kurdistan » au processus, et de leur soutien nécessaire à son succès.
Trois autres provinces seront soumises à un agenda électoral indépendant : Duhok, Suleïmanieh, Erbil, soit l’actuelle Région du Kurdistan qui doit d’abord faire voter par son parlement sa propre loi électorale, comme l’explique à l’AFP Ali Qader, le président de la commission électorale du GRK : « Seul le parlement du Kurdistan a le droit de faire passer cette loi ; aussi aucune date n’est encore fixée pour les élections au Kurdistan. »
L’adoption de la loi électorale a bien sûr été saluée par Washington, qui pousse depuis des mois à la tenue de ces élections, prévues initialement en octobre 2008, et qui a tenté jusqu’au bout d’éviter le report. « Nous félicitons le parlement irakien pour avoir fait passer la loi sur les élections provinciales. Nous pensons que c’est un signe positif et qui montre sans aucun doute une démocratie irakienne en voie de maturation », a ainsi déclaré Robert Wood, porte-parole du Département d’Etat. « Nous espérons que les élections provinciales se tiendront dès que possible, de préférence à la fin de l’année. »
Mais des voix discordantes se sont élevées dans ce concert dithyrambique. Le vice-président de l’Assemblée nationale du Kurdistan, Kamal Kirkouki, a ainsi déclaré sur la Voix de l’Irak, que le vote de la loi, et particulièrement de ses deux articles 2 et 14, violait la constitution irakienne et par là-même, « les fondements démocratiques du nouvel Irak ». Kamal Kirkouki exprimait en fait la position généralement adoptée par les Kurdes, qui s’opposaient, dès le début de l’été, à un traitement particulier pour Kirkouk, qui aurait pour seul but d’empêcher une nouvelle victoire des Kurdes au Conseil provincial, tant la démographie de la région est en leur faveur. L’avis des Kurdes du Gouvernement régional du Kurdistan, comme celui des Kurdes de Kirkouk était donc la tenue d’élections dans cette province sous les mêmes conditions et au même titre que dans le reste de l’Irak. Le vote des députés de l’Alliance kurde au parlement de Bagdad n’a été qu’un compromis pour sortir de la crise.
Dans une déclaration officielle, le président du Kurdistan, Massoud Barzani, bien que se déclarant « très satisfait » de ce vote, en espérant qu’il sera un « pas significatif en direction d’un renforcement du processus démocratique en Irak. » et bien qu’il affirme « soutenir activement l’adoption d’une loi qui permettrait à tous les Irakiens de déterminer le statut final de leur communauté à l’intérieur du nouveau système fédéral », regrette que la loi ne mentionne pas les droits des chrétiens, yézidis et autres minorités religieuses, à être représentés. Aussi la présidence du Kurdistan tient à réaffirmer son soutien à tous les groupes religieux et ethniques de l’Irak pour la garantie de leurs droits, ce qui reste dans la droite ligne de la politique de tolérance, voire de discriminations positives du GRK envers les minorités, surtout religieuses, et place le gouvernement irakien dans un certain embarras en raison de l’agitation chrétienne que la nouvelle mouture de cette loi a suscitée.
En effet, le silence du texte sur la représentation des minorités dans les conseils de province n’a pas non plus échappé aux principaux intéressés. Ainsi, le 29 septembre, des chrétiens de Qaraqosh, dans la province de Ninive, qui abrite un grand nombre de réfugiés venus d’Irak, en plus de la population chrétienne autochtone, ont manifesté contre l’abrogation, lors de son second vote, de l’article 50 de cette loi, qui prévoyait qu’un certain nombre de sièges soient garantis par quota aux minorités ethniques et religieuses des provinces, comme c’est le cas au parlement kurde depuis 1992. Les Assyro-Chaldéens estiment cette suppression anticonstitutionnelle et surtout portant atteinte à leurs droits, en les « marginalisant ».
Les manifestants de Qaraqosh ont donc soumis un mémorandum au maire de la localité, afin qu’il le fasse parvenir au président Jalal Talabani, au Premier ministre Nouri Al-Maliki, au porte-parole du parlement Mahmoud al-Mashhadani, au représentant des Nations Unies en Irak, Staffan de Mistura et à l’ambassadeur des Etats-Unis. Ils réclament le rétablissement de l’article 50 et la possibilité de s’auto-administrer.
Le Conseil populaire des Assyro-Chaldéens a appelé tous les chrétiens à organiser « dans tous les lieux où ils résident », mais il est en fait difficile à cette communauté, particulièrement visée par le terrorisme, de défiler dans les zones où elle ne bénéficie pas de la protection des Kurdes. Le chef du Parti irakien démocratique de la section de Mossoul, Menas Al-Yousifi, a également jugé « injuste » cette abrogation, qui ne pouvait que « jeter de l’huile sur le feu » et « aggraver la crise que vit le peuple irakien. »
Ce mécontentement chrétien est relayé à l’intérieur du GRK, au plus haut niveau gouvernemental, puisque Georges Mansour, le ministre de la Société et des affaires civiles, lui-même chrétien, a pris la parole pour condamner à son tour cette abrogation, en la qualifiant de « retour en arrière » dans le processus démocratique du pays et de « violation flagrante du deuxième article de la constitution irakienne interdisant toute loi électorale qui nuirait aux principes démocratiques », ainsi que l’article 14, qui affirme l’égalité de tous les Irakiens, quels que soient leur sexe, leur ethnie et leur religion. Un député chrétien, Yonadim Kanna, a de même jugé que la disparition de l’article 50 portait atteinte aux principes démocratiques, de partenariat et de fraternité dans le pays.
Devant cette salve de critique, Staffan de Mistura, le représentant de l’ONU en Irak, a fini par convenir que les minorités étaient marginalisées dans la nouvelle mouture de la loi, mais a appelé les mécontents à négocier avec la Haute Commission électorale indépendante, qui gère les scrutins locaux.
Le Premier ministre Nouri Al-Maliki, qui a rencontré récemment le pape et l’avait assuré de son soutien aux chrétiens d’Irak, a désavoué officiellement cette abrogation, en déclarant qu’il avait, bien au contraire, espéré que le parlement maintiendrait le passage garantissant la représentation des minorités. Il a également appelé les leaders parlementaires et la commission électorale à « trouver une solution et à lever le sentiment d’inquiétude, le sentiment d’être aliénées ou opprimées, qui affecte des communautés fières d’être irakiennes. »
Finalement, le cardinal Emmanuel III Delly en personne, patriarche des Chaldéens catholiques d’Irak, a appelé le Conseil de présidence, qui n’a pas encore approuvé la loi, à y mettre une seconde fois son veto, ce qui ne ferait évidemment pas l’affaire ni du gouvernement irakien, ni du parlement ni des USA : « J’appelle le Conseil de présidence à ne pas approuver l’abrogation de l’article 50 de la loi provinciale, qui est un acte d’oppression contre notre présence et notre représentation dans la société irakienne » a lancé le cardinal, lors d’une interview télévisée.
Interrogé à ce sujet, Hashim Al-Tayy, à la tête de la commission parlementaire des régions, a révélé que les différents blocs parlementaires ont abrogé l’article 50 pour la seule raison qu’ils n’avaient pu se mettre d’accord sur le nombre de sièges qui seraient alloués à chaque groupe. Mais il a assuré que la garantie de ces sièges sera ajoutée ultérieurement à la loi.

vendredi, septembre 26, 2008

IRAN : LES PRISONNIERS POLITIQUES KURDES EN GREVE DE LA FAIM


Alors que depuis le 25 août dernier des prisonniers politiques kurdes font grève de la faim dans les prisons iraniennes, les commerçants de la ville kurde Mahabad ont observé, le 3 septembre, une journée de grève en refusant d’ouvrir leurs boutiques, par solidarité avec leurs compatriotes incarcérés.
N’appréciant guère la démonstration, les Forces de sécurité de l’Etat (SSF) ainsi que des agents des services secrets ont mené des raids dans les bazars et les rues de Mahabad, afin d’obliger leurs propriétaires à reprendre leur activité. Quant aux manifestants qui protestaient ouvertement, ils ont tous été photographiés et filmés par les autorités.
Les prisonniers politiques kurdes qui observent cette grève de la faim sont au nombre de quarante dans la prison d’Ourmieh, quinze à Mahabad, treize à Sanandadj et huit dans la prison d’Evin à Téhéran, tandis que quatre autres n’ont pu être localisés. Dans leur déclaration, les grévistes, dont huit sont condamnés à mort et attendent leur exécution, font appel à l’opinion publique internationale, en faisant état de conditions de détention inhumaines. Ils réclament la suspension immédiate des exécutions et l’arrêt « de toutes formes de torture et de punitions dégradantes. » Ils demandent aussi à ce que les prisons iraniennes soient contrôlées par une commission internationale.
Dans son dernier rapport, datant de juillet 2008, Amnesty International avait déjà alerté sur le nombre croissant des détentions arbitraires, des procès iniques et de la recrudescence des exécutions dans les prisons d’Iran, en indiquant que la population kurde était tout particulièrement visée, surtout les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les militants féministes.
Le Comité de protection de journalistes a également appelé l’Iran à la libération de deux journalistes kurdes, arrêtés en août dernier, Anvar Sa’dj Mutchashi et Massoud Kurdpour.
Anvar Mutchashi, étudiant en droit à l’université internationale de Téhéran, travaillait pour plusieurs chaînes de télévision satellite kurdes et exerçait aussi des activités de militant. Il avait aussi collaboré au journal kurde Karaftu, un hebdomadaire interdit depuis. La veille de son arrestation, il avait confié à des collègues de travail qu’il avait reçu un appel téléphonique d’un agent des services de sécurité, l’avertissant qu’il avait « dépassé la ligne rouge ».
Quant à Massoud Kurdpour, il exerçait le journalisme en free-lance et militait aussi pour les droits de l’homme. Il a été arrêté à son domicile, dans la ville de Bokan. Membre de la rédaction d’un journal maintenant interdit, Didga, il a donné régulièrement des interviews portant sur la question kurde à plusieurs radios étrangères, dont Voice of America, Radio Farda, la BBC et Deutsche Welle. Sa famille, qui a pu lui rendre visite, a fait état de son amaigrissement et parlé de mauvais traitements. Les seules informations qu’elle a pu obtenir de la part des services de sécurité, concernant les charges qui lui sont reprochées, sont ses contacts avec des agences de presse internationales et ses déclarations dans des média internationaux. Ainsi, le 12 juillet 2008, date de sa dernière déclaration à la presse, il avait pris la parole dans une émission en langue kurde de la radio Voice of America, qui couvrait une grève au Kurdistan d’Iran, pour commémorer l’assassinat du leader kurde Abdulrahamn Ghassemlou en 1989, par les services iraniens.
D’autres journaux ont été récemment fermés par la Commission pour la surveillance et l’autorisation de la presse, un organe du ministère de la Culture et de l’orientation islamiques : ainsi le magazine écologiste Tarabestan Sabaz et, de façon surprenante, la revue de mots croisés Sargami. Dans son courrier des lecteurs figuraient en effet des propos humoristiques visant les dirigeants du pays. Il lui a été reproché la publication de « commentaires inappropriés » et le journal a été interdit.
Le 5 septembre, cependant, les ONG, dont Reporters sans frontières, apprenaient avec soulagement que la peine de mort qui avait été prononcée contre le journaliste kurde Adnan Hassanpour, avait été annulée pour « vice de procédure ». En effet, la Cour Suprême de Téhéran a finalement jugé que l’accusation « d’ennemi de Dieu » retenue contre le journaliste (délit qui fait encourir la peine capitale) s’avérait sans fondement solide. Elle a donc renvoyé l’accusé au tribunal de Sananadadj. Reporter sans Frontière a exprimé sa satisfaction, tout en demandant à nouveau la libération immédiate d’Adnan Hassanpour, « qui vit un calvaire depuis dix-huit mois », et qui nie toutes les charges dont on l’accuse. « L’accusation n’a jamais été en mesure de démontrer les preuves de sa culpabilité. Malgré cela, les juges en charge du dossier avaient, à deux reprises, décidé de le condamner à mort. L’acharnement judiciaire contre les journalistes indépendants et ceux collaborant avec la presse étrangère doit cesser. »
Saleh Nibakht, l’avocat du prisonnier, espère que le tribunal de Sanandadj ne fera pas deux fois de suite « la même erreur », en indiquant que l’un des juges qui y officiaient a depuis été renvoyé. Un nouveau procès contre Adnan Hassanpour a débuté le 6 septembre.
Adnan Hassanpour, âgé de 26 ans, a été arrêté le 25 janvier 2007 et emprisonné à Mahabad, avant d’être transféré à Sanandadj. Il avait travaillé pour l’hebdomadaire Aso, un journal qui traite de la question kurde, sujet « sensible » en Iran, hebdomadaire qui a été interdit en 2005 par le ministère de la Culture et de l’orientation islamique. Le journaliste collaborait aussi à des radios étrangères, telles Voice of America et radio Farda. Depuis son arrestation, il a poursuivi deux grèves de la faim pour protester contre ses conditions de détention.

jeudi, septembre 25, 2008

LIBAN : LES KURDES SE PLAIGNENT DE DISCRIMINATIONS


Un reportage du Daily Star se penche sur l’étrange situation des Kurdes vivant au Liban, dont beaucoup n’ont jamais pu obtenir la nationalité de ce pays, bien que la majeure partie de cette communauté soit arrivée dans les années 1920-1930, alors qu’elle fuyait les persécutions de la république de Turquie. C’est lors du dîner annuel donnée par l’Association philanthropique des Kurdes libanais à l’occasion de l’Iftar (rupture du Jeûne), que les journalistes ont pu rencontrer les 250 adhérents de l’association ainsi que le sheikh Hamed Mousamak, qui, prenant la parole dans l’assemblée, est revenu sur les difficultés rencontrées par sa communauté : « La communauté kurde fait face à deux problèmes majeurs. Beaucoup d’entre nous n’ont pas la citoyenneté libanaise et nous ne sommes représentés ni au Parlement, ni au gouvernement. »
Privés des droits et des aides accordées aux Libanais, ces Kurdes, qui font partie des couches de la société les plus défavorisées, sont ainsi discriminés dans l’accès à l’éducation supérieure, la santé, l’emploi. Malgré les promesses du gouvernement Hariri, en 1994, de régulariser cette situation, l’hostilité des chrétiens à tout octroi massif de citoyenneté accordée à une population musulmane, ainsi que l’indifférence des autres Libanais envers ces non-Arabes, a fait qu’aujourd’hui encore, 40% des quelques 75 000 Kurdes qui vivent au Liban depuis plusieurs générations n’ont pas la nationalité libanaise et subissent ainsi un statut précaire de résidents non nationaux.
« Nous nous sommes plaints à beaucoup d’hommes politiques et de leaders religieux, explique le Sheikh Hami, mais personne ne soutient notre cause. Nous n’avons même pas de lieux où notre communauté puisse se rassembler. Nous voudrions construire un centre kurde, mais nous ne le pouvons pas. Le dîner annuel de l’Iftar est la seule occasion pour que notre peuple se réunisse. »
Les Kurdes commencèrent d'arriver au Liban, alors sous mandat français, à la fin de la Première Guerre mondiale et surtout après la révolte de Sheikh Saïd en 1925, et puis durant toutes celles de l'entre-deux-Guerres, fuyant la répression en Turquie. Il y eut aussi, dans les années 1960, une vague d'émigration économique. Socialement et économiquement, c'est une des communautés les plus faibles, les moins instruites et des plus défavorisés du pays. Ils ont été ou sont encore agriculteurs, manoeuvres, ouvriers ou bien travailleurs non qualifiés.
La question de leur naturalisation ne se posa pas aux Kurdes avant la Seconde Guerre mondiale. Auparavant, la plupart d’entre eux n’avaient pas jugé utile de se dépenser en argent ou en démarches administratives pour obtenir une citoyenneté qui ne leur offrait, à l’époque, pas d’avantages particuliers. Mais en 1941, ils se trouvèrent, étant sans papiers, exclus du système des cartes de rationnement d'alimentation établi dans les colonies et protectorats français comme en métropole. Par malchance, un an auparavant, une loi venait tout juste de restreindre l'accès à cette citoyenneté alors que les conditions en avaient été jusqu’ici très larges : il suffisait d'avoir vécu 5 ans consécutifs dans le pays ou d'avoir épousé un(e) Libanais(e).
En 1960, Kemal Djoumblatt, le chef de la communauté druze, lui-même d’origine kurde, devenu ministre de l’Intérieur, leur accorda une citoyenneté « indéterminée » qui permit à ceux qui en bénéficiaient d'obtenir, au moins pour leurs enfants, la nationalité libanaise s'ils étaient nés au Liban. Mais cette mesure fut annulée en 1962 sous la pression des chrétiens, qui, s'ils étaient favorables à la naturalisation des Arméniens, s'opposaient à celle des Kurdes musulmans par peur de faire basculer l'équilibre démographique entre les groupes religieux du pays. On instaura donc des « cartes de substitution », qui permettent de circuler dans et hors le Liban, et d'avoir accès à l'école publique. Ces cartes de substitution ne donnent pas le droit de vote et ne permettent pas d'exercer un emploi de fonctionnaire.
Le 21 juin 1994, Rafik Hariri permit à un certain nombre de Kurdes, estimés entre 10.000 et 18.000 d'être naturalisés, malgré une vive opposition chrétienne.

Spectacle : Miço Kendesh

Samedi 27 septembre 2008 à 17h au
Théâtre des Abbesses

31 rue des Abbesses
Paris 18°


Miço Kendesh

Chant et bouzouk

Avec Farouk Soran, violon ; Goran Kamil, 'oud ; Kemal Ceylan, balaban ; Abbas Bakhtyari, percussion.

Réservations en ligne.

radio

Dimanche 28 septembre à 8h00 sur France Culture : Georges-Gennadios Scholarios (v. 1400-v.1472). Un intellectuel orthodoxe face à la disparition de l'Empire byzantin ; Marie-Hélène Blanchet (éd. De Boccard). Orthodoxie, A. Chryssostalis.

vendredi, septembre 19, 2008

"Invitation au Voyage" : Forum des Instituts culturels étrangers en France (FICEP)


mercredi 24 septembre 2008 de 16 heures à 17h :

Contes et légendes du monde entier

Bextyar û Bedbext/Jean qui grogne et Jean qui rit


L’Institut kurde de Paris est heureux de vous inviter à la semaine des cultures étrangères qui se déroulera à Paris entre 22 et 28 septembre 2008.

Ecouter une histoire qui se déroule dans un autre pays est une découverte, mais lorsque l’on peut en entendre une partie dans la langue originale, cela devient un véritable voyage !

Il était une fois deux frères partis à l’aventure pour trouver la fortune et qui, se séparant, rencontrent un destin très différent.

En kurde sorani et en français, lu par Joyce Blau & Sandrine Alexie.

Jeudi 25 septembre de 17h à 19 h

Une leçon sur la langue et la riche littérature des Kurdes

Joyce Blau, Sandrine Alexie.

Institut kurde de Paris
106, rue La Fayette, F-75010 Paris
M° Poissonnière - Gare du Nord - Gare de l’Est

jeudi, septembre 18, 2008

Radio : L'Âge d'or de l'architecture arménienne

Dimanche 21 septembre à 8h00, sur France Culture : L'Âge d'or de l'architecture arménienne : VII° siècle, Patrick Donabédian (éd. Parenthèses) ; Foi et tradition, J.P. Enkiri.




  • Relié: 331 pages
  • Editeur : Parenthèses (2 novembre 2006)
  • Collection : ARCHITECTURE
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2863641727
  • ISBN-13: 978-2863641729


Présentation de l'éditeur
Au moment où l'Empire byzantin et les grands foyers d'Orient traversent une phase de stagnation dans leur développement architectural, l'Arménie (et avec elle la Géorgie), au cours du vile siècle, bénéficie d'un contexte historique et socio-politique favorable qui permet une vitalité culturelle exceptionnelle. Des dizaines de monuments sont réalisés qui illustrent, par leur foisonnement et leurs qualités techniques et décoratives, ce que l'on peut appeler l'âge d'or de l'architecture arménienne. Succédant aux prémices des premiers siècles paléochrétiens (IVe-VIe) où apparaissent les exemples initiaux d'architecture mémoriale et religieuse, la période qui commence à la fin des années 62o avec les victoires de l'empereur Héraclius est marquée par une impétueuse activité. Au terme de quelques décennies où l'on assiste à une multiplication des chantiers et à l'élaboration de solutions souvent très innovantes, l'Arménie se trouve dotée d'un langage constructif nettement identifiable, propre à ce moment singulier, avec toute une grammaire de structures, de dispositifs, de procédés et motifs de décor. Ce vaste arsenal marquera durablement le langage architectural, tant arménien que géorgien, y compris durant le renouveau de la période médiévale, quelques siècles plus tard, et jusqu'à nos jours. Autour de la figure centrale de la coupole, dont l'usage se généralise tout en se complexifiant, une planimétrie et une volumétrie très réglées s'élaborent. Le répertoire de formes et de solutions constructives, marquées par l'unicité du matériau employé, la pierre, et les diverses figures décoratives mises au point, se trouvent dans une certaine mesure normalisés. Ainsi s'explique l'incontestable unité de style qui caractérise la riche production architecturale et le décor très diversifié de cet âge d'or.

Biographie de l'auteur
Patrick Donabédian se consacre depuis une trentaine d'années à l'art médiéval du Caucase du sud et notamment à l'architecture sacrée de l'Arménie médiévale, structure et décor. Ses travaux portent principalement sur les édifices érigés à la période paléochrétienne et préarabe (IVe-VIIe siècle) et sur ceux bâtis sous la domination mongole (XIIIe-XIVe siècle). Outre de nombreuses études, il a publié Les Arts arméniens (avec Jean-Michel Thierry, 1987) et a collaboré au catalogue Armenia sacra (Louvre, 2007). Parallèlement à ses travaux scientifiques, il a longtemps servi la diplomatie française en qualité de conseiller culturel en Europe orientale, avant de réintégrer l'université; il est aujourd'hui responsable du département d'études arméniennes à l'Université d'Aix-en-Provence et membre du Laboratoire d'archéologie médiévale méditerranéenne (LAMM, UMR 6572, CNRS).



mercredi, septembre 17, 2008

Conférence : Moyen-Orient : impossible démocratie ?

Centre Georges Pompidou

18 septembre 2008
19h30
Avec Alain Dieckhoff et Laurence Louër

Moyen-Orient : Impossible démocratie ?

"Le Moyen-Orient n'a été que marginalement touché par la vague de démocratisation qui a traversé d'autres régions. Dans le monde arabe, l'État autoritaire est demeuré la norme, même s'il a su, par endroits, consentir certaines ouvertures, en particulier dans la décennie 1990 durant laquelle plusieurs pays (le Maroc et la Jordanie, les monarchies du Golfe notamment) se sont engagés dans des processus de libéralisation politique. Les seules expériences démocratiques véritables, celles du Liban et maintenant de l'Irak, sont malheureusement contrebalancées par des conflits civils qui en ont fait des repoussoirs plus que des modèles pour les pays voisins. Les évolutions que connaissent Israël et la Turquie, les deux pays non-arabes de la zone, doivent également être prises en compte afin de mieux saisir les dynamiques à l'œuvre dans la région. Globalement, le déficit démocratique est réel : il ne pourra être surmonté que si les sociétés s'affranchissent d'États trop intrusifs, mais également si les mouvements d'opposition les plus puissants, pour la plupart d'obédience islamiste, acceptent les règles de base de la démocratie."

Renseignements, contact et plan d'accès.

lundi, septembre 15, 2008

Kurdistan, cucina e tradizioni del popolo curdo

Nous avions déjà mentionné la parution du livre de Mirella Galletti et Fuad Rahman : Kurdistan, cucina e tradizioni del popolo curdo (Ananke, Turin, 2008, 111 p., 12,50€). Il a fait l'objet d'un compte-rendu de la revue de l'Institut du monde arabe, Al-Qantara, dans le numéro Eté 2008.

"Mirella Galletti s’appuie sur le lien entre nourriture et terre pour retracer une histoire de la cuisine kurde, celle du Kurdistan qui au- delà des divisions politiques est un territoire de frontière aux marges de mondes culturels différents : arabe, persan, turc et russe. La proximité des Arméniens et des Azéris, la présence de juifs au Kurdistan dans le passé, les échanges très anciens avec leurs voisins et le large emploi du persan et du turc font que la tradition culinaire des Kurdes n’est pas seulement attachée à la terre qui renvoie à la culture rurale et à une cuisine paysanne basée sur les produits locaux. Le coauteur, Fuad Rahman, restaurateur à Turin, né à Kirkouk en Irak, propose des recettes typiquement kurdes dont celle du parda pilaw qui rappelle l’origine de son père né dans la région de Mahabad en Iran. L. Z."

Au sommaire de ce numéro, à noter aussi : "Invitation au voyage : Norouz, un nouvel an au printemps".


jeudi, septembre 11, 2008

Querelle linguistique : c'est fini

Finalement, hurler et tempêter sur Internet a du bon. Le ministre de l'éducation de la région du Kurdistan d'Irak, celui-là même qui avait envisagé d'interdire l'usage du kurmandjî dans les écoles a complètement tourné casaque en annonçant que l'année prochaine, l'enseignement dans les régions de Hewlêr (Erbil) et Suleymanieh se ferait en soranî, comme d'habitude, mais que pour Duhok il serait assuré en kurmandjî. Comme l'a annoncé Aras Nejmedddin, le porte-parole du ministère, au journal Çawdêrê :"Après des entretiens approfondis avec des représentants de l'Education, sur l'apprentissage des langues et des dialectes, il a été décidé que l'enseignement primaire sera assuré en kurmandjî du nord (litt. du haut) et pour les régions de Hewlêr et Sulaymanieh en kurmandjî central (le soranî, donc).

Comme on le voit, le mot d'ordre maintenant, est l'unité et on revient à l'appellation historiquement plus juste, peut-être, de "kurmandjî du nord" pour le kurmandjî et kumandjî central" pour le soranî. J'ignore par contre ce qu'ils entendent par le kurmandjî du sud. Le goranî ? Si quelqu'un a des idées là-dessus...

Nedjmedîn poursuit : "Dans ces réunions, il nous est apparu clairement qu'il était bénéfique aux élèves d'étudier dans leur langue maternelle, car à cet âge, le faire dans un dialecte étranger est difficile."

Le représentant du ministre a aussi indiqué que dans les régions comprises dans Duhok mais qui sont soranophones, comme Goran et Berdereşê, il sera possible, au choix, d'avoir un enseignement primaire dans un ou l'autre de ces dialectes, "et il sera de même pour les régions kurmandjophones de Hewlêr." Ce programme sera mis en place dès l'année 2008-2009. (source avesta)

Décidément, certains pays frontaliers (suivez mon regard) ont beaucoup à apprendre de ces "chefs tribaux arriérés" pour garantir la paix politique, civile et culturelle... En tout cas, c'est une première pour le kurmandjî, d'être enfin enseigné officiellement, dans les écoles primaires et non plus sous le manteau ou de façon informelle. Ce qui veut dire, à long terme, la sauvegarde de cette langue.

Par ailleurs le ministre de l'Education, Dilshad Abdulrahman Mohammed, a fait, la semaine dernière une grande tournée en Europe, où il a rencontré des "experts" sur la question de l'enseignement, en Autriche, en Allemagne, et aussi auprès de l'ONU, pour préparer la réforme des programmes scolaires (qui va bien au-delà de cette question des langues). Le Dr Abdulrahman a résumé ainsi ses impressions : "Nous avons beaucoup en commun avec les pays européens que nous avons visités, c'est une première chose. Cela inclut le défi lancé par les nouvelles technologies et leur implantation réussie dans les écoles, mais aussi un équilibre approprié entre un enseignement académique et professionnel, afin de créer une main d'oeuvre habile. Beaucoup d'experts ont aussi souligné le contraste offert par les défis et les opportunités au Kurdistan, qui a une si forte population étudiante, en comparaison avec le défi en Europe de faire face à une population de plus en plus vieillissante."

A Genève, au bureau international de l'éducation de l'UNESCO, le ministre kurde a participé, avec des représentants du ministre irakien de l'Education et le directeur du bureau irakien de l'UNESCO, Mohammed Djelid, à une rencontre ayant pour objet un nouveau programme éducatif pour tout l'Irak et avec des aménagements spécifiques pour la Région du Kurdistan. (source KRG)


'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

Radio : invention de l'algèbre, chrétiens d'Orient

Dimanche 14 septembre à 18h10 sur France Culture : L'invention de l'Algèbre -2/2. Avec : Karine Chemla, du CNRS, Christian Houzel, du CNRS ; Culture d'islam, A. Meddeb..

Traduit trois fois en latin à partir du XIIe siècle, puis en italien, le traité d'al-Khwârizmî a considérablement influencé la pensée mathématique. Ce livre, non seulement fonde l'algèbre comme discipline en soi, mais encore il propose des applications de l'algèbre aussi bien à l'arithmétique qu'à la géométrie. Dans son sillage s'imposera une nouvelle rationalité, algébrique et analytique dont nous évoquerons les échos avec Karine Chemla, épistémologue et historienne de la pensée mathématique en Chine, et Christian Houzel, historien de l'algèbre dans la tradition occidentale.
Bibliographie : Al-Khwârizmi, "Le commencement de l'algèbre", texte établi, traduit et commenté par Roshdi Rashed, Ed. Albert Blanchard, 2007.






Mercredi 17 septembre à 15h30 sur France Culture : Avec Annie Laurent auteur de Les Chrétiens d'Orient vont-ils disparaître ? Entre souffrance et espérance (éd. Salvator) ; A plus d'un titre, Jacques Munier.

mercredi, septembre 10, 2008

Qommî

"La métaphysique du temps de Qâzî Sa'îd est le plus sûr antidote contre l'illusion d'un temps anonyme et impersonnel qui serait le temps de tout le monde. Leur simultanété dans le temps chronologique ne suffit pas à faire de plusieurs êtres des contemporains. L'idée du quantum de temps imparti à chaque être, et passant, comme son proprequantum de substance, par plusieurs états de densité ou de subtilité, nous permet de déterminer plus sûrement qui sont nos contemporains et ceux qui ne le sont pas. Il y a contemporanéité, synchronisme, lorsque le quantum de temps est porté au même état ou degré chez les uns et chez les autres. C'est viser ensemble à la même hauteur d'horizon du Malakût, y être ensemble, par exemple, à l'"heure de midi", et dès lors y être contemporain des mêmes événements, parce que le quantum de temps vraiment nôtre aura brisé le temps irréversible de l'Histoire. La pénétration dans le Malakût et dans le temps du Malakût ne peut être qu'un mysterium liturgicum ; c'est ce qu'annonce aux compagnons l'appel du muezzin à la Prière de midi."

Parce cela fait retomber sur les pieds du Prologue, dans le Livre I, qui ouvrait aussi sur le "temps existentiel" :

"On s'est efforcé ici de maintenir une compréhension du "temps existentiel", telle que, aux yeux du philosophe, l'expression courante "être de son temps" prend une signification dérisoire, parce qu'elle ne se réfère qu'au "temps chronologique", au temps objectif et uniforme qui est celui de tout le monde, et qu'il est impossible d'expliquer ainsi la position que le philosophe prend précisément à l'égard de ce temps-là. Un philosophe ne peut qu'être son propre temps, et c'est en cela seulement que consiste sa vraie "historicité". La métaphysique "existentielle" de Mollâ Sadrâ Shîrazî nous fait comprendre qu'il n'y a pas de tradition vivante, c'est-à-dire de transmission en acte, que par des actes de décision toujours renouvelées. Ainsi comprise la tradiction est tout le contraire d'un cortège funèbre ; elle exige une perpétuelle renaissance, et c'est cela la "gnose"."

Et à nouveau l'idée que nos "vrais contemporains", les compagnons de notre propre Djavanmardî et la chaîne que nous avons choisie de former avec eux, dépend du temps que nous sommes capables de faire exister, ou naître, en nous-mêmes, de notre Temps retrouvé :

"On a donc été porté ici par la conviction que le passé et la mort ne sont pas dans les choses, mais dans les âmes. Tout dépend de notre décision, lorsque, découvrant une affinité jusqu'alors insoupçonnée, nous décidons que ce qui l'éveille en nous n'est pas mort et n'est pas du passé, parce que tout au contraire nous pressentons que nous en sommes nous-mêmes l'avenir. C'est une position diamétralement inverse de celle qui consiste à se dire liée à un moment du temps historique extérieur que nous appelons le "nôtre", simplement parce que la chnonologie en a disposé ainsi. Ce renversement produit de lui-même une "réversion" radicale : ce qui avait été du passé, désormais va descendre de nous. Cela seul nous permet de comprendre et de valoriser la portée de l'oeuvre accomplie par un Sohrawardî, comme "résurrecteur" de la théosophie de l'ancienne Perse. A quoi bon alors ce mot d'"irréversible", prodigué de nos jours à tort et à travers ? C'est nous qui donnons la vie ou la mort, et, ce faisant, nous trouvons nos vrais contemporains ailleurs que dans la simultanéité occasionnelle de notre moment chronologique.""


Henry Corbin, En Islam iranien, t.IV.

Terre entière lance des voyages au Kurdistan d'Irak

Le tour opérateur français Terre entière propose depuis peu un voyage de 8 jours au Kurdistan d'Irak. Quand on connait la frilosité française dès qu'on entend "Irak", cela mérite d'être souligné. Il s'agit en fait d'un voyage à thème assez religieux, Noël 2008 en Irak, mais aussi d'un voyage général au Kurdistan, avec un aperçu complet via l'album photos (où l'on retrouve quelques visages de connaissances...).

Coût du voyage, 2050 €, pour 8 jours et 7 nuits, au départ de Paris. Le PDG de la compagnie, Hubert Debbasch, expose les raisons de son choix et les détails de toute l'entreprise.

vendredi, septembre 05, 2008

Mîr Dâmâd

"Quant à sa réputation de philosophe abscons, elle est illustrée par une de ces anecdotes dans lesquelles se donne libre cours l'humour iranien. L'anecdote vise l'aspect exotérique du premier événement posthume qui attend chaque être humain, son interrogatoire par les deux anges Nâkir et Monkir, lesquels lui demandent : quelle fut sa foi ? Quel est le Dieu en qui il a cru ? Ainsi en fut-il pour Dâmâd qui, naturellement, ne put répondre comme tout le monde. Son Dieu ? Ostoqos-al ostoqsât : l'Elément des éléments... Les deux Anges restent stupéfaits, la réponse étant totalement imprévue, sans précédent. Que faire ? Ils vont en référer au Seigneur Dieu, lequel leur dit avec bonté : "Oui, je sais. Toute sa vie il a tenu des propos auxquels je n'ai moi-même rien compris. Mais c'est un homme droit et inoffensif. Il est digne d'entrer dans le paradis."


Mais au fond, à quoi tient le revêtement abscons de cette pensée ? Il ne faut nullement y voir l'infirmité d'une pensée qui ne serait pas maîtresse d'elle-même, ni à trouver son expression adéquate. Voyons ici essentiellement et uniquement une protection, une sauvegarde, contre les ennuis, les tracas, qui ne furent épargnés à aucun de nos philosophes ni à leurs élèves. C'est ce qu'illustre fortbien une autre anecdote, une donnée onirique cette fois, qui recèle ce sage enseignement. Mollâ Sadrâ voit son maître en songe après sa mort : "Pourquoi, lui demande-t-il, les gens me jettent-ils l'anathème (takfîr), alors qu'ils ne l'ont point jeté contre vous, et pourtant mes propres doctrines ne sont pas différentes des vôtres ?" Et Mîr Dâmâd de lui répondre : "C'est que j'ai exposé les questions philosophiques de telle sorte que les juristes et les théologiens officiels sont incapables d'y rien entendre. Nul autre que les sages théosophes (ahl-e hikmat) n'est en mesure de les comprendre. Tandis que toi, tu fais l'inverse ; tu exposes si clairement les questions philosophiques que le premier maître d'école venu qui tombe sur tes livres, est capable d'en saisir les données. Voilà pourquoi on te jette l'anathème, tandis que contre moi l'on ne pouvait rien."


"Un jour Mîr Dâmâd est en retard pour faire son cours. Or un commerçant était venu à la Madrasa pour quelque affaire importante. Le jeune Mollâ Sadrâ remplit ses devoirs en l'entretenant de choses et d'autres, pour lui faire prendre patience. Le personnage en vient à lui poser cette question : De tel ou tel Mollâ et de Mîr Dâmâd, qui est le plus éminent ? Mollâ Sadrâ n'hésite pas : c'est Mîr, son maître. Là-dessus, voici que celui-ci arrive à la Madrasa, aperçoit les interlocuteurs et s'approche à pas feutrés, ayant cru reconnaître son nom. Il entend la suite. Le commerçant demande : Et d'Abû 'Âlî Sînâ (Avicenne) et de Mîr Dâmâd, à ton avis, qui est le plus éminent ? Ici encore Mollâ Sadrâ n'hésite pas : c'est Mîr. L'autre insiste : Et de Magister secundus (Mo'allim thânî, c'est-à-dire al-Fârâbî) et de Mîr, à tona vis qui est le plus éminent ? Cette fois Mollâ Sadrâ hésite à répondre, lorsque brusquement une voix se fait entendre derrière lui : "N'aie pas peur, Sadrâ ! dis-le donc : c'est Mîr le plus éminent !" (Qisas al-'Olamâ, p. 253).


"Soudain ce fut comme si la fulguration d'une extase divine accourant sur moi, m'arrachait au gîte de mon corps. Alors je rompis les anneaux qui maintenaient les rêts de la perception sensible, je dénouais les noeuds du filet de la nature physique ; je commençais à prendre mon envol sur l'aile de l'admiration craintive, dans le ciel du monde angélique (le Malakût) de la Vraie Réalité. C'était comme si j'avais été dépouillé de mon corps et que j'eusse abandonné mon séjour habituel, comme si j'avais poli la lame de ma pensée et que j'eusse été dégainé de mon corps, comme si j'avais replié sur lui-même le climat du temps et que je fusse parvenu au monde de l'éternité. Me voici alors soudain en la Cité de l'Être, parmi les archétypes des peuples qui composent l'harmonie cosmique : les existences primordiales et les existences engagées dans le devenir, les divines et les naturelles, les célestielles et les matérielles, les pérennelles et les temporelles ; et les peuples de l'Infidélité et ceux de la Foi, et les nations de l'Inscience et celles de l'Islam ; ceux et celles qui vont de l'avant, et ceux et celles qui retombent en arrière ; ceux et celles qui précèdent, et ceux et celles qui leur succèdent, dans les siècles des siècles du passé et de l'avenir. Bref, les monades des coalescences du possible, et les atomes des univers des existants, tous en totalité, sous toutes leurs faces, les grandes et les misérables, les permanentes et les périssables, les révolues et les encore à venir, voici que tous étaient là, troupe par troupe, cohorte par cohorte, rassemblés sans qu'il en manque un seul. Et tous tournaient le visage de leur propre quiddité vers son Seuil, et tous fixaient le regard de leur propre existence vers son Abord, - et cela pourtant ils ne le savaient même pas. Mais tous parlaient par l'indigence de leur propre essence dénuée d'être, tous s'exprimaient par la détresse de leur ipséité évanescente, et tous ensemble, dans l'unisson de leur cri de détresse et de leur imploration au secours, Le nommaient et L'invoquaient, Le conjuraient et L'appelaient : "Ô Toi qui Te suffis ! Ô Toi qui fais se suffire !" - et cela même, ils n'en avaient pas conscience. Alors, dans cet appel vibrant pour l'esprit seul, dans cette immsense clameur occulte, je commençai à tomber en défaillance, et sous l'intensité de la tristesse et de la stupeur, je perdis à peu près le sentiment de mon propre moi pensant, je disparus presque au regard de mon âme immatérielle. Je fus sur le point d'émigrer loin du désert de la Terre du devenir, de quitter une fois pour toutes la plage où s'étend la région de l'existence. Mais voici que déjà prenait congé de moi cette extase fugitive, ne me laissant que nostalgie et tendre désir. Alors je revins une fois encore, à la Terre des ruines et au pays de la désolation, au champ du mensonge, au pays de l'illusion..."

Epître de Mohammad Bâqir (Mîr Dâmâd) relatant son extase au monde du Malakût.


Henry Corbin, En Islam iranien, t. V, I, Confessions extatiques de Mîr Dâmâd (1041/1631), 1, "Mîr Dâmâd et l'Ecole d'Ispahan.

jeudi, septembre 04, 2008

Les sept organes subtils de l'homme selon 'Alâoddawleh Semnanî

"Depuis le centre de l'être en son unitude et les centres d'éclosion des êtres en leur multitude, les énergies que ces centres émettent par-delà et dès avant le cosmos de la physique céleste sont des énergies qui parviennent directement aux organes de la physiologie subtile. Et ces organes du corps d'immortalité sont, au coeur de chaque mystique, plus et mieux encore que les "astres de son destin" (Schiller), puisqu'ils sont les "prophètes de son être". Alors jusqu'en la profondeur secrète des origines, on peut comprendre où se noue le lien de l'herméneutique ésotérique et de l'anthropologie mystique, et commeny l'"intériorisation du sens", progressant avec la croissance progressive du corps d'immortalité, atteint à son dénouement lorsque ce corps d'immortalité a atteint la plénitude de sa stature prophétique.


La plénitude de cette stature, c'est cela qui a été cherché par les spirituels de l'Orient et de l'Occident, affrontant, malgré leur petit nombre, en Islam comme en chrétienté, les mêmes puissances de ce monde. Le jour où l'on prendra conscience de l'affinité secrète de ces familles spirituelles, il se produira peut-être dans l'univers des religions et de la science des religions, un phénomène analogue à celui qui de nos jours fait s'écrouler les cloisonnements entre sciences de la matière et sciences de l'esprit.


Il y faudra toute une régénération de ce que nous avons coutume d'appeler "humanisme", mais à cet humanisme nouveau, d'une forme encore imprévisible, il est un message qu'un Semnanî pourra transmettre à coup sûr, dans la mesure où il a convaincu le soufi que la seule chose qu'il ait à craindre en ce monde, ce n'est pas qu'une dialectique qu'il ignore le rejette dans ce que certains de nos contemporains appellent la "poubelle de l'histoire" - le seul Enfer qui soit à la mesure d'une mythologie du "sens de l'histoire" désacralisé. Non pas, la seule chose qu'un soufi puisse craindre, c'est qu'un retard sur soi-même, un arrêt qui lui ferait manquer le sens intérieur de son être, fasse de lui un avorton de l'Au-delà."


Henry Corbin, En Islam iranien, t. IV, Shiisme et soufisme, IV, Les sept organes subtils de l'homme selon 'Alâoddawleh Semnanî (736/1336), 5, "les trois corps de l'être humain".

Radio : invention de l'algèbre, Hrant Dink

Dimanche 7 septembre à 18h 10 sur France Culture : L'invention de l'algèbre (1), avec Roshdi Rashed (CNRS). Cultures d'Islam, A. Meddeb :

"Nous consacrons un diptyque et cet événement considérable qu'est la traduction française du traité fondateur de l'algèbre comme discipline mathématique indépendante. C'est l'éminent historien des mathématiques arabes, Roshdi Rashed qui vient enfin de traduire le traité d'al-Khwârizmî. Le Kitâb al-Jabr wa'l-Muqâbala a été rédigé au début du IXe siècle et dédié par son auteur au calife abbasside al-Ma'mûn, prince qui a encouragé le développement de la science et de la philosophie et qui a suscité une politique de traduction qui fit venir vers la langue arabe les mémoires intellectuelles de Grèce, d'Inde et de l'ancienne Perse. D'ailleurs l'invention d'al-Khuwârizmî est due à la confluence des préoccupations islamiques (calcul des droits de succession notamment) et des savoirs mathématiques provenant de Grèce et d'Inde."

Bibliographie :
Al-Khwârizmi, "Le commencement de l'algèbre", texte établi, traduit et commenté par Roshdi Rashed, Ed. Albert Blanchard, 2007.

Vendredi 12 septembre à 16 h40 sur RFI : Turquie - l'assassinat du journaliste Hrant Dink en janvier 2007. Retour sur un crime aux nombreuses implications politiques et identtiaires. Aux Frontières de l'information, T. Perret.

Massoud Barzani : "A Khanaqin, l'armée irakienne s'est comportée comme sous l'ancien régime"

Résumé des épisodes du mois dernier :

Les incidents de Khanaqin ont failli voir s'affronter les troupes irakiennes venues réinvestir cette région kurde hors GRK. Les Peshmergas, qui se sont d'abord retirés, sont revenus devant le comportement très "ancien régime" de ces troupes arabes, à la demande des Kurdes locaux mécontents de voir revenir les clones des "soldats de Saddam".

Un accord (provisoire ?) a été finalement trouvé, qui remet les choses en leur état antérieur, les Irakiens quittant Khanaqin. et les Peshmerga s'y résintallant. Quelques jours auparavant, dans une interview donnée à Asharq al-Awsat, le président kurde Massoud Barzani, tout juste de retour de Bagdad, avait fait le point sur les différents entre les Kurdes et les Arabes en Irak, notamment après une violente campagne dans la presse arabe, (d'Irak et d'ailleurs) qui appelait à supprimer toute autonomie kurde, revenant même sur les accords passés avec Saddam Hussein lors de sa prise de pouvoir.

Khanaqin est une des régions retirées au Kurdistan par Saddam dans son réaménagement des districts, qui est peuplé majoritairement de Kurdes et qui doit faire l'objet d'un référendum selon l'article 140 de la Constitution. .


Q : Pensez-vous que le gouvernement fédéral de Bagdad vous considère comme des partenaires dans ce gouvernement ?

Barzani: C'est le problème majeur. Lors de ma récente visite à Bagdad, j'ai insisté sur ce point. Nous leur avons demandé : Sommes-nous partenaires ou non ? Si vous nous considérez comme vos partenaires, alors le problème se pose de cette façon ; si vous ne le faites pas, alors il se pose différemment. Ils ont assuré que nous étions partenaires. Cependant, dans la réalité et en pratique, j'en doute.

Q: Vous-même, vous sentez-vous partenaire de ce gouvernement fédéral ?

Barzani: C'est un gouvernement de coalition et nous en sommes partenaires. Mais ce gouvernement agit de façon étrange. Nous sommes partenaires mais nous n'avons aucune rôle dans le gouvernement. Nous ne sommes pas partenaires sur les questions de sécurité, d'économie et les questions militaires, et nous ne sommes pas du tout informés sur ces institutions.

Q: En parlez-vous ouvertement avec Bagdad ? Ce qui se produit, c'est qu'après les rencontres avec le gouvernement fédéral, des propos optimistes sont tenus, mais que par la suite, c'est l'inverse qui se produit.

Barzani: Lors de ma récente visite, nous avons obtenu de bons accords et les moyens de les appliquer. Nous avions un programme dans lequel nous nous accordions avec le gouvernement de Bagdad. Mais lorsque nous sommes retournés dans la Région du Kurdistan region, tout ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord a été ignoré et marginalisé. Cet état de chose ne sert pas ni notre coalition ni l'Irak ni le futur de l'Irak. Tout devrait être accompli sur les principes de l'entente et du partenariat. C'est le seul moyen de construire le nouvel Irak. Les conséquences d'une autorité de monopole sont bien connues. Cette situation ne peut amener aucun résultat bénéfique pour l'Irak.

Q: Après cinq ans de gouvernement et avant cela tant d'années d'action politique commune dans l'opposition, où les buts et les moyens ont fait l'objet d'accords lors de la conférence de Londres en 2001, que fait le gouvernement fédéral et qu'avez-vous obtenu ?

Barzani: A dire vrai, c'est une question troublante. Nous ne souhaitons rien en dehors de la constitution et nous ne voulons rien de plus que ce que la constitution nous donne. Nous ne voulons rien de plus que sur quoi nous nous sommes entendus et qui est dans la contsitution. La constitution a été acceptée par la majorité du peuple irakien et elle établit des droits et des devoirs. Dans la Région du Kurdistan nous appliquons très exactement les articles de cette constitution. Nous ne demandons rien de plus. Cela comprend l'Article 140 (concernant la question de Kirkouk et des autres régions disputées). Le respect de la constitution est la garantie que sera préservée l'unité de l'Iraq. Il garantit la sécurité et la stabilité de l'Irak et un avenir prospère pour le peuple irakien. Ainsi, (dans ces questions) la constitution est juge et ne pas s'y conformer ne peut amener qu'au désastre.

Q: Pensez-vous que les Kurdes à Bagdad - je veux dire le président Jalal Talabani, le vice-premier ministre Barham Salih, et même les Kurdes membres du parlement - peuvent intervenir dans les prises de décision politiques ou concernant la sécurité ?

Barzani: Le président Talabani joue sans aucun doute un rôle majeur dans le provessus politique, mais en tant que monsieur Talabani. Comme président de la République, cependant, il n'a pas de pouvoirs et d'ailleurs nous ignorons comment ces pouvoirs sont répartis. Il constitue un point de rassemblement pour beaucoup de factions politiques et d'entités en Irak Par ailleurs, la présidence de la République, le Premier ministre, le porte-parole du Parlement et les ministres ont des pouvoirs spécifiques, mais ils sont très souvent ignorés ou écartés.

Q: Pensez-vousd que le gouvernement de Bagdad se comporte encore comme le "puissant" frère envers on frère plus faible ?

Barzani: Malheureusement, il semble que nous sommes encore sous l'influence du régime totalitaire. Celui qui a le pouvoir pense qu'il doit avoir le dernier mot en tout et qu'il a le droit de prendre des décisions sans consulter les autres. Il oublie les coalitions, les accords et la constitution.

Q: Des média en et hors de l'Irak sont très critiques envers les Kurdes de ce pays. Êtes-vous au courant de leurs propos ?

Barzani: C'est très vrai. Nous le ressentons et cela constitue une grave danger. Cela fait aprtie des injustices dont nous avons souffert et que nous continuons d'endurer. Les media essaient de gauchir l'image des Kurdes. Pourtant, nous sommes loyaux. Le rôle tenu par les Kurdes est de protéger l'Irak, l'unité de l'Irak, la fraternité arabo-kurde, et là dessus nous accomplissons bien plus que tous les autres dans ces domaines. Le rôle des Kurdes est bien connu et ne peut être nié. Malheureusement, ils ne souhaitent pas le reconnaître et souhaitent le déformer. Après la chute du régime, tout le monde sait que nous aurions pu réclamer autre chose . Cependant, Kek Talabani et mois sommes allés à Bagdad et avons essayé avec nos frères de combler le vide qui réssultait (de la chute du régime). Nous avons aidé au processus électoral et à la rédaction de la constitution. Nous protégeons de vastes régions en Irak du terrorisme et des terroristes. Nous avons protégé et continuons de protéger des familles arabes qui ont fui de leur région les opérations terroristes et sont venues dans la Région du Kurdistan. Lors du Soulèvement (de 1991), deux corps d'armées irakiens (le Premier et le Cinquième Corps) se sont rendus dans notre régions, mais pas un seul Irakien n'a été blessé. En fait, nous leur avons donné le choix de retourner dans leurs familles ou d'émigrer dans un autre Etat, ou de rester au Kurdistan bien que nous étions encore meurtris par les effets de l'Opération Al-Anfal et les attaques chimiques perpétrées par l'armée irakienne. Alors je dis oui, c'est une malheureuse et injuste campagne de presse. Nous appelons tous ceux qui sont aussi intègres que nous et via votre journal qui est intègre à nous aider afin de montrer une image véritable que vous pouvez vous-mêmes constater ici. Nous ne demandons à personne d'embellir notre image. Nous demandons aux media de dire la vérité sur les Kurdes et sur le Kurdistan au nom de l'honnêteté.

Q: D'un autre côté, les media kurdes réussissent faiblement à véhiculer un portrait véritable des Kurdes et de la Région du Kurdistan et ils ignorent des questions importantes qui ont leur place ici.

Barzani: C'est vrai, je suis d'accord avec vous sur le fait que l'action des media kurdes est inopérante. C'est regrettable.

Q: Vous attendez-vous à un affrontement avec le gouvernement fédéral, ou, devriosn-nous dire, un affrontement des gouvernements kurde et arabe plutôt que de la population ?

Barzani: Nous sommes opposés à toute escalade et tout affrontement. Nous devons faire avorter les efforts de ceux qui ne veulent pas d'un Irak démocratique et d'une expérience démocratique dans ce pays. Il y a des menées malveillantes qui poussent jour et nuit à l'escalade et à la confrontation. Mais nous consacrons tous nos efforts pour éviter une telle situation. Les choses n'ont aps encore atteint de point d'escalade entre la Région (du Kurdistan) et le gouvernement fédéral. Mais il y a des incompréhensions, des différences de point de vue, et des différents sur plusieurs problèmes. Par le dialogue et des rencontres, nous allons essayer de parvenir à nous accorder sur des points communs. Ceux qui nous unissent sont plus nombreux que ceux qui nous divisent. Mais nous devons admettre qu'il y a des points d'accord possibles. Il peut y avoir des différences sur la conception de la démocratie et du fédéralisme, mais nous espérons que cela n'ira jamais jusqu'à l'affrontement.

Q: Mais la situation a presque atteint ce niveau à Khanaqin.

Barzani: Oui, c'est vrai que nous avons frôlé l'affrontement, mais c'était le résultat d'une énorme erreur. Chacun doit comprendre que l'armée irakienne est notre armée et qu'elle comprend des forces kurdes. Il y avait auparavant les Peshmerga et puis ils ont rejoint l'armée irakienne. En fait, nos forces kurdes étaient le noyau autour duquel s'est constituée la nouvelle armée irakienne. Nous voulons aussi éduquer l'armée irakienne. Elle doit recevoir une éducation patriotique fondée sur les principes de protection de la patrie plutôt que sur celui du meurtre de ses citoyens. Les incidents survenus à Khanaqin ont été une énorme faute. D'abord, les forces kurdes qui étaient déployées dans la régions ont contribué à consolider la sécurité et la stabilité à Khanaqin. Ils ont purgé la zone des terroristes et des bandes qui minaient la sécurité et la sûreté des citoyens. Deuxièmement, les forces kurdes sont venus à Khanaqin sur l'invitation et la requête du gouvernement fédéral. Quand le gouvernement a demandé aux forces kurdes de se retirer, elles se sont réellement retirées. Mais les forces militaires qui ont remplacé les kurdes sont arrivées avec des slogans provoquant et ont agi exactement comme l'ancienne armée, celle qui a commis les crimes contre le peuple kurde dans le passé, notamment ceux commis durant l'opération Al-Anfal. Ainsi, ces forces sont arrivés avec les mêmes slogans, la même mentalité, t ont agi de la même manière. Naturellement, nous ne pouvons les considérer comme étant la nouvelle armée de l'Irak, mais comme une extension de l'armée dictatorial baaathist qui a détruit le Kurdisatn et l'Irak. Je répète que nous ne sommes pas opposés au déploiement de l'armée irakienne. Si nous subissons une quelconque agression nous demanderons son aide à cette armée et si elle nous demande de l'aide nous enverrons nos forces où elle le souhaite. Nous l'avons fait pour plusieurs, importantes, et dangereuses occasions. Nous sommes ceux qui ont fondé l'armée irakienne mais la conduite d'un commandant particulier dans la région a soulevé tous ces problèmes et nous a rappelé notre passé tragique.

Q: Est-il vrai que le gouvernement l'avait pas consulté ni même pris l'avis du Chef d'Etat-Major Babaker Zebari (un Kurde) et que le déploiement des forces de l'armée irakienne s'est fait à son insu ?

Barzani: Je crois que tout ce qui s'est produit durant cette période s'est fait dans le dos du Chef de l'Etat-Major. Il n'a pas été consulté et sa présence est devenue nominale. Peut-être n'est-ce plus utile pour lui de demeurer à cette place.

Q: Pensez-vous que ces événements peuvent vous mener à vous proclamer indépendants de l'Irak ?

Barzani: L'indépendance est un droit naturel mais elle doit se réaliser dans des conditions raisonnables et convenables pour être appliquée. Nous méritons ce droit et nous le considérons comme naturel. Ce n'est en rien un crime de le réclamer. L'Irak nous apaprtient comme à tous les Irakiens. Il y a des Kurdes à Bagdad, Basra, et Mossoul, tout comme il y a des Arabes à Erbil, Sulaimaniyah et Duhok. Erbil est pour tous les Irakiens, tout comme Sulaimaniyah, Duhok, Basra, Baghdad, et Al-Najaf. Je suis surpris par cette attitude chauvine. S'ilsne nous considèrent pas comme Irakiens, ils doivent nous le dire franchement. Nous refusons d'être traités comme des Irakiens de seconde classe. Nous devons avoir des droits et des devoirs égaux. Sinon, qu'ils aient le courage d'affirmer que nous ne sommes pas Irakiens. Qu'ils le proclament et alors nous apporterons notre réponse. Notre identité irakienne ne nous a pas été donnée comme une faveur que nous devons à quelqu'un. Nous étions sur cette terre avant ceux qui clament qu'ils sont plus Irakiens que nous. Nous n'accepterons cela de personne.

Q: Est-il vrai que la restauration de Kirkouk dans son "identité kurde" est l'une des conditions de votre indépendance ou attendez-vous d'annexer Kirkouk à la Région du Kurdistan afin de proclamer votre indépendance, comme certains le disent ?

Barzani: C'est une idée fausse. Kirkouk est le symbole de la souffrance des Kurdes irakiens. Les politiques antérieures erronées appliquées à Kirkouk en ont fait une question très particulière et très sensible. Ces politiques ont laissé une profonde blessure dans le coeur de tous les Kurdes. Nous voulons résoudre ce problème et non l'exacerber. Mais ne pas résoudre la question de Kirkouk veut dire maintenir un problème susceptible d'exploser à chaque minute. Pourquoi n'apprenons-nous rien de notre expérience et de notre passé ? Il y a un article dans la constitution irakienne qui prévoit un mécanisme pour résoudre la question de Kirkouk et d'autres similaires, car le problème ne concerne pas que Kirkouk. La question de Kirkouk peut être résolue et le problème finir en accord avec l'article de la constitution irakienne. Kirkouk est une ville irakienne tout comme Bagdad, Sulaimaniyah et Basra. Mais le problème est cette insistance pour que Kirkouk ne retourne pas dans la région du Kurdistan. Nous ne souhaitons pas regagner Kirkouk par la force. En accord avec l'article 140 de la constitution, si la population de Kirkouk décide de revenir dans la Région du Kurdistan, personne ne doit les en empêcher. Si la majorité de la population de Kirkouk decide - selon le processus prévus par l'article 140 , soit après normalisation (retour des déplacés), recensement, et référendum - de ne pas retourner au Kurdistan, nous respecterons ce souhait et nous n'annexerons pas Kirkouk au Kurdistan de force. Je dis fermement et je le répète aussi fermement : la question du retour de Kirkouk à son identité kurde n'a rien à voir avec l'indépendance du Kurdistan. Je redis que l'indépendance du Kurdistan est un droit légitime et naturel sans rapport avec le fait que Kikouk rejoigne ou non la Région du Kurdistan. C'est un droit que Dieu a donné à chaque nation et chaque peuple.

Q: Que vaut la population de Kirkouk ? Veulent-ils en revenir à (un état de fait issu d') une documentation historique ou à la réalité ?

Barzani: Ils ne veulent pas faire une lecture des documents historiques datant de l'Empire ottoman ni même au recensement de 1957. Ils affirment que tout cela a pu être falsifié. Je suis allé à Kirkouk et j'ai dit apporter un message de fraternité, de paix et d'amitié. Une partie des Arabes et des Turkmènes ont boycotté le meeting mais une large partie des personnalités tarabes et turkmènes ont assisté au meeting et je les ai rencontrées. Je leur ai dit, dans un esprit fraternel, que nous souhaitons faire de Kirkouk un modèle de coexistence religieuse, et ethnique. Nous leur avons dit que nous aurons envers eux un esprit d'ouverture qu'ils ne peuvent imaginer. Mais que nous devions résoudre ce problème sur la base de l'Article 140. Je leur ai dit que nous respecterions leur opinion quoi qu'ils décident. J'ai trouvé que de nombreux Arabes et Turkmènes comprennent ce problème, et qu'il est dans leur intérêt de le résoudre, comme cela est dans l'intérêt de l'Irak. Je leur ai dit Croyez-moi, ne pas résoudre ce problème et trouver des alternatives à l'article 140 n'est dans l'intérêt de personne et fera que cette question finira par ne plus pouvoir être résolue par personne. Est-ce dans l'intérêt de l'Irak ? Non, bien sûr. Par ailleurs, pourquoi aurions-nous dépensé tous ces efforts pour rédiger un constitution que nous avons approuvée et qui a été approuvée par la majorité du peuple irakien ? De quelle utiltié est la constitution si nous ne la respections pas ? Nous devons respecter notre constitution.

Q: Certains disent que la validité de l'article 140 a expiré.

Barzani: Comment aurait-il expiré ? C'est un article de la constitution. Si la validité de cet article a expiré, alors cela signifie que la validité de toute la constitution a expiré. C'est illogiquel.

Q: Est-ce qu'il y a des inquiétudes au sujet d'une interférence de la Turquie dans le problème de Kirkouk ?

Barzani: Kirkouk est une ville irakienne et ce problème est une affaire interne à l'Irak. Ni la Turquie ni aucun autre pays ne doit itnerférer sur ce sujet qui est un problème interne. Pourquoi devriosn-nous nous inquiéter alors que Kirkouk n'est pas un problème turc ?

Q: Vous avez qualifié le vote de l'article 24 de la loi sur les élections provinciales, au parlement irakien, en juillet dernier, de conspiration ?

Barzani: C'était une conspiration de pays dans la région et d'agents de ces pays dans la Chambre des députés. Mais comment d'autres députés ont-ils pu être dupés au point de voter la loi ? Comment cette conspiration a pu abuser ceux que nous appelons partenaires et qui ont senti trop tard le danger inhérent à cette question ? Cela, vraiment, nous laisse perplexe.

Q: Serez-vous forcé de renoncer à Kirkouk dans certaines circonstances ?

Barzani: Jamais nous n'abandonnerons Kirkouk, quelles que soient les circonstances. Dans le même temps, nous insistons sur le fait que la solution au problème de Kirkouk doit être claire et constitutionnelle. Nous refusons le recours à tout autre moyen et nous insistons sur notre droit légitime et constitutionnel.

Q: Si vous réalisez que la voiedes négociations est fermée, choisirez-vous d'annexer Kirkouk par la force ?

Barzani: Nous travaillosn dur pour ne pas arriver à cette solution. Nous cherchons à faire appliquer l'article 140 pour résoudre le problème sur les bases de la constitution.

Q: Que pensez-vous de l'appel lancé par le Conseil provincial de Kirkouk pour rejoindre la Région du Kurdistan? Pensez-vous que c'est sérieux ?

Barzani: Oui, c'est un appel lancé très sérieusement et qui intéresse le Kurdistan. Nous attendons que le gouvernement fédéral reprenne ses sessions. S'ils insistent pour trouver une alternative à l'article 140, nous demanderons immédiatement qu'ils répondent à la requête du Conseil provincial de Kirkouk.

Q: Pensez-vous qu'il y a une campagne arabe contre les Kurdes ?

Barzani: Le fait est que, oui, il y a une telle campagne. Mais quelle est la profondeur des racines de cette campagne et comment est-elle menée ? Nous devons nous en assurer. Nous avons de bonnes relations avec des pays et des leaders arabes et j'ai personnellement rendu visite à plusieurs d'entre eux, l'Arabie saoudite, le Koweit, les Emirats arabes unis, l'Egypt,e et la Syrie. IJ'ai récemment répondu à une invitation du frère Muammar al-Qadhafi et nous avons été reçus très chaleureusement en Lybie. Quand nous parlons aux leaders de ces pays, nous voyons qu'ils comprennent la position kurde et le partenariat historique et géographique des Arabes et des Kurdes. Dans le même temps, nous sentons une campagne arabe nous visant, et ayant pour but de distordre l'image des Kurdes et du Kurdistan. Tout ce dont nous avons besoin est d'amis pour rétablir les faits.

Q: Il y a plusieurs accusations contre vous dans les media (arabes) ?

Barzani: Ils nous ont accusé d'accueillir un demi million de Kurdes iraniens et turcs afin de changer la structure démiographique de Kirkouk. J'en appelle à Dieu, frère, est-il possible de dissimuler un demi million d'oiseaux à Kirkouk, et a fortiori un demi million de Kurdes venus d'Iran et de Turquie ? Au contraire, nous n'avons pas réussi à faire revenir la moitié des Kurdes d'Irak originaires de Kirkouk qui avaient été chassés par l'ancien régime de leur foyer. Comment nous est-il possible de faire venir des Kurdes d'autres pays et de les installer à Kirkouk? Je défie quiconque dans le monde de me prouver cela et qu'il y a même des Kurdes d'Irak de Duhok ou d'Erbil ou de Sulaimaniyah venus à Kirkouk changer la structure démographique. Ils nous ont aussi accusés d'attaquer les Arabes et les Turkmènes à Kirkouk. C'est inacceptable. Les Arabes et les Turkmènes sont irakiens et ce sont nos frères. Nous ne permettrons à aucun responsable kurde d'attaquer un Arabe ou un Turkmène. Si quelqu'un a une quelconque information sur une attaque par un responsable kurde, qu'il nous l'apporte. Notre mot d'ordre est de rester intègre à ce sujet. Durant les longues années de la révolte kurde et après, nous n'avons pas tué un seul captif de l'armée irakienne ou d'ailleurs. Les événements du Soulèvement [en1991 contre le régime de Saddam Hussein] et notre accueil de millers de membres de l'armée irakienne qui s'étaient rendus sont la meilleure preuve qui l'atteste. Nous avons respecté les captifs, nous avons respecté les principes de fraternité et de bon voisinage. Quand nous étions sujets aux bombardements chimiques et aux opérations d'al-Anfal, nous n'avons commis aucun acte qui nuise à cette fraternité, alors comment pourrions-nous le faire à présent ? Toutes ces accusations sont fausses. Nous accueillons toute commission, arabe ou internationale, à venir au Kurdistan, pour des missions d'enquête concernant ces accusations, ou pour trouver à Kirkouk les Kurdes qui ne seraient pas des résidents originaires de la ville. S'il est rpouvé que nous attaquons les citoyens, nous nous excuserons et corrigerons nos erreurs. En retour, nous voulons qu'une image véridique soit donnée des relations chaleureuses entre les Kurdes, les Arabes et les Turkmènes à Kirkouk ou dans toute autre région du Kurdistan. Il y a de fausses rumeurs qui ont été forgées par de sgens qui ne souhaitent pas la stabilité pour ce pays. Il y a des gens immatures. Ils savent que ces faits sont connus des Arabes, mais refusent de les écouter.

Q: Selon vous, pourquoi il n'y a pas de consulats arabes d'ouverts à Erbil, alors qu'il y a des consulats occidentaux ?

Barzani: Nous devons d'abord nous demander si les pays arabes ont ouvert des ambassades ou des consulats à Bagdad avant de demander pour Erbil. En mars dernier, la conférence des membres de parlements arabes s'est tenue à Erbil. C'était un bon augure, une bonne initiative, et un pas majeur pour briser la glace.

Q: Avez-vous invité des responsables arabes à visiter le Kurdistan?

Barzani: Nous ne souhaitons pas embarrasser nos frères arabes. Nous envoyons des invitations seulement si nous sommes sûrs qu'elles seront acceptées. Nous comprenons la positions des officiels arabes à cet égard.

Q: Le drapeau irakien flotte au Kurdistan et devant le bâtiment de votre quartier général. Est-ce que vos réponses positives aux requêtes du gouvernement irakien ont rencontré des réponses similaires de la part du gouvernement fédéral ?

Barzani: Le gouvernement fédéral est contrevenant à cet égard. Et malheureusement, ce sont nous que les media et des politiciens irakiens ont accusé d'être contrevenants. Le gouvernement fédéral fait beaucoup de promesses mais ne les tient pas. Pn m'a personnellement promis beaucoup de choses quand j'étais en visite à Bagdad, mais rien n'a été tenu. C'est quelque chose que nous n'arrivons pas à comprendre.

Q: Quelle est votre opinion sur les manifestations qui ont récemment éclaté à Al-Najaf contre l'annexion de Kirkouk au Kurdistan?

Barzani: Cela nous a paru très étrange et incongru. C'est l'un des tours du destin. Pourquoi ces manifestations ont-elles eu lieu à Al-Najaf? Nous aurions compris si des manifestations se'étaient tenues à Kirkouk, mais Kirkouk est loin d'Al-Najaf.

Q: Qu'enest-il de vos relations avec la Turquie ?

Barzani: Nos relations sont normales. Il y a une légère amélioration. Nous envisageons de mieux développer ces relations.

(Asharq Al-Awsat ; KRG).

Concert de soutien à l'Institut kurde