samedi, mai 31, 2008

TURQUIE : ARTICLE 301, UN AMENDEMENT « COSMETIQUE »


Le Parlement turc a voté, le 30 avril, un amendement au très controversé article 301, qui limite la liberté d’expression en Turquie en permettant de condamner toute « insulte à la turcité ». Les débats au Parlement turc qui ont précédé ce vote ont été houleux, mais l’amendement a été finalement adopté par 250 voix contre 65.
D’après le ministre de la justice Mehmet Ali Şahin, 6075 individus ont été inculpés ces cinq dernières années en vertu de cet article et de l’article 159, qu’il remplaçait, avec un total de 745 condamnations. Le journaliste assassiné, Hrant Dink, avait ainsi été condamné en vertu de cette loi. Des écrivains, dont Orhan Pamuk et Elif Shafak avaient également fait l’objet de poursuites pour leur prise de position sur le génocide arménien, mais avaient été acquittés. Cependant, selon Erdol Önderoglu, responsable éditorial des questions relatives à la liberté d’expression sur le site Bianet et correspondant de Reporters Sans Frontières, ces chiffres révèlent qu’au-delà des 150 intellectuels inquiétés dont la presse a plus ou moins parlé, « c’est plutôt les gens de la rue qui en ont été victimes pendant cette période », et parmi eux, figureraient une quinzaine de mineurs. »

Malgré de nombreuses voix s’élevant pour sa suppression, notamment au sein de l’Union européenne, qui en fait une condition préalable à l’adhésion de la Turquie l’article n’a cependant fait l’objet que d’un léger « adoucissement » dans la nature du délit qu’il dénonce :

« Le dénigrement public de l’identité turque », de la République ou de la Grande Assemblée nationale turque sera puni de six mois à trois ans d’emprisonnement, celui du gouvernement de la République de Turquie, des institutions judiciaires de l’Etat, des structures militaires ou sécuritaires, de six mois à deux ans d’emprisonnement et la peine est aggravée, « accrue d’un tiers » si le délit de dénigrement par un citoyen turc est commis hors du pays. Autre modification, « les inculpations au nom de cet article doivent recevoir l’approbation du ministre de la Justice » et non plus être laissées à l’appréciation du procureur. 

Selon la correspondante turque du magasine The Economist, Ambari Zaman, cet amendement est une tentative boiteuse de contenter à la fois l’Union européenne et les milieux turcs nationalistes : « Je pense que c’est une forme d’acrobatie, mais qu’en marchant ainsi sur la corde raide, ils tomberont, parce que ni les nationalistes – qu’ils ont essayé d’apaiser – ni l’UE ne paraissent satisfaits. En fait, dans le privé, nous avons entendu beaucoup d’officiels de l’UE se plaindre que ce n’était qu’un changement cosmétique. »

Le flou autour de ce que recouvre le terme « de nation turque » dans la loi permettra à de nombreux procureurs de continuer à poursuivre qui bon leur semble, sur la base d’appréciations très subjectives de ce qui peut « insulter » la nation. Par ailleurs, son effet dissuasif sera probablement tout aussi inefficace que précédemment, ce que confirme Ambari Zaman : « Je pense que nous continuerons de voir des écrivains comme Orhan Pamuk et d’autres oser défier l’histoire officielle – que cela soit sur la question du massacre des Arméniens en 1915 ou sur le sort des Kurdes, et donc que les poursuites continueront. »

Erol Önderoglu ne voit aucun changement réel dans cette réforme, mais indique qu’il s’agit « plutôt d’un problème de pratique de la justice. À l’écrit cela peut paraître tout à fait normal pour un occidental qui compare les textes de son pays à ceux de la Turquie. Je tiens à souligner que le problème est dû en grande partie à l’application de ces articles par la justice turque. »

La réduction de la peine maximale induit que désormais, « les accusés ne seront plus jugés devant les tribunaux correctionnels mais devant des tribunaux de police. C’est-à-dire, même en cas de condamnation maximale, les peines vont se voir réduites et commuées en sursis. Il y aura plus de mécanismes entre les mains du juge pour qu’un accusé n’aille pas en prison tout en étant condamné. » Mais pour Erol Önderoglu, la contrepartie de cet allègement est que « les accusés vont avoir du mal à faire écho de leur situation médiatiquement parce que les journalistes de la presse nationale et internationale ne vont pas voir grand-chose dans cette affaire puisque l’accusé n’ira pas en prison. »

Malgré tout, la présidence de l’Union européenne (assurée par la Slovénie), a qualifié, dans une déclaration, l’amendement de l’article 301 d’avancée « constructive vers la garantie de la liberté d’expression ». Mais plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé son insuffisance, et appellent à la suppression de tous les articles de loi limitant la liberté d’expression en Turquie, notamment ceux hérités de la loi Anti-Terreur et ceux condamnant tout « crime » contre la mémoire de Mustafa Kemal Ataturk.

Autres célèbres accusés en vertu de cet article 301, les universitaires Ibrahim Kaboğlu et Baskin Oran, ont été définitivement acquittés ce mois-ci, après 4 ans de tracasseries juridiques. Ayant écrit un rapport sur les droits culturels et ceux des minorités, rapport fait à la demande du gouvernement lui-même, il leur était reproché par le procureur général « d’incitation à la haine et à l’hostilité entre les peuples » (article 216) en plus de l’insulte à la turcité (art. 301). L’accusation se fondait sur le terme « türkiyelilik » ou « de Turquie » proposé dans le rapport pour qualifier les citoyens « turcs » d’origine ethnique différente. Le 10 mai 2006, la 28ème Chambre criminelle d’Ankara avait rendu un non-lieu concernant les deux articles. Ce jugement avait été infirmé par une cour d’appel, avant d’être définitivement confirmé par la Commission plénière d’Appel, le 28 avril dernier.

S’exprimant sur cette décision, Ibrahim Kaboğlu estime qu’il s’agit d’une victoire importante pour la liberté de débat et d’opinion, car cela va créer un précédent judiciaire pour tous les autres cas. Selon le BİA Media Monitoring Report, depuis le début de l’année 2008, 186 personnes, dont 71 journalistes, ont été poursuivis pour 92 affaires, dont 12 ouverts en vertu de l’article 301 (contre 4, l’année dernière, à la même époque).

A l’occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, le 3 mai, de nombreux éditorialistes et journalistes turcs ont débattu des difficultés que rencontre la liberté d’expression et d’information dans leur pays, allant des attaques physiques aux menaces de mort ou à diverses intimidations, ou bien au piratage de sites Internet. Quant il s’agit d’intimidations policières, les auteurs ne sont jamais inquiétés, souligne le rapport, et les agressions contre les journalistes ont ainsi lieu dans un climat d’impunité.

Les motifs les plus fréquents des poursuites judiciaires, sont « l’insulte », la « propagande » ou la « diffamation ». Les maisons d’édition sont également visées : Haftaya Bakış, Yedinci Gün, Yaşamda Demokrasi et Toplumsal Demokrasi ont dû interrompre leur activité six fois déjà, pour « propagande en faveur du PKK ». Les sites Internet font l’objet de censures. Indymedia-İstanbul a été ainsi interdit par décision de la Cour militaire ainsi que le site youtube.com, un site de partage libre d’images vidéo, pour contenu insultant envers Atatürk, en vertu d’une loi particulière qui, l’explique Erol Önderoglu, « ne fait pas partie du code pénal turc, c’est une loi totalement à part. Ce qui est surprenant c’est que lors des réformes pour l’Union Européenne, on n’a pas du tout parlé de cette loi et pour moi c’est une loi mémorielle comme la loi qui a été votée en France. Elle réprime tous ceux qui veulent mettre en cause des pratiques du passé, de la période d’Atatürk ».

Enfin, le Conseil suprême de la Radio et de la télévision (RTÜK) a réprimandé la chaîne Star TV pour les propos de la fameuse artiste transsexuelle Bülent Ersoy, s’opposant aux opérations militaires contre les Kurdes.
De façon générale, on assiste à une augmentation de la censure au niveau de l’information et de l’édition, allant jusqu’à l’interdiction pure et simple de couvrir certains événements dans la presse : La 11ème Chambre criminelle d’Istanbul a ainsi interdit aux média de faire état du procès engagé par l’armée contre les huit soldats turcs qui avaient été capturés et relâchés par le PKK à la fin de l’année 2007.  

vendredi, mai 30, 2008

Etudes kurdes n°IX : La Langue kurde




Introduction, Joyce Blau :

"Le kurde est la langue véhiculaire d’environ 30 millions d’hommes et de femmes, vivant en majorité sur un grand territoire du Moyen-Orient que les Kurdes et les géographes appellent Kurdistan, partagé entre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran au lendemain de la Première Guerre mondiale.

La langue kurde fait partie du groupe irano-aryen ou iranien de la grande famille des langues indo-européennes. Cette langue se distingue des autres langues irano-aryennes telles le persan, le pashto, le baloutchi, l’ossète (parlé dans le Caucase), le gilaki et le mazanderani (parlés aux bords de la Caspienne).

On répartit généralement le kurde en trois grands groupes principaux :

- le groupe septentrional, appelé kurmandji, est le plus important par le nombre de ses locuteurs : deux-tiers des Kurdes le parlent, en Syrie, en Turquie et par les communautés kurdes d’ex-Union Soviétique. Il est aussi la langue parlée par les Kurdes d’Iran du nord-ouest, autour du lac d’Ourmiya et ceux du nord-ouest de l’Irak (Mossoul, Dohuk, Zakho, Akra, Amadiyya, etc.). Les plus anciens textes kurdes écrits l’ont été en kurmandji. Citons le poète mystique Ahmad Nishanî, surnommé Melayê Djizîrî (v. 1570-1640), son disciple Feqiyê Teyran et Ahmedê Khanî, dont le roman Mem et Zîn l’a rendu aussi célèbre parmi les Kurdes que Ferdowsî chez les Persans."


Etudes

Les modes de transmission de la langue dans la communauté kurde en France, Salih Akin, Françoise Rollan :

"Cet article présente dans une perspective sociolinguistique les pratiques langagières et les stratégies de construction identitaire des Kurdes en France. Les données en ont été rassemblées lors d’une recherche interdisciplinaire menée dans le cadre du Contrat Quadriennal (2003-2007) de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine. Cette recherche a associé les laboratoires DYALANG (Dynamiques sociolangagières (CNRS - Université de Rouen) et EEE (Europe, Européanisation, Europanité) (UMR 5222 CNRS – Université de Bordeaux 3, Maison des Sciences de l’Homme de l’Aquitaine)."

Un aperçu des stratégies d'emprunt des verbes en kurmandji, Mehmet Derince :

"Cet article a pour but de présenter une classification descriptive des schémas d’emprunt de verbes dans le dialecte kurde du kurmandjî. Bien que le kurmandjî ne se limite pas à une seule région, pour des questions de temps et de données disponibles, je me suis uniquement concentré sur le dialecte parlé dans l’est et le sud-est de l’Anatolie. "

Les marqueurs de l'alternance codique dans le discours pragmatique en kurde, Ergin Güçin, Ergin Öpengin :

"Dans cet article nous allons étudier les effets produits par la situation de contact entre le kurde langue première (L1) et le turc langue seconde (L2), en accordant une attention particulière à l’influence du second sur le premier, laquelle se reflète dans l’alternance codique de mots et d’expressions du discours pragmatique, que l’on trouve dans le kurde familier. A cette fin, nous traiterons d’une série de sujets relativement apparentés entre eux, tels que la situation de contact linguistique et l’influence de la L2 sur la L1 en général ; les alternances codiques, les code-mixing et l’emprunt ; les catégories lexicales ; le débat sur l’attrition de la langue au regard de l’influence de la L2. "

Les constructions ergatives dans le roman kurmandji, Ibrahim Aydogan :

"Le kurmandjî est le dialecte parlé par la majorité des Kurdes, partagés entre la Turquie, la Syrie, l’Iran, l’Iraq et l’Arménie. Ce dialecte connaît la construction ergative qui a fait l’objet de nombreuses études comme celles de Bynon , de Dorleijn , de Matras et de Pirejko ."

Les verbes composés (nom-verbe) en kurde sorani, Sandrine Traidia :

"Cet article se focalise sur les suites (nom + verbe) en kurde soranî communément appelées « locutions verbales » dans la littérature française. En kurde, la formation de verbes composés au moyen d’un substantif et d’un verbe est un phénomène très vivace et très productif. En effet, tandis que le nombre de verbes simples est relativement limité, le nombre de verbes composés est très important et connaît de surcroît une constante évolution."

Le Nûbara biçûkan d'Ahmedê Khanî : un dictionnaire arabo-kurde à l'usage des enfants, Sandrine Alexie :

"Le Nûbar ou Nûbihara biçûkan fut rédigé par le sheikh Ahmedê Khanî à l’usage de ses jeunes élèves venant tout juste de mémoriser le Coran, afin qu’ils se familiarisent avec la langue arabe. Ecrit vers les années 1680, c’est un ouvrage qui fait date dans l’histoire de la lexicologie kurde, car c’est le plus ancien dictionnaire connu en cette langue. Il offre aussi l’intérêt d’être un document sur les méthodes d’enseignement dans les écoles coraniques (ou kuttabs) du Kurdistan à l’époque ottomane et sur le caractère bilingue de l’enseignement dans les petites écoles et les madrassas du Kurdistan. De plus, bien éloigné de l’image péjorative qui est parfois prêtée aux kuttabs ottomanes - apprentissage par coeur sans compréhension des textes, méthodes d’enseignement parfois brutales, usage exclusif de la langue arabe - le Nûbar, écrit à la fin du XVII° siècle, témoigne au contraire d’un esprit pédagogique assez intelligent et un souci d’adapter cet enseignement à l’âge et à la culture d’origine des enfants kurdes. "

Bibliographie kurde, Joyce Blau :

"Depuis le début des années 2000, la publication de dictionnaires et de grammaires kurdes, soranî et kurmancî connaît un essor remarquable. En Turquie, l’essor des publications kurdes après la levée de leur interdiction avait déjà montré, dans les années 1990, cet intérêt des Kurdes pour leur langue et les outils de traduction. Au Kurdistan d’Irak, en dépit d’une situation difficile et incertaine jusqu’en 2003, des maisons d’édition comme Aras à Erbil ont été aussi actives. Mais c’est avec la libération de l’Irak et la légalisation de la Région du Kurdistan que nous assistons à une véritable explosion des publications, tant pour le soranî que pour le kurmancî, à Erbil, Duhok (éditions Spîrez), Suleimania (éditions Serdem). A côté des grammaires kurdes et des dictionnaires kurde-kurde, les dictionnaires de langues étrangères, du Moyen-Orient ou occidentales, en kurde, témoignent aussi de l’ouverture sur le monde d’un pays longtemps isolé de la scène internationale par la guerre et la dictature."

Archives/Documents

Comment écrire le kurde, Thomas Bois :

"Né en 1900 Thomas Bois entre chez les Dominicains à la fin de la Première Guerre mondiale. Il étudie en plus du latin et du grec l’anglais, l’hébreu, l’italien et le russe. En 1927, il est envoyé à la Mission de Mossoul, au Kurdistan d’Irak. Il y apprend l’arabe, le soureth (néo-araméen) et le kurde. C’est de cette époque que date sa rencontre avec le peuple kurde, s’intéressant à sa langue, à sa société, sa culture."

Etudes kurdes n° IX, "la langue kurde", édition L'Harmattan.

Brins de chicane

J'aime bien cette histoire qui démontre, d'une part, l'excellence et le sérieux de la médecine en terre d'islam dès l'origine, une curiosité à la fois humaniste et scientifique, assez typique de cette civilisation envers les "éprouvés par Dieu"... et les lignes qui concluent le récit, d'un humour peut-être involontaire !

"Muhammad ibn Abî Tâhir nous a rapporté, selon 'Alî ibn al-Muhassin at-Tanûkhî qui le tient de son propre père, qui a dit tenir ce récit d'Abû Muhammad Yahyâ ibn Muhammad ibn Fahd et Abû 'Umar Ahmad ibn Muhammad al-Khallâl, qui lui ont dit :

Nombreux sont les gens de Mossoul et d'ailleurs qui nous ont rapporté ce récit, conffirmé par des personnes que nous considérons de bonne foi, dont les informations ont été maintes fois vérifiées, eu égard à la fréquence des témoignages et à leur concordance, et à la solidité de la chaîne des transmetteurs crédibles. Ces témoins nous ont donc affirmé avoir vu dans la ville de Mossoul, vers les années cinquante de l'hégire, deux hommes que le gouverneur de la province d'Arménie a fait parvenir au prince Nâçir ad-Dawla, à titre de curiosité.

Âgés de trente ans environ, ils étaient en effet collés l'un à l'autre d'un seul côté, un tout petit peu au-dessus de la hanche jusque tout près de l'aisselle. Leur père, dépêché avec eux auprès du prince, a dit qu'ils étaient nés ainsi.

Nous les avons vus, vêtus de deux chemisiers, de deux pantalons, d'un habit approprié à chacun ; seulement, les épaules et les bras attachés d'un côté, ils étaient fort embarrassés pour marcher. Chacun mettait l'unique bras libre dont il disposait derrière le dos de l'autre, et ils se déplaçaient péniblement. Quand il leur arrivait de voyager, ils chevauchaient sur une seule monture. Aucun d'eux ne peut entreprendre un geste sans que l'autre ait décidé de faire exactement le même. Si l'un, par exemple, devait aller se soulager, l'autre était forcément avec lui, même s'il n'avait pas le même besoin à cet instant.

Le père a confié qu'il avait bien cherché, dès la naissance des deux frères, un moyen pour les disjoindre. On l'avait alors prévenu qu'ils en périraient, du fait qu'ils étaient collés au niveau de la hanche, et que la séparation ne saurait être possible. Il s'était résigné à abandonner tout espoir.

Ils étaient dans la foi de l'islam. Aussi le prince Nâçir ad-Dawla était-il fort généreux avec eux, les gratifiant de présents, en pièces d'or et prestigieuses vêtures. Epatés, les gens de Mossoul venaient les voir et leur offraient des présents.

Abû Muhammad (l'un des deux narrateurs) a ajouté : Plusieurs rapporteurs m'a dit qu'ils avaient regagné leur pays, et que l'un d'eux, victime d'un mal, avait rendu l'âme. Le père ne pouvant pas enterrer le mort, le cadavre, putréfié, avait gravement affecté le frère survivant qui incapable de bouger, avait fini lui aussi par mourir, tant d'accablement qu'à cause de la puanteur.

Dans le temps, pour leur venir en aide, le prince Nâçir ad-Dawla avait convoqué des médecins, et leur avait demandé qu'ils pouvaient trouver un moyen de les séparer.

Les médecins avaient demandé aux frères siamois comment ils réagissaient, l'un et l'autre, à la faim. Ils avaient précisé que si l'un d'eux avait faim à tel moment, l'autre ressentait le même besoin quelques instants plus tard. Si l'un avalait un purgatif, l'humeur de l'autre pouvait se dégager bien après celle de son frère, et il arrivait à l'un d'avoir envie de déféquer et à l'autre de n'en avoir envie qu'une heure après.

En les disséquant, on avait constaté qu'ils avaient un seul ventre, un seul ombilic, un seul estomac, le même foie et une rate unique. Pas de côtes au niveau de la jonction. Les médecins avaient donc conclu qu'ils auraient en effet péri si on avait tenté de les disjoindre.

On avait observé aussi qu'ils étaient munis de deux pénis et de quatre testicules.

Il leur arrivaient d'être en désaccord, et une grosse querelle éclatait alors entre eux, si bien que l'un jurait de ne plus adresser la parole à l'autre. Mais ils ne tardaient pas à se réconcilier." (IV, 240).

Autres anecdotes, très drôles ; ainsi, sur les méfaits que causait une armée venue du Khorassan installée dans la ville de Sijistân, dont

"les hommes commirent les pires turpitudes dans la ville; Ils allèrent même jusqu'à s'en prendre aux femmes, qu'ils agressaient impunément au grand jour."

la réponse savoureuse du commandant sermonné par le jurisconsulte saisi par les plaignants de la ville :

"- Maître ! Je ne t'imaginais pas aussi inculte ! Moi, je commande à trente mille hommes dont les épouses se trouvent à Boukhara. Quand toutes ces verges se dressent, que veux-tu qu'ils fassent ? Qu'ils les envoient en lettres de crédit à leurs légitimes ? Il faut bien qu'ils les placent là où ils le peuvent ! A ce sujet, il n'y a rien à faire, je ne peux porter atteinte au moral des troupes en leur ordonnant de renoncer à cela... Allez-vous-en !"

Pour finir, le jurisconsulte accorda aux habitants une fatwa commandant de se débarrasser des turbulents et paillards Khorassaniens. Seul le commandant et quelques-uns en réchappèrent en s'enfuyant à cheval. Pour conclure :

"Plus jamais une armée du Khorassan ne vint en garnison dans les lieux." (III, 33).

De l'agilité d'esprit de certains fuqaha pour se détortiller, jésuitiquement si je puis dire de la prohibition du vin :

"On a demandé à un serviteur d'Abû l-Hasan al-Karkhî de faire la preuve de la licéité du vin de dattes [sens général, mais aussi celui de la vigne] agrémenté de graines de cardamome, très fortement enivrant, et il a dit :

Etant établi que Dieu, Très-Haut soit-Il, en nous promettant le paradis, qu'Il en a fourni la meilleure description, a permis ici-bas de savourer des plaisirs analogues à ceux qu'Il a promis, rien que pour nous donner à apprécier la valeur de Sa promesse, toujours recommencée, il s'ensuit que, ayant aussi promis le vin au paradis, nous l'interdisant cependant dans la vie présente, il devient impossible d'apprécier ce plaisir-là, pour entreprendre au mieux les oeuvres qui nous vaudront de mériter le paradis, là où il nous deviendra licite d'en boire. Il s'avère donc nécessaire que soit licite au moins une chose de la même espèce que le vin paradisiaque et à même de nous faire accéder à la preuve de sa succulence. Et c'est le vin de datte." (III, 141).

La difficulté pour traduire les auteurs classiques, que ce soit en arabe ou en kurde, c'est de débroussailler les redondances stylistiques dont les shasiwar du calame ont la manie, en mettant systématiquement deux mots là où un seul suffit (Et Khanî et Cizirî n'en sont pas exempts, loin de là). Apparemment, ça agaçait aussi certaines personnes, même au X° siècle :

"Le cadi Abî 'Alî at-Tanûkhî a rapporté, selon mon père Abû l-Qâsim, qui le tient de son propre père, selon 'Alî Husayn ibn as-Sumayda ' al Antakî qui a dit :

Il y avait chez nous à Antioche un gouverneur à la solde de l'émir d'Alep qui se faiait servir apr un secrétaire sot.

Un jour, deux frégates de la flotte musulmane dirigée contre les Byzantins firent naufrage. Voici ce que ce secrétaire avait écrit à l'émir d'Alep, au nom de son maître : "Au nom de Dieu, Clément et Miséricordieux, j'informe l'émir, Dieu l'assiste, que deux frégates, autrement dit deux embarcations, ont fait naufrage, autrement dit ont été englouties par les eaux, à cause d'une mer déchaînée, c'est-à-dire d'une mer houleuse, et il n'y a pas de survivants, je veux dire que tous les marins ont péri."

Et voici la réponse de l'émir d'Alep : "Nous avons reçu ta missive, autrement dit elle nous est parvenue, nous l'avons comprise, c'est-à-dire que nous l'avons déchiffrée. Alors, corrige ton secrétaire, autrement dit fais-lui subir le supplice de la gifle, et remplace-le, je veux dire : révoque-le ! car il est bien stupide, c'est-à-dire rien qu'un sot. Paix sur toi, je veux dire : fin de ma lettre." (VII, 178).

Tanûkhî, Brins de chicane. La vie quotidienne à Bagdad au X° siècle, extraits choisis et traduits de l'arabe par Youssef Seddik.

"A la fin, nous avons tous décidé de diviser nos dortoirs en deux parties"

Reportage intéressant sur Kurdish Globe sur la vie des interprètes irakiens, kurdes, sunnites, chiites, travaillant pour le compte de l'armée américaine. Deux Kurdes témoignent sous anonymat, et ce qu'ils racontent des divisions au sein des trois groupes "irakiens" est un condensé intéressant de la fracture d'un Irak de moins en moins "unifié". La division des dortoirs entre les interprètes est une image assez parlante de ce qui se passe à l'échelle de tout le pays.

"Vivre sur le fil du rasoir, comme interprètes pour l'armée américaine en Irak, n'aurait peut-être pas été un choix professionnel qu'ils auraient envisagé en premier lieu,mais cela leur procure sans aucun doute un niveau de vie plus élevé, du moins pour ceux qui restent en vie.

Les interprètes irakiens travaillant pour les forces de la Coalition sont réputés pour avoir le métier le plus dangereux. Deux interprètes kurdes, qui travaillent pour les troupes américaines dans le centre et dans le nord de l'Irak ont fait part de leur expérience au Kurdish Globe, sous couvert d'anonymat.

Hogir Ahmed (ce n'ets évidemment pas son vrai nom), 29 ans, travaille depuis deux ans pour l'armée américaine, comme interprète dans la province d'Anba, un des bastions d'al-Qaïda. Trois ans auparavant, diplômé d'une université de la Région du Kurdistan, il n'a pu trouver un emploi dans le secteur privé. Le seul métier possible était l'enseignement, mais le salaire était trop bas. C'est pourquoi il choisit de devenir interprète.

"Au début, j'avais peur, surtout quand nous étions à l'extérieur, en mission, ou quand nous fouillions les maisons dans les villages, mais peu à peu, cela m'a semblé normal et plus du tout effrayant," raconte Ahmed.

"J'ai toujours essayé de convaincre les soldats américains de ne pas maltraiter les gens ou ne de pas fracasser leur porte," ajoute-t-il. Une fois, une mine sur une route a explosé sous son Humvee blindé, mails il en réchappa.

Il avoue que son jour le plus pénible fut quand un de ses amis, un interprète arabe, qui ne travaillait que depuis trois jours, fut tué par un sniper insurgé, lors d'une mission dans une région rurale de la province d'Anbar.

Selon lui, les interprètes sont les auxilliaires les plus précieux de l'armée américaine.

Ahmed dit aussi qu'il y a de constantes querelles entre les interprètes kurdes, sunnites, chiites, notamment sur les chaînes de télévision à regarder.

"Les interprètes kurdes et chiites s'entendent bien, mais ils détestent les sunnites et les sunnites, de même, détestent les chiites et les Kurdes, mais surtout les chiites, explique Ahmed.

Au début, Ahmed essayait d'être amical avec chaque interprète et de ne pas entrer dans des querelles politiques. Mais progressivement, la situation est devenu insupportable et il commença à prendre parti.

"Des interprètes sunnites défendaient constamment les actions de Saddam, et nous répliquions toujours par les attaques à l'arme chimique de Saddam contre les Kurdes, et les centaines de milliers de Kurdes et de chiites qu'il a tués," raconte-t-il. "Quand Saddam a été exécuté, un interprète sunnites a pleuré."

"A la fin, nous avons tous décidé de diviser nos dortoirs en deux parties, les chiites et les Kurdes ensemble, et les sunnites tous seuls ; mais cela n'a pas mis aux disputes."

Osman Ali (ce n'est pas son vrai nom), 25 ans, travaille comme interprète pour les troupes américaines de la Base Ouest de la région de Qayara, au nord de l'Irak, dans la province de Mossoul. Il dit qu'il porte toujours un pistolet quand il fait le trajet entre son domicile à Erbil et sa base, au cas où des insurgés l'attaqueraient ou voudraient l'enlever.

Peu de temps après être devenu interprète pour l'armée américaine, Ali a été très déçu quand il apprit que des Américains avaient abandonné un traducteur derrière eux, lors qu'une attaque des insurgés.

"Il y avait une réunion dans l'un des villages arabes de la province de Mossoul, entre les armées irakienne et américaine d'un côté et les chefs tribaux de l'autre ; alors, les insurgés ont commencé de bombarder le village avec des tirs de mortiers. Les troupes américaines ont fui en laissant leur interprète."

Ali dit que lorsqu'il a commencé à travailler avec l'armée des USA il était terrifié par les mines sur les routes, mais par la suite, non seulement c'était devenu normal, mais même amusant.

"Quelquefois, quand nous étions en mission extérieure, sur la route, dans les camions, au lieu de faire attention et de surveiller si les bandits n'arrivaient pas, nous [lui et les soldats] discutions de femmes et de sujets de société, et quelquefois nous chantions ensemble,". Son sujet principal de discussion avec les soldats américains portait sur les différences entre la société kurde et celle des Etats-Unis.

Ali dut aussi qu'il y avait toujours des conflits entre les interprètes kurdes, chiites et sunnites, mais qu'ils essayaient toujours de le cacher aux Américains, en leur disant qu'ils ne faisaient que plaisanter entre eux.

"Les interprètes arabes se plaignent tout le temps aux Américains que les autorités kurdes ne laissent pas entrer les Arabes dans la Région du Kurdistan ; nous leur disions que si nous laissons entrer les Arabes au Kurdistan, alors la situation dans la Région deviendra celle de Bagdad et Mossoul.".

La population de la Région du Kurdistan ne considèrent pas comme "traîtres" ceux qui travaillent pour l'armée américaine, à la différence de la plupart des Irakiens arabes, qui considèrent quiconque travaillent pour les Américains comme "A'ameel," ce qui en arabe veut dire collaborateur, ou, littéralement : "agent."

Les interprètes arabes mènent donc une double vie, pour éviter d'être tués, en cachant leur identité et leur adresse. En patrouille, les hommes couvrent leur visage avec des bandana fournis par l'armée qu'ils portent au-dessus de leurs lunettes noires. Mais les interprètes kurdes n'ont pas de tels problèmes.

Washington a mis en place en 2006 un programme qui permet aux interprètes qui ont travaillé pour les Etats-Unis en Afghanistan et en Irak au moins 12 mois d'émigrer dans ce pays avec leur famille. Le programme, cependant, limite le nombre de "visas spéciaux", ce qui veut dire qu'une partie seulement d'entre eux ont pu obtenir le statut de réfugiés. Pour 2008, 500 visas ont été délivrés en avril, bien qu'une loi récente a élevé en octobre le quota annuel jusqu'à 5000. Ali explique qu'obtenir un visa pour les Etats-Unis est une priorité pour les interprètes arabes.

Depuis que la guerre a commencé, 5 ans plus tôt, au moins 200 traducteurs irakiens auprès des troupes américaines ont été tués, la plupart dans des assassinats ciblés, selon les chiffres donnés par la L3 Communications, une société new-yorkaise qui fournit des interprètes à l'armée américaine."

Source Kurdish Globe, Qassim Khidr.

Où l'on reparle des Sables de Mésopotamie

SECHERESSE : LE KURDISTAN SINISTRE


La sécheresse qui frappe certaines régions du Moyen-Orient est ressentie durement par les Kurdes de Turquie, de Syrie et d’Irak. Le ministre turc de l’Agriculture, Mehdi Eker, a même évoqué la possibilité de déclarer la région du sud-est « zone soumise à un désastre naturel », ce qui induirait des mesures spéciales en faveur des habitants, allant d’indemnités à des remises de dette. Mais la loi turque n’inclut pas la sécheresse dans les « désastres naturels ». Selon la Chambre d’agriculture de Diyarbakır, la gravité de la situation pourrait entraîner une augmentation de l’émigration des habitants de la région, dont les petits exploitants et les commerçants sont menacés de faillite, alors que le prix des denrées ne cesse d’augmenter.

L’année dernière, les précipitations ont été, pour la période allant d’octobre à mars, de 377 mm par mètre carré, contre 147 mm cette année. L’année 2007 avait déjà vu une baisse de 47% dans les précipitations, selon les statistiques de la météorologie nationale turque.

Selon le président de l’Union turque des chambres d’agriculture (TZOB), interviewé par le journal Zaman, Şemsi Bayraktar, le coût de la sécheresse a atteint les 5 milliards de lires turques, soit environ 2.5 milliards d’euros. La première conséquence sociale en sera une émigration des paysans, même propriétaires, vers d’autres régions pour trouver à s’employer au printemps prochain comme travailleurs saisonniers. Déjà, chaque jour, les gares ferroviaires s’emplissent de gens partant pour l’ouest du pays, ce qui occasionne d’autres difficultés : l’afflux de travailleurs agricoles avec un salaire journalier de 25 lires à 18 lires turques. Par ailleurs, les enfants de ces paysans doivent suivre leurs parents et interrompent ainsi leur scolarité.

La sécheresse affecte aussi les éleveurs, qui doivent mener leurs troupeaux dans des alpages plus éloignés de leur village ou bien les vendre à la boucherie. Yakup Kaçar, un éleveur du district de Diyabarkır, explique ainsi qu’avec son clan, ils ont dû mener leur troupeau de 4000 têtes au nord de Van, parce que les pâtures autour de Batman étaient totalement desséchées. Comme il leur est interdit, pour des raisons de sécurité, de faire parcourir tout ce trajet aux bêtes, ils doivent louer des camions, ce qui ajoute aux frais supplémentaires.
Dans le sud-est kurde, plus de la moitié de la population travaille dans le secteur agricole. Mais les paysans ne sont pas les seuls à souffrir : les petits commerçants connaissent aussi des difficultés économiques, puisque leur clientèle est essentiellement agricole. Le président de l’Union des chambres de commerce et des artisans de Diyarbakir (DESOB), Alican Ebedinoğlu, explique que beaucoup de ces modestes boutiquiers accordent des crédits pendant l’hiver et sont réglés après la moisson, mais cette année, un tel arrangement ne sera pas possible : « Une telle sécheresse n’était pas survenue depuis les années 1970. Les fermiers ne pourront s’acquitter de leurs dettes auprès des commerçants et des artisans. Cela concerne près de 100 000 marchands, et cette sécheresse signifie pour eux le chômage. » Alican Ebedinoğlu indique aussi que beaucoup de ces artisans et commerçants n’ont pu payer leurs cotisations sociales, ce qui les exclue des services de santé.

Le parti kurde DTP a demandé à ce que la région soit déclarée zone sinistrée, ce que le ministre de l’Agriculture voit comme une des « options possibles » : « Nous suivons attentivement la situation. Avant de commencer les semences, nous avions demandé aux agriculteurs d’éviter les cultures qui demandent beaucoup d’eau. Mais il n’y a aucune humidité dans le sous-sol, et tout ce qui a été semé a desséché en raison du manque de pluie. Nous examinons la situation avant de décider que faire. »

On prévoit pour cette année un déficit de 2.5 millions de tonnes de blé, 1.4 million de tonnes d’orge et de 250,000 de tonnes de lentilles rouges, ce qui va entraîner une hausse des prix et du chômage.

Selon le président de la Chambre d’agriculture d’Urfa, les agriculteurs n’utilisant pas l’irrigation ne pourront sauver leur récolte, même s’il pleut ce mois-ci, tandis que ceux qui l’utilisent n’en sauveront que 10% Il voit, comme « seule solution durable », l’achèvement du projet de barrages pour le Sud-Est anatolien (GAP), dont le gouvernement vient d’annoncer la relance, en annonçant un budget de 2.3 milliards de lires turques (1.83 milliard de $) pour relancer ce projet qui comprend donc la construction de barrages (une vingtaine est déjà construite) qui a pour objectif d’irriguer 1 800 000 hectares. Le GAP prévoit aussi l’aménagement d’infrastructures dans le sud-est kurde, toujours très défavorisé, avec créations d’autoroutes et d’aéroports, ainsi que l’industrialisation de la région. Il comporte aussi des programmes sociaux en partenariat avec des ONG, comme l’UNICEF. Quant à l’objectif politique, il est de souder à l’espace turc cette région kurde rétive à l’assimilation.

Mais le GAP a toujours été très controversé, à la fois par la population locale et par les pays voisins, qui dépendent eux aussi des cours du Tigre et de l’Euphrate, ainsi que par des écologistes et des ONG dénonçant l’absence de politique sociale et d’aide au relogement de la Turquie en faveur des villageois déplacés.

Les régions déjà irriguées, qui se sont lancées dans la production du coton, comme Urfa, ou Silvan, ont en fait été récupérées, après expropriation des petits exploitants (en raison du barrage, comme des déplacements forcés ou bien de l’endettement) par une poignée de grands propriétaires terriens liés aux pouvoirs locaux. La main d’oeuvre qui travaille dans ces champs de coton est composée d’anciens paysans propriétaires, mais aussi d’un très grand nombre de femmes et même d’enfants, employés ainsi à des coûts plus modiques, ce qui a pour effet d’aggraver le chômage des hommes adultes. Par ailleurs, aucun décollement de l’activité industrielle n’a encore été observé. De plus, les répercussions écologiques de ces barrages n’ont pas été évaluées et l’on assiste maintenant à des problèmes sanitaires, par exemple des épidémies de dysenterie, malaria, etc.

Enfin, la disparition de sites historiques majeurs de haute Mésopotamie, comme Zeugma et bientôt Hasankeyf est vivement critiquée.

Lors d'une rencontre à Duernstein, en Autriche, les ministres de l'Economie d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse ont menacé de se désister dans les garanties apportées aux crédits pour financer le barrage d'Ilisu (qui menace Hasankeyf) si la Turquie persiste dans sa gestion négligente des implications sociales et environnementales d'un tel projet.

Ces trois pays avaient auparavant accordé les garanties de crédit aux sociétés impliquées dans cette construction, pour un montant total de plus d'un milliard d'euros.

La construction du barrage d'Ilisu, en plus de noyer un site historique et écologique unique en haute Mésopotamie, doit déplacer 50.000 personnes, et les assurances de la Turquie concernant le dédommagement, le relogement et la réinsertion professionnelle des habitants n'ont visiblement pas convaincu les trois ministres européens, au regard de ce qui s'est déjà passé pour des cas similaires.

Par ailleurs l’association turque de la Protection de l’Eau et de l’Environnement a lancé un appel alarmé concernant la disparition éventuelle du lac de Van, dont le niveau d'eau baisse, en plus d'être soumis à une forte pollution. Les pratiques de pêche non réglementaire et intensive menacent d'extinction de nombreuses espèces. Un groupe de scientifiques turcs a ainsi estimé que d’ici 10 à 15 ans, le lac de Van pourrait disparaître si des mesures adéquates ne sont pas mises en place.

Mais la sécheresse touche également l’Irak et ce dernier pays a demandé à la Turquie d’envoyer plus d’eau du Tigre et de l’Euphrate, dont les sources sont au Kurdistan de Turquie.

« L’irrigation en Irak dépend entièrement de l’Euphrate et du Tigre » explique Abdullatif Jamal Rashid, le ministre irakien de l’Eau, après un entretien qu’il a eu avec le ministre du commerce extérieur turc, Kürşad Tüzmen. « Ces dernières années, la Turquie nous donnait assez d’eau, même plus qu’il n’en fallait. Mais cette année, nous avons des difficultés à faire face à une sécheresse plus sévère que prévue. »

La Turquie, la Syrie et l’Irak ont récemment enterré la hache de guerre sur les questions de l’eau et de coopérer, via un institut formé de 18 experts des trois pays.

jeudi, mai 29, 2008

Agenda de la semaine : nous avons bu la même eau, bronzes du luristan

Cinéma :



L'Espace Saint Michel - Paris 5ème continue à programmer, en exclusivité à Paris, tous les soirs à 19h30 du mercredi 28 mai au mardi 3 juin


"Nous avons bu la même eau"
de Serge Avédikian


"Turquie, un village, aujourd’hui. Retour aux sources d’un cinéaste d’origine arménienne

D'origine arménienne, Serge Avédikian retourne un jour en Turquie, passer quelques heures dans le village dont son grand-père fut définitivement chassé, ainsi que toute sa communauté, en 1922. Un sentiment d'inachevé va le hanter des années durant. Presque vingt ans plus tard, le réalisateur retourne vers son origine, vers l'histoire d'un peuple, mais surtout à la recherche d'une vraie rencontre avec les habitants du village d'aujourd'hui, eux-mêmes issus d'un exil forcé. Ils vont, ensemble, approfondir ce lien, un dialogue complexe, marqué par la découverte de leur histoire mutuelle et par le tabou autour du génocide arménien.

Cette belle entreprise creuse dans de multiples directions, pour tenter de déblayer un espace de parole entre ces gens qui ont "bu la même eau, mangé les mêmes olives, et respiré le même
air"..."


Radio :

Samedi 31 mai à 18h30 sur France Culture : Contes persans et romans jeunesse iraniens - les éditions L'Harmattan : Les Invités de maman. Une soirée à Ispahan, de Houchang Moradi-Kermani, traduit par Maribel Bahia ; Les Tulipes rouges de Téhéran, de Guillemette Resplandy-Taï ; Le Langage du coq. Pour tous les enfants qui rêvent de comprendre le langage des animaux, de Hadi Jalali et Claire Jobert. Jusqu'à la lune et retour, Aline Pailler.


Exposition :



Bronzes du Luristan, Enigmes de l'Iran ancien
(IIIe-Ie millénaire avant notre ère)

Exposition du 4 mars au 22 juin 2008

"Le musée Cernuschi présente une exposition de Bronzes du Luristan du 4 mars au 22 juin 2008. Elle réunit plus de deux cent trente pièces de collections publiques et privées d’Europe. Le Luristan, région montagneuse de l’Iran occidental qui domine les confins de la plaine mésopotamienne, a livré au cours du siècle dernier des milliers de bronzes antiques.

Le Luristan, région montagneuse de l’Iran occidental qui domine les confins de la plaine mésopotamienne, a livré au cours du siècle dernier des milliers de bronzes antiques. Puisant dans les collections publiques et privées d’Europe, l’exposition « Bronzes du Luristan. Enigmes de l’Iran ancien. IIIe-Ier millénaire avant J.-C.» rassemble pour quelques mois au Musée Cernuschi, Musée des Arts de l’Asie de la Ville de Paris, deux cent trente pièces. Cet ensemble sans précédent illustre la richesse et l’originalité de cet art métallurgique d’une très grande technicité, qui suscita, au moment de leur arrivée en grand nombre sur le marché de l’art dans les années 1930, tant d’étonnement et d’enthousiasme. Exceptionnels entre tous, les bronzes de l’âge du fer (1300-650 av. J.-C.) affichent une iconographie exubérante. Des créatures hybrides et composites, génies d’une mythologie qu’aucun texte n’éclaire, euplent mors de chevaux, armes, épingles et idoles. Art sans pareil, la civilisation du Luristan resta longtemps dans l’ombre. Il fallut attendre les années 1960 et l’essor de la recherche archéologique dans la région pour qu’une partie du voile soit soulevé.

Cette rétrospective d’une ampleur inédite clarifie, grâce aux contributions des plus grands spécialistes en la matière, nos connaissances sur cette civilisation énigmatique et l’histoire de son art."


Musée Cernuschi, musée des arts de l’Asie de la Ville de Paris
7 avenue Vélasquez
75008 Paris
Téléphone:00. 33.(0)1 53 96 21 50
Fax :00.33.(0)1 53 96 21 96
L’entrée de l’avenue Vélasquez se situe au niveau du 111-113, boulevard Malesherbes et par le Parc Monceau, allée centrale.

Métro : ligne N° 2, Villiers ou Monceau - Ligne N°3 : Villiers, à 3 minutes de la ligne 14 Saint-Lazare - A 10 minutes de la ligne N° 9 Saint-Augustin
Bus : ligne 30, 94 stations Malesherbes/Courcelles et 84 station Monceau (avenue de Messine et rue de Monceau)

Station Vélib': 75, rue de Monceau
Ouvert tous les jours de 10h à 18h, sauf les lundis et jours fériés.
Fermeture des caisses à 17h30.

mercredi, mai 28, 2008

KURDISTAN D’IRAK : DEBUT DE RECHAUFFEMENT AVEC LA TURQUIE


Au début du mois le Premier ministre du Gouvernement régional du Kurdistan a rencontré pour la première fois, à Bagdad, une délégation turque menée par Ahmet Davutoglu, un conseiller du Premier ministre turc, Murat Özçelik, le coordinateur des Affaires irakiennes pour la Turquie et l’ambassadeur de la Turquie en Irak, Derya Kanbay.

Cette rencontre a porté sur tout un éventail de sujets brûlants entre le GRK et la Turquie, dans les domaines politiques, économiques et sécuritaires. Le porte-parole du GRK a qualifié les entretiens de « cordiaux, faits dans un climat ouvert », en indiquant que les deux parties avaient des vues similaires sur beaucoup de questions, avec « un désir de compréhension mutuelle et des intérêts communs. »

De son côté, le président de la région du Kurdistan, Massoud Barzani, a répété, lors d’une réunion tenue avec son parti à Salahaddin, que le PKK devait renoncer à la violence et réaffirmé que les Kurdes d’Irak souhaitaient dialoguer avec Ankara, et a ainsi commenté la rencontre entre son Premier ministre et la délégation turque, en parlant d’une « barrière psychologique » qui aurait été levée : » Nous espérons que des étapes positives seront enfin franchies. Les relations avec la Turquie s’améliorent. Les vents froids qui soufflaient des deux côtés ont disparu après la dernière rencontre. Cette rencontre a été utile. Nous souhaitons entretenir des relations étroites avec les pays voisins. Cependant, ces relations souffrent des conflits internes de ces pays. La question kurde ne peut être résolue par la guerre. La solution ne peut venir que du dialogue, et par des moyens politiques et pacifiques. L’opération militaire de la Turquie en février dernier n’était pas une bonne chose. Je suis reconnaissant à la population de la Région, qui s’est comportée de façon très généreuse lors de cette opération. Nous sommes prêts à aider toutes les parties, pourvu que le but en soit une solution politique. »

Adoptant un même ton conciliant, le Premier ministre turc, dont le gouvernement se débat dans une grave crise interne, a lui-même déclaré dans une réunion avec son propre parti, menacé de dissolution : « Notre dialogue à la fois avec le gouvernement central et tous les groupes se poursuivra. Nous traitons sérieusement le problème du contre-terrorisme dans ses dimensions politiques et économiques, en plus de sa dimension sécuritaire. L’Irak et la Turquie doivent agir dans une compréhension et une confiance mutuelles. »

De son côté le DTP, principal parti pro-kurde en Turquie, a envoyé également une délégation menée par Ahmet Türk, président du groupe parlementaire de ce parti, auprès du président d’Irak Jalal Talabani, pour lui demander de jouer un rôle actif dans la résolution du problème kurde en Turquie, en insistant sur la nécessité vitale pour le peuple kurde, de rester uni. A l’issue de la rencontre, Ahmet Türk a indiqué que Jalal Talabani soutenait une résolution pacifique du problème kurde en Turquie, sur la base d’un désarmement mutuel. Il a aussi ajouté qu’ils avaient convenu de se rencontrer plus fréquemment à l’avenir.

Mais la délégation n’a pas été reçue, comme elle l’avait souhaité, par Massoud Barzani, ni par Nêçirvan Barzani. Des sources proches du gouvernement kurde ont expliqué que les deux leaders kurdes ne jugeaient guère utile de compromettre la reprise de contact avec la Turquie alors même que leurs relations commençaient à s’améliorer. Le Premier ministre kurde a répété, dans une déclaration publiée sur le site officiel du GRK, que les forces du PKK étaient basées dans une zone qui échappait à son contrôle, que les Kurdes d’irak ne souhaitaient pas que leur territoire soit utilisé pour attaquer la Turquie et qu’ils ne pouvaient être tenus pour responsables des activités de ce mouvement.

Pendant ce temps, les bombardements turcs se poursuivaient au Kurdistan, dans les montagnes de Qandil, abritant les bases du PKK, sans faire de victimes, selon le porte-parole de ce mouvement, Ahmed Denis, qui a accusé la Turquie d’exporter ses conflits internes chez ses voisins : « Il est important que les dirigeants kurdes et irakiens réalisent que la Turquie veut se débarrasser du problème du PKK, qui est un problème interne, en accusant les pays voisins de soutenir le PKK. Les dirigeants en Irak doivent être conscients de ce fait en traitant avec la délégation turque. »

Jusqu’ici, les principales victimes de ces bombardements, qu’ils viennent de la Turquie ou de l’Iran, ont été les villageois frontaliers, qui ont dû fuir leur demeure et vivent à présent dans des camps de réfugiés, non loin de chez eux, comme l’explique au Los Angeles Times, Mohammad Khorsheed, du village de Rezga : « Nous avons des troupeaux que nous avons besoin de nourrir. Nous ne pouvons les mener paître dans les montagnes. Nous ne pouvons travailler dans nos fermes, et nous ne savons pas à qui réclamer. » Un autre villageois, Saman Haidar, qui s’est trouvé sous le feu des bombardements, n’envisage pas de retourner chez lui dans l’immédiat, en décrivant les attaques aériennes subies comme « terrifiantes » : « Nous avons gagné un petit abri que nous avions construit auparavant. Nous avons éteint toutes les lumières. » Quand il a pu repartir, Saman Haidar a quitté le village, emmenant avec lui tout son troupeau, dans l’espoir de le garder en sûreté jusqu’à ce que le problème soit résolu.

L’Iran, pour sa part, a régulièrement bombardé les villages kurdes sur la frontière irakienne, dans la province de Suleïmanieh, en visant le groupe du PJAK, la branche iranienne du PKK, sans que des victimes aient été à déplorer. Le Gouvernement régional du Kurdistan a tout de même demandé à l’ONU, via son représentant pour l’Irak et le GRK à Erbil, Dindar Zebari, d’intervenir auprès de Téhéran pour qu’il stoppe ces tirs. Dindar Zebari a indiqué que 12 villages avaient été sous le feu iranien, et que 140 familles avaient fui.

samedi, mai 24, 2008

Coup de projo sur : Amrollah Shah Ebrahimi





Un de ses élèves est à l'honneur demain, en se produisant avec son ensemble à la Maison du daf. Il est aussi cité par l'ensemble Dastan, parmi les grands maîtres gurans de la musique. Mais l'ostad Seyyid Amrollah Shah Ebrahimi, de la région de Sahne, au nord-est de Kermanshan, avant d'être un musicien, est surtout un maître religieux puisque chez les Yarsan, la musique et les hymnes religieux dans les samâ forment le coeur de leur pratique. On retrouve les hymnes classiques de la célébration ahl e haqq, avec ce son si particulier, un peu sourd mais puissant, des tamburs de Kermanshan.

jeudi, mai 22, 2008

La délivrance après l'épreuve


Présentation de l'éditeur
Les récits qui composent cet ouvrage - et qui sont extraits d'une somme en cinq volumes - balaient une période allant de l'époque du Prophète de l'islam, et même bien avant, jusqu'à celle de l'auteur (Xe siècle). Evoquant des épisodes de la vie de certains califes et grands dignitaires civils et militaires des dynasties omeyade et abbasside, ils rapportent les épreuves et les vicissitudes qu'ils ont connues et la manière dont Dieu les en a délivrés. L'ensemble offre un tableau vivant et, sans doute, fidèle de toute une société, avec ses petites gens et ses commerçants prospères, ses brigands et ses juges, ses secrétaires et ses propriétaires terriens.Tanûkhî n'a cependant pas cherché uniquement à entretenir ses lecteurs de la vie quotidienne, de la manière de manger, de s'habiller, de gagner sa vie ou de se divertir. La finalité de son livre est inscrite dans son titre même : La Délivrance après l'épreuve. C'est donc un message d'optimisme fondé sur une foi inébranlable en Dieu et en Sa justice. La délivrance vient de Lui; il faut Lui faire confiance en ayant confiance en soi-même, dans les situations en apparence les plus désespérées.

Biographie de l'auteur
Né à Basra, au Sud de l'Irak, en 327/939, Abû Alî at-Tanûkhî a longtemps exercé à Bagdad les fonctions de juge, comme son père et son grand-père. Contemporain des deux grands prosateurs Isfahânî et Tawhîdî, ainsi que des poètes Mutanabbî et Ma ârrî, il a notamment composé deux ouvrages considérables, Al-Faraj ba'da ach-chidda (La Délivrance après l'épreuve) et Nichwâr al-muhâdara (Brins de chicane), dont des extraits ont été publiés par Sindbad /Actes Sud en 1999.


Un des épisodes (tous variant autour du thème "sauvé par le gong"), met en scène des Kurdes du Fars, ce qui confirme, une fois encore, leur forte présence entre Chiraz et Ispahan, au X° siècle. Le récit, par ailleurs, infirme le dire qu'un Kurde n'a JAMAIS de chance, comme ils se plaisent souvent à le répéter jusqu'à plus soif... Il arrive, comme on va le voir, que Feleka Kurdan montre un visage très souriant...

"Le qâdî Abû 'Alî a raconté ceci : "'Adud ad-Dawla - Dieu l'ait en sa miséricorde -, alors qu'il n'était qu'un adolescent, s'était rendu depuis Ispahan dans le Fars, convoqué par son oncle 'Imâd ad-Dawla 'Alî ibn Buwayh, désireux de l'investir de la charge de prince héritier et donc d'en faire son successeur. Je voyageai avec lui. J'étais alors son chambellan. Arrivé à Samârim - une halte sur la route - il m'ordonna de me rendre auprès de Karkîr qui était le gouverneur des lieux pour le compte de son père Rukn ad-Dawla - que Dieu l'ait en sa miséricorde - pour lui demander de lui envoyer douze Kurdes prisonniers. 'Adud ad-Dawla avait appris qu'il les détenait et il les réclamait. mais Karkîr refusa d'obtempérer. "Ce sont des voleurs de grand chemin, dit-il. Ils ont pillé et tué. Je ne les remettrai que sur un ordre exprès de Rukn ad-Dawla." Je revins donc vers ce dernier et le mis au fait de la situation. "Retourne le voir et dis-lui : S'ils ont tué, je suis plus en droit que quiconque de les faire exécuter. Envoie-les moi que je les fasse mettre à mort."

Je repartis. Mais il persista dans son refus de les livrer. De retour auprès de 'Adud ad-Dawla, je lui rapportai les faits. Furieux, il m'ordonna d'enfoncer la porte de la prison et de lui ramener les Kurdes. J'exécutai son ordre, les amenai devant le billot et l'en informai. Il m'ordonna d'aller - en compagnie d'un autre de ses chambellans qu'il désigna - les tuer. Nous les amenâmes à un endroit où nous en exécutâmes trois. Quand ce fut le tour du quatrième, le chambellan qui était avec moi lui lança une flèche. Mais elle ne fit que le frôler. Il ordonna qu'on lui bande les yeux et qu'on lui tranche le cou avec un sabre. Je lui bandai les yeux avec un foulard de lin. Quand le bourreau leva le sabre avant de l'abattre, le foulard se défit, glissa sur le billot qu'il recouvrit. "Enlevez-moi ce foulard de là !" fit le bourreau. Avec le bout d'un bâton que j'avais dans la main, j'essayai de faire glisser le foulard pour permettre au bourreau de frapper, lorsqu'un messager de 'Adud ad-Dawla arriva en courant et cria : "Ne les tuez pas !" Nous nous arrêtâmes donc. J'allai voir le prince et lui fis le compte de ceux qui avaient été tués et de ceux qui vivaient encore et je lui racontai ce qui était arrivé à l'homme au foulard, ce qui l'impressionna beaucoup... Il le fit venir, découvrit l'endroit où la flèche l'avait frôlé... Elle avait laissé une légère trace à l'épaule. L'endroit était enflé et verdâtre, mais le trait n'avait pas pénétré dans la chair. L'étonnement de 'Adud ad-Dawla redoubla et il ordonna de libérer l'homme et de le couvrir d'une robe d'apparat, lui et ses compagnons restés en vie, ce qui fut fait."

La Délivrance après l'épreuve, traduit de l'arabe, présenté et annoté par Jean-Jacques Schmidt.

SHABAKS ET FAYLIS : DES KURDES DOUBLEMENT PERSECUTES


Un reportage de l’hebdomadaire kurde The Kurdish Globe attire l’attention sur la situation alarmante des Shabaks, ce groupe religieux kurde issu du chiisme comme les Alévis de Turquie, mais ayant développé, comme leurs cousins du nord, un culte original très éloigné du chiisme duodécimain des Irakiens. Moins connus et moins nombreux que les Yézidis, les Shabaks sont stigmatisés comme kurdes et comme « chiites ». Ils sont principalement localisés dans la province de Mossoul, et sont une cible privilégiée d’al-Qaïda. Ainsi le mouvement intitulé « Etat islamique en Irak » a récemment distribué des tracts dans la province, ordonnant aux Shabaks de quitter la région sous peine de connaître un « sort incertain ».

L’un d‘eux, s’exprimant sous couvert d’anonymat au Kurdish Globe a expliqué que sa communauté était prise entre deux feux dans la région : en tant que Kurdes, ils sont visés par les terroristes nationalistes et en tant que Shabaks, par les sunnites (majoritaires à Mossoul). Lui-même déclare avoir quitté la province il y a trois ans, en raison des attaques incessantes des insurgés contre son village, situé à seulement 15 km de Mossoul. Ce village s’était déjà rempli de familles shabaks ayant quitté la ville sous la menace : « Je pense que le motif principal qui se cache derrière cette déclaration est la volonté des partis islamistes sunnites de contrôler les zones habitées par les Shabaks, puisqu’ils sont kurdes et chiites. Nous demandons à Bagdad de trouver une solution à ces attaques. »

Selon un rapport émanant de la communauté shabak elle-même, plus d’un millier de personnes ont fui la province de Mossoul depuis 2004, et notamment des villages de Darwish, Bazawia, Kukjli, Khazna, et Fathlia, devant l’escalade de la violence.

Hanin Qado, président du bureau des minorités en Irak et membre du Parlement irakien dans le groupe de l’Alliance unie des chiites, mené par Abdul-Aziz al-Hakim, a demandé qu’une protection des minorités soit rapidement mise en place de la part de l’Etat irakien : « Ces menaces ont pour but de semer la discorde entre les composantes de l’Irak et à chasser (les Shabaks) hors de Mossoul. »

De son côté, Khasro Goran, un Kurde adjoint du gouverneur de Mossoul, explique que ce n’est pas la première fois, depuis 2004, que des extrémistes et des insurgés menacent les Shabaks. Selon lui, la principale raison en est qu’ils se considèrent comme kurdes et non arabes.

Des délégations de cette communauté se sont ainsi rendues plusieurs fois dans la Région du Kurdistan et ont demandé au gouvernement d’Erbil son aide. En attendant, ils attendent avec impatience l’application de l’article 140 de la constitution irakienne, qui leur permettra de se prononcer, par référendum, pour le rattachement de leur région à la Région du Kurdistan.

Les Shabaks sont estimés à 40 ou 60 000. Leur langue, le shabaki, est parfois reliée au dialecte kurde gorani, et comporte de nombreux emprunts au turc, à l’arabe et au persan. Ils sont répartis dans 35 villages à l’est de Mossoul.

Le nord et l’est de Mossoul, ainsi que la région de Ninive, comprend de nombreuses communautés non arabes et non musulmanes, qui sont particulièrement en but aux attaques des anciens baathistes et des sunnites extrémistes. En février dernier, l’enlèvement et la mort de l’archevêque chaldéen de Mossoul, Monseigneur Faraj Rahou, avait ému toute la communauté chrétienne d’Irak.

Autre groupe kurde durement persécuté et décimé en raison de son double statut ethnique et religieux, un nombre important de Faylis avait fui en Iran. Les Kurdes Faylis, vivent depuis des siècles sur la chaîne du Zagros, entre la frontière d’Irak et d’Iran. Contrairement à la majorité des Kurdes musulmans, ils appartiennent au chiisme duodécimain. Pour cette raison, accusés d’être « iraniens » par Saddam Hussein, lors de la guerre Iran-Irak, ils ont été déchus de leur nationalité et chassés du pays, ou bien déportés et exécutés en masse secrètement. Les réfugiés qui ont pu gagner l’Iran (plusieurs centaines de milliers dans les provinces de l’Ilam et d’Ahwaz) sont ainsi officiellement « apatrides » et vivent dans des camps comme celui de Jahrom. Seuls 760 d’entre eux, dans la province d’Ilam a pu avoir la nationalité iranienne, après une longue et difficile procédure. Beaucoup sont revenus en Irak après la chute de Saddam, et le nombre des Faylis qui a choisi, pour le moment, de rester en Iran tourne autour de 7000. Mais le responsable du camp de Jahrom, Gholamneza Ghasbarian, explique leur dilemme : « Quand ils reviennent en Irak, les gens disent « vous êtes Iraniens ». Ici, les gens disent qu’ils sont Irakiens et doivent repartir. En Irak, ils rencontrent beaucoup de problèmes – en premier lieu l’insécurité. Et puis ils sont exilés depuis si longtemps, ils n’ont plus de contacts là-bas, ni emploi ni maison. »

En 2005, la nouvelle constitution irakienne a stipulé que les Irakiens privés de leur nationalité pouvaient faire une demande afin de la récupérer. Cela serait une solution légale pour les Kurdes faylis, mais ils ne semblent guère optimistes : « Nous avons survécu au régime de Saddam, quand nous étions jetés dans des bassins d’acide. « Mais vous ne pouvez séparer le passé du présent. Nous n’avons pas confiance en les gouvernements – l’ancien ou le nouveau. Nous ne pouvons pas retourner là-bas, pour des raisons de sécurité, politiques, et religieuses. »

Kurt Faili se plaint ainsi que des amis qui sont retournés en Irak ont reçu des cartes d’identité d’une couleur différente des autres cartes irakiennes – une source possible de discrimination. Dans certains gouvernorats irakiens, comme ceux de Missan, Wassit et Karbala, la procédure pour recouvrer sa nationalité s’est avérée longue et difficile.

Sans papiers officiels, les réfugiés qui reviennent en Irak ne peuvent avoir accès aux services de santé, à l’éducation et à l’emploi. Leur liberté de mouvement est aussi limitée. « Ce que nous souhaitons est la sécurité et la stabilité pour nos enfants. Des ambassades étrangères sont déjà venues ici en promettant de l’aide. Mais c’était il y a 28 ans et nous sommes toujours ici. (source unhcr org).

mercredi, mai 21, 2008

Radio : poésie arabe, nadine picaudou

Dimanche 25 mai à 18h10, sur France Culture : Anthologie de la poésie arabe classique (VI°-XII° siècle). Avec Hoa Hoï Vuong (ENS Fontenay/St-Cloud) et Patrick Mégabarné (Ecole Polytechnique). Cultures d'islam, A. Meddeb.
"Voici enfin disponible une anthologie en deux volumes de la poésie arabe qui est " la mine des sciences des Arabes, le livre de leur sagesse, les archives de leur histoire, le trésor de leurs grandes journées ", selon les mots du critique et historien Ibn Qutayba (IXe s .). Le duo qui l'a composée, un Vietnamien et un Syrien rassemblés par l'amitié, l'amour de la poésie et la langue comme le vécu français, nous initient aux voix des premiers poètes du désert dont les fameux Imru' al-Qays et Tarafa, traduit dans notre langue dès le XIXe siècle. Mais nous sommes aussi conviés à entendre les accents des poètes qui ont procédé à la révolution thématique et formelle en ce Bagdad effervescent et cosmopolite du IXe s. De ces voix bagdadiennes, retenons celle d'Abû Nuwâs, hédonique chantre des plaisirs et des jardins qui fleurissent et projettent leur ombre dans les palais au bord du Tigre ou de l'Euphrate. Pensons aussi à celle d'Abû Tammâm, plus marquée par le souci de la performance langagière. Tandis que le parcours de cette anthologie nous fera aussi entendre la voix cinglante et sceptique de l'aveugle qui a vécu à Ma'arra (à quelque cent km à l'ouest d'Alep) à la fin du Xe s. Ce qui ne nous dispense pas de chevaucher dans la solitude, entre Irak, Syrie et Egypte, avec Mutanabbi qui a la prédilection des Arabes en raison de son orgueil, de son héroïsme, de sa provocante jactance, lui qui se dit tout autant l'allié du désert, de la nuit comme de la feuille de papier sur laquelle il couche le poème.
Bibliographie :"Ors et saisons. Une anthologie de la poésie arabe classique" ; "Le Dîwân de Bagdad. Le siècle d'or de la poésie arabe". Les deux volumes sont traduits de l'arabe par Hoa Hoï Vuong et Patrick Mégarbané et publiés aux éd. Sindbad/Actes Sud, le premier en 2006, le second en 2008."
Jeudi 29 mai à 6h00 sur France Culture : UTLS- Islams d'aujourd'hui. Autoritarisme politique et monde musulmans ; cours de Nadine Picaudou. L'Eloge du savoir.

Kirkouk : Pomme de discorde ou atout kurde au sein de l'Irak ?

CIA, Janvier 2003

Falah Mustafa Bakir, le chef du Bureau des Affaires étrangères du GRK, a, le mois dernier, dans une interview donné au Kurdish Globe, insisté sur "l’engagement constitutionnel" que représentait l'article 140 imposant un référendum sur le rattachement de Kirkouk au Kurdistan d'Irak, même si, une semaine auparavant, il avait tenu des propos plus souples, sur l’éventualité d’une solution alternative, dans laquelle le gouvernement kurde pourrait être un acteur majeur. Ces propos avaient été largement répercutés dans la presse kurde et arabe, avant que Falah Mustafa Bakir ne revienne dessus en affirmant que l’AFP avait tronqué et décontextualisé ses propos en gauchissant leur sens : "Le fait que le GRK appelle à une résolution de ce problème ne signifie en aucune façon qu’il fera une quelconque concession au sujet des territoires revendiqués et tout particulièrement Kirkouk."

S’exprimant à ce sujet, le président de la Région du Kurdistan, Massoud Barzani, a réitéré avec fermeté sa volonté de résoudre ce problème "historique à l’origine de tous les conflits entre le gouvernement irakien et les Kurdes. Cette question peut être résolue par l’article 140. » Sinon, « ce serait une grave menace pour la stabilité de l’Irak", a-t-il ajouté.

L’opposition à Kirkouk de mouvements arabes et turkmènes est déterminée à empêcher la tenue de ce référendum, qui verrait très probablement une victoire des Kurdes, lesquels forment la majorité dans la ville et son district. Ahmed Amid al-Obeidi, le leader du Front irakien de Kirkouk, affirme que la crise ne se résoudra pas en trois mois mais en plusieurs années : "Il n’y a aucune solution possible dans le cadre de l’article 140", en ajoutant que les Arabes n’abandonneront jamais Kirkouk, ni n’accepteront d’être soumis au gouvernement kurde.

Les Turkmènes proche d’Ankara et appuyés par les Turcs dans leurs revendications, font chorus. Kanan Shakir Uzeyragal, un de leurs représentants, souligne qu’aucune des "conditions préalables pour la mise en place et l’organisation de cette consultation n’a été achevée, pas plus que les décisions de justice sur les terres contestées, ou le recensement. Sur les 40.000 cas de litiges de proriétés, seulement 10% ont été résolus. Quant au recensement, il n’a même pas commencé."

Hassan Turan, un Turkmène membre du Conseil provincial de Kirkouk fait part de ses doutes : "Dans la réalité, le référendum est un rêve. Personne ne le soutient, excepté les Kurdes, alors pourquoi sont-ils si obstinés ? La seule solution est un accord politique impliquant une répartition équitable des pouvoirs entre les communautés, au coeur des institutions locales."

Mais "l’obstination des Kurdes" à ne rien céder sur cette question leur sert d’atout dans leurs négociations avec le gouvernement central, concernant d’autres avancées cruciales pour la survie de la Région du Kurdistan, telles que les lois sur le Pétrole et sur le statut des Peshmergas en Irak. Le 15 avril, un député de la Coalition kurde au parlement de Bagdad, Mhamma Khalil, avait ainsi révélé à l’organe de presse Voice of Iraq que la rencontre prévue entre le Premier ministre kurde Nêçirvan Barzani et Nouri Al-Maliki, devait porter à la fois sur le statut des Peshmerga et leur financement par l’Irak, la loi sur le pétrole et le gaz et un nouvel agenda pour l’application de l’article 140.

De fait, après une année ponctuée par de multiples désaccords et des déclarations houleuses entre le gouvernement kurde et le ministre irakien du Pétrole, Hussein al-Shahristani, un accord a été signé le 16 avril, entre Erbil et Bagdad, au sujet de la gestion des ressources naturelles (notamment pétrolières et du gaz) au Kurdistan. Dans cet accord, officiellement annoncé par le porte-parole du gouvernement irakien, Ali Al-Dabbagh, tandis que Nouri Al-Maliki était en visite à Bruxelles, le gouvernement kurde accepterait un report de 6 mois supplémentaires pour la tenue du référendum contre la reconnaissance par l’Irak de la légalité des contrats déjà passés entre le GRK et des sociétés étrangères pour l’exploitation et la gestion des puits de pétrole, même si le porte-parole n’a fait état que d’un accord mutuel pour laisser l’ONU gérer la question des territoires revendiqués par les Kurdes, ce qui n’a pas été toutefois expressément confirmé par Erbil.

Cet accord, s’il devient effectif, est surtout vu par les observateurs irakiens comme un coup rude porté à l’autorité et à la crédibilité du ministre Al-Sharistani, un adversaire majeur et particulièrement virulent de l’autonomie de décision et de gestion du gouvernement kurde dans le domaine des hydrocarbures. Rochdi Younsi, un analyste du groupe Eurasia pour le Moyen-Orient, estime que cela met à mal la crédibilité du ministre irakien, tout en ne faisant que repousser le problème de Kirkouk. Selon cet observateur, une telle concession de la part du gouvernement irakien pourrait avoir été inspirée par le Premier ministre, Nouri Al-maliki, en quête de soutien politique alors qu’il était aux prises à une violente résistance des factions chiites refusant de se laisser désarmer. Il juge cependant que même si un accord est conclu en ce sens avec les Kurdes, Nouri Al-Maliki n’est pas plus assuré de rallier à lui tous les mouvements chiites. "Mais dans le contexte politique irakien, les leaders en concurrence les uns avec les autres, s’efforceront toujours d’éviter le pire, en cherchant des solutions à court terme à une multitude de conflits sectaires, politiques et économiques."

Jusqu’ici, le projet de loi sur le pétrole et le gaz qui avait été accepté par le parlement irakien en février dernier ne satisfaisait pas les Kurdes, qui accusaient l’Irak d’avoir modifié considérablement la teneur de la version initiale, pour laquelle Erbil avait donné son accord en février 2007, à l’aide d’amendements. Le GRk souhaitait ainsi l’indépendance financière et de gestion des sociétés pétrolières travaillant au Kurdistan, et non qu’elles soient supervisées par le ministère irakien du Pétrole. Depuis le mois de juillet dernier, ce n’est pas moins de quatre versions modifiées qui avaient été présentées par la Commission irakienne.

De même, le statut des Peshmerga, sur lequel le vote du budget de l’Irak pour l’année 2008 avait achoppé début janvier, et qui avait été finalement laissé à la décision du Cabinet, a été finalement reconduit. Les Peshmergas qui fonctionnent actuellement comme une force semi-autonome, ne sont donc pas compris dans la loi sur le désarmement des milices, ce qui fait bien sûr hurler le Front turkmène qui voudrait que les bataillons qui contrôlent Kirkouk soient déclarés aussi illégaux que l'armée du Mahdi, voire d'Al-Qaïda. Mais voilà : "Les gardes de la province agissent sous couvert de légitimité, car ce sont des forces organisées", a déclaré le Premier ministre de l’Irak à l’issue d’une rencontre avec Nêçirvan Barzanî. Les Peshmerga restent ainsi officiellement au sein de l’armée irakienne, formant deux divisions de 25.000 à 30.000 hommes, entretenues aux frais de l'Irak et non pas de la Région du Kurdistan. Les troupes agissant en dehors des régions kurdes seront, en principe, retirées. Mais si le conflit avec les milices sadristes reprend, malgré la récente mainmise de l'armée irakienne sur leur quartier, on peut supposer que les peshmerga serviront de force d'appoint rassurante pour le pouvoir central. Le nombre de désertions au sein de l'armée irakienne des effectifs chiites quand il s'agit de combattre leurs coreligionnaires a certainement contribué à adoucir la position du gouvernement de Bagdad sur les "milices kurdes".

De son côté, Nêçirvan Barzani a fait une conférence de presse à Erbil pour exposer et confirmer les termes de cet accord : "Concernant la loi sur les hydrocarbures, toutes les négociations en cours devront se faire dans un cadre constitutionnel, sur la base du projet de loi préalablement négocié en février 2007, qui sera bientôt soumis au vote de l’assemblée nationale irakienne. Pour les Peshmerga, une commission sera formée par le gouvernement fédéral. Elle visitera la Région du Kurdistan dans un futur proche afin de discuter des questions pratiques. Pour l’article 140, le processus se poursuit dans le cadre établi par les Nations Unies, qui doivent faire part de leurs propositions aux gouvernements kurdes et irakiens dans un proche avenir. " Nêçirvan Barzani a par ailleurs nié qu’il y ait, de la part du gouvernement irakien, une volonté d’entraver l’application de cet article. Sur les futures propositions de l’ONU il indique que les Kurdes "auront leur mot à dire" et qu’il est probable que, comme l’a d’ailleurs annoncé le représentant des Nations Unies pour l’Irak, les premières mesures seront appliquées à titre d'essai dans les régions où la question du référendum est la moins conflictuelle.

Mais le plan qui devait être présenté le 15 mai par Steffan de Mistura, le représentant de l'ONU en Irak, se fait finalement attendre, ce qui fait grogner Adnan Mufti, le chef d'état-major de la présidence kurde : "Nous ignorons les raisons de ce retard, qui nous surprend parce que nous avons eu deux réunions avec de Mistura là-dessus et il était optimiste sur le fait qu'il pourrait le présenter le 15 du mois." Une telle "impatience" de la part d'Adnan Mufti et l'allusion à ces deux réunions peut laisser supposer qu'il avait eu vent des grandes lignes de ce plan, et qu'elles satisfaisaient les Kurdes. Un retard peut laisser craindre d'ultimes tergiversations ou concessions à une quelconque partie adverse. Affaire à suivre...

mardi, mai 20, 2008

un médiateur international pour la question kurde en Turquie

"COMMUNIQUE DE PRESSE
Paris, le 20 mai 2008

1000 personnalités kurdes demandent la désignation d’un médiateur international pour un règlement pacifique de la question kurde en Turquie.

Dans un appel publié le 20 mai dans l’International Herald Tribune et Le Monde, mille personnalités politiques et culturelles kurdes de tous bords appellent à un règlement pacifique de la question kurde en Turquie sur la base des demandes minimales du peuple kurde :

• « La constitution en cours d’élaboration ne doit pas définir la citoyenneté selon l’appartenance à la souche turque, elle doit mettre un terme à la négation du peuple kurde et reconnaître son existence. Les citoyens kurdes doivent disposer dans leur langue d’un système d’enseignement public de tous niveaux ; leur droit à l’usage de leur langue dans l’espace public, à créer et exploiter des média en kurde, à fonder des associations, des institutions et des partis pour développer leur culture et pour exprimer et défendre librement leurs aspirations politiques doit être garanti.

• Sur cette base, afin de créer un climat de paix et de confiance et de clore définitivement la page de la violence et d’affrontements armés, une amnistie politique sans exclusive doit être décrétée et le PKK doit déposer les armes selon une procédure à définir. De même, le système des milices dites « gardiens de village » doit être supprimé. »

Les signataires demandent à l’Europe et aux Etats-Unis, qui ont leur part de responsabilité dans la tragédie humaine vécue par le peuple kurde tout au long du 20ème siècle de désigner un médiateur international expérimenté pour faciliter la recherche d’une solution pacifique. Ils citent notamment les noms de Bernard Kouchner, Tony Blair, Martti Ahtisaari ou Felipe González en raison de leur expérience dans le règlement des questions irlandaise, basque, catalane et kosovare.

Rappelant que le cycle de répression-révolte-répression sévit depuis deux siècles au Kurdistan, les signataires soulignent qu’il n’y a pas de solution militaire à la question kurde et qu’il est grand temps de rechercher un règlement politique pacifique.

Tous les dirigeants des partis pro-kurdes légaux (DTP, Hak-Par, KADEK), une vingtaine de députés, une centaine de maires et d’ex-maires, d’artistes, écrivains, universitaires et intellectuels kurdes de sensibilités diverses figurent parmi les premiers signataires. L’appel sera ensuite ouvert à la signature de l’ensemble de la population kurde de Turquie dans le cadre d’une campagne civique qui s’étendra sur plusieurs mois.

La coordination en Europe de cette campagne est assurée par l’Institut kurde de Paris en partenariat avec les principales organisations kurdes, notamment KOMKAR (Union des associations du Kurdistan, Allemagne), KON-KURD (Confédération des associations kurdes, Belgique) et le Washington Kurdish Institute."

Bronzes du Luristan

Bronzes du Luristan : Enigmes de l'Iran ancien (IIIe-Ier millénaire avant J-C) :




Bronzes du Luristan, énigmes de l'Iran ancien
Editions Paris Musées.

"Le Luristan, région montagneuse de l'Iran occidental qui domine les confins de la plaine mésopotamienne, a livré au cours du siècle dernier plusieurs milliers de bronzes antiques. Puisant dans les collections publiques et privées d'Europe, l'exposition que cet ouvrage illustre en présente plus de deux cents.
Cet ensemble sans précédent témoigne de la richesse et de l'originalité d'un art métallurgique d'une très grande technicité. Exceptionnels entre tous, les bronzes de l'âge du fer (1300-650 av. J.-C.) affichent une iconographie exubérante. Des créatures hybrides et composites, génies d'une mythologie qu'aucun texte n'éclaire, peuplent mors de chevaux, armes, épingles et idoles. Art sans pareil, la civilisation du Luristan resta longtemps dans l'ombre. Il fallut attendre les années 1960 et l'essor de la recherche archéologique dans cette région pour qu'une partie du voile soit levée.
Cette rétrospective d'une ampleur inédite clarifie, grâce aux contributions majeures des plus grands spécialistes du domaine, nos connaissances sur cette civilisation énigmatique et l'histoire de son art."


Concert de soutien à l'Institut kurde