lundi, mars 31, 2008

Conférence : les Assyro-Chaldéens et l'Irak

Mercredi 2 avril 2008 de 16h à 18h

Le destin des Assyro-Chaldéens en Irak

par Ephrem-Isa Yousif


Institut national des langues orientales, département Eurasie, section kurde.
Centre Universitaire de Clichy
106 quai de Clichy
92110 Clichy
Métro : ligne 13 - station Mairie de clichy
Autobus : ligne 54 - station Léon Blum, 74 Hôpital Beaujon, 174 Mairie de Clichy, 340 Léon Blum

Aux origines du génocide : le désastre de Sarikamich

C'est peut-être une récurrente bévue de l'armée turque de ne jamais prêter attention à l'hiver oriental, comme le relevait Ahmet Zekî Okçuoglu. En tout cas le désastre de Kars et l'aveuglement d'Enver Pacha, plus la manie des mauvais perdants de trouver un ennemi interne comme cause d'une défaite au lieu de faire face à sa propre incompétence, bref, le destin des Arméniens était scellé.

"Enver, nommé vice-généralissime, se rend en décembre à Erzouroum au quartier général de la 3° armée pour préparer une vaste opération dans le Caucase, qui lui ouvrirait la route de Bakou, centre pétrolier et capitale de l'Azerbaïdjan. Sans attendre de meilleures conditions climatiques, sans préparation logistique, en plein coeur de l'hiver qui, cette année-là, est particulièrement rude, il engage sa 3° armée sur le plateau arménien. Il projette de couper l'armée russe de sa base de Kars et de l'enfermer à Sarikamich. Le commandant en chef russe ordonne une retraite générale, mais, sur place, les généraux refusent d'obéir à cet ordre. En janvier, Prjévaslki et Youdénitch contre-attaquent. Face à des troupes russes plus aguerries et mieux équipées, la 3° armée ottomane, ravagée par le typhus et le choléra, est anéantie à Sarikamich au début de janvier 1915 : plus de 60 000 morts et de 12 000 prisonniers. Les débris de l'armée "touranienne" refluent à travers les vilayets orientaux, talonnés par les troupes russes, qui pénètrent profondément dans la provinced'Erzouroum et menacent Van. Des officiers aux soldats, les Turcs désignent les Arméniens comme principaux responsables d'une défaite qui relevait d'une faute de stratégie. Les soldats excitent contre eux les populations musulmanes et les bandes kurdes : les massacres reprennent, traditionnels depuis 1828 dans les guerres russo-ottomanes. A la fin de janvier, les soldats et les gendarmes arméniens sont privés de leurs armes, réunis en petits groupes de 50 à 100 hommes détachés dans des bataillons de travail. Ils sont employés à des travaux de voirie ou à des corvées de portefaix. Ces groupes sont progressivement exécutés. A la même date, les fonctionnaires arméniens sont congédiés et leurs passeports intérieurs sont retirés aux Arméniens. Ces mesures discriminatoires annoncent une plus vaste opération."

"C'est après Sarikamich que l'Ittihad décide de passer à l'acte. Ce désastre militaire menace son existence et, dans un climat politique facilitant un comportement paranoïaque, les dirigeants du Comité Union et Progrès considèrent la suppression des Arméniens comme une nécessité vitale."

"La déportation est conçue comme un parcours d'obstacles au départ duquel on a sciemment éliminé les plus résistants - les hommes adultes - afin de supprimer toute possibilité de rébellion organisée, et le long duquel on décime régulièrement les participants afin que, au terme il ne reste plus qu'un résidu déshumanisé, tamisé par la famine, la soif, le froid et la maladie. Marchant sur des chemins de montagne, sans eau ni vivres, les déportés sont régulièrement attaqués par des tribus kurdes qui les rançonnent et enlèvent les femmes, les jeunes filles et les enfants, et par des bandes de
tchété qui, en des points choisis, comme les gorges surplombant l'Euphrate, anéantissent des convois entiers, qu'ils précipitent dans le fleuve. Le pays n'est plus qu'un vaste charnier. Des milliers de cadavres s'entassent sur les chemins ; les arbres et les poteaux télégraphiques sont chargés de pendus ; les rivières charrient des corps mutilés qu'elles abandonnent au long des berges. L'Arménie turque est devenue une terre brûlée, un pays ruiné."

J'ignorais, par ailleurs, que les Yézidis de Sindjar, dont les rapports n'étaient pourtant pas si bons que ça avec les chrétiens, en tout cas les Chaldéens (lesquels les jugeaient aussi hérétiques que les musulmans), avaient abrité des Arméniens :

Il reste pourtant des Arméniens dans l'Empire ottoman : les déportés parqués dans les camps sur l'axe Alep-Maan, au sud de la Palestine ; ceux qui se cachent à Alep, à Mossoul ; ceux qui ont été enlevés par les Kurdes, les Arabes et les Tcherkesses ; les enfants qui ont survécu dans des orphelinats turcs ou chrétiens ; quelques familles d'Arméniens arrachées à la mort par l'intervention du nonce apostolique, monseigneur Dolci, ou par des missions américaines. Dans quelques villes, les Arméniensont été préservés par l'intervention énergique d'un fonctionnaire ottoman. Les Arméniens habitants Constantinople avant la guerre ont été épargnés, alors que les immigrés ont été déportés. Ceux de Smyrne, à la demande du général allemand Liman von Sanders, ont également échappé à la déportation. De-ci, de-là, des personnes ont pu se cacher chez des amis kurdes ou turcs. La montagne du Sindjar, habitée par des Kurdes yézidis, fut un refuge pour des centaines d'Arméniens. Quelques communautés arméniennes se sont soulevées et les Turcs ont mobilisés des divisions pour vaincre leur résistance à Ourfa, à Chabin-Karahisar et dans les Sasoun. Dans le Djebel Mousâ, 4 000 Arméniens ont tenu la montagne, le dos à la mer. Des navires français les ont repérés et les ont transportés à Port-Saïd."

L'accord Sykes-Picot :

"La France et l'Angleterre s'attribuent un territoire d'administration directe dans des zones A et B indiquées sur des cartes et y figurant en deux couleurs, bleu et rouge. La zone bleue, d'intérêt français, comprend la Cilicie, le golfe d'Alexandrette, le littoral de la Syrie, le Liban et les territoires allant du Taurus à la frontière perse. Sazonov, s'inquiétant d'une pénétration française dans les régions de Diyarbakir et du Taurus, a accepté d'abandonner à la France la Cilicie, et la Russie recevait en échange des territoires peuplés de Kurdes, de Lazes et de Kizilbaches."

Amusant que ce terme plutôt désuet de "kizilbaches" perdure, pour désigner les Alévis. Le fait qu'on les distingue des Kurdes est, par contre, moins surprenant. A l'époque, kurdes était plutôt synonyme de musulmans. Ainsi, parlant des populations d'Alep, dans les Sept piliers de la sagesse, Lawrence d'Arabie mentionne séparément les Kurdes et les Yézidis.

"Les jeunes-turcs avaient mis au point un système de défense qui se résumait en trois points : les Arméniens se sont révoltés ; le gouvernement a dû les déplacer pour éviter qu'ils collaborent avec l'ennemi ; en dépit des précautions prises pour protéger leurs biens et leurs personnes, il y eut, lors de ces transferts, des morts par le froid, la soif, la faim, les maladies ou l'agression des convois par des bandes de déserteurs ou des Kurdes. Depuis bientôt un siècle, cet argumentaire n'a pas changé. Ce sont les mêmes réponses que la Turquie oppose aux preuves irrécusables du génocide. L'argument premier d'une révolte arménienne est à la fois la justification de leur destruction et le premier temps de la négation. Il a précédé le génocide, puisque le mouvement révolutionnaire arménien développé dans les années 1890 avait contribué à former les militants jeunes-turcs alors opposés au régime hamidien et que ce modèle n'avait cessé de les inquiéter - il créait la menace d'une indépendance arménienne, menace insupportable pour le nationalisme turc. En revanche, l'accusation d'une révolte arménienne en 1915 ne tenait pas : en dépit de provocations multiples, il n'y avait eu ni complot ni soulèvement des Arméniens, tout au plus des mouvements d'autodéfense en dernier recours."

XIII. Le génocide de 1915 et la fin de l'Empire ottoman.

ERBIL : DÉCOUVERTE ARCHÉOLOGIQUE MAJEURE ET RESTAURATION DE LA CITADELLE


Une équipe d’archéologues tchèques, menée par Karel Nováček, de l’université de Bohème occidentale, a mis au jour dans la citadelle d’Erbil, des outils datant de 150 000 ans, soit le Paléolithique moyen. C’est jusqu’à présent les plus anciens artefacts humains retrouvés dans la région.
« Historiquement, a déclaré Karel Nováček, c’est la première fois que les Tchèques sont impliqués au nord de la Mésopotamie. Mais nous n’avions pas choisi Erbil – c’est elle qui nous a plus ou moins choisis. Une société privée tchèque spécialisée dans la conservation historique était présente sur place depuis 2004 et nous avons pu ainsi y démarrer une activité. Nous avions dans l’idée qu’Erbil – une cité dont l’histoire remonte à 6000 avant J.C– serait idéale pour une expédition tchèque. » Le projet a dû pourtant faire face à un certain nombre de contraintes, avec lesquelles l’équipe a dû composer, notamment le fait qu’au rebours de beaucoup de sites archéologiques, Erbil offre la particularité presque unique en son genre d’avoir été constamment habitée et de l’être encore : actuellement, avec une population d’un million, c’est la troisième ville d’Irak après Bagdad et Mossoul “Contrairement aux cités assyriennes de Nirud ou de Ninive, qui n’ont pas duré au-delà du Moyen-Âge, Erbil a survécu. Les autres sites ont été par conséquent bien plus faciles à fouiller. À Erbil, en comparaison, il a été bien plus difficile de fouiller dans le sous-sol. »
Travailler dans une ville encore en activité a en effet obligé les chercheurs tchèques à utiliser différentes méthodes pour sonder des endroits intéressants: “À Erbil, il est impossible de se contenter de fouiller un peu partout, en découpant une zone en morceaux, comme cela se faisait au XIXe siècle. Nous avons donc choisi une combinaison de méthodes pour une reconstitution en mosaïque – en prenant des mesures géophysiques non invasives, en étudiant les bâtiments existants, le terrain, en analysant les anciennes photographies aériennes et les clichés satellitaires. Nous avons aussi examiné les documents datant d’il y a 50 ans, avant que beaucoup des anciens sites de la ville n’aient été détruits ou altérés. » Selon le spécialiste tchèque, l'équipe a pu reconstituer des « rubans » d'informations qui serviront à une meilleure compréhension d'Erbil dans son ensemble - une ville dont l'ancien centre, appelé « citadelle », se dresse à une hauteur de près 30 mètres au-dessus du reste de la ville. Avec son mur d'enceinte – elle est bâtie sur une couche d'anciennes fondations et de bâtiments datant de 6000 ans avant JC. « La Citadelle selon toute vraisemblance, a une histoire ininterrompue allant de 6000, peut-être même 7.000 années avant Jésus-Christ. Dans ses niveaux, elle conserve des vestiges de l'architecture originale monumentale de la ville assyrienne: des temples et des palais royaux, le temple d'Ishtar etc.. Pour le reste de la ville, nous sommes sur un terrain plus hypothétique, mais nos recherches donnent à penser qu'il y avait une zone plus vaste, qui faisait partie de l'ancienne ville assyrienne. »
Les archéologues tchèques ont opéré aussi en-dehors de la citadelle, profitant de la construction prévue d'un immense hôtel et centre commercial dans la nouvelle partie de la ville. Ils ont été alors en mesure de creuser neuf mètres dans le sous-sol et c'est là qu'ils ont finalement découvert des outils datant du paléolithique moyen, vieux de 150.000 années : des silex tranchants utilisés par des Homo sapiens ou des hommes de Néanderthal (Homo neanderthalensis), puisqu’à l’époque les deux espèces se côtoyaient encore en Mésopotamie. “Nous ne saurons probablement jamais qui a véritablement fabriqué ces outils – pas sans preuves anthropologiques concrets : ce sont juste les vestiges de l’un des peuples préhistoriques qui ont habité la région. Ce n’était pas du tout prévisible sur un site comme Erbil. Dans une zone d’habitat, une telle trouvaille a un caractère presque unique. Aussi, l’identité de ceux qui utilisaient ces outils – servant à couper la viande ou des peaux d’animaux – restera probablement un mystère. »
Les outils découverts à Erbil pourraient être les plus anciens jamais retrouvés dans la région. “Nous ne sommes pas certains de leur âge exact et si ces objets sont plus vieux qu’une découverte faite par les Américains il y a 50 ans. Mais les leurs étaient situés à 150 km d’ici, donc il est certain que c’est au moins la plus ancienne trouvaille à Erbil. »
L’équipe tchèque a commencé ses travaux en 2006 et fera part de ses découvertes dans des publications courant 2010. Mais Karel Nováček espère continuer les fouilles dans le futur. “Concernant le Palélolithique, il a encore une foule de recherches que nous pouvons mener, bien que cela requiert un matériel lourd. Mais il y a aussi d’autres possibilités : En 2007, les bâtiments datant de l’Empire ottoman – sans doute les seuls exemples restés intacts en Irak – ont été vidés de leurs habitants qui ont été relogés. Une rénovation attentive des édifices historiques a commencé. Mais le plan a rencontré des obstacles et les bâtiments sont restés vides deux ans, ce qui n’est pas bon. Nous espérons pouvoir conduire des recherches lorsque les choses redémarreront. »
De fait, les plans de restauration de la Citadelle sont trop lentement mis en place et plusieurs experts ont appelé le Gouvernement kurde à se soucier davantage de son patrimoine historique et archéologique, en soulignant que si des travaux importants n’étaient pas menés pour consolider les remparts, ils pourraient s’affaisser et des bâtiments s’effondrer. Plusieurs de ces grandes demeures ottomanes gardent en effet une décoration intérieure impressionnante, avec des fresques peintes, des fenêtres aux verres colorés, des arcades aux piliers en bois ou en marbre. Mais les murs et les toits (dont certains effondrés) sont en trop mauvais état pour assurer une protection efficace contre les intempéries.
Selon la Haute Commission pour la restauration de la citadelle d’Erbil (HCECR) 40 % des bâtiments courent un grave danger, 20% sont dans un état qualifié de « moyen ». Fin 2007, le gouvernement avait décidé la restauration de la Citadelle et demandé à ses habitants (des réfugiés dont les villages avaient été détruits par Saddam) de quitter les lieux moyennant compensation. Une seule famille avait été requise pour rester dans la Citadelle de sorte que l’occupation humaine continue depuis des millénaires ne soit pas interrompue. Après l’évacuation, le gouvernement a demandé au HCECR et à l’UNESCO de superviser les restaurations et d’œuvrer pour que le site soit sur la liste du Patrimoine mondial. Mais les lenteurs et l’échec des équipes ont décidé le gouvernement à remanier la direction de la Commission, il y a trois mois.
“Pendant presque un an, rien n‘a été fait pour la Citadelle », a déclaré Dara Yaquobi, le nouveau chef de la commission. Cet architecte, qui a déjà travaillé dans la Citadelle pendant les années 1980, s’est dit prêt, avec l’UNESCO, à reprendre le travail. La rénovation de la citadelle doit se faire en trois phases. D’abord, les maisons seront soigneusement documentées et un plan général mis en place. Dix maisons, parmi celles en plus mauvais état, seront immédiatement restaurées. Selon Dara Yaqoubi, l’UNESCO s’estime prêt à commencer ce sauvetage en avril prochain.
La deuxième phase du projet est de reconstruire les infrastructures de la Citadelle, dont le système de canalisation d’eau, l’électricité, le téléphone, Internet, et de rénover la plus grande partie des maisons restantes. Dara Yaquobi a indiqué que le Gouvernement kurde avait débloqué 12.9 de $US pour cette phase.
Enfin, la partie autour de la Citadelle appelée « zone-tampon », sera elle aussi remise à neuf : le voisinage, les boutiques, elles-mêmes assez anciennes et dans un état assez semblable à celui de la Citadelle. “Je pense que dans 10 ans, la Citadelle sera en assez bon état », assure Dara Yaqoubi. L’architecte se plaint cependant, de l’absence de contacts soutenus avec l’UNESCO dont les visites à son équipe sont trop rares : « Leur temps est très limité, je ne peux pas les rencontrer facilement. Quand ils viennent à la Citadelle, ils sont extrêmement prudents et protégés par des forces de sécurité. Il n’y a aucun besoin de telles procédures car le Kurdistan est sûr. »
Ce mois-ci, il a été cependant annoncé dans une conférence de presse que l’UNESCO a accepté de faire figurer « provisoirement » la Citadelle d’Erbil sur la liste du patrimoine mondial. Après la rénovation, cinquante familles seront autorisées à vivre sur place, dont Khalis Younis Mustafa, propriétaire d’un magasin d’antiquités situé dans la Citadelle même : “Les gens qui vivront dans la Citadelle devront être éduqués afin d’en prendre soin, de ne pas la détruire. Le gouvernement doit faire de cette citadelle un endroit vivant. Les gens qui y vivent doivent parler l’arabe et l’anglais car beaucoup de touristes la visitent et ils voudront poser des questions sur son histoire. »

RAPPORT 2009 DE HUMAN RIGHTS WATCH SUR LA SITUATION DES KURDES EN SYRIE ET EN IRAN


Human Rights Watch-Royaume Uni a publié ce mois-ci son rapport annuel pour 2009, qui étudie notamment la situation des Kurdes, qui continuent de faire face à une politique d’intimidation et de discrimination principalement en Syrie et en Iran.
En ce qui concerne la Turquie, le rapport suggère au gouvernement d’accorder plus de droits culturels et spécifiques à ses deux minorités kurdes et roms : « Il y a des indications sur une levée des interdictions encore en vigueur sur l’usage de langues autres que le turc, et la Réglementation des programmes de diffusion turcs a introduit une législation en septembre permettent d’émettre 24 heures en d’autres langues, à la télévision et à la radio. »
En Syrie, par contre, le rapport se montre beaucoup plus sévère, estimant qu’1,7 million de Kurdes continuent de souffrir de discrimination, d’une absence de représentation politique, et de restrictions sérieuses concernant leur expression culturelle et sociale. « Il y a tout particulièrement un certain nombre de mesures mises en place pour réprimer l’identité kurde, en restreignant l’usage de la langue kurde en public, à l’école et sur les lieux de travail. Les publications en langue kurde sont interdites ainsi que les célébrations des fêtes kurdes, comme le Nowruz, le Nouvel an traditionnel kurde. »
Le rapport ajoute que 300 000 Kurdes continuent de se voir refuser la citoyenneté, et que le décret présidentiel 49 remet en cause les droits des citoyens kurdes à la propriété dans les zones frontalières, ce décret affectant particulièrement les Kurdes. « Les Kurdes en Syrie se plaignent que cela leur interdit de facto de vendre, d’acheter ou d’hériter de terres. » De plus, plus de 150 Kurdes ont été emprisonnés pour des motifs politiques en 2009, surtout après des manifestations et des célébrations de Newroz. Le 20 mars 2009, la police a utilisé un bulldozer pour abattre les estrades dressées pour la fête dans cinq villes et villages kurdes.
En dehors de ces arrestations, Human Rights Watch mentionne 19 décès de Kurdes faisant leur service militaire, alors que les corps des victimes portaient des traces de torture ou de blessure par balles qu’elles n’avaient pu s’infliger elles-mêmes.
En Iran, la situation n’est guère plus réjouissante dans le domaine des droits de l’homme ainsi que celui des minorités, tels les habitants de l’Ahwaz, du Khuzistan, du Baloutchistan, du Turkmenistan et, bien sûr, du Kurdistan, qui font tous face à une lourde politique d’intimidation et de répression, allant en s’aggravant. Le rapport indique que dans les jours qui ont suivi les résultats des élections présidentielles, alors que tout le pays était gagné par la contestation, une série d’exécutions massives a eu lieu dans les prisons des régions frontalières du pays, en guise d’avertissement lancé aux populations locales, sans doute pour les dissuader de prendre part au mouvement.
Les Kurdes sont parmi ceux qui ont payé le plus lourd tribut à cette politique d’exécution : “Le 11 novembre, Ehsan Fattahian a été exécuté après avoir été condamné préalablement à dix ans de prison en exil, sa peine ayant été alourdie en haute cour. Nous exprimons nos craintes que Fattahian ait été torturé en détention, et que son procès ait été entaché d’irrégularités. Plusieurs ressortissants de groupes minoritaires attendent dans les couloirs de la mort, accusés de terrorisme, de trahison ou d’agissements contre la sécurité nationale. »
Human Rights Watch-Royaume Uni aborde aussi la situation des droits de l’homme en Irak et au Kurdistan d’Irak, en soutenant le Centre indépendant des media au Kurdistan et l’ONG allemande WADI, qui œuvre pour éradiquer la pratique de l’excision dans la région kurde, ceci avec le soutien du gouvernement du Kurdistan et du ministre hollandais des Affaires étrangères. Le rapport indique que des visites officielles dans les prisons de la Région kurde en novembre 2009 ont montré la volonté du Gouvernement régional kurde pour fournir des installations adéquates et faciliter la réinsertion. Notant que les violences domestiques et les crimes dits « d’honneur » restent un problème dans tout l’Irak, que des milliers de femmes irakiennes sont tuées ou battues chaque années, HWR prend acte que dans la Région kurde ces crimes sont désormais punis aussi sévèrement que les autres et ne sont pas traités différemment par les autorités judiciaires. “Les mutilations génitales féminines [FGM] sont aussi très répandues. Mais le Gouvernement régional kurde et un pourcentage croissant de la population prennent de plus en plus conscience de leur existence et du besoin de traiter ce problème.”

IRAK : DES LÉGISLATIVES AUX RÉSULTATS INCERTAINS


Le 7 mars avaient lieu les élections législatives dans tout l’Irak. Aux 19 millions d’électeurs inscrits en Irak (sur une population d’environ 30 millions) s’ajoutait presque un million et demi d’Irakiens expatriés un peu partout dans le monde, qui devaient voter entre le 5 et le 7 mars dans les ambassades de 16 pays. Le total des candidats était de 6. 218, dont 1. 801 femmes, se répartissant sur 12 listes regroupant 74 partis. Entre 500 et 600 observateurs internationaux étaient présents, ainsi que 200 à 300 000 observateurs locaux, pour 10 000 centres de votes et 46 000 bureaux locaux.

Les résultats non définitifs mettent au coude à coude le Mouvement national irakien, mené par l’ancien Premier ministre Iyad Yallawi, dont la liste est créditée de 91 sièges sur 325 sièges. Il est talonné de très près par la coalition État de droit du Premier Ministre sortant Nouri Al-Maliki, qui obtient 89 sièges mais qui a demandé un recomptage. Un des principaux changements de ces législatives est l’adoption d’un système de listes “ouvertes”, où les électeurs pouvaient choisir des candidats individuels dans chaque liste, au lieu de voter pour la totalité d’une liste “fermée” comme précédemment. Ce système, recommandé par l’UNAMI, avait déjà été utilisé pour les élections des Conseils provinciaux mais c’était la première fois qu’il servait aux législatives.

Autre changement, le nombre de sièges au Parlement est passé de 275 à 325. Selon la constitution irakienne, un siège correspond à 100 000 électeurs, mais il y a des sièges réservés d’office : 8 sièges vont ainsi aux Irakiens vivant à l’étranger et 8 aux diverses minorités religieuses, yézidis, shabaks, chrétiens, mandéens.

Parmi les principales listes, l’Alliance nationale irakienne est une coalition de grands partis chiites, l’Unité irakienne d’Al-Hakim, le mouvement d’Al-Sadr, le mouvement de la Réforme nationale de l’ancien Premier ministre Jaafari, et les partis religieux Dawa et Fadhila. La liste comprend aussi l’ancien ministre du Pétrole Ahmad Chalabi et une coalition des Tribus d’Irak.

État de droit, la liste du Premier Ministre irakien, Nouri Al-Maliki, comprend des membres du parti chiite Al-Dawa en sécession. Bien que se déclarant officiellement laïque et multi-ethnique, les candidats en sont en fait largement chiites, avec quelques petits partis sunnites, chrétiens et kurdes.

Al-Iraqiyya ou Mouvement irakien national, mené par l’ancien Premier ministre Iyad Allawi se présente comme une coalition laïque de chiites et de sunnites, mais dont les grandes figures sont sunnites, avec Tariq Al-Hashimi, vice-président irakien, à la tête de son nouveau parti, le Renouveau, et surtout le controversé Saleh Al-Mutlak, et son Front national du dialogue, dont les liens avec le parti Baath interdit ont failli le faire interdire d’élections par la Haute Commission électorale irakienne.

Al-Tawafuq ou Front irakien de la Concorde, est un parti sunnite qui a perdu sa position dominante par rapport à 2005, au profit de la liste d’Iyad Allwai. Il s’est allié pour ces législatives à un parti sunnite turkmène et comprend plusieurs candidats indépendants. L’Unité irakienne rassemble le Mouvement du réveil, un parti sunnite qui a remporté la majorité des sièges aux élections provinciales d’Anbar en 2009, le Parti constitutionnel irakien du ministre de l’Intérieur Jawad al-Bolani et un autre mouvement sunnite. Ahmed Abu Risha, le leader du Réveil, menait la liste.

Du côté kurde, l’Alliance du Kurdistan et la liste Gorran ont fait campagne à part, n’ayant pu s’entendre pour se coaliser, contrairement aux législatives de 2005, en raison des relations tendues entre l’UPK et son mouvement dissident.

La campagne électorale a été émaillée de quelques violences dès février, parfois directement dirigées contre des candidats ou des partis, comme Saleh Al-Mutlaq, dont le bureau a fait l’objet d’une attaque à la bombe, ou bien le Quartier général de l’Alliance nationale irakienne. Al-Qaïda a d’ailleurs appelé les sunnites à boycotter ces élections, à grands renforts de menaces, mais sans succès.

Les attaques contre la population civile n’ont pas faibli. Le 3 mars, deux voitures piégées ont explosé à Baquba (Diyala) tuant 33 personnes et en blessant 55. À Mossoul, plusieurs assassinats et intimidations de chrétiens, des attentats contre des églises, ont fait plus de 20 victimes dans cette communauté et obligé 680 familles à se réfugier temporairement dans la plaine de Ninive, protégée par les Peshmergas kurdes. Le jour même du scrutin, 38 personnes ont été tuées et 110 blessées à Bagdad, dans des attaques ciblant directement les électeurs. Auparavant des flyers émanant de groupes sunnites en rébellion ont appelé la population à ne pas se rendre aux bureaux de vote. Les attaques ont été principalement menées avec des roquettes, des mortiers, et des bouteilles de plastiques bourrées d’explosifs et dissimulées dans des poubelles, pour contourner l’interdiction d’accès à tout véhicule près des bureaux de vote. Le bilan fourni par l’Iraqi Body Count Project est d’au moins 228 morts du 12 février au 7 mars. Nonobstant les violences annoncées contre les électeurs qui allaient braver les appels au boycott, la participation au scrutin, si elle a été moindre qu’en 2005 est restée relativement importante.

Dès février, les intentions de participation au scrutin étaient assez conséquentes. Les sondages officiels faisaient état de 63% d’intention de vote parmi les chiites contre 58% pour les sunnites et 67% chez les Kurdes. Les résultats préliminaires ont montré une participation nationale de 62.4%, la province ayant le plus voté étant celle de Duhok, avec 80% de participation, suivie par Sulaïmanieh avec plus de 70% de participation. Le dépouillement a été marqué par une grande incertitude dans les résultats, tant les scores respectifs des listes ont été serrés et variables au fur et à mesure que le comptage des différentes provinces avançait.

Alors que le 11 mars, 30% seulement des bulletins avait été comptabilisé, la liste du Premier ministre Nouri Al-Maliki paraissait en tête dans 9 des 18 provinces de l’Irak, tandis qu’Iyad Allawi dominait, sans surprise, les provinces sunnites arabes, ce qui a incité peut-être un peu trop hâtivement, des journaux étrangers, comme l’Irish Times à proclamer Nouri Al-Maliki vainqueur avec 100 sièges remportés sur 365.

De même, le parti kurde Gorran a été donné vainqueur en se fondant sur les résultats de Sulaïmanieh, la ville, alors que la province n’avait pas encore été dépouillée, et l’Alliance du Kurdistan a d’abord été annoncée comme ayant remporté 8 sièges sur 12 à Kirkouk.

Le 12 mars, la coalition État de droit était encore en tête avec près de 179 000 voix, suivie par l’Alliance nationale irakienne avec 160 000 voix, tandis qu’Al-Iraqiyya d’Iyad Allawi en faisait 124. 00 et l’Alliance du Kurdistan arrivait en quatrième place avec 100 000 voix. Cet ordre se maintint avec le dépouillement de Bagdad, le 13 mars, même si une percée des Sadristes fut enregistrée à Sadr City, le quartier chiite de la capitale. Mais la liste de Maliki l’emportait dans la province chiite emblématique de Kerbalah, à Basra et à Wasit. À Mossoul, Iyad Allawi reculait devant les nationalistes d’Al-Hadhba mais l’emportait à Anbar. Dans la Région du Kurdistan, l’Alliance du Kurdistan fut donnée sans surprise vainqueur à Duhok avec 170 00 votes, suivie de très loin par l’Alliance islamique (31 000 voix), le parti Gorran n’obtenant qu’un score insignifiant (12 000) dans cette province, bastion historique du PDK. À Sulaïmanieh, alors que Gorran avait d’abord semblé prendre la tête, l’Alliance du Kurdistan repassa devant son rival. Mais la surprise fut surtout à Kirkouk, où le parti kurde était donné comme largement favori, et qui se retrouva, avec seulement 120 664 voix, légèrement dépassé par la liste sunnite Al-Iraqiyya et ses 123 862 voix. Iyad Allawi apparut d’ailleurs en tête pour tout l’Irak le même jour, en dépassant les listes chiites.

Mais le soufflé sunnite devait un peu retomber dès le 17 mars, alors que 91% des buleltins avaient été recensés. À Kirkouk, l’Alliance kurde repassait devant la liste sunnite avec un avantage de 3 198 voix et cet écart devait s’accroitre au fur et à mesure que le dépouillement des votes progressait dans des districts à majorité kurde. De même, Al-Iraqiyya, qui avait dépassé le 17 mars l’État de droit de 9 000 voix, – ce qui avait incité Nouri Al-Maliki à réclamer un recomptage des voix en parlant de « fraude »– se faisait de nouveau battre par 40 000 voix en faveur de la liste chiite dès le lendemain.

Mais le 20 mars, Iyad Allawi dominait à nouveau avec un avantage infime de 8 000 voix. Par ailleurs, les réclamations et accusations de fraude se sont fait entendre de toutes parts, aussi bien de la part de Maliki contre son rival sunnite que des partis sunnites contre la liste du Premier ministre, ainsi que des Kurdes contre Allawi à Kirkouk, ce dernier leur renvoyant la politesse. Gorran, dont le score fut faible à Mossoul attaqua de même Al-Iraqiyya dans ce secteur, bien que ce soit surtout la liste Al-Hadhba qui semble devoir l’emporter.

Divers partis, kurdes comme arabes, accusèrent aussi l’étranger de manipulations et de fraudes : les USA, l’Iran, l’Arabie saoudite, etc. Finalement, devant les résultats très serrés entre Nouri Al-Maliki et Iyad Allawi, et sur l’insistance du Premier Ministre, il a été décidé de recompter les votes, au moins pour Bagdad, le 19 avril.

Le Parlement devant élire le Premier Ministre et le président, ces élections portaient aussi sur la gouvernance directe du pays. En toute logique, le poste de Premier Ministre doit revenir au vainqueur des législatives, mais Al-Iraqiyya et État de droit ayant fait un score quasi-identique, les chiites de l’Alliance nationale irakienne et surtout les Kurdes se trouvent donc une fois de plus dans la position de « faiseurs de rois ».



Province
%
Etat de droit
Alliance nationale irakienne
Unité irakienne
Alliance du Kurdistan
Union islamique kurde
Islamic Kurdish Society
Anbar
100%
6,156
4,805
294,420
43,224
n/a
n/a
n/a
n/a
56,171
Babil
100%
231,939
180,193
104,746
15,846
1,167
n/a
n/a
n/a
8,520
Baghdad
100%
903,360
561,659
841,755
29,568
19,732
1,817
946
n/a
53,413
Basra
100%
431,217
237,010
75,387
9,253
n/a
n/a
n/a
n/a
16,511
Dahuk
100%
n/a
179
n/a
n/a
332,951
22,590
59,969
3,075
n/a
Dhi Qar
100%
235,446
244,818
43,706
19,710
334
n/a
n/a
n/a
n/a
Diyala
100%
63,969
85,821
245,025
6,427
47,749
7,976
2,107
n/a
23,463
Erbil
100%
n/a
404
n/a
n/a
458,403
103,397
51,065
62,706
n/a
Karbala
100%
179,517
81,794
36,061
10,852
n/a
n/a
n/a
n/a
n/a
Kirkuk
100%
11,862
12,517
211,675
n/a
206,542
30,528
21,772
6,363
15,037
Maysan
100%
102,566
135,319
15,913
5,202
n/a
n/a
n/a
n/a
n/a
Muthanna
100%
98,998
71,699
17,712
21,356
1,432
n/a
n/a
n/a
666
Najaf
100%
197,377
152,698
29,652
7,432
524
n/a
n/a
n/a
n/a
Ninewa
100%
15,755
38,693
593,936
53,897
239,109
9,134
4,673
1,237
64,204
Qadisiyah
100%
133,067
133,821
55,030
12,362
805
n/a
n/a
n/a
n/a
Salaheddin
100%
31,026
21,260
233,591
52,942
21,776
2,415
n/a
n/a
60,241
Sulaymaniyah
100%
n/a
188
n/a
n/a
350,283
298,621
103,188
79,149
n/a
Wassit
100%
149,828
129,188
51,003
18,576
907
n/a
n/a
n/a
n/a
Total
2,792,083
2,092,066
2,849,612
306,647
1,681,714
476,478
243,720
152,530
298,226

RÉPARTITION PROVISOIRE PAR GOUVERNORATS ET NOMBRE DE SIÈGES
Gouvernorat
Etat de droit
ANI
al-Iraqiya
Alliance kurdistani
Sièges
0
0
11
-
-
2
1
-
-
14
8
5
3
0
-
0
0
-
-
16
26
17
24
0
0
1
0
0
-
68
14
7
3
-
-
-
0
-
-
24
-
0
-
9
0
-
-
1
0
10
8
9
1
0
-
-
0
-
-
18
1
3
8
1
0
0
0
0
-
13
-
0
-
10
2
-
-
1
1
14
6
3
1
-
-
-
0
-
-
10
0
0
6
6
0
0
-
0
0
12
4
6
0
-
-
-
0
-
-
10
4
3
0
0
-
0
0
-
-
7
7
5
0
0
-
-
0
-
-
12
0
1
20
8
0
1
1
0
0
31
4
5
2
0
-
-
0
-
-
11
0
0
8
0
0
2
2
-
-
12
-
0
-
8
6
-
-
2
1
17
5
4
2
0
-
-
0
-
-
11
Sièges
compensatoires
2
2
2
1
0
0
0
0
0
7
Minorités
0
0
0
0
0
0
0
0
0
8
Total
89
70
91
43
8
6
4
4
2
325

Concert de soutien à l'Institut kurde