jeudi, juin 28, 2007

La tragédie du bombardement chimique de Halabja


"Dans la nuit du 13 mars 1988, les gens de la ville de Halabja, entendirent le bruit d'un bombardement puissant de missiles, d'artillerie et de mortiers, venant des chaînes montagneuses de Ballamiw, Shirniwî, Hewraman.

Les habitants de Halabja avaient pris l'habitude de ces bruits depuis le début de la guerre Iran-Irak. Mais le son et l'écho de ces bombardements avaient quelque chose de différent... C'était comme une pluie de feu... L'horizon des montagnes étincelait... Le bruit de l'artillerie et des missiles se faisant entendre sans interruption... Les gens montèrent sur le toit de leur maisons et sur les places élevées pour savoir ce qui se passait, et la plupart ignoraient qu'il s'agissait de l'attaque des forces iraniennes et du Kurdistan pour libérer Halabja.

Quand le jour se leva, les bruits des bombardements se rapprochèrent, de sorte que les habitants pouvaient voir à présent le feu et la fumée des missiles et de l'artillerie, sur les montagnes et en bas. L'artillerie du Baath n'était d'ailleurs pas restée inactive et bombardaient les attaquants. A dix heures du matin, la nouvelle courut que l'Iran attaquait Halabja.

Les habitants s'inquiétèrent et commencèrent de rassembler leurs affaires. Ceux qui avaient des voitures et d'autres moyens de transports se préparèrent à partir pour la ville de Silêmanî. Les forces de sécurité et les services secrets du régime commencèrent à tirer autour de la ville de Halabja avec des mortiers et des mitraillettes, ce qui était une indication de l'avancée des forces iraniennes. Ces dernières étaient parvenus rapidement à atteindre le sommet des montagnes et les endroits élevés autour de Halabja, en particulier sur le mont Ballamiw, au sud de la ville. Dans la soirée du 14 mars, les bombardements commencèrent de toucher la ville. Les forces du Baath ne pouvaient plus rester au-dehors de Halabja, et durent se retirer dans la ville. Cette retraite incita les Iraniens à bombarder davantage l'agglomération. Au total 9 civils furent tués et 40 blessés. Des monts Sorîn et du Hewraman, les forces iraniennes attaquèrent la route et le pont de Zelm, afin de bloquer complètement la ville. Après plusieurs batailles meurtrières, et les tirs de l'artillerie iranienne, celle-cu fut en mesure de contrôler le pont de Zelm au matin du 15 mars 1988, après un combat qui se traduisit par une effroyable boucherie et de grandes pertes humaines.

Après cela, Halabja se trouvait de fait derrière les positions iraniennes. Il n'était plus possible à ses habitants de fuir la ville. Une partie des forces de sécurité du régime avait fui à Silêmanî. Plusieurs d'entre eux avaient été tués sur la route, une aprtie aprvint saine et sauve à Silêmanî. Halabja était abandonnée au milieu des explosions, de la fumée, de la poudre et du feu. Les forces militaires irakiennes étaient complètement dispersées, beaucoup de ses soldats avaient été tués et ses postes et lignes de défenses se reportèrent à l'ouest du Shahrazûr, dans les districts de Zerayîn et Said Sadiq. Entre le 14 et le 17 mars, sur l'ordre d'Adnan Kheirullah, les Baathistes firent exploser toutes les maisons et les bâtiments de la ville de Said Sadiq et ses habitants furent déportés dans les villages collectifs de Nesr, Barike et Zerayîn.

La nouvelle de l'occupation du pont de Zelm parvint aux habitants de Halabja. Ils l'apprirent au moment même où un bombardement massif avait lieu sur Halabja, tandis que les habitants se réfugiaient dans les caves. Le 15 mars, aorès des combats de 10 heures du matin jusqu'à 4 heures de l'après-midi, Halabja fut entièrement contrôlées par les forces iranniennes. Les habitants quittèrent donc les caves où ils se terraient depuis 2 jours pour rentrer chez eux. Mais ils ne trouvèrent qu'une ville détruite, des bureaux saccagés, des scènes de terreur, de douleur et de mort. Des cris, des gémissements, des pleurs... A tous égards, la ville ne ressemblait plus qu'à une vaste cave. Quand les forces du Kurdistan et de l'Iran entrèrent dans la ville, c'était presque le soir. Beaucoup de gens avaient évacué les lieux et étaient partis en direction des villages. Tout le monde ignorait que le jour suivant, Halabja deviendrait un champ d'expérimentation pour les armes de destruction massive les plus meurtrières, et serait changée en une ville fantôme.

Au matin du 16 mars 1988, au lever du jour, les gens allèrent au marché et se promenèrent dans les rues et les ruelles de Halabja, comme d'habitude. Mais l'aspect de la ville avait bien changé. De nombreux gardes iraniens étaient visibles. Les scènes de destructions frapapient la vue. Les gens, inquiets, dans l'expectative, sortaient de chez eux. Une foule se rassembla bientôt au centre ville. Quant à ceux qui avaient fui hors de la ville, la plupart restèrent dans les villages. Mais certains revinrent avant midi. C'était un printemps de mort... Le ciel était clair, la saison douce, et la plaine et tous les alentours de la ville étaient reverdies. A 11h45 du matin, alors que plusieurs familles préparaient les tables pour déjeuner, le bruit des avions secoua soudain le ciel au-dessus de la ville, tandis que l'explosion des bombes au napalm assourdissaient les tympans. Les avions tournèrent au dessus de la ville et revinrent.

Les explosions des bombes étaient si fortes qu'elles firent trembler la ville. Le bombardement dura 5 minutes, tuant un certain nombre de civils. Après 7 minutes, un autre escadron aérien, venu du mont Ballamiw bombarda Halabja. La fumée, les appels et les hurlements des femmes, des enfants et des vieillards déchiraient l'atmosphère. Toutes les 10 minutes, un escadron d'avions survenait et bombardait la ville sans pitié. Le ciel au dessus de Halabja fut couvert de nuages noirs. Ils détruisirent et pilonnèrent tout. Ceux qui survécurent furent dispersés et quittèrent leurs maisons et leurs familles, essayant de fuir dans les montagnes. ceux qui avaient des caves y descendirent pour sauver leur vie. La ville fut lourdement bombardée de 11h45 à 2h00 de l'après-midi. Les fugitifs qui cherchaient à quitter la ville formaient de longues files. Affolés, ils s'échappaient précipitamment vers Gollan, Bamok, Sazan, Ebabaylî, Dollemer et Eneb.

Le 16 mars 1988, à 2h30 de l'après-midi, les mots "bombes chimiques" furent prononcés par les gens de Halabja, figés par l'épouvante. Ils cessèrent de respirer, et impuissants, tombèrent au sol un peu partout. Puis les quartiers de Jukakan ("des Juifs") et de Qurdane furent bombardés. Le soir, la route de Halabja à Eneb, le village d'Eneb, la route de Halabja à Ebabaylî, la route de Halabja-Gollan-Bawekoçek, la route de Halabja à Sazan furent lourdement bombardées par des bombes chimiques. Un grand nombre de gens furent touchés et ne se relevèrent pas. La plus rgande catastrophe eut lieu sur la route de Halabja à Eneb et dans le village d'Eneb. Il était très difficile de rester au milieu de ce bombardement empoisonné. Ceux qui restaient en vie avaient la peau brûlée, devenaient aveugles ou perdaient connaissance durant 2-3 jours, ou souffraient de dyspnée. Le bétail, les oiseaux et la végétation payèrent aussi le prix de cette tragédie. De loin, on pouvait voir des couleurs rouge, blanche et orange dans le ciel au dessus de la ville, s'étendant comme une ombre sale au dessus d'elle. Des odeurs d'ail, de fruits pourris et d'eaux croupies aveuglaient les yeux et obstruaient le nez. Ces fumées stagnèrent plus de deux heures et demi au-dessus de la ville. Les survols des avions ne cessaient pas et ne stoppèrent même pas à la nuit. La ville fut désertée, tandis que les corps de ses habitants s'empilaient dans les rues, les passages et dans les maisons.

C'était une scène de pure terreur. Du 17 au 18 mars 1988, les avions du Baath bombardèrent sans relâche, avec des bombes chimiques, les villages où les gens avaient fui : Eneb, Sazan, Kosawa, Hawar, Haware Kon, Dere Niwî, Giryane, Ebabaylî, Dillemerr, Dereshîsh, Ahmed Awa et les villages autour de la ville de Khurmal. Il ne restait plus d'endroits où se réfugier pour les gens de Halabja, hormi les montagnes et la frontière iranienne... La mort était partout."

Mémoires de Halabja, Bekir, Heme Sidîq Arif.

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