mercredi, mai 30, 2007
Radio : Henry Corbin
- En islam iranien, par B. Latour. Entretien avec Henry Corbin, 1973.
- Civilisations contemporaines : l'Iran, par B. Latour, 1974.
- L'heure de culture française : L'Iran, le chiisme et l'ismaïlisme, 1957.
mardi, mai 29, 2007
Hewlêr-Roissy
samedi, mai 26, 2007
Kirkuk
Kirkouk est une fournaise (45°) avec de basses collines jaunes et pelées, des tells, du pétrole, et aussi des champs de blé déjà moissonnés pour la plupart. Il faut vraiment être de cette ville pour tenir à y revenir. Cela dit, les Kurdes ont parfaitement raison de ne pas céder. Ce n’est même pas tant pour le pétrole, les gisements de Kirkouk, exploités depuis les années 20 commencent à s’épuiser et ceux de Zakho seraient bien plus riches et avec un meilleur pétrole. Mais ça va bien, quoi : Kirkouk, Khanaqin, Sindjar, on ne transige pas. Et tant pis si ça heurte la sensibilité hystérique de la Turquie, à qui personne ici ne demande rien, sauf une poignée de Turkmènes soutenus par Ankara et dopés par les Loups gris, ex-Baathistes ayant tout perdu depuis la chute du régime. Quant on voit le vote turkmènes de 2005, soit pour l’Alliance kurde soit pour les chiites, on se demande comment Ankara, qui n’a jamais rien fait durant l’Anfal pour protéger ses « frères » touraniens, et dont le parti chouchou du Front turkmène s’est pris une claque aux élections, peut avoir le toupet de se poser en aîné protecteur, tout en geignant sur « l’arrogance de Barzani ».
A Hewlêr, temps un peu moins chaud qu’à Kirkouk (juste 39°) mais lourd et orageux. Ce matin un beau ciel bleu pour les derniers jours.
PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT
Halabja
"Entree interdite aux Baathistes', celle la je l adore.
Le mémorial est à l’entrée de la ville, mais le cimetière au centre, après la traversée des rues et du quartier le plus touché par le bombardement, dont les maisons qui figurent sur les clichés et les films iraniens, sur les peintures du musée, sont encore là (la porte de la célèbre photo aussi). Le cimetière annonce d’emblée la couleur, avec un certain humour amer : « Il n’est pas permis au Baath d’entrer ici ». Immédiatement, sur la droite, trois stèles pour une famille de victimes. Puis deux fosses communes, dans lesquelles furent jetés pêle-mêle les corps que les Peshmergas ont ramassés et enterrés là, pendant un mois, sans pouvoir les identifier tous. Il faut se représenter de ce que doit être la collecte et le ramassage de 5000 corps tombés un peu partout dans toute une ville et ses environs. Après un mois, raconte Nariman, on tirait un cadavre par les cheveux, le cuir chevelu restait dans les mains. » Plus loin, au bout du cimetière, une statue et sur un carré de pelouse, un bon millier de stèles, chacune non pour une personne mais pour une famille.
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vendredi, mai 25, 2007
Koya, Silemani, le Shahrazur
Koya est très chaud, mais l »hôtel est situé en hauteur, au dessus de la ville aussi le vent qui y souffle est parfait. On petit déjeune sur la terrasse en plein vent et on repart voir nos amis des ASAISH qui sont encore plus souriants et fondants, (ben oui depuis le temps qu’on se connaît hein) et on repart dans un autre bureau ou un autre policier en civil encore plus gentil et attendri devant mon bahdini (que j’essaie de soraniser un max) fait le fameux papier demandé.
Naturellement au lac Dokan, les responsables rétorquent que ce papier là concerne Koya et pas eux et que le papier de Saywan vient d’Erbil (bonjour l’esprit de réunification). En fait, ils veulent simplement mettre leur grain de sel à eux, et profiter de la distraction offerte. L’un d’eux nous accompagne au lac, pour vérifier que Roxane ne prend ni le bâtiment des services ni la maison de Talabani etc. Par contre il se fait volontiers tirer le portrait, faut croire que ça ne compte pas.
Silêmanî semble plus animée que Hewlêr au sens où ses habitants marchent plus vite dans la rue, affairés comme de vrais Parisien parfois. Sinon je ne vois guère de différence, le soir tout ferme assez tôt, les gens sont peut-être moins démonstratifs au premier abord que les Bahdini mais très gentils et serviables, gracieux. La ville en elle-même, beaucoup moins ancienne que Hewlêr, n’a pas grand-chose à montrer et sa réputation de ville plus « moderne » que Hewlêr me semble exagéré, tout ça pour quelques filles en T shirt… Cela a même un côté plus oriental que le Bahdinan, on sent l’Iran approcher.
Le lendemain Halabja, ville qui inquiète beaucoup les Yézidis apparemment, vu qu’on a l’objurgation instante de ne pas y dormir, mais de retourner passer la nuit à Silêmanî. Tout ça parce que les islamistes y sont, parait-il, plus actifs ou a cause des recentes emeutes ?. Bah ils vont pas nous lyncher. "Si vous avez le moindre problème, appelez-moi". Je ricane : « franchement, si on était cerné par les islamistes, ce n’est pas toi qu’on appellerait… » Appeler un député yézidi à la rescousse au milieu d’Ansar al Islam ? mdr… et pourquoi faire valoir ses relations avec un député juif pour impressionner des Skin Head pendant qu’il y est ?
Pour se rendre de Silêmanî à Halabja il faut traverser le Shahrazur, région dont l’importance pour les Kurdes fut grande à l’âge classique et au MoyenÂge, et dont est issu Shams ad Dîn le Shahrazurî, grand biographe de philosophes, dont Shrawardi, dont il fut le disciple postume et dont il commenta abondamment sa Sagesse de l’Orient. La carte indique la ville de Shahrazur pour un emplacement qui peut être celui d el’actuel Said Sadiq. En tout cas ce n’est qu’une bourgade pauvre et sale, comme les villes alentour. Le contraste entre les deux zones, PDK UPK est tout de même saisissant. Mais la plaine du Shahrazur est très jolie avec ses grands conifères, sa rivière et ses vignes. Les Shahrazuri sont aussi assez beaux, souvent mince, avec un beau visage et des yeux lumineux.
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mercredi, mai 23, 2007
Shaqlawa
En route pour les attractions écologiques de la région, Geli Ali Beg, Bêxal, sur une route superbe. J’avais déjà vu une des chutes d’eau mais en été et là elles sont encore plus impressionnantes. Après la balade en montagne, on atterrit à Shaqlawa, qui depuis 1994 n’a finalement guère changé je trouve, sauf qu’il y a plus d’hôtel, que ce n’est plus ni l’embargo ni la guerre civile, mais en fin de compte la ville a gardé son charme de jolie bourgade de montagne, très bucolique, la nuit c’est le festival des rossignols. Naturellement ( ?) on a encore failli se faire enlever dans une vcoiture officielle qui prétendait nous ramener jusqu’à Erbil sous prétexte que monsieur avait à y faire le lendemain et peut-être même dans les trois, jours qui suivent, et n’entendait absolument pas nous lâcher dans la nature, alors qu’il avait été finalement convenu que l’on restait une nuit à Shaqlawa, qu’on le rejoignait à Erbil le lendemain (à ce moment-là il assurait qu’il aurait fini dès midi) et que l’on pourrait retourner à Lalesh et Shêxan. Sauf que finalement, sa liberté étant très hypothétique dans les jours qui suivent, ça ne lui convenait plus du tout de nous débarquer à Shaqlawa, d’où, horreur, on aurait peut-être décidé de filer vers Dukan ou Rawanduz si lui restait à Erbil. Les Kurdes adorent nous garder sous la main, à portée, tandis qu’ils vaquent à leurs occupations, c’est pas la première fois qu’on nous fait le coup, mais ils n’ont pas tous l’habitude qu’on leur tienne tête avec tant d’énergie, visiblement. Et puis ils ont le reflexe de rapt dans les genes ces grands abandoniques. Déconfit, dépité de ce que sa ruse soit éventée, le Pîr nous accompagne jusqu’au premier hôtel ouvert, un motel pas cher du tout, tenu par des Arabes qui n’entendent pas un mot de kurde (ce ne sont pas les seules ici). Jouant les bons princes (ou les bons pirs) il négocie en arabe pour rabattre le prix de 35 000 dinars à 30 000. C’est correct, eau chaude mais hélas avec panne de courant tenace. Celui qui tient l’hôtel est un Arabe de Djenou ? près de Babil ? qui me raconte sa vie abondamment et en arabe. Il a été arrêté par les Baathistes, emprisonné et torturé (il a une carte d’une association iraqienne des victimes de Saddam) et d’après ce que j’ai compris il s’est réfugié ici, sa femme travaille dans un autre hôtel de Shaqlawa et le reste de sa famille (il n’a pas d’enfant) est resté à Djenou ? Entre mes mots arabes et son peu de vocabulaire kurde, la conversation était drôle mais on n’a pu pas mal se comprendre. Sauf quand il prononce les mots kurdes à l’arabe, il faut capter (benir pour penir) mais avec ça très gentil et serviable, bien que vraie moulin à paroles dans une langue que je ne suis pas censée parler.
A l’hôtel Medya, tenu par des Arabes et dont les serveurs ne comprennent guère le kurde, c’est pas terrible et arrosé au Sprite. On décide de se mettre en quête du restaurant hôtel de Seydo, qu’on finit par trouver après avoir demandé ça et là et finalement on nous y mène en voiture. On passe la fin de la soirée autour de deux efes et les garçons du restaurant obligeamment nous raccompagnent, ravis de la distraction : un Assyro-chaldéen et un Kurde, tous deux parlant le kurde d’ailleurs, ce qui change.
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lundi, mai 21, 2007
Salahaddin
Comme perosnne ne semble connaître la Citadelle et nous envoie vers Hewlêr, on va voir Ibrahim Hassan, le chef du PDK qui nous fait les laisser-passer et nous trouve un taxi. Journée comme on les aime, à crapahuter en plein soleil, photo, relevés, prises de notes, dans la montagnes, avec un paysage de montagnes et de champs de poivrier. Il fait plus chaud depuis le matin, on sent que l’été est déjà là.
PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT
Hewler-Salahaddin
au bazar de Hewler toujours les sourires ils doivent se demander ce qu on trouve en France vu qu ici on photographie meme les fromages comme si on en avait pas chez nous.
Dîner au bureau d’Ahmet Zeki. Lui, avec les années, il ne change pas, toujours marrant et adorable ? Comment juger à l’aune commune ce fou magnifique ? Avec la vie qu’il a eu, garder cette énergie et ce rire secret, sous ses bougonneries et ses indignations foudroyantes. Et cet enthousiasme pour les écrivains, la pensée, les philosophes, son rêve de tout traduire en kurde… Attablés sur la terrasse, bière en main, dans l’air doux du soir, dans Hewlêr paisible, on s’est remémoré nos souvenirs.
- Depuis quand on se connaît, demande Ahmet, 2000 ?
- Tsss… 1999. Mars 1999.
Il hoche la tête épaté par la précision et avec Roxane on affine.
- On peut trouver le jour. Attends, le 19 mars on est arrivé à Van. Le 20 on s’est fait expulser, le 21 on était au Newroz avorté d’Istanbul.
- Le 23. C’était le 23 mars.
- A quelle heure ?
- A 15 heures. Le matin on était au HADEP. On a vu Ahmet le 23 mars 1999 à 15 heures.
Et voilà, je me tourne vers lui et lui annonce triomphalement la date.
- 23 mars 1999 à 15 heures on te voyait pour la prmeière fois. A 18 heures on était au resto, à 21 heures on était torchés.
Il est étonné mais se souvient.
Et nous donc… Mars 1999 Newroz agité dans la boue la pluie et la neige à Van. Ocalan venait juste d’être arrêté on a même vu des chars à Istanbul, sur Istiklal caddesi. Et nous avec une délégation d’avocats qui passons à son bureau. A l’époque, c’était le premier avocat d’Öcalan, que ce dernier avait désigné, bien qu’Ahmet figurât sur la liste noire du PKK. Ahmet qui par patriotisme accepte, espérant faire ainsi tout le procès de la Turquie dans la question kurde. Du coup, il était devenu l’homme le plus hai en Turquie après Öcalan, agressé, ses enfnats obligé de cacher leur parenté. Quand il entrait dans ses restaurants habituels de Beyoglu les serveurs tremblaient. Et au milieu d’une énième délégation inutile et ennuyeuse d’avocats qui ne tarderaient d’ailleurs pas à se faire chier avec nous, il nous remarque on se remarque, clin d’œil. Les avocats toujours pompeux, invite cérémonieusement Ahmet Zeki au restaurant. Ahmet refuse d’abord, alléguant beaucoup de travail et un emploi du temps débordé, ce qui était vrai. Puis, à la réflexion, l’interprète revient vers nous : « il demande si vous viendriez aussi ? » « Euh, oui. » « Ah bon, alors d’accord, il accepte. » La tronche des autres… A table tous les Kurdes ont manœuvré pour qu’on soit ensemble, au bout, à côté d’Ahmet quoi. On est resté 4 ou 5 heures à table. Ça, Ahmet s’en souvient, et je me souviens de l’ennui irrité des avocats à côté, qui commençait à trouver le temps long, surtout que l’une était venu avec le guide Gallimard d’Istanbul sous le bras, avec surtout dans l’idée de visiter la Mosquée Bleue et le Grand Bazar, plus que TOHAV et l’IHD. Et nous voilà dans un restaurant de Beyoglu à trinquer longuement et de nombreuses fois avec Ahmet Zeki à voix haute : « Bijî Kurdistan ! » Je dis que comme c’est grâce à lui qu’on s’est connu, Öcalan aura fait au moins une chose de bien dans sa vie, ce qui fait rire Ahmet.
Par la suite, quand il a claqué la porte de l’équipe d’avocats, écoeuré par la défense piteuse et lâche d’Öcalan, il a été beaucoup moins embêté par les délégations, il faut dire, tandis que le PKK se déchainait contre lui. Nous on s’en fichait, dès juillet on retournait le voir à DOZ, sa maison d’édition, dans une ruelle d’Istiklal, un endroit terrible, un grand appart Art Déco, comme il y a là bas, plein de poussière, de livres, de revues qu’il nous donnait par kilos (pratique pour rentrer en avion), avec plein d’écrivains ou d’intello qui discutaient gravement pendant des heures de chaque tournure kurde et d’étymologie. Arrivant avec mon kurde du Bohtan, je fournissais matière à réflexion, correction, suggestion. Je me souviens d’un après-midi où pour refuser un thé j’avais dit « Bes e », et Ahmet qui ne connaissait que le sens de « seulement » et non « assez » avait questionné là-dessus, et un autre de répondre que effectivement du côté de Mardin on disait aussi… bref pendant une heure ils avaient débattu là-dessus et j’avais finalement eu le temps de reboire trois thés malgré mon « bes e ». Je me souviens aussi qu’Ahmet avait juste laissé tomber le barreau, ravi de se consacrer enfin à ce qu’il aime vraiment, l’édition, et en plus à l’époque il avait lui-même tellement de procès sur le dos, qu’à ses rendez-vous au tribunal, il lui arrivait de ne plus se souvenir s’il était là en tant qu’avocat ou en tant qu’accusé.
Quand il est arrivé ici, le PKK et ses hyènes ont d’ailleurs eu des velléités de montrer les dents, heureusement Hewlêr n’est pas Istanbul ni même l’Allemagne et c’est fantastique de se retrouver maintenant, tous les trois, sur sa terrasse, à siroter une bière en souriant de nos souvenirs, après toutes ces années, parfois de distance, de silence ou de rares nouvelles. Les vrais amis ne se quittent jamais.
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samedi, mai 19, 2007
Duhok-Hewler
Le lendemain matin départ pour Hewlêr et à la réception je me tape la honte de ma vie. J’avais vraiment cru que le Pîr Xidir avait négocié pour nous le prix de la chambre (initialement à 70$) pour la faire descendre à 40$ et on faisait les malignes en se moquant des conférenciers du Jiyan Hotel se tapant un hôtel crade dont les portes se cassent toutes seules, alors qu’on en avait un très bien pour si peu. Mais au moment de payer le réceptionniste me montrant la note, m’explique que le centre Lalish a payé la différence de 30$ à notre insu, alors que j’avais vigoureusement expliqué au Pîr que nous voulions tout payer. Que faire… devant tant de classe, de gentillesse et de générosité (bien qu’un peu roublarde pfff) je baisse les bras.
A Hewlêr toujours en pluie et en vent. Dîner hier soir chez des Kurdes de Turquie dont le cuisinier de l’université de Hewlêr. Une des meilleures tables de la ville et pour pas cher, bon à savoir, même pas besoin d’être étudiant pour y aller.
A cette soirée on m’a racontée une anecdote très drôle sur Shahram Nazeri. A la fin d’un concert à Genève, il a demandé à aller aux putes, consternant son public de fans. Il paraît que des Kurdes d’Iran pleuraient… Je ne sais pas pourquoi mais cette histoire m’enchante, c’est du pur malamatî. Rien n’est plus réjouissant et tonique que de décevoir les adulations…
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jeudi, mai 17, 2007
Zaxo et Amedi
Quand on finit la visite, Mar Patros me dit comme une évidence « Bon vous avez laissé vos sacs à l’évêché ? » « Ah non, à l’hôtel. » Il s’arrête, sidéré : « vous ne voulez pas venir chez moi ? » Je lève les mains au ciel « bah on n’a rien contre, mais on ne savait pas où c’était et puis on ne se connaissait pas, on n’allait pas débarquer comme ça » Visiblement il capte pas qu’on soit juste passer lui transmettre le bonjour d’Ephrem et lui demander quelques renseignements sur les lieux chrétiens. Ça doit être la première fois qu’on lui fait le coup. C’est vrai que beaucoup de Français ne cherchent qu’une chose ici : se faire héberger gratuitement chez les uns ou chez les autres, sans même connaître les gens chez qui ils s’incrustent. Le Routard mal élevé dans toute sa splendeur, quoi. Or j’ai horreur de ça. Ça fait vraiment Bwana Bobo au Bougnoulistan, qui s’impose chez des indigènes trop contents de les recevoir, après tout ce qu’ils font pour eux. Bon ok, les nôtres ne comprennent pas, et pensent qu’on les snobent, et après il faut les consoler en jurant qu’on passe juste UNE nuit à l’hôtel et qu’on arrive ensuite. (de toute façon après faut les reconsoler du départ auquel ils ne semblent jamais penser).
On dîne quand même à l’évêché, un très beau bâtiment, tout neuf, confortable, dont la construction est un cadeau du gouvernement à l’occasion de la nomination de Mar Patros à son épiscopat. Il faut dire qu’il a passé quelques mois dans les montagnes en 74, a connu Mollah Mustafa, Idriss et Massoud du temps où ce dernier était tout jeunot. Et l’arabisation forcée, ça ne les branchait pas du tout, mais alors pas du tout. Le repas a été agréable, mais très arrosé. Disons que jusqu’à la première bouteille de Chivas (à 3) ça allait, mais que peu après l’ouverture de la deuxième, je ne me souviens plus du tout de rien. Ce qui ne m’est jamais arrivée (de ne plus me souvenir, pas d’être torchée). Bon Roxane m’a jurée que ça n’a pas été trop catastrophique, qu’il fallait juste me tenir par la main pour que je marche droit, et qu’il a fallu consoler Mar Patros de ce qu’on le plaque pour cette nuit en jurant de revenir demain.
Ce qui n’a pas traîné. Dès le lendemain, à peine avais-je ouvert un œil en me demandant comment j’étais arrivée à l’hôtel Sham, à peine levées, et attablées devant le petit-dej du Sham le chauffeur de l’évêque arrive pour nous récupérer. Raaah on va pas se sauver. Tout en déjeunant on bavarde avec les gens de l’hôtel, des jeunes, qui nous apprennent qu’ils sont Yézidis et nous disent tout de suite qu’ils ont le droit de se marier avec des chrétiennes. Des musulmanes, non, mais des chrétiennes, tout à fait. C’est bizarre, ça contredit tout ce que les Yézidologues, voire les Yézidis disent eux-mêmes, c’est dingue comme les mœurs évoluent vite dans le coin. Ou alors les yézidologues ne racontent que des conneries, ce qui n’est pas à exclure.
On finit par débarquer à l’évêché. Et toute la journée, visite de villages chrétiens en construction, aidée financièrement par le gouvernement. Dans le premier, les chrétiens avaient été chassés, et des maisons alignées, jaunes et roses au bord de la route, avaient été bâties à l’origine pour des colons arabes, installés ici (de gré ou de force je ne sais) par Saddam, pour arabiser le Kurdistan. Maintenant les villages reprennent peu à peu leur aspect antérieur : un village chrétien, plus loin un yézidi, ou plus loin un musulman, bref le même village mais séparés par confessions.
L’église de Pesh Khabur datait de 1400 et il n’y a plus qu’une crypte. Comme les villages, les élises sont neuves, les anciennes ayan été toutes rasées dans l’Anfal. Et bref Mar Patros patrouille et surveille les travaux, soutient les maires attachés à faire revivre leur terre. Evidemment c’est ce que de l’autre côté il faudrait faire avec les villages kurdes de Turquie, mais la différence est que au nord, l’Etat dans lequel vivent les Kurdes est toujours celui qui a brûlé les villages, et quant aux chrétiens, ils vont se faire voir, même si ce n’était pas vraiment leur guerre. Rien que du point de vue des soutiens aux minorités l’écart entre les politiques est stupéfiant.
Cela fait aussi une belle ballade dans la montagne, magnifique au mois de mai (Gulan). Arbres, verdure, coquelicots, pétrole et eau, voilà bien un résumé du Kurdistan et comme dit Mar Patros, « c’est cette richesse qui est aussi notre malheur. » On est allé jusqu’à la frontière turque, au pied de l’ancien village de Sanate, qui lui était dans la montagne et a été rasé et vidé par l’armée irakienne parce que près de la frontière. Le PKK est aussi dans ces montagnes et on en a d’ailleurs vu un qui se promenait sur la route, en tenue de guerilla. Mais il semble qu’ils n’embêtent plus les villageois, comme c’était le cas il y a 10 ans.
Les chrétiens kurdistanî sont marrants, parlant entre eux le syriaque et aussi le kurde, toujours très content que je le parle, comme si c’était aussi leur langue. D’ailleurs entre un vieux Kurde en tenue et keffieh et un chrétien habillé pareil, à part la croix ou bien le fait qu’ils baisent la main de l’évêque, pour les distinguer…
Aujourd’hui, c’était l’inauguration d’une église qui venait tout juste d’être rebâti. Avant cela, petit-déjeuner, où comme toujours peu réveillée avant 10 h je me laisse tomber sur ma chaise alors que le benedicite commence. Je me relève d’un bond, tandis que Roxane se marre, vu que la veille au dîner elle avait fait pareil et que je m’étais fichue d’elle. Elle me tire la langue en faisant nana nère, je luis réponds de même, tandis que Mar Patros, imperturbable, yeux baissés, continue sa prière.
Le village chrétien était à quelques centaines de mètres du village yézidi qui lui même n’était pas loin des Musulmans. Tout se rééquilibre, quoi, sauf quand des associations financées par La Mecque, comme par hasard, se dépêche de financer la reconstruction et l’installation de musulmans sur des emplacements chrétiens. C’est d’ailleurs drôle d’entendre, à Zakho, vers 17 h, l’appel à la prière des musulmans relayé par les cloches des églises qui appellent aux vêpres.
Donc messe d’inauguration de l’église dédiée à la Vierge protectrice des Semences (ça a un côté païen rigolo). Messe en araméen, avec deux prêtres venus de Duhok, chœur de filles, et récitant. Les messes syriaques sont jolies, bien chantées mais sans musique, car c’est mal vu (tout comme en islam). A la fin, un des prêtres passe dans les rangs et propose la communion. Passant devant nous il tend l’hostie d’une façon décontractée, comme s’il proposait un cheese-burger : « You want ? » On refuse en se marrant. A la sortie, Mar Patros nous demande si on a communié : « Euh on avait déjeuné ce matin. » Il me regarde comme si vraiment j’exagérais : « Mais trois heures après, c’est passé, voyons ! » Ben tiens. Il confond pas avec la piscine ? En plus Roxane fait remarquer qu’elle n’est pas baptisée. Il s’exclame : « Tu n’es pas baptisée !? (genre « ta mère a oublié ?) Mais je peux le faire, c’est très facile ! » « Euh… on s’est pas confessée non plus », fais-je remarquer en m’amusant de plus en plus. Ultime objection balayée, toujours sur le mode « n’en fais pas trop » : « Oh, c’est rien ça aussi c’est rapide ! » Etant donné que la dernière fois que je suis allée à confesse j’avais neuf ans, ça doit sûrement prendre plus que cinq minutes, mais ça c’était comme à Lalish l’an dernier avec Wadî : faut tout faire comme eux, faire partie de la famille, quoi. Probable que la prochaine fois, on n’y coupera pas.
Demain départ pour Amadiya et pour Salahaddin, itinéraire que j’ai déjà smsé au Pîr lequel s’est fait confirmer l’info par téléphone, histoire qu’on ne s’égare pas, sans doute. Le soir, pique nique dans le bureau de Mar Patros, sur ses tables de salon, avec brochettes de porcs rôties au feu de cheminée, du coup c’est lui qui en oublie le benedicite, ou alors ça ne compte quand ce n’est pas vraiment sur une table. On rediscute de la journée et du programme de financement des chrétiens. Mar Patros, de façon très lucide, critique le surinvestissement sur les chrétiens, au détrimen t des autres. Pourquoi ne pas donner autant à un Yézidi ou un musulman ? Bien sûr, il y a les lobbies chrétiens de « l’extérieur » qui poussent à cela, et peuvent aussi donner des fonds, mais c’est une erreur qui témoigne d’une vision étatique déficiente, en tout cas à courte vue : d’abord cela peut créer des conflits et des jalousies entre les communautés (tout comme à la fin de l’empire ottoman les Puissances qui favorisaient systématiquement les chrétiens) et en plus c’est idiot de laisser la voie libre aux Wahabites pour financer les musulmans. La discrimination positive, c’est décidément très dangereux. Les medias aussi poussent à cela, comme je le dis, quand un paysan kurde musulman se bat avec un autre pour une histoire de chèvre ou de bornes de champs, cela ne fait même pas un fait divers. Quand un paysan kurde fait la même chose avec un chrétien ou un yézidi, c’est tout de suite une attaque musulmane contre les minorités.
En fait je suis injuste avec la Turquie. JAMAIS un soldat turc ou un keuf ne commettrait l’erreur de plonger étourdiment la main dans une valise de femme. Dès qu’ils sentent du linge ou des trucs un peu mou ils stoppent net. A la rigueur ils nous demandent de déballer les affaires nous-même et battent en retraite illico dès qu’on commence obligeamment par les sius-vêtements. Ils en ont encore à apprendre, les peshmergas.
Visite à Amadiya très belle, entourée de montagnes superbes, plus sèches, plus pierreuses et plus hautes qu’autour de Zakho. Mais quel racket à touristes ! UN motel crade (selon mes souvenirs plus anciens et ceux de Roxane plus récents) pour 80$ et un tarif de 120$ pour gagner Salahaddin par la route de Barzan. Tous avancent le prix de l’essence mais comme elle est à 0.50 euros on se demande sur quelle base ils calculent vraiment. Tant pis pour Barzan et la tombe de Mollah Mustafa on s’en passera et on décide de revenir à Duhok. Je resms Pir Xidir en me disant que sa suggestion initiale de rayonner à partir de Duhok et qu’il nous emmènerait à Amadiya n’était peut-être pas si mauvaise. En posant nos bagages au Centre Lalesh, j’ai l’impression d’être une écolière fugueuse de retour après avoir épuisé tout son argent de poche et les choco BN pour la route. Nous voilà donc à l’hôtel Hallal grâce aux bons soins du Pîr et on va passer encore un peu de temps avec les Yézidis. Faut croire que les Yézidis sont très forts en magie chamanique. Ces derniers temps j’ai l’impression d’un élastique qui nous attire à Duhok, inlassablement.
PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT
Duhok
Ensuite Dream City, le parc, piscine, bowling, jeux video et cinéma d’épouvante, accolé à un « Supermarcket », dont les Kurdes et surtout les Duhoki sont très fiers. Il y a de quoi, c’est sur l’emplacement de l’ancien complexe palatial qu’avait fait construire Saddam en rasant tout autour. Que les Kurdes, au lieu d’en faire un énième mémorial, aient transformé ça en aire de jeux, je trouve ça splendide.
Le soir, on se met en quête d’un endroit où manger ET boire. Parce que souvent, c’est difficile de faire les deux en même temps, c’est-à-dire dans le même établissement. Donc tranquille, je demande au jeune de la réception un endroit où on peut dîner avec de l’alcool. Il capte vite et écrit un nom, gribouille un plan, tandis que son collègue est à mort de rire tout en regardant ses pieds. Et donc on part dans Duhok en demandant le chemin au passage jusqu’au Nadir. On finit par arriver dans un parking retiré, peu éclairé, où les gardiens nous mènent jusqu’à une sorte de hangar, avec plein de mecs dedans, et autour des baraques qui ressemblent aux mobile home des chantiers. A l’air effaré du patron qui refuse d’abord énergiquement, à l’insistance des Kurdes autour (pas question de nous mettre dehors quel que soit le bizarre de la demande, je commence à me marrer. Quand désespéré, le tenancier nous demande combien d’heures on pense rester, je fais « euh… » d’un air que j’en sais rien, et quand on se retrouve installées dans une de ces baraques, où il n’y a rien sauf une table avec une nappe crade que le patron s’empresse de remplacer par une propre, et qu’il part en fermant soigneusement la porte, on se regarde et on se tord de rire. Atterrir dans un clandé, fallait le faire ! Après Lalish, le bordel de Duhok, ben voyons. En tout cas le patron s’est donné un mal fou pour qu’on ait l’air de continuer de se douter de rien, et a tout fait comme s’il tenait un vrai resto : prenant la commande du vin, amenant trois bouteilles qu’on choisisse, proposant des fisteks, et puis des brochettes de poulet… tout juste s’il n’allait pas faire des tulipes avec les serviettes de papier. Le problème est qu’il n’arrivait pas à cacher sa panique, et que je n’ai jamais vu un service aussi rapide, et aussi épouvanté. Il entre en coup de vent, apporte les plats, s’éponge le front, roule sur nous des yeux traqués, « Temam ? temam ? » et repart aussi prestement en fermant la porte. Il était à la fois très pressé qu’on se casse, mais tout en se donnant l’allure d’un brave patron de brasserie familiale. Le vin n’était pas mauvais, du Syrah français. Et comme on est gentille, on s’est pas attardé en en redemandant une deuxième.
Le lendemain, on passe faire tamponner nos visas pour la prolongation, au ministère de l’Intérieur. Ça prend bien deux heures et demi, mais ils sont gentils et marrants et en plus on les sidère. D’ailleurs très bien équipés. Apprenant sur place qu’il fallait une photo d’identité (que je n’avais pas sur moi), je me préparais à une longue bataille désespérée pour faire admettre que euh… photocopier la photo de mon passeport et la coller sur le formulaire, c’était pareil non ? Mais quand tout à la fin, après avoir décliné en kurde nos noms, prénoms, noms du père et occupation respective, et que j’ai expliqué piteusement que je n’avais pas de photo, le jeune me regarde d’un air « ben c’est pas la mort » en expliquant comme à une attardée qu’on veut rassurer : « On va t’en faire une ». Et de fait, à côté, l’autre garçon a un numérique avec lui, on s’assoit sur un tabouret, devant un tissu rouge tendu contre le mur, il imprime et voilà. Pourquoi on se fait tellement chier dans les administrations françaises ?
Après, re-queue de l’autre côté, pour faire tamponner le visa. En gros je me suis retrouvé au bout de 5 secondes de l’autre côté de la barrière, sur une chaise, à côté du jeune peshmerga. Et on s’est tapé la discute. Roxane m’ayant bientôt, on apprend que m’on doit avoir respectivement 18 et 20 ans. Quand on rectifie le tir ils font « ah bon ? » presque que comme si on était d’une autre espèce et que c’était forcément pas le même âge que ça voulait dire.
Entre temps Pîr Xidir avait appelé plusieurs fois pour savoir ce qu’on faisait où on était quand on venait (litanie habituelle des Kurdes). On repasse à l’hôtel, on prend les sacs et on va au Centre Lalesh pour dire au revoir. On en profite aussi pour se faire amener un taxi. Le Pîr arrive, on papote dans la salle des invités, thé, sourire, présentation à tout le monde, etc. Et puis bien sûr, grande manœuvre pour nous persuader qu’entre temps Amadiya avait vachement reculé par rapport à Zakho et que c’était loin, très loin de Zakho, Amadiya, et que donc, mieux valait rester à Duhok, faire un tour dans la journée à Zakho (où de toute façon il n’y a RIEN, mais alors RIEN à voir, juste un pont, insiste le Pîr (il a pas dit un vieux pont tout cassé mais le ton y était). Et ensuite revenir à Duhok, et il nous emmènerait à Amadiya si on voulait (il voyait pas pourquoi mais bon si on y tenait). Grand sourire de ma part : « Mais tu sais bien que de Zakho à Amadiya, la route est belle, c’est la montagne, et pour les photos, c’est mieux. » Air déconfit, évidemment, il va quand même pas dire du mal de ses montagnes. Vient le moment où le taxi arrive, ça marchande, on se lève pour partir, Pîr Xidir me serre la main et même pas le temps de tourner la tête, qu’il fonce dehors, saute dans la voiture où l’attendait son chauffeur et s’en va sans même nous accompagner au taxi. J’adore leur manière exquise de filer quand ils sont tristes, quand on les connaît pas, c’est d’un charmant…
PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT
vendredi, mai 11, 2007
Duhok-Lalish
Départ pour Duhok en taxi. Deux heures et demi de route, mais c vrai que les chauffeurs ici roulent vite. En quittant Erbil pour Duhok on retrouve vraiment la montagne. Après avoir déposé les bagages dans un motel (Duhok est friqué et touristique, il y a plus de motel que d’hotel et nous voilà à camper dans un grand macin avec salon, cuisine et deux chambre, le tout aux ¾ inutiles. On essaie de trouver l’évêché et le lucée international, mais sans grand succès et puis décidément avec les chrétiens les ondes ne passent pas. Par contre avec les Yézidis ça démarre tout de suite. A peine ai-je envoyé un SMS au contact qu’Ozlem m’avait donné que j’ai un coup de fil une heure après. Khadir dit qu’il n’a qu’une heure de libre aujourd’hui mais veut savoir où on est. Devant mes supputations embrouillées (j’avais pas vu qu’on était juste devant l’université) il dit qu’il rappellera une heure plus tard. En fait il rappelle 10 minutes plus tard pour dire qu’il nous attend au motel. Bon on fonce, on se trouve, on fait connaissance et il nous demande si on veut aller à Lalesh aujourd’hui. IL avait une réunion mais l’annule tranquillement devant moi, par plusieurs coups de fil. Bah Lalesh, ça fera bien après toutes ces églises sans âme ni intérêt esthétique. En plus la route est belle, superbe entre les montagnezs bien vertes, pas comme en août. Les coqulicots ici sont d’ailleurs d’un rouge intense comme je n’ai jamais vu en Europe.
Sur la route, comme durant le trajet Hewlêr-Duhok, beaucoup de contrôles, policiers et peshmergas. L’attentat a dû renforcer les consignes. Et puis les attaques contre les Yézidis sont fréquentes en zone non GRK et ils sont la cible des islamistes, surtout depuis les deux récentes affaires de Mossoul. Lalesh n’a pas changé sauf qu’ils sont en pleine rénovation travaux de bâtiments dans la cour. Sinon ce sont toujours les mêmes gens, très gentils, adorables et qui paraissent toujours ravis d’avoir de la visite.
Après un thé pris dans le miwankhané, on repart pour Duhok par on a rendez-vous à 6h30 avec Pir Xidir, du Centre culturel kurde de Lalesh. Khadir, qui entre temps a eu un autre coup de fil pour une interview impérative (il est journaliste) nous laisse au centre et on fait connaissance avec Pir Xidir, dont la vraie passion est la littérature kurde (il me récite de mémoire des passages entiers de Mem et Zîn et de Melayê Cizirî), qu’il a enseignée et l’histoire et la culture des Yézidis, mais qu’il fait de la politique « par obligation ». De fait ça a l’air de le gonfler beaucoup d’être député.
On visite le Centre (financé par le Premier ministre), avec sa bibliothèque, sa grande télévision, sa salle de sport qui fait aussi salle de séminaire, son petit musée de la vie traditionnelle de Singar qui est en fait composé d’objets ayant appartenu aux grands parents des Yézidis actifs ici. Le centre oublie aussi un magazine multilingue, anglais, arabe, soranî, kurmancî, un journal. Et comme Pîr Xidir est donc passionné de littérature kurde on bavarde devant un thé, dans le jardin, sur Xanî, Cizirî, les qewls yézidis, etc.
Source sacree zam zam
PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT
jeudi, mai 10, 2007
10/5. Le lendemain, visite sans intérêt à Ankawa, la banlieue des chrétiens, qui est l’endroit le plus moche de la ville, le plus morne, le plus sinistre, avec les habitants les moins sympathiques du coin, qui est mystérieusement le plus cher et le plus côté, même par les Kurdes, et pas mal d’officiels y vivent. Grand bien leur fasse, on me paierait pour y vivre, que je préférerais le quartier de la Citadelle.
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Hewler 3
Du coup, ne voulant pas prendre la responsabilité du tri ethnique, on descend à la réception on rappelle Khasro et on le passe à un des hommes de la réception. Au fur et à mesure que l’autre recevait les consignes « diwanê serokê, li hemberê Parlamanê » les regards se faisaient incrédules puis épatés puis « mais qu’est-ce que c’est qui est descendu incognito chez nous ? » Avant de partir, l’un d’eux tient à assurer que Khasro est son « frère » geste kurde de serrer et frotter les deux index, au cas où on irait se plaindre à lui de la qualité du service sans doute. D’ailleurs, il n’avait pas tout à fait tort de craindre, car ensuite Khasro nous a dit qu’il avait expliqué (gracieusement ?) que si on avait le moindre problème ou le moindre motif de plainte on s’adressait lui. Sachant à quel point ils peuvent être affables sous leurs manières angéliques, je me demande à quoi ressemblaient les recommandations…
Visite au Diwan, avec des contrôles plus sévères que chez Mohammed Ihsan, mais c’est quand même le Président et en plus on est à trois heures de l’attentat. En fait ce sont les mêmes contrôles qu’au Sheraton, avec fouille des sacs, sauf qu’on laisse tous les appareils photo, portables, et clopes (ce qui fait râler Roxane qui demande si on est déjà en dictature). Bon on bavarde, mais pas trop longtemps parce que monsieur avait une réunion. Typique kurde ça aussi faut qu’on se voit TOUT DE SUITE même si ce n’est que pour dix minutes. Cela dit, avec leur capacité à nous perdre de vue parce qu’on trace beaucoup au Kurdistan et que pas mal d’entre eux n’osent JAMAIS téléphoner préférant attendre 25 ans devant le même téléphone portable au cas où par hasard ça nous traverserait l’esprit de les contacter même un quart de siècle plus tard.
On va ensuite déjeuner au resto indien du Sheraton, vraiment très bon. Faut dire que le chef a l’air authentique, comme un des serveurs, l’autre étant philippin et le chef de rang chrétien kurdistanî. Séance très longue de blog dans la salle Internet, la connexion est longue quand même, et ça rame terriblement parfois, surtout en chargeant les photos. Quand on a enfin terminé, on file au Parc du Minaret voir ce qui reste de la mosquée de Gökburî. Pas grand chose disons, enfin surtout le minaret éponyme du parc et autour un restant de mur d’enceinte, à arcades et une entrée. Le minaret est très XII° djézireen, il fait penser à Siirt, et a le même décor de briques et glaçure. Par contre le panneau dit que l’entrée d’accès au minaret était à l’est, alors là je suis sceptique. Me semble plutôt que c’est l’inverse, porte à l’ouest, la mosquée devant s’étendre au sud.
Gökburî était Turkmène et c’est un des plus grands princes d’Erbil-Hewlêr. C’est même lui qui a fondé cette ville d’une certaine façon, en faisant de cette bourgade une capitale qui allait bien au-delà de la Citadelle à partir de 1200… Il faut dire qu’il a mis une certaine obstination à s’imposer entre les Zenguides et les Ayyoubides, mais il a fini en souverain assez indépendant, avec une principauté qui englobait Sindjar, Cizîr et une partie du nord de la Syrie à l’est de l’Euphrate. Ses débuts ne furent pourtant pas si aisés, il avait succédé à son père comme gouverneur d’Erbil mais pas vraiment prince et en plus il avait aussi un frère, qui finit par mourir, et que de méchantes langues ont dit avoir été assassiné. Finissant tout de même par être reconnu (ou accepté) comme souverain d’Erbil par le Zenguide de Mossoul, il lui fallut ensuite composer avec la puissance ayyoubide. Saladin avait en effet l’intention de mater aussi les princes de l’Irak adjam et de Djezireh. Il assiégea même Mossoul en 1185 sans pouvoir la prendre. Gökburî, politique, reconnut la suzeraineté ayyoubide et épousa la sœur du général syrien (petit aparté de son vivant Saladin ne prit jamais au contraire de ses successeurs le titre de sultan, même si des chroniqueurs comme Ibn Shaddad l’appellent ainsi). Bref devenu le beau-frère de Saladin, il n’avait plus qu’à attendre tranquillement que le grand ayyoubide meurt, ses successeurs étant trop occupés à se disputer la Syrie et l’Egypte pour contester le pouvoir du prince turc de l’autre côté du Tigre. Ayant les mains libres, Gökburî se consacra à sa capitale, qu’il couvrit, comme tout prince qui se respecte de mosquées, de bains, d’hôpital, d’hôtelleries, etc. Il paraît qu’il institua même une sorte de revenu minimum pour les indigents (le RMI quoi). Ce fut lui aussi qui lança la mode du mawlid à Erbil, soit la célébration de l’anniversaire de naissance du prophète, et cette fête finit par se répandre dans tout le machrek et est maintenant une institution… Comme les chrétiens étaient très nombreux à Erbil (peut-être la moitié) et qu’à l’époque les musulmans et les chrétiens assistaient volontiers aux fêtes des uns et des autres, c’est peut-être des fêtes de la Nativité que lui est venue l’idée.
Le soir on rejoint Ahmet Zeki à son bureau. Encore un grand moment de logique kurde ! En général, quand on explique à quelqu’un un itinéraire, ça se résume à lui expliquer la position géogrpahique de l’endroit où il faut se rendre. Hé ben non, pas ici. On a droit à une longue explication embrouillée (très) de tous les endroits où il ne faut PAS aller, avant qu’avoir, avec de la chance, une vague indication sur le lieu où l’on voudrait se rendre. Donc là, Ahmet me demande si je connais le restaurant Pushî (une lokanta tenue par des Kurdes de Diyarbakir). Oui, je vois bien quel restaurant c’est mais je ne me souviens plus du tout de la rue et du chemin. Donc je demande l’adresse. Mais de cette façon là ça serait trop simple aussi. Non, il faut prendre un taxi (cette fois-ci on nous a épargné le « mais prenez un Kurde, hein) et de là rappeler Ahmet qui va parler au taxi et lui expliquer. Ben déjà d’avance je plains le taxi si c’est un soran de capter le kurde d’Ahmet. En plus dans le taxi, (conduit par un jeune et gentil Kurde) la carte SIM KOREK refuse d’appeler. Oui, on a des problèmes avec ce tel, on peut recevoir des appels, envoyer des SMS mais pas appeler. Doit y avoir un truc qu’on a pas débugué. Du coup ça roule et le chauffeur, qui se marre, attend mes indications. Je crois me souvenir que Pushî était entre shesti meter et shoresh, avant le pont. Mais bon, pour trouver. Enfin Ahmet qui avait appelé toutes les trois secondes à l’hôtel pour savoir ce qu’on foutait et quand on arrivait, et puis ensuite s’était tu une fois qu’on était dans le taxi alors qu’on aurait eu besoin de lui, Ahmet donc se décide enfin à rappeler. Là on lui passe le chauffeur toujours hilare, qui repart dans une toute autre direction et finit par s’arrêter devant un magasin de rideaux en nous disant que d’après les indications données c’est là. Bon, on descend, on voit pas de restaurant. On attend tranquille devant le ministère de la Justice que le brillant guide se décide à rappeler. Le temps qu’il sorte de son bubreau et nous cherche à côté du ministère alors que j’avais dit li HEMBERÊ « en face » (parce que c’était quand même pas le jour à poireauter le soir devant un ministère avec un méga sac photo qui peut contenir trois bombes) le temps qu’on se rappelle et se trouve, on a désespéré au moins trois taxis qui ne comprenaient PAS ce que deux Françaises pouvaient attendre, plantées sur un trottoir de grand boulevard, sac au pied, sinon un moyen de transport.
Finalement l’explication était que 1/ le restaurant pushi n’était pas le lieu de rendez-vous mais son bureau, mais le restaurant était pas loin à l’angle du carrefour d’à côté et ça lui a semblé une indication commode (s’il le dit).
2/ finalement au taxi il a dû changer d’avis car il ne lui a pas dit de nous déposer à Pushi mais à l’angle d’une rue nommé shesti wezrat ankawa. Mais sans nous dire à NOUS qu’il avait changé d’avis, et qu’en plus il ne serait pas au lieu où le taxinous déposerait.
3/ Pourquoi n’a-t-il pas donné l’adresse de son bureau au chauffeur ou bien simplement de nous déposer devant le ministère de la Justice en précisant qu’il viendrait nous chercher ? Si des experts en logique kurde ont la réponse, qu’ils se fassent connaître…
Mais bon on s’est vengé en repartant de chez lui après un repas bien arrosé, à 2 heures du mat’, parce qu’on a décliné l’incitation (ordre-supplique-bougonnerie fâchée) de rester dormir dans cette baraque immense, tout ça parce qu’on n’avait pas nos affaires avec nous (toilette, crème, fringues enfin tout un tas d’impératifs que les mecs peuvent pas comprendre), parce qu’il fakllait charger et préparer le matériel photo (un truc que les novices en photographie ne peuvent pas comprendre en tout cas lui avec son mini sony avec lequel il voulait nous mitrailler ne comprenait pas) et enfin parce que se lever tard, prendre le petit dej, revenir à l’hôtel vers midi une heure sans avoir préparer les apapreils ni écrit ça fait perdre une journée (une notion de perte que les Kurdes ne peuvent pas comprendre). Bref on part à deux heures du mat’ alors qu’Ahmet nous prédit, vengeur, qu’on ne trouvera pas de taxi.En fait dans un premier temps on se préoccupera de trouver le bon chemin. Disons que c’était presque ça mais pris dans le mauvais sens. O marchait donc allégrement dans un boulevard désert vers Mossoul et Duhok, quand un taxi qui roulait sur l’autre voie, nous apercevant avant qu’on ait eu le temps de faire signe, tourne, change de voie, et ient vers nous qui agitions les bras comme des sémaphores. Ils sont top les taxis à Hewlêr, on dirait les sauveteurs du SAMU qui tournent dans les rues en quête de SDF à ramasser. Bon il nous embarque, sans même poser de questions (quand les choses sont trop surprenantes les points d’interrogations s’envolent), demande à un chek point de peshmergas où est l’hôtel, nous dépose, et voilà.
PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT
mercredi, mai 09, 2007
Hewler 2
A cette heure là, c’est calme (pas de ciné en plein air, pas de musique) et surtout fréquenté par des étudiants, venus réviser au frais (l’université n’est pas loin).
Naturellement, beaucoup ont envie de se faire prendre en photo, mais seuls ils n’osent pas trop.
En passant devant un groupe avec deux gamins, j’entendais les plus âgés chuchoter et inciter les deux mômes à venir nous aborder pour qu’on puisse parler ensuite, ne sachant pas que je les comprenais. L’un d’eux venait d’Allemagne, d’ailleurs, comme quoi ils reprennent leurs manières de timides sur place. Et puis après qu’on ait bavardé un peu, les plus grands osent enfin demander une photo. Et maintenant qu’on avait tout à fait fraye, une photo avec moi entre les deux aînés. De toute façon c’est presque invariable : ils sont timides et fiers et n'osent pas regarder, et puis si on sourit ils fondent et sourient aussi, et puis voilà…
Le jardin est vraiment immense, avec des milliers et des milliers de rosiers.
En août les plates-bandes étaient seulement en chantier, là ils ont vraiment bien travaillé, toutes
les allées ont des massifs qvec des milliers de roses en tout.
Je peux voir le monument des martyrs de 2002 de jour, alors que je ne l’avais vu que de nuit.
Je me demande d’abord pourquoi des drapeaux de toutes les couleurs sur la gauche, face aux drapeaux du Kurdistan. Roxane me fait remarquer que ce sont les couleurs de l’arc en ciel.
Ah ouais, l’arc-en-ciel face au Soleil du drapeau, tout un symbole.
Puis on file au bazar pour acheter une carte SIM et on se promène longuement dans le souk.
Là aussi faudrait tous les photographier pour ramasser tous les sourires…
Mousseline,
miel,
gomme,
fromages, epices,
et ces chapelets de raisiné séché ou faits avec du jus de grenade, qui ressemblent à des saucisses.
En sortant, juste au bas de la Citadelle, devant un marchand de jus de fruit, on voit un soldat, très brun de peau, qui nous mate et est ravi de pouvoir parler en anglais.
Je le prend d’abord pour unMarine, lit sur l’écussion à son épaule Fidji Isles. Voilà, un soldat fidjien de l’armée australienne. Il a fait six mois à Bagdad, retourne chez lui maintenant « yeaahh ! », et passe ses derniers jours en perm’ à Hewlêr (c’est vrai que ce serait con de se faire sauter les derniers jours à Bagdad).
On repart le soir au Sheraton et Roxane commence à photographier les fresques sur les murs anti-attentats. Du coup, deux peshmergas qui n’avaient pas posé demander à etre photographier ont carrément appelé : « alors là ! si elle photographiait les murs, elles pouvaient bien les photographier eux ! » On tchache, on prend leur nom, aparemment suffit d’envoyer les photos au Sheraton à Ghazi et Sabah rien d’autre. Ça m’étonne toujours un peu leurs adresses space mais ça a l’air de marcher.
En sortant du Sheraton quelques heures après, on les retrouve, alors qu’on attend un taxi. Du coup ravis, ils expliquent toute l’histoire à d’autres (et elle est photographe, et l’autre travaille avec les kurdes, etc), dont un civil responsable de je ne sais quoi, peut-être des hello taxi. Un taxi s’arrete (ils l’ont fortement hélé) et là, crise de rire on est finalement tombé sur le pervers sexuel de Hewlêr qui essaie de conduire d’une main en fourrant l’autre sous nos jupes (sauf qu’avec un jean c’est pas ça). Il ponctue ses mots kurdes d’autres que je ne capte pas et qui ne sont pas arabes. Comme il avait tout de suite demande si on connaissait Ankawa et si c’était bien, ça a fait tilt : « Tu es chrétien toi non ? ISawî ? Masa’î ? » il rigole un peu, nie mollement. Le pire je m'en doutais avant, c’est vrai qu’un kurde ou un Arabe n’aurait jamais fait ca, même allumé (en tous cas pas de cette façon) et on se marre en tachant qu’il nous ramène quand même au Shereen, en imaginant la tête des peshmergas qui l’etriperaient s’ils voyaient ça : encore un conflit religieux ethnique avorté… D’ailleurs ça n’a pas empêché la bête de sexe de d’abord ne réclamer qu’un baiser pour paiement et devant les 3000 dinars que je lui mettais d’autorité sous le nez, de geindre que c’était trop peu, qu’il fallait 20 000 dinars. Ben tiens ! « T’avais qu’à pas nous promener autant !
»
Réveillée ce matin vers 8 heures par une grosse explosion. J’ouvre un œil et Roxane m’assure qu’elle n’y est pour rien, qu’elle a tout fait pour pas faire de bruit mais que ça vient du dehors. Apparemment ça a dû être la méga explosion, pour faire trembler les murs ici. Puis sirènes de police et d’ambulance. Là de la chambre d’hôtel, difficile de savoir où c’est.
C'est en fait le ministere de l'Interieur et les services qui ont morfle. Du Diwan on avait entendu 20 morts et 52 blesses, ca a l'air plus selon Peyamner, allez savoir. Passant devant l'hopital, des tas de gens attendaient, familles ou collegues sans doute, des nouvelles. Merde alors y avait pas eu d'attentats a Hewler depuis 2002, raclures de baathisto-islamistes , va.
PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT
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