mardi, décembre 26, 2006

Une nouvelle qui fait bien plaisir

Après tant d'années, son combat pour la résurrection de l'église d'Adiyaman est remporté avec un succès des plus éclatants, puisque la ville peut enfin se glorifier d'avoir son évêque, "le premier consacré en Turquie depuis la fin de l'Empire ottoman." Et le choix du prêtre n'est pas des plus mauvais : je me souviens de lui quand nous l'avons vu avec Roxane, qui a fait de lui un très beau portrait, comme d'un homme très doux, gentil, souriant, actif, et parlant très bien le kurde, très amusé d'ailleurs de n'avoir que cette langue commune pour échanger avec une Française ! Il était déjà bien affairé à faire revivre son église, avec le soutien de beaucoup de chrétiens de la diaspora, notamment d'Allemagne. Donc, félicitation à l'Abuna !

dimanche, décembre 24, 2006

Coup de projo sur : quelques Nativités



De divers CD, quelques chants de la Nativité dans des rites et des langues qui se sont fait entendre ou sont encore entendues dans la région Djézireh-Kurdistan-haute Mésopotamie.

D'abord des chants de Noël géorgiens (si les Géorgiens ont un peu reculé à l'est avec la poussée turco-kurde, ils ont été des voisins directs dans tout le Moyen-Âge et au-delà.

Ensuite, ce qui peut surprendre, un chant de Noël médiéval latin, c'est-à-dire européen pur jus. Hé oui, avec le Comté d'Edesse (auj. Urfa) et la Principauté d'Antioche qui s'avançait jusqu'à Afrîne, on a entendu au moins pendant un siècle des nativités latines en pays arabo-kurdo-syriaque... (Il faut imaginer la profusion de langues et de dialecte qu'un habitant moyen entre Urfa et Afrîne avait dans l'oreille : l'arabe, le turc, le kurde, le latin, le syriaque, la langue d'oc, le francien des Normands, le grec, l'arménien, le néo-araméen des Juifs...)

Donc bien sûr, il y a aussi les chants arméniens et les chants syriaques de divers rites, des melkites au byzantin, à ceux de l'église syriaque occidentale (d'Antioche).

Les fêtes et les messes, loin d'être cantonnées aux quartiers chrétiens ont pendant longtemps rythmé aussi la vie quotidienne des autres confessionns juifs ou musulmans. Car comme l'explique Anna-Marie Eddé dans son "Orient au temps des Croisades", "... les fêtes religieuses faisaient partie de la pratique dévotionnelle, et rythmaient la vie des fidèles, quelle que fût leur religion, de manière quotidienne par la prière, saisonnière par les fêtes, ou exceptionnelle par les pèlerinages. Les fêtes de la chrétienté étant beaucoup plus nombreuses que celles de l'islam, les musulmans se joignaient souvent aux chrétiens pour participer à leurs réjouissances, d'autant qu'un grand nombre de ces célébrations avaient des racines très profondes dans la tradition locale et s'étaient superposées à des fêtes antiques."

Et de citer al-Mas'ûdî, relatant la fête de l'Epiphanie au Caire, au X° siècle, ou al-Maqrizî, qui écrit toujours du Caire mais au XIV° siècle : "Nous avons vu la Nativité au Caire, à Misr-Fustât et dans toute l'Egypte, être l'occasion d'une magnifique solennité. On y vendait des cierges enluminés de jolies couleurs et d'images ravissantes pour des sommes considérables."

Est-ce que ces fêtes s'influençaient l'une l'autre ? On peut s'interroger là-dessus quant à l'origine de la fête de Mawlid, soit la "nativité de Muhammad", fête qui fut créée/lancée au XII° siècle, par le prince d'Erbil (Hewlêr), Gökburî, vassal turcoman de Saladin. Si l'on songe qu'à l'époque, Erbil avait une très importante population chrétienne, et que par ailleurs les pratiques religieuses des Turco-Iraniens étaient beaucoup plus ouvertes aux fameuses "innovations" que dénonçaient régulièrement les juristes musulmans plus rigoristes, on peut effectivement se demander si la beauté des fêtes de Noël chrétienne n'ont pas déclenché une émulation chez Muzaffar al-Dîn Abû Sa?îd Gökbüri ibn Zayn al-Dîn, prince d'Irbil, qui rendit la pareille à son prophète à lui, et avec grand faste et grand succès puisque du Kurdistan, cette fête est maintenant répandu dans tout l'islam. Toujours dans la série méli-mélo, à la même époque, le Newruz ou Nouvel An solaire du 21 mars, était fêté avec grande pompe en Egypte, comme dans le monde iranien...

CDgraphie :

Chants from the Holy Land : Eastern Church vol. 31, Georgian songs, vol. 17 ; Holy Land records, 1999.

Chants sacrés d'orient et d'Occident : Soeur Marie Keyrouz, Arie van Beek, orchestre d'Auvergne ; Virgin 2005.

Tempus Festorum : Musique médiévale au temps de la Nativité ; Claude Bernatchez & Ensemble Anonymus ; Analekta 2005.

vendredi, décembre 22, 2006

Malamatiyya

"Passions du Vrai qui toutes entières naissent du Vrai
Mais que ne peut atteindre la compréhension des plus grands
Car qu'est-ce que la passion sinon une inclination suivie d'un regard
Lequel propage une flamme parmi ces consciences ?
Si le Vrai vient habiter la conscience
Trois états y redoublent au regard des clairvoyants :
Un état qui anéantit la conscience dans l'essence de sa passion
Puis la rend présente par la passion en état de perplexité
Et un état où toutes les forces de la conscience se nouent
En se tournant vers une vue qui anéantit tout voyant."

Al-Hallâdj, Poèmes mystiques, trad. Sami-Ali.




"L'imam a de sérieux doutes sur la foi de Nasr Eddin, d'autant qu'il ne fréquente guère la mosquée. Puis qu'il est de son devoir de faire rentrer au bercail les brebis égarées, il vient un soir lui faire ses remontrances.

- Tu me sous-estimes beaucoup, lui répond le Hodja l'air pénétré. Je suis peiné que tu n'aies pas compris qu'en fait je suis un grand mystique, affranchi des formes et des circonstances extérieures.

-Peux-tu m'en donner une manifestation?

- Eh bien, je suis tellement rempli d'amour divin que tout ce qui surgit devant mon regard, je crois que c'est Lui.

- Et si c'est ton âne ? ironise le religieux.

- Non, là je sais immédiatement que c'est toi."
Absurdités et paradoxes de Nasr Eddin Hodja, trad. Jean-Louis Maunoury.


mardi, décembre 19, 2006

Roman de Baïbars : Rempart des pucelles

Avec Rempart des pucelles, Baïbars est fort occupé avec le méchant Jaouane et les chrétiens (comme d'habitude quoi). Cette fois les Francs se diversifient dans le roman, puisqu'on voit apparaître des champions arméniens.

L'exploit de Baïbars, au début de son règne, était, nous l'avons vu, d'avoir arrêté l'avancée mongole à 'Ayn Djalout. Mais une fois les Ilkhanides stoppés et stabilisés en Irak-Iran, c''est surtout dans la zone Syrie-Djezireh que va s'exercer le programme de reconquête de Baïbars, en abaissant les féodaux kurdes ayyoubides, déjà bien coincés entre les Mongols et le pouvoir du Caire. Ainsi le sultan kurde d'Alep al-Nasîr, celui qui s'était déjà opposé au sultanat de Shadjarat-Durr, continuait de rallier autour de lui les émirs kurdes du Nord, peu enclins à lasser le pouvoir aux Turcs mamelouks. Il fallut toute la pression du calife abbasside pour qu'al-Nasir accepte de traiter avec le sultan du Caire, lui devant se contenter de la Syrie. Mais en 1258, Bagdad tombe, le calife et les membres de sa famille sont massacrés par les Mongols, qui foncent sur la Syrie : en 1260, Alep, Damas et les villes de Djézireh sont prises, et voilà al-Nasîr bien embarrassé pour fuir : les rapports entre les Ayyoubides et les Seldjoukides de Roum n'avaient jamais été excellents, les Ayyoubides ayant surtout cherché à les évincer de haute Mésopotamie et du Kurdistan ; difficile de se réfugier au Caire chez son rival al-Zahîr Baybars. Encore plus délicat de courir s'abriter chez les Francs d'Antioche ou chez les Arméniens de Cilicie. Al-Nasîr finit par se laisser capturer par les Mongols, s'en tire assez bien au début, jusqu'à ce qu'après la défaite d'Ayn Djalout, en 1260, Hulagu, vexé, décide de mettre à mort l'Ayyoubide, qui n'y était pour rien dans la victoire de son rival du Caire. Mais Baybars progresse en Syrie et récupère les derniers émirats kurdes déjà bien ravagés par les Mongols. Seul le prince de Hamah, le fameux historien Abu-l-Fida, put conserver une certaine position à la cour mamelouke et même parfois reprendre le gouvernement de Hamah, mais sa situation ne se distinguait pas d'un officier subalterne et tout dévoué au sultan.

Seuls les Ayyoubides de Hisn Kayfâ durèrent deux siècles encore, avec l'appui des tribus kurdes de la région. Ils finirent par succomber aux Turkmènes Ak-Koyounlu, ce qui explique peut-être une certaine animosité à leur égard de la part de Sheref Khan de Bitlis, dans son Sherefname, qui exprimer plusieurs fois un jugement défavorable sur leur "tyrannie", "mauvais gouvernement", alors qu'il n'émet rien de semblable envers les Mongols ou Tamerlan. Les Ayyoubides de Hisn Kayfâ finirent beys sous l'administration ottomane, et puis, selon Seref Khan, finirent par se diluer dans l'obscurité des tribus locales.

Autre grand groupe qui va pâtir de la Reconquête mamelouke, les Francs. La reprise de Jérusalem par Saladin avait permis à l'Islam de récupérer la Palestine et la Syrie non côtière. Les territoires des Latins étaient des places-fortes méditerranéennes, comme Saint-Jean d'Acre, mais aussi Antioche qui n'avait jamais été reprise par les Musulmans depuis la Première Croisade, ou Tripoli. Il est vrai qu'au moment de l'avancée de Saladin, les tractations entre Bohémond III le Bègue, alors prince d'Antioche et Saladin avaient permis à la ville d'être épargnée. Les troupes ayyoubides n'étaient plus si fringantes, le siège de Jérusalem avait duré plus longtemps que prévu, les émirs kurdes pressés de rentrer chez eux une fois le butin touché (tout comme dans l'ost chrétien le service des vassaux n'était pas gratuit ni illimité), bref Bohémond, dont on dit que l'épouse, Sibylle, était en correspondance secrète avec Saladin, convint avec le sultan que si d'ici deux ans aucun secours n'arrivait, il livrerait la ville aux Kurdes. Ce que ni l'un ni l"autre n'avaient prévu, c'était l'arrivée du marquis Conrad de Montferrat, qui fortifiant Tyr, organisa de là la résistance, en attendant la Croisade de Richard et de Philippe. Bref, Antioche en réchappa et en vertu de la trêve entre le Bègue et Saladin, ne participa même pas à la IV° Croisade.

Ce qui n'apparaît pas dans le roman, où les camps sont très marqués en méchants chrétiens très unfiés derrière Jaouane vs musulmans (plus nuancés dans leurs factions), c'est que les Francs étaient divisés au temps de Baïbars, et parfois pour des raisons très "exotiques". Ainsi la rivalité et même la guerre entre Génois et Vénitiens s'exporta en Syrie, et les Poulains adoptèrent l'un ou l'autre parti, en s'entretuant dans des querelles de rues qui dévastèrent Saint-Jean d'Âcre. Les sires d'Ibelin (Beyrouth et Jaffa) était pour les Vénitiens, avec les Templiers, les Teutoniques, les colonies pisanes et provençales. Pour les Génois, Tyr et son seigneur Philippe de Montfort, les Hospitaliers (René Grousset explique cela par le fait que naturellement ces deux grands ordres assez proches de structure et d'activités ne pouvaient se blairer) et les colonies catalanes. Bohémond VI d'Antioche soutint lui aussi les Vénitiens, la querelle gagna Tripoli, bref au moment où les Mongols et les Mamelouks avançaient, ce n'était certes très judicieux, mais cette désunion perdura justement quand il s'agit de choisir entre les Mongols et les Mameluks. Si l'ensemble de la Chrétienté espérait en une alliance (assez improbable) entre le Khan mongol et les Francs, tous les Poulains n'étaient pas de cet avis. Déjà les horreurs de la conquête mongole n'étaient pas du goût de tout le monde, même des chrétiens. Aussi Acre soutint les Mamelouks contre Hulagu et permirent aux armées de Baïbars de traverser leurs terres pour aller écraser l'armée du Khan.

Evidemment une fois un pouvoir musulman raffermi et unifié entre Alep, Damas, et Le Caire, les dernières principautés franques n'avaient plus beaucoup de temps à vivre. Entre 1265 et 1268 Baïbars reconquit les places-fortes de la Syrie chrétienne et Antioche tomba en mai 1268. Ne restèrent plus que le Comté de Tripoli qui tomba en 1275 et Saint-Jean d'Acre, en 1291. C'était fini des royaumes latins de Syrie.

Mais un autre royaume chrétien était allié aux Francs, et ce depuis la Première Croisade. Le conteur de Baïbars y fait allusion avec son champion Mu'ayyaq fils de Yahrub l'Arménien : il s'agit des Arméniens de Cilicie, venu s'installer autour d'Edesse (Urfa) après la conquête seldjoukide au XI° siècle. Soutenu par les Byzantins et puis les Francs, ou bien rivaux des Byzantins ou des Francs, la Cilicie arménienne essaya de maintenir une souverainteté indépendante entre Edesse, Malatya (Mélitène) et Tarse. Les rois arméniens s'allièrent aussi par mariage avec les rois de Jérusalem. Bref, entre Byzantins, Turco-Kurdes et Normands d'Antioche, les Arméniens suivirent les aléas de la politique locale, et le roi Héthoum participa avec Bohémond VI d'Antioche, son gendre, à l'expédition mongole de Kitbugha, contre les Ayyoubides et Mamelouks en 1258-1260. Ce fut la première et unique fois où des armées chrétiennes investirent Alep et Damas.

Devant la puissance mamelouke, les Arméniens continuèrent de jouer la carte mongole, durant tout le XIV° siècle, espérant en chaque tentative ilkhanide de reprendre la Syrie aux Mamelouks,mais les Mongols ne purent jamais reprendre le Proche-Orient aux Turcs. Para illeurs les rapports entre les Arméniens et les Latins de Chypres n'étaient pas fameux, venaient s'y ajouter une inimitié religieuse, comme entre Byzantins orthodoxes et catholiques. En 1375, le dernier roi d'Arménie de Cilicie fut capturé par les Mamelouks, gardé 7 ans au Caire, put finalement se racheter et s'en alla à Paris où il mourut le 29 novembre 1382. Il est évident qu'à cette époque, alors que l'Europe, comme le Moyen-Orient, se relevait à peine de la Peste noire qui tua 1/3 de la population, et qu'en plus la Guerre de Cent ans ne faisait presque que commencer, plus aucun souverain ne se souciait réellement, sauf en des serments de fin de banquet sans lendemain, de la reprise de Jérusalem. 1382, c'est la minorité de Charles VI, le début des guerres de Naples avec l'expédition de Louis d'Anjou, et du côté anglais, la minorité de Richard II. Bref, l'Europe n'avait plus rien à faire en Syrie ni en Anatolie.




dimanche, décembre 17, 2006

Coup de projo sur : Tania Arab


Cette fois-ci cap au sud avec Tania Arab et 3 musiciens comme lui originaires du Kurdistan d'Irak. Le chanteur, né à Hewlêr, la capitale, est un des plus réputé dans le genre heyran, ces chants populaires qui aniamient les veillées. Le lawk est une poésie traditionnelle chantée, à thème épique ou amoureux. Ici, il s'agit d'un répertoire uniquement amoureux, à thème classique dans la chanson kurde : éloge de la bien-aimée, de ses attraits physiques, invites coquines de la belle à partager la nuit avec son amoureux, , avec un zeste d'érotisme toujours récurrent dans la poésie amoureuse kurde.

Dêwanim (Je suis fou) :

"Fou d'amour, je pars sur les traces des nomades !
Ô ma bien-aimée, pourquoi être partie si loin ? A quoi sert de se plaindre au pays de Mukriyan ?
Les parents de ma bien-aimée aux lèvres fines
Refusent de m'accorder sa main !"

Ce lawk est un dialogue entre Khanim e t son mêwan (son invité) :

- Ô Khanim je ne puis te voir que sur le toit de ta maison !
noircis-toi les yeux avec du khôl
Toi qui sais si bien les ruses des filles de la ville !
Peigne-toi les cheveux, rosis-toi les joues !
Je mettrai le lit sur la terrasse avec des coussins et des oreillers de plume d'oie
dans l'obscurité de la nuit je commencerai à l'embrasser !
à l'abri des regards des invités
Ô jeune fille ! Quest-ce que j'endure pour pouvoir t'embrasser !

Réponse de la bergère au berger :

- Mon invité ! mon invité !
C'est mon invité pour la nuit !
Si le lit de mon invité n'est pas confortable
il se reposera sur ma poitrine !"


Parêshanim (j'ai l'esprit égaré) :

"L'amour fait chanter le rossignol au printemps
L'amour fait tourner le papillon autour de la flamme
Je suis amoureux de tes beaux yeux et j'en souffre !
Je ne sais comment guérir la plaie de mon coeur meurtri
Amoureux à la folie, j'ai la maladie de l'amour."

Heyran :

Heyran ! Heyran ! Ô frères ! Heyran !
Le remède à tous les maux
est de caresser les seins de sa bien-aimée
et de se serrer très fort contre elle la nuit !"

Beguî :


Le francolin, la caille et le héron se réunissent à la source
Je prie Dieu de les surveiller
Il y a tant de danger sur leur chemin.
Beguî est partie d'ici, telle la lune qui disparaît du ciel
Le soleil est couché, Beguî ! Ma lune, reviens !"

mercredi, décembre 13, 2006

Unanimité des Kurdes contre le rapport Baker



photo Roxane


Le rapport Baker-Hamilton a déclenché un tollé chez tous les responsables kurdes, dont les "deux présidents", Massoud Barzani et Jalal Talabani.

Dans une interview à Asia News, Saywan Barzani, le représentant du Gouvernement du Kurdistan pour l'Union européenne, livre ses commentaires :

Selon lui, le rapport encourage la violation de la constitution irakienne, approuvée par référendum en janvier 2005, notamment sur le statut de Kirkouk et la "réconciliation" recommandée avecles Baathistes irakiens.

"Le rapport Baker est "anti-kurde" déclare Saywan Barzani, et sera une source d'instabilité. Il est à 20% pro-sunnite, et pour le reste pro-chiite, mais omet de parler des Kurdes et du rôle qu'ils ont joué dans la reconstruction du pays, ainsi que dans le gouvernement." explique Saywan Barzani.


?Si certaines des suggestions de la commission Baker-Hamilton sont appliquées, il n'y aura plus aucune stabilité dans la région. L'idée de permettre aux anciens Baathistes de revenir dans le processus politique dont ils avaient été complètement exclus par les Etats-Unis après la chute de Saddam Hussein est une autre source d'inquiétude... Baker a rassuré en personne le président du Kurdistan Massoud Barzani avant que le rapport soit publié, en disant qu'il était de notre côté, nous qui avons toujours soutenu la politique américaine, mais ce n'est pas le cas".

Les Kurdes s'opposent vigoureusement au renforcement du gouvernement central aux dépens du fédéralisme constitutionnel. Le statut de Kirkouk, qui dans la constitution, devait être réglé par référendum avant décembre 2007 est laissé dans le flou. Le retour des Baathistes, responsable du génocide kurde au gouvernement leur paraît inacceptable, ainsi que l'ouverture vers la Syrie et l'Iran.

?D'abord, la commission Baker appelle à la révision d'une constitution approuvée par 80% des irakiens. Concernant Kirkouk, cela signifie clairmeent que les Arabes implantés à Kirkouk par Saddam y resteront, et les Kurdes déportés resteront dans les camps de réfugiés.

La rapport Baker soutient un renforcement des pouvoirs gouvernementaux, surtout dans les gestion des ressources, alors que les Kurdes souhaite un contrôle régional dans chaque province.

Sur la réhabilitation des anciens Baathistes Saywan Barzani est catégorique : ?Nous ne pouvons nous réconcilier avec des gens qui ne se soucient pas de l'avenir du pays mais sont seulement engagés dans la violence et le terrorisme?.

De même, l'idée dentamer des discussions entre la Syrie, l'Iran et les leaders des groupes armés irakiens avant la fin de l'année lui semble irréalisable :

?Baghdad a déjà des liens de longue date et des intérêts communs avec l'Iran, mais avec la Syrie, il y a des problèmes majeurs : près de 80% des terroristes qui viennent en Irak passent par la frontière syrienne. Mais nous travaillons à un niveau diplomatique avec Damas pour endiguer ce flot. Les Eatats-Unis peuvent seulement nous aider dans le domaine de la sécurité."

Saywan Barzani ajoute que l'aide des USA devrait se traduire par un maintien de ses forces pour une durée de dix ans encore, le temps que l'Irak renforce son armée nationale et démantèle les milices ethniques (1)." (source asianews).


(1) note à la fois sincère perfide de la traductrice : mais pas celle des peshmergas, faut tout de même pas pousser...



Le Rapport Baker Hamilton peut être lu et téléchargé ici.

Turkish delights

J'adore ses chroniques et analyses succulentes que je déguste, le matin, en allumant le pc de bureau. Et parfois il me fait tellement pleurer de rire, toute seule dans ma biblio que je vais finir avec une réputation de schizo...

Saladin et les Kurdes


"En 1169 un émir kurde de l'armée de Syrie, Saladin, succéda à son oncle à la tête du vizirat d'Egypte qu'il venait juste de conquérir. Il devint le sultan le plus célèbre de l'Islam par la reconquête sur les Francs de la ville de Jérusalem. Il assura la pérennité d'une dynastie familiale du Yémen à l'Egypte et de la Syrie à la Haute-Mésopotamie. De son intronisation au vizirat égyptien à sa mort en 589/1193, Saladin est assisté par des personnages d'origines diverses (Turcs, Arabes, Kurdes, Iraniens). Parmi eux les Kurdes constituent un important groupe présent non seulement au sein de l'Etat ayyoubide, mais aussi dans toutes les sphères sociales des villes de Syrie Palestine et de la Djézireh. Qui étaient les Kurdes du temps de Saladin ? Comment étaient-ils perçus par les auteurs arabo-musulmans ? Quel fut leur rôle sous le règne de Saladin ? Leurs relations avec les autres groupes ? D'où venaient-ils ? Quels rapports entretenaient-ils avec leur territoire d'origine ? Comment replacer leur engagement auprès de Saladin dans une histoire médiévale des Kurdes ?"


Le samedi 16 décembre 2006
à 16 h
Boris James présentera et fera une signature de son livre

Saladin et les Kurdes

à l'Institut kurde de Paris
106 rue Lafayette 75010 Paris
M° Poissonnière
entrée libre

mardi, décembre 12, 2006

La Valise de mon papa

Ou le beau discours de réception du Prix Nobel par Orhan Pamuk, disponible en traduction française :

"Pour moi, être écrivain, c'est découvrir patiemment, au fil des années, la seconde personne, cachée, qui vit en nous, et un monde qui secrète notre seconde vie : l'écriture m'évoque en premier lieu, non pas les romans, la poésie, la tradition littéraire, mais l'homme qui, enfermé dans une chambre, se replie sur lui-même, seul avec les mots, et jette, ce faisant, les fondations d'un nouveau monde."

Roman de Baïbars : Meurtre au hammam



Avec Meurtre au hammam, nous voyons disparaître un de mes perso préférés, enfin mon perso préféré avec Fleur des Truands, qui est le roi El-Sâleh. Mais bon, il faut bien qu'il fasse de la place puisque le sujet principal du roman, c'est tout de même "Baïbars sultan". Alors voilà il meurt de sa belle mort et tout le roman peint en raccourci ou en version vaudeville (mais à peine exagéré) les troubles de succession qui ont précipité la chûte des Ayyoubides, et surtout mettent en premier plan l'étonnante histoire de la Sultane d'Egypte, la veuve du roi El-Sâleh, Shadjarat Durr ou Arbre de perles.

Dans le roman, qui est assez moralisateur, la dame n'accède pas au titre suprême ni ne le réclame, alors que c'est bien ce qui se passa en 1250. Jean-Patrick Guillaume la présente comme un cas unique dans l'histoire de l'islam médiéval, celui d'une femme accédant au pouvoir, porté par une coalition d'émirs. Nous allons voir que si Shadjarat Durr en fut l'exemple le plus éclatant, ce ne fut pas la seule dans le monde des Kurdes ayyoubides.

Qui était Shadjarrat Durr Wâlidat Khalîl al-Sâhiliyya ? Une esclave d'origine turque appartenant au roi El-Sâleh (d'où sa nisbah al-Sâhiliyya qui indique son état premier), et qui prit ainsi le chemin le plus court pour une esclave au physique avantageux et au tempérament politique : de concubine, elle devint favorite, puis mère d'un fils, Khalîl, et donc de par la sharia, affranchie et épousée.

Jusque là, sa carrière ne sort pas de l'ordinaire. Mais, à l'égal d'une Roxelane auprès de Soliman, ou de Mumtaz Mahal auprès de Shah Djahan, Shadjarrat Durr sut non seulement se faire aimer du sultan, mais appréciée et respectée pour son sens politique et son intelligence. Elle devint un des dignitaires de l'Etat, "immédiatement après le chef militaire Fakhr al Dîn" nous dit l'encyclopédie de l'islam qui lui consacre une entrée.

Bref quand El-Sâleh meurt à Mansourah, après avoir foutu la pilée à Saint Louis, elle se retrouve faire partie d'un conseil de crise avec deux autres ministres, qui assurent l'inter-règne, le temps que le prince héritier Turan Shâh arrive de Hisn Kayfâ pour monter sur le trône de son père. Se méfiant des émirs et des mameluks, les trois régents se mettent d'accord pour tenir secrète la mort d'El Sâleh pendant trois mois (le temps que le beau-fils arrive au Caire).

Cela dit, Turan Shâh ne fit pas long feu, les émirs kurdes l'ayant assassiné très vite. Dans le roman ce pitoyable héritier devient Issa Ghazî, "le fils d'un premier mariage que le roi El-Sâleh avait contracté avec une princesse kurde de Haute-Mésopotamie, avant d'épouser la reine Chajarat El-Durr. Il passait toute l'année dans les monts Ikaz, où il s'était fait construire un château et où il vivait entouré d'une centaine de jeunes esclaves, de délicats éphèbes plus charmants que les échansons du paradis. Chaque année, il s'appropriait la récolte des vignes qui couvraient les basses pentes de la montagne et en faisait du vin, qu'il entreposait dans de grandes jarres. Il avait un esclave favori, nommé Janantum, délicieux adolescent aux yeux de biche et aux joues roses, dont la beauté éclipsait le soleil et la lune réunis. Il l'aimait plus que tout au monde et ne pouvait supporter d'en être séparé fût-ce un instant ; c'est pourquoi il s'était retiré avec lui dans ces lieux solitaires."

On le voit, Issa Ghazî est le type même du prince "fin de race", à laquelle on associe généralement l'indolence, la dépravation, et la pusillanimité ; la touche comique est assurée quand à chaque fois que les Francs menacent Le Caire, Issa Ghazî ne sait que pleurnicher "Mon Dieu monDieu ! ils vont me tuer mon pauvre petit Janatum !" A sa décharge, il n'était pas du tout demandeur quand on le porta au pouvoir...

Après Issa Ghazî, Baïbars, que le roi a pourtant désigné comme son héritier mais qui se défile à chaque fois vertueusement, soutient la succession du fils d'El-Sâleh et de Shadjarat Durr, Khalîl el-Achraf. Celui-ci est une jeune prince beaucoup plus sympathique, vif, espiègle, très copain avec Baïbars avec qui il remporte une grande victoire sur le mauvais roi franc Marin, et très moqueur, prenant pour cible et tête de Turc (ça tombe bien) le stupide Aïbak, l'ennemi juré de Baïbars. Ce qui fait qu'un soir Aïbak étouffe le jeune sultan. Tout le monde pleure, et s'ensuit un épisode mi eau de rose mi burlesque, où Aïbak demande Shadjarat Durr en mariage, via l'intermédiaire de Baïbars, se fait rembarrer et puis accepter parce que l'esprit du roi El-Sâleh vient semoncer sa veuve en rêve, lui ordonnant d'accepter, et bon le lourdaud Turc devient l'époux de l'hautaine sultane qui tord le nez devant ses manières de Mamelouk et son franc parler : " - Eh bien, qu'est-ce que tu as ma petite dame ? Pourquoi fais-tu ta mijaurée ? Après tout c'est ton second mariage, ce n'est plus le moment de jouer les pucelles effarouchées !" Du coup, de plus en plus rebecquée, la sultane lui fait comprendre qu'il peut se la mettre sur l'oreille et la fumer tout seul : "Furieux et humilié, Aïbak se leva, enfila ses babouches, et quitta la pièce en pestant tout bas : "Allah bala versen ! Putain de nuit de noces !"

La réalité est cependant plus invraisemblable, comme souvent dans l'Histoire vs histoires. Shadjarat Durr fut portée au pouvoir, avec le titre de Sultan par les émirs kurdes et les mamelouks turcs, le 4 mai 1250. L'émir Aïbak était, lui, commandant militaire. Si des princesses kurdes avaient déjà exercé le pouvoir, après leur veuvage, c'était au nom de leur fils mineur, en temps que régente donc, en partenariat avec un atabeg. Ce fut ainsi le cas pour l'épouse du talentueux sultan d'Alep al-Malik al-Zahir Ghazî Ghiyat al-Dîn, le fils de Salâh al-Dîn, qui mourut vers 1214, en laissant comme unique héritier un enfant en bas âge, al-'Aziz. Son épouse, Dayfa Khatun,qui était aussi sa cousine puisque fille de Malik al-'Adîl, le frère de Saladin qui lui succéda au caire, exerça donc la régence. Il est vrai que son ascendance prestigieuse, fille, nièce, épouse et mère de sultan lui donnait une position non négligeable aux yeux des émirs. De plus, les émirs n'avaient peut-être pas envie de voir débarquer un autre ayyoubide, non alépin et qui en plus remplaceraient les dignitaires du défunt al-Zahîr par des dignitaires à lui.

De même à Hama, Ghaziyé, la veuve d'Al-Muzaffar fut régente pendant la minorité de ses fils. Il est vrai que les jeunes princes n'étaient que des pantins dans la main de leurs puissants oncles, qui régnaient au Caire et en Syrie.

Mais Shadjarat Durr n'exerça pas que la régence, puisque son fils Khalîl mort, elle fut nommément reconnue Sultan, en tant que veuve et mère de deux Ayyoubides morts. Et l'on fit battre monnaie à son nom, une des deux prérogatives du prince souverain, avec le prêche de la Khutba (qui fut probablement fait en son nom).

Naturellement on peut voir plusieurs motifs à cela : les mamelouks avaient avantage à mettre au pouvoir une femme, turque de surcroît, qui aurait besoin de s'appuyer plus que sur les émirs kurdes (on a vu l'inimitié qui existait entre les deux clans). Et les princes ayyoubides n'avalèrent pas le morceau, étant eux-mêmes prétendant au trône. Ainsi le sultan de Syrie Al-Nasir Yussuf menaça de faire sécession, pas très content de se faire évincer par une femme. En pouvoir mâle "cosmétique", Shdjarat Durr épousa donc Aïbak, le chef de ses armées et lui céda son titre (en apparence car de fait elle continuait à diriger). Par ailleurs elle n'avait pas reçu non plus l'investiture du calife al-Mu'tasim (en principe le calife est seul habilité à nommer un sultan). C'était moins grave, les califes abbassides n'avaient guère le pouvoir de lever une armée contre l'Egypte, et de son vivant, jamais Salâh al-Dïn n'avait porté le titre de sultan, ce qui ne l'avait pas empêché de diriger le Proche-Orient...

Mais voilà, comme dans le roman, Aïbak, pas très fin, se met en tête de contracter un autre mariage. Il est à noter que la polygamie n'est pas très bien vue chez les princesses, et qu'elles protestent vigoureusement contre cela. La femme de Baïbars, avant de l'épouser lui fait jurer qu'il restera monogamme (cette forme de serment est effectivement une clause valable dans un contrat de mariage musulman), et Shadjarat Durr, qui dédaigne pourtant le gros Aïbak, se vexe à mort quand il s'amourache d'une jeunette (une Bédouine, en plus !). Sa diplomatie proverbiale s'y mettant, les choses ne s'arrangent pas dans le couple :

"- Par Dieu, si tu la voyais, tu en tomberais toi-même amoureuse ! s'exclama Aïbak avec le tact qui le caractérisait. Je suis sûr qu'il n'y a pas au monde de femme plus belle et plus séduisante.
- Oh, pour ça, je suis bien sûre que je suis vingt fois mieux qu'elle, rétorqua la reine piquée au vif. Ne suis-je pas reine, fille et petite-fille de roi ?
- Je ne dis pas le contraire, mais je vais te donner un exemple : les restes de la veille, est-ce que ça vaut un plat préparé le jour-même ? Elle, au moins, je l'ai eu vierge..."

Bref, rien ne va plus et furax, la reine sous prétexte de bichonner son époux au hammam l'assassine en l'assommant à coups de soques de bois. Et elle est immédiatement poursuivi par le fils d'Aïbak, qui la traque à demi-nue dans la Citadelle, d'où elle finit par tomber du haut des remparts.

Ce qui fut vrai, c'est qu'Aïbak fut exécuté en 1257 sur ordre de son épouse, après qu'il eut contracté mariage avec une princesse zengide de Mossoul, (ce qui était bien plus dangereux pour la reine qu'une bédouine égyptienne). Et c'est vrai aussi qu'elle fut assassinée de façon mystérieuse, puisque son corps nu fut découvert au pied de la Citadelle. On raconte que ce furent les femmes d'Aïbak, furieuses de se retrouver veuves, qui l'assassinèrent au hammam, à coups de socques.

Une biographie lui a été consacrée :



dimanche, décembre 10, 2006

Coup de projo sur : Ali Ekber Cicek


Ali Ekber Çiçek, né en 1935 à Erzincan, mort en avril 2006. Un des plus fameux chanteur alévi, interprétant des poèmes de Pîr Sultan Abdal; Kul Hüseyn, Kul Veli, ou des chants traditionnels de sa région. A la différence des effusions passionnées deShahram Nazeri, sa mélancolie austère rappelle que le Dersim et ses alentours n'est pas un pays très gai ni très exubérant, pas plus que leur cem (il est vrai que celui auquel j'avais assisté à Dersim même était celui du 10 de Moharram commémorant la mort de Hussein, donc pas de quoi batifoler durant le sema).

Il interprète là des poèmes bektashis, Kizil bach et Alévis, en turc bien sûr, puisque depuis Shah Ismaïl "Hatay" la langue religieuse des Alévis est le turc, comme celle des Ahlé-Haqq est le guranî et celel des Yézidis le kirmancî.

lundi, décembre 04, 2006

Roman de Baïbars : La Trahison des émirs

La Trahison des émirs est consqcré dans le premier tiers aux aventures de l'épique Maarouf chez les Francs. Mais viennent ensuite en scène pour la première fois dans le roman les Mongols, qui furent le grand succès du règne de Baïbars, puisque c'est lui qui stoppa l'avancée mongole en Palestine, alors que les Chrétiens espéraient naïvement conclure une alliance avec le Khan. Dans la foulée, Baïbars "nettoya" aussi les forteresses ismaéliennes de Syrie et les dernières places côtières tenues par les Francs. C'est d'ailleurs à ce moment que le règne ayyoubide prit vraiment fin, avec un durcissement contre les chrétiens, même autochtones. En Egypte et en Syrie, les chrétiens furent soupçonnés de complicité ou de sympathie pour les Mongols ou les Francs. Et la relative détente du règne ayyoubide fut oubliée. L'Islam en passe d'être submergé dans la totalité de son territoire par des non-musulmans, réagit par la défiance et la persécution envers ses propres minorités, un point commun qui relit l'époque mamelouke de la fin des ottomans... Par ailleurs, il est indéniable que des princes francs s'allièrehnt aux Mongols en Syrie, ainsi Bohémond VI d'Antioche en 1260, combattit aux côtés de Kit Bugha, le gouverneur de Syruie pour les Mongols, contre Baybars; et donc la "trahison des émirs" dans le roman, inspiré par le méchant cadi chrétien, montrant une collusion manichéo-chrétienne contre les Kurdes et les mamelouks restés fidèles est le reflet d'une réalité historique.

Les Mongols adoptèrent de fait, au tout début, une attitude plus souple envers les Chrétiens nestoriens de haute Mésopotamie, qu'envers les musulmans dont ils se méfiaient. Par ailleurs ce "favoritisme" n'était pas non plus une nouveauté dans le gouvernement de l'islam. Ainsi les Artoukides du 12° siècle, à Harput, Amide (auj. Diyarbakr) et Hisn Kayfâ (auj. Hasankeyf), ayant à se garder des turbulentes tribus kurdes et arabes qui voyaient d'un mauvais oeil leurs pouvoirs et leurs pâtures investies par les Turkmènes, préférèrent s'appuyer sur les Chrétiens de Djezireh et du Diyar Bakr, un temps malmenés par le pieux Nûr al-Dîn.

Les Mongols étaient diversement de culte chamanique, boudhiques, nestoriens, cela n'avait guère d'importance, car si au Moyen-Orient (comme en Europe du reste) l'identité religieuse primait sur l'ethnie, il n'en allait pas de même pour les fils de la steppe. Ainsi Guillaume de Rubrouck, ce moine franciscain partit évangéliser les Mongols en 1253-1254, apprend-il avant de rencontrer leurs dignitaires, qu'il faut se garder d'appeler "chrétien" un Mongol, que celui-ci le prendra comme offense en étant assimilé à une autre nation que la sienne, celle du yasak. On le voit, le mic mac religion-peuple vient de loin.

Mais bon, la bienveillante neutralité ou indifférence envers les Chrétiens, dont témoignèrent les Ilkhanides permirent pour la première fois depuis Abgar le roi d'Edesse, à un roi chrétien de régner sur la haute Mésopotamie. En 1276, Il-Khan de Perse ?Abaqa ( 1265-1282), l'arrière petit-fils de Gengis Khan, donc, nomma gouverneur de Mossoul et d'Erbil un Syriaque, Mass?ud de Bar Qawta. Il finit même par être nommer "roi de Mossoul et d'Erbil", mais eut un règne mouvementé et dût se battre fréquemment contre les Kurdes hostiles aux Mongols et les Mamelouks. (v. Les Syriaques et leur roi, Ephrem Isa Youssif).

Finalement, les Ilkhnanides se convertirent à l'islam (balançant longtemps entre chiisme et sunnisme) et cela se termina donc mal pour les Chrétiens de Mossoul et surtout d'Erbil, qui s'exilèrent de la région. Beaucoup vinrent se réfugier dans les montagnes du Hakkarî, où ils restèrent jusqu'au génocide de 1915.

Maintenant le point curieux est que ces Mongols sont présentés dans le roman comme des "Persans, adorateurs du feu". Jean-Patrick Guillaume y voit là une convention littéraire, issu du Roman d'Antar. Peut-être aussi le boudhisme et autres cultes chamaniques d'Asie centrale n'étaient pas très distingués, de la part des musulmans, de la zandaqa manichéenne ou zoroastrienne, d'autant plus que le manichéisme fut aussi en contact avec le monde bouddhique d'Asie centrale, autant que les Nestoriens, et si le manichéisme déclina vite dans le monde musulman, il se maintint en Asie centrale, même si dans les esprits, il demeurait lié au monde iranien pré-islamique, et si de nombreux soufis furent accusés de "zandaqa", tel al-Halladj, ce qui pour ses adeptes du tawhid (Unicité) est un comble ! ou Ibn al-Mukkaffa, le célèbre auteur-traducteur de Kalila wa Dimna, supplicié à 36 ans. bref culture iranienne et zandaqa allait souvent de pair dans l'esprit de dévôts sourcilleux. Mais les Mongols ? ¨Peut-être est-ce effectivement une convention littéraire, tout comme dans le Shahnameh, le Touran est indéfectiblement le Mal qui menace l'Iran depuis l'assassinat d'Iredj, alors qu'il faut bien admettre que c'est de l'ouest qu'est venu la première destruction de l'Iran.

Mais un autre peuple apparaît pour représenter les adorateurs du feu, et cette fois-ci avec unpeu plus de pertinence, il s'agit des Daylamî, dont le chah Qafdaq, qui surgit soudain dans cette histoire, ainsi que l'annonce El-Sâleh au vizir Châhîn :

"Il est arrivé du pays des Persans un certain chah Qafdjak le Daïlamite, à la tête de douze mille soldats de son pays. Pour l'instant c'est un adorateur du feu, un petit misérable ! Mais il finira bien par se convertir ) l'Islam avec tous ses hommes."

De fait, Baïbars est envoyé par le sultan combattre Qafdjaq, le trouve sympathique, et en un tour de main le convertit, normal le Grand Matou avait tout prévu.

Mais qui sont ces Daylamî, aujourd'hui disparus ? Le Daylâm, cette terre montagneuse au sud du Gilan, qui comprend la haute chaîne de l'Alburz, fut effectivement un foyer religieux à part, comme souvent les régions isolées et difficiles à conquérir, et il semble que les Daylamî sont voués à l'hérésie ou à l'indépendance religieuse, quelle qu'elle soit, au cours de siècles. Comme le dit le vizir Saqalantâs au khan Halawoun : "Tu as, dans les montagnes du Daïlam, un vassal rebelle : envoie-moi vers lui avec une lettre d'aministie pour lui et ses dix-mille hommes, et je te l'amènerai ici." Et ce statut de "vassal rebelle" semble une constante dans leurs rapports avec le pouvoir depuis la haute antiquité jusqu'à leur extinction après le Moyen-Âge.

Population autochtone très ancienne, sans doute pré-iranienne au début, ils suivent le destin de ces peuples montagnards que la rudesse de leur habitat façonne en guerriers assez endurants trouvant finalement à s'employer comme mercenaires. "C'était, comme nous l'avons dit, un colosse indomptable et farouche, une nature orgueilleuse et rebelle". Les Dolomites décrits par Procope sont assez proches des Daylamî de l'époque musulmane, combattant à pied et à la lance, au rebours de battalûn kurdes et turcs, préférant l'arc et la cavalerie.

Avant l'islam leur culte était bien sûr païen, et ils semblent avoir longtemps conservé leur ancienne religion, au moins jusqu'au IX-X° siècle, s'islamisant donc moins rapidement que les Persans, et devenant très vite une terre de refuge pour les outlawed, par exemple les Shiites fuyant la persécution des Abbassides. Peu à peu les Daylamî furent gagné par le chiisme, et avec les fameux vizirs bouyides, commencèrent à sortir de leurs montagnes pour fonder des dynasties en Azerbaïdjan, dans le Caucase et bien sûr à Bagdad, d'où ils dirigèrent l'empire durant 109 ans, jusqu'à l'arrivée des Turcs seldjoukides. Ce fut d'ailleurs une période de cohabitation originale, puisque les vizirs bouyides chiites, gouvernaient pour le compte du calife sunnite, sans chercher, par sagesse politique, à imposer leur confession au califat.

Mais la grande heure heure du Daylam dans l'histoire médiévale, c'est effectivement quand il abrita les Ismaéliens d'Alamut, et durant 166 ans, les Daylamî résistèrent ainsi non seulement aux souverains sunnites, mais en plus jouèrent un rôle actif dans la propagande chiite et pro-fatimide, jusqu'à la rupture avec les mustaéliens et les nizarites comme nous l'avons vu pour La Chevauchée des fils d'Ismaïl. Les Mongols détruisirent totalement Alamut, prirent toutes les places fortes du Daylam et à partir de là commence la disparition de cette popualtion aux coutumes originales, bientôt dominée par leurs voisins du Gilan (en 1416, le souverain de Lahîdjan en tua deux ou trois milles d'un coup). Il est donc paradoxal de les voir alliés dans le roman aux Mongols de Perse qui entama leur déclin.


dimanche, décembre 03, 2006

Coup de projo sur : Shahram Nazerî


Le plus magnifique, le plus talentueux, le sublime, le plus glamour, enfin bon, bref, le Shahsiwar des stranbêj kurdes; Shahram Nazeri, né à Kermanshan vers 1950 et qui depuis l'âge de huit ans interprète les mystiques persans comme Rumî, Hafez, les poètes contemporains comme Sohrab Sepeheri et les chants et poèmes kurdes de sa province natale, comme ici avec cet album Heyrani ou Mystified, accompagné des temburs (luths kurdes) de l'ensemble Shams.



mardi, novembre 28, 2006

Roman de Baïbars : La Chevauchée des fils d'Ismaïl

Avec La Chevauchée des fils d'Ismaïl, consacré pour une bonne partie aux exploits des Ismaéliens, nous voyons que le pouvoir du roi ayyoubide, en apparence des plus inactifs, s'exerce à maintenir l'équilibre entre de puissantes coalitions qui en principe unis pour combattre le chrétien n'en agissent pas moins entre elles comme des factions rivales se disputant la succession d'El-Sâleh. Si le Sultan passe son temps en oraisons avec des religieux, parfois mentionnés comme étant "kurdes ayyoubides" (ce qui montre qu'au rebours des Turcs, les Kurdes, s'ils sont estampillés "ayyoubide" c'est-à-dire d'une bonne famille, ne sont pas uniquement membres de l'exécutif et du militaire) ou bien à être saisi de transes au Conseil et à se perdre en propos énigmatiques tout en réprimandant son vizir de la main droite, ce bon Chahîn, pour tout ce qui va de travers dans le monde, son impuissance apparente, voire même le masque de gâteux faiblard qu'il offre à ses émirs sert à contenir les appétits des Kurdes et les Mamelouks, qui nous l'avons vu, ne peuvent pas se sentir, et protéger ainsi le royaume de la fitna, la guerre entre musulmans, qui est constamment présentée comme la pire chose qui puisse arriver au Dar al-Islâm, et qui bien sûr ne cesse de menacer ou d'éclater franchement. Pour le moment, c'est un statu-quo incertain qui prédomine autour de la personne d'El-Sâleh, les Turcs comme les Kurdes trouvant intérêt à le laisser sur le trône (évidemment ils ne pourraient pas le renverser s'il le voualaient, puisque "l'Boss Sâleh c'est le matou de tous les matous, le grand chat", mais bon à part Otmân, peu sont au courant).

Mais ce quatrième tome montre plus en détail les agissements et la force impétueuse, un brin gênante, des Ismaéliens et de leurs rapports pas très nets avec le pouvoir légitime du Caire. Car dans l'histoire ils ne sont nullement chargés de la légende noire des Assassins drogués et manipulés que leur a faite Marco Polo. Bien implantés dans les montagnes du nord de la Syrie, s'exprimant dans un parler paysan très savoureux, les fidaouis du roman n'ont rien de fanatiques ou de mystiques en armes: Ce sont de rustiques montagnards, bâtis comme des géants, à la force surhumaine, léonine, et cet aspect démesuré, cet hubris dans la bravoure et l'enthousiasme envers Baïbars sont un signe que ces Combattants là frôlent souvent la force illégitime, non civilisée, des nomades et des Bédouins. Même leurs filles chevauchent tout armées en espérant rencontrer un autre champion, fût-il chrétien ou musulman, afin de le défier et de lui faire mordre la poussière.

Historiquement la présence de ces Ismaéliens ou Nizarites dans les montagnes syriennes (surtout du côté de Hamât) est le fait d'un schisme autour d'une querelle de succession. En 1094, après la mort du calife fatimide d'Egypte al-Mustansîr (à cette époque les Fatimides étaient les leaders de l'Isma'iliya), il y eut conflit entre ses deux fils, Nizâr et Ahmad. Le premier qui était l'aîné, fut appuyé par Hassan-i-Sabbah, le fameux chef d'Alamut et les Ismaéliens d'Iran. Cela ne l'empêcha pas de perdre et de finir emmuré par son cadet, mais du coup il y eut scission entre les Fatimides d'Egypte et de Syrie et les "gens de Nizar", qui se tournèrent vers Alamut, Hassan-i Sabbah s'étant proclamé chef de l'Isma'iliyya, puisque Ahmad al-Musta'li, le fils chanceux d'al-Mustansir n'était à ses yeux qu'un usurpateur. Les émissaires d'Alamut envoyèrent nombre de missionnaires et de fidaouis au Proche-Orient mais ne purent réellement se maintenir que dans des djébels de Syrie, où tantôt alliés aux Francs tantôt aux émirs et atabegs syriens, ils finirent par garder quelques forteresses à Hamât, Kadmûs, Masyaf. Le chef syrien des Nizarî était toujours vassal, en principe, du Vieux d'Alamut. Cela n'empêcha pas les plus indépendants de prendre quelque distance avec le siège central : ainsi le fameux Rashîd al-Dîn Sinân, qui donna tant de fil à retordre à Saladin en lui envoyant ses fidaouis aux trousses, dut échapper lui-même à quelques tentatives d'assassinat de la part des gens d'Alamut.

Dans le roman, la querelle brouillonne et puérile des deux fils de Jamr, se chamaillant comme deux gamins pour la chakriyyah (une arme redoutable qui d'un homme peut en faire deux) du père, alors qu'ils sont prêts même à abandonner tout le reste, citadelles, anneau magique et pouvoir pour l'objet qu'ils convoitent tous les deux (dans quelle mesure la chakriyya n'est d'ailleurs désirée que parce que l'autre la veut ?), est volontairement présentée comme futile voire incompréhensible aux yeux des autres musulmans, qui n'arrivent pas à leur faire entendre raison, mais c'est peut-être aussi une satire de ces histoires compliquées de succession entre branche aînée et cadette qui jalonnent toute l'histoire du chiisme, et particulièrement celle de l'Ismaélisme, lequel naquit d'une querelle de succession après la mort de l'Imam Jaffar (entre son fils cadet et son petit-fils, issu d'un aîné d'abord désigné puis mort prématurément) et enfin entre les Nizarites et les Mustaéliens.

Les rapports entre les Ismaéliens et El-Sâleh sont moins conflictuels dans le roman que la guerre assez dure qui eut lieu entre Saladin et Rashîd al-Dîn par exemple : trois tentatives d'assassinat d'un côté et siège des forteresses nizarîtes de l'autre, jusqu'à ce qu'une trêve fut instaurée bon gré mal gré, mais Salâh al-Dîn resta toujours un peu paranoïaque concernant ce groupe dissident (et certaines anecdotes, comme celle du poignard qu'il trouva sous son oreiller, visant à démontrer la capacité d'infiltration de son entourage le plus intime par les fidaouis peuvent expliquer cela) et sous le règne de ses successeurs ayyoubides, les Ismaéliens continuèrent de jouer leur propre partie, tantôt proche des Francs, tantôt des sunnites, et continuèrent de pratiquer les attentats punitifs sur les souverains ou les personnalités gênantes.

Dans le roman, il n'y a pas d'ambiguité sur l'engagement des Ismaéliens contre les Croisés. Il est vrai que la vision ottomane du conteur est forcément plus manichéenne qu'au XII° siècle où il semble souvent que la haine politique entre chiites et sunnites est plus virulente qu'entre chrétiens et musulmans. Les "fils d'Ismaïl" sont de bons musulmans, simplement ils ont une tendance à menacer quiconque contrarie leurs projets et ne respectent ni vizir, ni cadi, ni gouverneur ayyoubides. Seul le sultan El-Sâleh réussit à les mater de façon assez spectaculaire, par exemple quand Ismaïl fait sa forte tête durant l'arbitrage où le roi le remet à sa place à la façon d'un Gandalf engueulant Bilbo au début du Fellowship of the Ring ("- Bilbo Baggins ! Do not take me for a conjurer of cheap tricks !" )

"- Par la vie du père, tonna-t-il, j'te la prendrons ben d'force ! J'en avons rien à faire, moué, qu'le chtit gars Sâleh essaie d't'amadouer !

Tant d'impudence fit monter la moutarde au nez du roi qui s'écria :

- Allâh, ô Eternel ! O toi qui connais les secrets de l'avenir ! Châtiment pour les tyranniques, ô Seigneur des mondes ! Commenbt, pauvre imbécile, tu me prends pour le cadi ? Tu crois m'intimider en faisant la grosse voix ? Qu'est-ce que c'est que cette grossièreté ?

Il n'avait pas fini ces mots qu'Ismaïl s'abattit comme une masse, privée de connaissance : la majesté du roi lui était soudain apparue dans toute sa splendeur."


Le piquant de ce récit où l'on voit les Ismaéliens prendre Baïbars pour champion contre le dernier Ayyoubide est que ce fut bel et bien Baïbars, le vrai, l'historique, qui mata les Ismaéliens en Syrie, en même temps qu'il reconquit les terres côtières où s'accrochaient les Francs, alors que le règne des Ayyoubides, après Saladin, fut plus détendu envers les dissidents musulmans, les chrétiens et les juifs (hormis El-Sâleh justement, mais qui eut à affronter la dernière Croisade). Par contre ce qui est vrai c'est que les Ismaéliens s'allièrent avant cela aux sunnites pour arrêter les Mongols.

A la fin du récit, les agissements des Ismaéliens se font encore plus séditieux, puisque le capitaine Maarouf, le vainqueur de l'arbitrage, réussit à se faire introduire dans la Citadelle d'Alep, où il essaie, par diverses manoeuvres, d'obliger Baïbars (qui y est résolument opposé) à détrôner le roi ayyoubide. Tout le monde, Kurdes et Turcs claquent de peur devant la terrible chakriyya dont a hérité Maarouf. Bien sûr il suffit qu'El-Sâleh, très occupé au Caire "en compagnie de quelques pieux cheikhs" leur propose soudain un voyage éclair à Damas (suffit de fermer les yeux, de faire sept pas en avant, et hop) pour que tout soit rétabli. Non que le roi s'oppose à la future ascension de Baïbars, bien au contraire, mais cela doit se faire à un moment précis et pas avant, et certainement pas par des moyens illicites :

"Vengeons l'honneur de Dieu ! s'écria-t-il d'une voix forte. Vous incitez mon fils à se soulever contre moi ; mais mon fils est sage et courtois et vous n'arriverez pas à vos fins ! Sus, pour l'honneur de Dieu !" Il poussa alors un cri perçant et fut saisi de la transe des mystiques. "Hors de ma vue ! Dispersez-vous !" cria-t-il.

Il n'avait pas fini ces mots que les chevaux des Ismaéliens se cabrèrent, prirent le mors aux dents et s'enfuirent dans toutes les directions, emportant leurs cavaliers. Ils galopaient, entourés d'une nuée épaisse et ténébreuse, sans savoir où ils allaient. Lorsque la panique cessa, chaque capitaine se retrouva dans un endroit différent : Maarouf près de Sahyoun, Sulaymân le Buffle à Maarra, Hasan El-Horanî et Dibl El-Baysanî dans leurs territoires respectifs."

Et voilà pour eux. Vous inquiétez pas, on les retrouvera...


dimanche, novembre 26, 2006

Les tambours des Kamkars



Coup de projo cette semaine sur les Kamkars, avec le Chant des Tambours, une composition jouée principalement avec des percussions (plus des cris de Comanches pour un dhikr très énergique, à tel point qu'I Tunes l'a classé dans la catégorie "Rock" ce qui est un peu exagéré).

Bref les mélodies sont inspirées du Dhikr des soufis (les Kamkars sont originaire de Sine, Kurdistan d'Iran, où les soufis sont nombreux et fort actifs dans leur sema. Le daf est un instrument primordiale pour la musique des derviches kurdes, tout comme le ney pour les mevlevis. Le tâs est un tambourin qui accompagne le daf durant le semâ. On en joue aussi lors des éclipses pour conjurer le soleil de revenir et aussi pour les cérémonies de la pluie. Le duhol, c'est cette énorme percussion joué traditionnellement dans toutes les fêtes kurdes avec le zorna (clarinette). Le double-tambour (do table) est un assemblage comme son nom l'indique : un grand et un petit tambour, que l'on suspendait au cou des chevaux dans les batailles et qui jouaient des marches de guerre et de charge. Le dâmâm est un tambourin à deux faces, que l'on joue assis ou debout. Le Zarbe-Zoorkhan est fait de terre cuite, très lourd, et est joué au sol, en le frappant des deux mains. Le Tombak est omniprésent dans toutes les musiques d'Iran. Il est aussi en deux partie, une large et une étroite, on le joue des deux mains.



Bijan Kamkar: daf

Pashang Kamkar: do-table
Arzhang Kamkar: tombak, zarbe-zoorkhane
Arsalan Kamkar: barbat, violin, viola
Ardeshir Kamkar: dohol, damam, viola
Ardavan Kamkar: santur
Hooshang Kamkar: Tas

jeudi, novembre 23, 2006

Roman de Baïbars : Les bas-fonds du Caire


Avec Les Bas-fonds du Caire, on en dit plus sur les relations entre Kurdes et Turcs dans le roman, et d'emblée et sans fard, elles sont présentées comme détestables, les deux peuples ne pouvant visiblement pas se piffer. Ainsi l'affaire de l'émir Saylakhan le Kurde, se faisant ruiner et emprisonner par le Turkmène Taylakhan (la quasi-identité des noms est d'ailleurs amusante entre ces deux ennemis), car le Mamelouk, tombé fou amoureux de la fille de l'émir ayyoubide, s'est vu éconduire, puisque, dit le conteur "on connaît l'hostilité séculaire qui règne entre les Kurdes et les Turkmènes. Bien rares sont les mariages entre ces deux peuples : les Kurdes ne donnent leurs filles qu'à des Kurdes." Et plus loin, quand Taylakhan cherchent à se rapprocher de Saylakhan et s'invite chez lui, l'émir se méfie d'abord, en disant à sa femme : "Je ne vois pas pourquoi il s'est conduit si amicalement à mon égard, car les Turks et les Turkmènes ne nous aiment pas beaucoup." La morale du roman prône bien sûr la réconciliation comme le dit Baïbars, qui est d'ailleurs appelé plusieurs "l'enfant chéri de la dynastie des Kurdes", alors qu'il vient de tirer l'émir d'affaire : "Efendem, nous prions ta haute miséricorde de bien vouloir considérer tous les Musulmans comme des membres égaux d'un même corps, qu'ils soient kurdes ou turkmènes, bédouins ou citadins." Et de demander pour Taylakhan la main de sa fille, afin de réconcilier les deux ennemis. Reconnaissant envers Baïbars, le Kurde n'a plus de réticences et agrée le Turc pour gendre.

Cette hostilité que le narrateur présente comme si vive est-elle le reflet de la rivalité réelle qui exista à différents degrés, entre les Turcs et les Kurdes au XII° et XIII° siècles ? Plusieurs historiens contemporains ont laissé quelques indices à ce sujet. Ainsi Ibn Al-Athir relate la guerre (fitna) qui éclata en 581 H/1185 entre les Turkmènes et les Kurdes en "Djézireh, Diyar Bakr, Khilat (Akhlat), la Syrie, le Shahrazûr et l'Azerbaydjan. Beaucoup de gens furent tués. Cela dura plusieurs années, les chemins furent coupés, il y eut des pillages et le sang coula. La cause de ce conflit était qu'une femme turcomane avait épousé un Turcoman. Ils passèrent sur leur chemin auprès d'une citadelle du Zûzân des Kurdes (Zûzan al-Akrâd) dont les habitants qui n'étaient pas avares demandèrent aux Turcomans de participer au banquet de mariage, mais on le leur refusa. Ils échangèrent des mots qui conduisirent à l'affrontement. Le maître de la citadelle descendit, prit le marié et l'exécuta. Alors éclata le conflit. Les Turcomans semèrent le trouble. Ils tuèrent un groupe de Kurdes. Et les Kurdes se soulevèrent de la même manière. Les troubles étaient graves. Alors Mudhâhid al-Dîn ibn Qâymaz réunit un groupe de chefs kurdes et turcomans, les réconcilia et leur accorda des tenues d'honneur et des tissus..." (Ibn Al-Athîr, Al-Kamil fî-l-ta'rikh). Quand on lit ce genre de récit, on se dit que le conteur de Baïbars finalement exagère à peine dans ces récits de bagarre entre Kurdes, Turcs et Bédouins, truands et mamelouks. Boris James, dans son Saladin d'où est tiré l'extrait traduit ci-dessus, fait remarquer tout de même qu'il n'est pas vraisemblable qu'une seule querelle ait ou embraser d'aussi vastes régions, mais que cela est un indice de la guerre des deux peuples pour contrôler les régions d'Anatolie orientale, d'Azerbaydjan et de haute Mésopotamie. D'ailleurs le même Ibn Al-Athir relate des exactions turques envers les kurdes antérieures à 581, puisqu'il indique qu'en "420H/1029, des Turcs ghuzz se rendirent en Azerbaydjan puis à Marâgha, où ils commirent des exactions et incendièrent des mosquées. "Ils mirent à mort beaucoup de Kurdes hadhbaniyya. Les Kurdes ne virent de solution à leurs problèmes qu'en se mettant d'accord entre eux et en combattant ensemble le mal"". Cette lutte à la fois pour le pouvoir et pour les terres ne devait pas s'arranger, et finira par la défaite voire l'extermination de la plupart des princes kurdes du Diyar Bakr par les Turkmènes, comme le montre Claude Cahen dans sa "Contribution à l'histoire du Diyâr Bakr au quatorzième siècle", Journal Asiatique, 1955, 243.

Un peu plus tard, Sharaf Khan de Bitlîs ne semble pas mentionner cette hostilité particulière, sauf en insistant sur le mauvais souvenir et les exactions que les Turkmènes Aq-Qoyyunlu ont infligé aux Kurdes et aux chrétiens de la région : les Chrétiens nestoriens de Hakkarî, que Sharaf Khan appellent "Asurî", font même appel à un prince kurde chassé par les Turcs et qui est parti se réfugier en Egypte chez les Mamelouks. Ils le font revenir en secret, et par un stratgème s'emparent de la Citadelle de Hakkari et lui redonne le pouvoir. De même Sharaf Khan insiste sur l'oppression et la tyrannie des Aq-qoyyunlu en Djézireh-Bohtan, et sur la résistance farouche des princes kurdes de Djézireh aux Turkmènes, alors que ni les Mongols ni Tamerlan ne semblent, sous sa plume, avoir été plus néfastes pour la région, ce qui est pourtant le cas.

Reflet de luttes de pouvoir sous les Ayyoubides dans les cours du Caire et de Damas ? Cette hostilité politique affirmée dans le roman, est déjà exprimée par Ibn Shaddad, l'historien et biographe de Saladin : "Jamais les Kurdes n'obéiront aux Turcs et pas davantage les Turcs aux Kurdes." De même Ibn Khallikan rapporte qu'après la mort de Shirkuh, le général oncle de Saladin agissant pour le compte du Turc Nour al-Dîn en Egypte, la succession était ouverte entre le kurde Qutb al-Dîn Khosrow ibn Tulay al-Hadhbanî et Saladin. Et qu'un autre Kurde, 'Issa al-Hakkarî persuada le premier de s'effacer devant l'autre en alléguant : " Saladin et toi, vous êtes du même groupe. Il est d'origine kurde (inna asluhu min al-akrâd). Et vous ne laisserez pas passer le pouvoir aux Turcs. Alors il lui obéit." Comme on le voit, l'argument "mieux vaut n'importe quel Kurde à un Turc" même s'il n'était pas forcément le seul, semblait avoir du poids : si les Kurdes espéraient être favorisés par l'accession d'un des leurs au pouvoir, les Turcs avaient tout à craindre de la chûte des Zenguides.

Peu à peu cependant, les souverains ayyoubides en viennent à s'appuyer sur leurs propres Mamelouks au détriment des puissants et remuants émirs kurdes, jusqu'à ce que les esclaves turcs évincent définitivement les Kurdes comme sultan d'Egypte et de Syrie.

Mais le conteur ayant écrit sa version dans la première moitié du XIX° siècle, a-t-il aussi en tête les luttes entre les émirs kurdes de l'Empire ottoman contre les tentatives de la Sublime Porte de mater ces princes semi-indépendants, et d'imposer une administration et un pouvoir plus centralisée ? Ainsi en 1826 le gouverneur de Sivas, Rachid Mehmet Pacha eut pour mission de "pacifier les Kurdes et d'installer des gouverneurs turcs au Kurdistan" (EI, Kurdes). Ce qui fit qu'en 1830, une révolte indépendantiste eut lieu menée principalement par Muhamamd Pacha de Rawanduz (qui au passage s'en prit aussi beaucoup aux chrétiens et surtout aux Yézidis). Des troubles éclatèrent encore en 1843, cette fois-ci à Hakkarî et Djézir, et finalement tout le long du XIX° siècle et au-delà, appuyés notamment par les Russes qui ne cessèrent de soutenir simultanément ou successivement, tous les groupes dissidents de la région, musulmans ou chrétiens, le Kurdistan connut sa"guérilla de Cent ans". A-t-elle jamais cessé, d'ailleurs ?

mercredi, novembre 22, 2006

Gurmatta


Sur SikhSpectrum.com : French woman pinning a flower to honor Sikh soldiers arriving in France 1914.

Les soldats sikhs qui étaient parmi les plus braves de l'armée britannique ont toujours refusé de porter un casque et ont gardé leurs turbans, car un guerrier sikh est sans peur. Ils ont fait les deux guerres mondiales ainsi, et voilà que maintenant dans nos belles écoles républicaines, on renvoie les garçons coupables de s'habiller en grands seigneurs. Une coiffe qui exprime le courage, l'honneur, et la liberté d'une chevelure non entaillée par les ciseaux est forcément une vision d'horreur : il faut courber les nuques, griser les couleurs, raboter tout ce qui dépasse, désapprendre L'Usage du monde.


'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

lundi, novembre 20, 2006

Permis de radio


Récemment, Ahmadinejjad a décidé que seraient interdit les connexions Internet à haut débit. C'est décidément une tradition en Iran de brider les médias (sans grand succès, la langue persane est une des langues les plus utilisées par les bloggers).

Dans les années 50, sous les Pehlevis donc, il fallait une autorisation officielle pour posséder une radio, un permis en quelque sorte. C'était peut-être pour surveiller là encore la circulation de l'information, mais une des raisons - la plus comique - était que les postes de radio venaient des pays kafirs" et les bonnes âmes pieuses se mettaient en tête de les "purifier" rituellement avant utilisation et donc les plongeaient le poste dans l'eau pour les laver. Certains devaient oublier de les débrancher avant car plusieurs villes ont vu leur électricité HS comme ça... Aussi, le gouvernement devait probablement demander aux bureaux qui délivraient la licence de s'assurer que le propriétaire du poste n'allait pas lui faire faire trempette et court-circuiter les environs.

Roman de Baïbars : Fleur des truands


Avec le second volume du roman de Baïbars, entre en scène un des personnages les plus savoureux de l'histoire, l'insigne, le prodigieux Otmân, la "Fleur des truands", terreur du Caire, mauvais garçon repenti et en même temps saint authentique, instruit des Secrets de l'autre monde et donc jouant avec le roi El-Sâleh, un numéro de duettistes faussement ahuris ou divaguant en pleine assemblée, devant une assistance qui ne comprend goutte quand Otmân salue le roi comme un quitt (pour qutb) : "Tu es un grand chat, tu es le chats des chats, de tous les chats ! Hourra !""Mais il a dit que j'étais le grand chat, suis-je donc aussi un matou ?" feint de s'étonner le malin sultan.

En général, dans les romans d'aventure à vocation moraliste, un héros comme Fleur des truands, commence, comme c'est le cas ici, par jouer tous les tours pendables qu'il peut au héros du Bien, Baïbars, et puis s'étant repenti et étant en plus, devenu un "sheikh occulte", il doit renoncer à toute sa truculence et ses frasques pour devenir lui aussi un personnage plus en accord avec la morale, mais un brin plus ennuyeux. Il n'en est rien dans cette intrigue où les deux mondes ne s'annulent pas l'un l'autre, mais continuent à exister de façon superposée, comme l'explique Jean-patrick Guillaume dans son introduction :

"Qu'un truand puisse devenir un saint, c'est quelque chose que nous pouvons admettre abstraitement, encore que, dans la pratique, nous aurions tendance à y regarder à deux fois. Mais qu'il puisse devenir un saint tout en restant gourmand, paillard, querelleur, effronté et (il faut bien l'avouer) pas toujours très honnêtes ; qu'il puisse être, de surcroît d'une ignorance crasse envers ses devoirs religieux (longtemps après sa conversion il continue à soutenir mordicus qu'il y a sept prières légales par jour, alors que tout le monde sait qu'il n'y en a que cinq), tout cela paraît bien difficile à avaler. Et c'est pourtant le cas : Otmân est bel et bien un saint, un saint rigolard, bagarreur et un peu naïf par moments, mais un saint tout de même."

Ce n'est même pas qu'il y ait un des mondes qui mentirait tandis que l'autre serait la vérité, ce n'est pas qu'Otmân en apparence est Fleur des Truands, et dans le monde du Secret il est seulement le cheikh Otmân qu'interpelle Nadjm al-Dîn avec affection. Il est les deux à la fois, tout comme Beko, le méchant portier qui perdra Mem et Zîn se retrouve au Paradis, dans le palais des amoureux, et garde leur porte :


"Cheikh ! Ne sais-tu pas qui je suis ?
Je suis Bekir le portier.
Je suis le co-locataire de Mem et de Zîn,
C'est pour cela que je me tiens sur ce seuil.
Comme tu le vois, le palais a huit étages.
Un étage est à moi et les sept autres à eux.
Montant la garde, j'ai cette canne à la main.
Mais je possède aussi ce domaine en partage.
De fait, j'ai l'apparence d'une sentinelle,
Mais dans cette place, je suis leur associé."
(v. 2423-2427)

Et à l'étonnement du cheikh en visite au Paradis, Bekir explique que ses agissements terrestres avait pour but de parfaire et purifier l'amour de Mem et de Zîn, afin qu'ils obtiennent cette place éminente dans l'autre monde :

"En apparence, j'étais leur ennemi,
Mais en secret, j'étais leur ami."

"Eger bi xeber reqîbê wan bûm
Lêkin bi nezer hebibê wan bûm"
(v2431).

Jusqu'ici, on peut penser qu'il s'agit là, bien justement, d'affirmer que c'est le monde du Secret qui est véridique, et que celui de l'apparence n'a pas de réalité. Ainsi, pour défendre Tajdîn, le héros qui le tuant, venga les amoureux, Beko explique de la même façon :


"Le monde était fatigué de la discorde
que j'y répandais.
Il m'a tué pour sauver l'ordre public,
Il m'a tué pour la tranquillité du monde."

Et dans ce passage la référence à l'opposition Exotérique/Esotérique est encore plus explicite, quand Bekir conlut :

"En apparence, il a commis le mal.
En vérité, ce méfait rétablit la tranquillité."
"Zahir wî eger çi kir qebahet
Batin buye rahet ew qebahet"


Mais voilà, le chapitre précédant tout juste celui-ci, intitulé "Chaque herbe ne croît que ses propres racines" contredit absolument ce que nous avons évoqué. C'est en effet le passage célèbre où il est conté que sur la tombe des amants, poussèrent deux arbres enlacés, tandis que sur celle de Beko, s'éleva un arbre qui poursuivait l'oeuvre méchante du portier :

"Et sur la tombe de celui qui ne fit aucun bien,
Crût un faux merisier.
Et cet arbre était loin d'être serein,
Et il était épineux comme son maître.
Il s'éleva jusqu'à atteindre les deux arbres,
Et fit obstacle à l'union des amoureux."
(v. 2398-2400).

Et Ahmedê Khanî de conclure avec philosophie :

"Les gens dont la nature est mauvaise
Peuvent-ils purifier cette nature ?
Même si pendant quarante ans tu cultives une coloquinte,
Et si cent fois tu l'irrigues de miel,
Et si tu la nourris de la lumière du soleil,
Et si tu verses sur elle de l'eau de rose,
Même si tu entailles ses racines,
Et y met du sucre chaque jour,
Même si tu t'en occupes régulièrement,
Se changera-t-elle en un melon ?
Quand elle poussera, ne penses-tu pas
Qu'elle ne donnera qu'amertume ?"
(v. 2404-2409).

Cette fatalité de la "mauvaise nature" est également évoquée dans Fleur des truands avec l'histoire de Sirhan, qui, comme le fait remarquer le traducteur, peut appuyer la thèse de la prédestination et le fait que "Dieu a pu créer certains hommes pour le Feu éternel".

Mais on l'a vu, dès que se clôt ce chapitre et sa conclusion aussi amère que la coloquinte en question, le lecteur visite le Paradis avec un futur arif en extase, et découvre l'autre versant de la vérité sur le Portier. Or rien ne permet dans la juxtaposition de ces deux passages si contradictoires de discerner un antagonisme, ou le fait que tout celse se contredit dans l'esprit de l'auteur. Khanî ne "rétablit pas la vérité" sur ce qu'il a écrit un chapitre plus loin. Eternellement, Beko ici-bas poursuit ses actions malveillantes contre Mem et Zîn, et pour toujours, il est en haut leur ami, tout comme Otmân continue en toute sérénité à taper sur tout ce qui le contrarie,à se goinfrer dès qu'il voit une assiette pleine et répandre le sang, comme il le dit lui-même au roi : "J'lai zigué et zigouillé, l'as pas moufté".

Par ailleurs, cette complicité indulgente entre le roi et Fleur des truands (le roi s'est même fait piquer son turban par Otmân du temps qu'il était encore voyou, sans que cela semble l'irriter beaucoup le sultan ayyoubide) permet de voir l'étendue de la collusion ou l'interaction, et même l'interchangeabilité entre le monde des "Seigneurs" mystiques et celui de la grande truanderie, entre le plus indigne du monde terrestre et le plus proche du Pôle du monde. Si les Abdal sont au nombre de Quarante, quarante aussi sont les voyous que commande Otmân avant sa conversion, et la ressemblance est encore plus frapapnte du fait que ces truands là se réunissent dans les grottes d'El-Zaghliyyeh, tout comme il y a une grotte des Quarante à Damas, où Baïbars a d'ailleurs passé une nuit dans le premier volume. Même façon également de s'exprimer en langage codé, incompréhensible pour les non-initiés, ces quarante-là s'exprimant bien sûr dans l'argot de la pègre, les autres dans un galimatia à sens ésotérique qui finalement a pour même but de protéger le Secret, car comme le dit El-Sâleh à chaque fois que Fleur des truands manque dévoiler ce qu'il sait du cadi : "Celui qui divulgue un secret mérite la mort". Ce qui pourrait aussi être la maxime du caïd des truands.

Terminons sur la savoureuse profession de foi d'Otmân, qui après s'être fait assommer par la Dame du Caire et le prophète Khidr un peu plus tard, clame à tous ceux qui tremblent de peur en le croisant : "Et oui, mon ami ! J'ai fait le serment avec tous mes boutons, t'as plus besoin d'avoir peur pour ton manteau et ton bonnet. J'suis devenu un bon pratiquant, maintenant j'vais au cabinet et j'me putréfie, j'reste à frotter jusqu'à temps que ça couine, j'fais mes ablussemuches et mes ièrepris sept fois par jour, et je connais toutes les affaires de ma rleigion. Et toi, t'es hanéfite ou chafiite ou bien si t'es hâjj-yhanbalite ? Si tu sais pas, laisse, je t'expliquerais."

Extrait en ligne de Fleur des truands : première apparition d'Otmân.


dimanche, novembre 19, 2006

Cette semaine coup de projo sur : Warda Gulan


Inspirée par la rubrique d'un blog célébrissime, Kurdistan-name offrira un coup de projecteur hebdomadaire sur une musique kurde ou que l'on peut entendre au Kurdistan ou chez les proches voisins. Cette semaine, un très beau CD de musique chaldéenne, déjà signalé cet été, et acquis depuis.

mercredi, novembre 15, 2006

Les dernières perles d'Ubu Président des Kurdes


Extrait de nefel.com, un petit digest de toute beauté de son dernier entretien avec ses avocats :

Le Soleil de l'Humanité, très attaché à sa dernière création en matière de système politique fumeux, la Konfederasyona Civaka Sivîl, soit Confédération de la Société civile (inutile de se demander ce que c'est, sa pensée vole tellement haut que personne ne la comprend) et quelque peu fâché du peu d'échos que cela suscite, s'en prend une fois de plus à sa bête noire favorite, le "nationalisme kurde", grand mal du siècle, apparemment, en ce moment incarné par une autre de ses têtes de Turc (si je puis dire) Massoud Barzani, l'actuel président du Kurdistan.

En effet, Massoud a des intentions politiques d'une noirceur qui font frémir : il veut un "dewleta neteweyî", autrement dit un Etat na-tio-nal. Dingue, non ? Car comme le fait judicieusement remarquer l'alter-ego de Hannah Arendt en matière d'analyse de pensée totalitaire : "Un Etat national aboutit au fascisme."Si, si. Et en plus, M. Barzanî fomente un complot (international, of course) pour bouffer des morceaux de territoire en Iran, en Turquie, en Syrie, ce qui indigne beaucoup Apo, très attaché aux frontières sûres et reconnues de ces trois pays. D'ailleurs, il ne voit dans ce funeste dessein, qu'un moyen pour le clan Barzani de continuer à s'enrichir et de tyranniser la société kurde (quand on voit l'arrogance de certains Öcalan en Turquie, notamment celle de sa brave soeurette, face aux élus du DEHAP, on ricane).

Mais comme cet homme est juste, l'autre en prend aussi pour son grade, à savoir Jalal Talabani, qui veut instaurer un fédéralisme chiite et kurde en Irak. Ce qui est mal, très mal. Le CON-fédéralisme apoiste c'est l'avenir de l'humanité, mais le fédéralisme irakien, non, c'est comme ça. Et de toute façon, il le répète, pour contrer l'émergence d'un Etat kurde national, il ne voit qu'un recours : lui-même. Finalement, il ne dit pas QUE des conneries.


'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

Concert de soutien à l'Institut kurde