mardi, mars 29, 2005

Pas glop d'être musicologue à Hakkari

Communiqué d'AIRCRIGE

Au moment où le débat sur l’intégration de la Turquie dans l’Europe bat son plein, nous apprenons que deux jeunes chercheurs de l’Université française y sont actuellement inquiétés par la police turque et empêchés de séjourner en Turquie pour mener à bien leur recherches sur les traditions et la communauté kurdes, au prétexte qu'ils seraient en réalité des "missionnaires" ou des "Arméniens".

Cet empêchement contredit les discours officiels du gouvernement turc et les garanties de démocratisation fournies à la communauté européenne.

Nous vous invitons à protester en joignant votre signature à la Lettre aux autorités turques ci-dessous. Vous trouverez plus bas des indications sur l’encadrement scientifique de ces chercheurs et, en document joint, un rappel plus précis des faits rédigés par eux à
l’adresse de l’Ambassade de France en Turquie. (Nous demandons à chacun d'indiquer leur profession et aux chercheurs, dont les signatures seront bien sûr particulièrement précieuses, de préciser leur institution.)

Ecrire à : aircrige@noos.fr

Nous tenons à préciser que cet incident, surgi le 17 mars dernier, a lieu dans un contexte d’extrême tension entre la population kurde et les autorités turques. Le 21 mars, lors de la fête du Nouvel An kurde, deux enfants, de 12 et 14 ans, ont brûlé le drapeau turcs. Ils sont aujourd’hui en prison. Le gouvernement a organisé une parade nationale de trois jours, au cours desquels, à partir de jeudi 24 mars, les écoles, les lycées et les collèges de tout le pays sont réquisitionnés pour parader dans les rues en entonnant des chants nationalistes. Dans toute la Turquie, depuis ce jour, les bâtiments publics sont recouverts de photos géantes d’Atatürk. Les magasins portent tous le drapeau turc : les commerçants qui ne le font pas sont menacés.


LETTRE AUX AUTORITES TURQUES. 24 mars 2005.


Au moment où le débat sur l’intégration de la Turquie dans l’Europe bat son plein, nous apprenons que deux jeunes chercheurs de l’Université française, Ioannis Kanakis et Estelle Amy de la Bretèque, y sont actuellement inquiétés par la police turque, et empêchés de séjourner en Turquie pour mener à bien leur recherches sur les traditions et la communauté kurdes.

Cet empêchement contredit les discours officiels du gouvernement turc et les garanties de démocratisation fournies à la communauté européenne.

Le séjour de ces chercheurs en Turquie est exclusivement scientifique.

Nous ne doutons pas que le problème auquel ils sont aujourd’hui confrontés est dû à un malentendu, une information qui ne serait pas parvenue aux autorités locales.

Nous n’ignorons pas le caractère sensible de la région de Hakkari pour l’Etat turc. Mais nous savons et vous savez quels seraient les effets déplorables, pour l’intégration de la Turquie dans l’Europe, d’un pareil tort fait à ces chercheurs et à travers eux à la communauté scientifique.

Une telle injustice ne peut que choquer les universitaires, écrivains, intellectuels, journalistes et politiciens français, et faire douter de la vocation démocratique et européenne de la Turquie d’aujourd’hui.

Précisions sur les deux chercheurs et leur situation actuelle

Ioannis Kanakis prépare à Paris IV-Sorbonne un Doctorat d’Histoire des Relations Internationales : « La musique traditionnelle de Hakkari : une approche anthropologique. » Directeur : Michel Korinman.

Estelle Amy de la Bretèque prépare à Paris X-Nanterre un Doctorat d’ethnomusicologie : « Les traditions des femmes de la région de Hakkari. » Directeur : Raymond Jamous. Directeur de la Formation doctorale d’ethnologie et de sociologie comparative. UMR 7535 CNRS. Laboratoire
d’ethnomusicologie.

Ils sont tous deux membres de la Société Française d’Ethnomusicologie (SFE).

Estelle Amy de la Bretèque travaille par ailleurs à la Cité de la Musique.Ioannis Kanakis est par ailleurs le correspondant de journaux culturels français et grecs. Estelle Amy de la Bretèque et Yannis Kanakis préparent une thèse, l’une en ethnomusicologie, l’autre en anthropologie. Ils travaillent l’un et l’autre sur les traditions orales et musicales des communautés kurdes.
C’est dans le cadre de cette recherche qu’ils séjournent depuis décembre 2004 à Hakkari, une région montagneuse de la Turquie.

Le 17 mars ils ont été convoqués au poste de police de Hakkari où on leur a annoncé qu’ils devaient quitter le territoire turc sous 10 jours. Or leur venue ayant été autorisée et leur situation étant légale, ils ont refusé et ont annoncé qu’ils reviendraient avec un avocat, lequel leur a confirmé que leur situation était légale. Cependant les policiers leur ont dit que le compte à rebours commençait à partir de ce 17 mars 2005.

Ils se trouvent actuellement pris dans une situation absurde. Le consulat turc de Paris leur dit qu’ils ont effectué les démarches nécessaires, et que leur visa est correct, tandis que le Ministère de l’intérieur turc leur demande de rentrer en France et d’obtenir un visa de recherche et une affiliation avec une université locale pour pouvoir continuer leur recherche. Or il n’y a pas d’université dans la région de Hakkari.

Comme ils autofinancent leurs recherches, devoir abandonner ce travail pour lequel ils ont déjà effectué tout un travail préparatoire à Paris, reviendrait à abandonner leurs thèses.


Résumé des faits par I. Kanakis et E. Amy de la Bretèque :

En octobre 2004, avant notre venue en Turquie, nous avons effectué les démarches nécessaires à l’obtention d’un visa au consulat turc de Paris. Nous avons obtenu un visa long séjour (« Ikamet ») d’un an (Estelle Amy de la Breteque) et 11 mois (Ioannis Kanakis, parce que son passeport expire en octobre prochain). Madame Aysel, responsable du service des visas, nous a expliqué qu’il n’existe pas de visa dit « de recherche » pour les terrains de type ethnologique, anthropologique ou sociologique, c’est à dire pour les recherches sans structure d’accueil. Nous lui avions expliqué en détail notre thème de recherche, notre destination et nous lui avions même fourni notre adresse à Hakkari. Elle nous a précisé que nous devions nous adresser au département de culture et de tourisme de la préfecture de Hakkari pour faire une demande d’autorisation de recherche dans la région de Hakkari.
Nous sommes entrés en Turquie le 16 novembre dernier, en voiture, par Çesme près d’Izmir. En raison des conditions climatiques, nous ne sommes arrivés à Hakkari que le premier décembre 2004. Nous nous sommes rendus quelques jours plus tard au poste de police et à la préfecture pour expliquer la raison de notre venue et faire une demande d’autorisation de recherche ethnomusicologique pour nos thèses.

Nous avons été convoqués au bureau des étrangers du poste de police de Hakkari le 8 mars 2005. (Du 15 février au 1 mars nous étions hors de Turquie : la mère de Ioannis était malade, aussi est-il allé à Athènes ; et Estelle est allée à Paris pour travailler quelques jours à la Cité de la Musique –elle travaille depuis 6 ans comme vacataire à la Cité de la musique en tant qu’enseignante de musique javanaise ou pour des projets ponctuels divers.)

La raison de notre convocation était une lettre (que nous avons vue, mais ils ont refusé de nous en donner une copie) venant du ministère des affaires intérieures d’Ankara. Dans cette lettre il était dit que nous devions sortir du territoire turc sous 15 jours puisque nous n’avions pas de visa valable pour nos recherches, et parce que nous n’avions pas de partenariat avec une université turque locale. Les policiers du bureau des étrangers nous ont dit que nous devions faire au consulat turc de Paris une nouvelle demande, de visa de recherche.

Du poste de police nous avons appelé (de notre portable) le consulat turc à Paris et la responsable du service des visas, Madame AYSEL nous a réexpliqué que dans le cas de recherches anthropologiques ou ethnologiques il n’était pas possible d’obtenir de visa de recherche, puisqu’ils sont réservés aux fouilles archéologiques, au travail d’archives ou aux recherches dans les bibliothèques, et qu’il faut pour cela une structure partenaire en Turquie.

Elle a ajouté que, puisque nous sommes des ressortissants de l’Union Européenne, nous n’avions pas besoin de visa, et que nous pouvions demander le permis de séjour en même temps que le permis de recherche à la préfecture locale. Elle nous a expliqué que d’autres types de visas de recherche existaient pour les scénaristes et artistes, ou encore pour la presse, mais qu’il n’existait rien pour les ethnologues, les anthropologues ou les sociologues. Aussi, même si nous faisions une nouvelle demande, elle ne pourrait nous donner un autre type de visa.

En ce qui concerne l’université d’accueil dont parle cette lettre, Mme Aysel ne nous avait rien demandé de tel lorsque nous avions fait la demande de visa, puisque nous faisons une recherche de terrain.

Je lui ai demandé d’expliquer tout cela aux policiers. Et je leur ai donné mon téléphone. Celui qui a pris le téléphone est sorti pour parler. En rentrant dans la pièce il m’a tendu le téléphone . Mme Aysel m’a alors dit qu’elle leur avait expliqué, mais que, d’après eux, nous ne sommes pas venus pour faire une recherche ethnomusicologique, mais pour faire de la politique.

Cependant la lettre ne fait mention de rien de tel, elle parle simplement du visa et de l’absence d’un partenariat avec une université turque. Les policiers nous ont demandé de signer une lettre disant que nous acceptons de partir sous 15 jours. Nous avons demandé à revenir 2 jours après avec un avocat.

Nous sommes ensuite allés à la préfecture de Hakkari, où le sous préfet, Sezgin Üçüncu, qui ne connaissait pas l’existence de cette lettre, a dit qu’il allait se renseigner. Il avait toujours été très positif envers nous. Le surlendemain il nous a convoqué pour nous dire qu’il ne pouvait rien faire puisque la lettre venait d’Ankara, et il a dit que cette décision était peut être liée au fait que Hakkari est une petite ville et que des bruits courent sur tout le monde… Il a dit que des gens ont pensé que nous sommes Arméniens et missionnaires, et que c’est peut être la raison de cette décision.

Nous sommes allés voir un avocat, Mikail Demiroglu, pour lui expliquer le problème, et nous lui avons donné le pouvoir d’agir en notre nom. (Pour cela nous sommes allés à Van où il y avait un notaire avec traducteur, puisque, apparemment, pour les étrangers, il est obligatoire d’avoir un traducteur agréé pour toute démarche chez le notaire.)

L’avocat est ensuite allé à la Préfecture pour demander un délai et examiner le cas. C’était vendredi 11 mars.

Nous avons aussi contacté l’IFEA qui nous a envoyé un courrier, ainsi que nos directeurs de recherche qui vont eux aussi nous renvoyer des recommandations.Ioannis Kanakis a aussi contacté le consul grec à Ankara, qui s’est dit près à intervenir, mais qui pense qu’une action de la part de la Grèce pourrait peut être compliquer les choses.

Jeudi 17 mars 2005, nous avons de nouveau été convoqués au poste de police où les policiers nous ont annoncé qu’une nouvelle lettre avait été envoyée du ministère des affaires étrangères disant que nous devions sortir du territoire turc sous 10 jours et que le compte à rebours commençait à partir du même jour, c’est à dire du 17 mars. Cette deuxième lettre mentionne les mêmes raisons que la première, c’est à dire un visa non valable et pas d’affiliation avec une université turque. J’ai rappelé Mme Aysel au service des visas du consulat turc de Paris qui m’a redit ce qu’elle avait dit lorsque nous l’avions appelée du poste de police une semaine auparavant. Selon elle, il faut convaincre la préfecture de Hakkari de nous donner ce permis, mais comme il y a une lettre venant de Ankara, il faut d’abord « que l’ambassade de France explique au ministère des affaires intérieures et extérieures le problème (qui n’en est pas un puisque ce sont des visas de long séjour) avec les visas ».La lettre dit que nos visas ne sont pas valables et que nous devons sortir du territoire, mais elle ne mentionne pas de refus d’autorisation de recherches…

Nous nous trouvons actuellement pris entre deux feux. Le consulat turc de Paris nous dit que nous avons effectué les démarches nécessaires, et que notre visa est correct, tandis que le ministère de l’intérieur dit le contraire et nous demande de rentrer en France et d’obtenir un visa de recherche et une affiliation avec une université locale pour pouvoir continuer notre terrain de recherche ; or il n’y a pas d’université dans la région de Hakkari.

Comme nous autofinançons nos recherches, devoir abandonner notre recherche sur laquelle nous travaillons depuis longtemps, et pour laquelle nous avions déjà effectué tout le travail préparatoire à Paris, reviendrait à devoir abandonner nos thèses. Nous espérons qu’une solution pourra être trouvée.
Estelle Amy de la Bretèque. Ioannis Kanakis.

4 commentaires:

  1. Anonyme11:05 AM

    bonjour
    vous parles de droits de l'homme en turquie de démocratisation etc etc ... mais meme quand vous etes sur le trrain vous niez l'évidence..
    Oui en turquie , les droits de l'homme, de la femme ne sont pas restpecter ... comme un peu partout dans le monde . Mais en turquie, les medias ne sont pas controlé comme en france alors on sait tous ce qui se passe..
    De plus, toi qui défend la minorité kurde (c'est une bonne chose, c vrai) tu peux comprendre que ce sont ces memes personnes qui battent leurs femmes qui les violent ou qui les tuent pour crime d'honneur ( en majorité biensure ..).
    Je vois pas quelle est la différence entre les bretons, les basques, les corse en france ... ( qui sont français et qui ont tous leurs droit comme chaque citoyen) et les kurdes, les laz , les tatars et les gens issus de géorgie comme moi ( en turquie).
    Tu peux m'expliquer ... Ah non , c c'est vrai tu t'es fai manipulé par les médias , ou tu es manipulatrice, ta réponse ne serait pas neutre ...

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  2. Aux dernières nouvelles en France on ne torture pas, on n'assassine pas, on ne brûle pas les villages des Basques, Corses, Bretons etc.

    D'autre part si les Kurdes n'ont cessé de se révolter depuis 1925, et ce quels que soient les massacres encourus, c'est peut-être qu'ils ne se sentaient pas tout à fait à "égalité" avec les Turcs.

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  3. Anonyme3:20 AM

    c'est revoltant de defendre des terroristes kurdes .as tu oublié le massacre des centaines de milliers d'arabes chretiens ( assyriens) a hakkari et le sud est de la turquie par ces criminels kurdes.ce n'est qu'une
    justice et les colons kurdes n'ont qu'a retourner en iran leur terre ancestrale.

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  4. Ah ben appeler les Assyriens des "Arabes", c'est montrer qu'on s'y connaît en histoire régionale, bravo :D!

    "Laisser retourner les Kurdes dans leurs terres ancestrales d'Iran" pas mal comme programme. Et je suppose que dans le même temps les Turcs devraient retourner en Asie centrale ? Ça va faire du monde à bouger...

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