mardi, mars 29, 2005

Conférence-signature




Le samedi 2 avril, à 16 h, à l'Institut Kurde de Paris, 106 rue Lafayette, Métro Poissonnière, je présenterai et signerai Kawa le kurde. Entrée libre et cocktail à 18h (ça c'est pour les soiffards).
Pour ceux qui ont souhaité un livre dédicacé et n'ont pas pu venir à la signature, commandez-le ici en spécifiant que vous souhaitez une dédicace et à quel nom elle doit être adressée

Pas glop d'être musicologue à Hakkari

Communiqué d'AIRCRIGE

Au moment où le débat sur l’intégration de la Turquie dans l’Europe bat son plein, nous apprenons que deux jeunes chercheurs de l’Université française y sont actuellement inquiétés par la police turque et empêchés de séjourner en Turquie pour mener à bien leur recherches sur les traditions et la communauté kurdes, au prétexte qu'ils seraient en réalité des "missionnaires" ou des "Arméniens".

Cet empêchement contredit les discours officiels du gouvernement turc et les garanties de démocratisation fournies à la communauté européenne.

Nous vous invitons à protester en joignant votre signature à la Lettre aux autorités turques ci-dessous. Vous trouverez plus bas des indications sur l’encadrement scientifique de ces chercheurs et, en document joint, un rappel plus précis des faits rédigés par eux à
l’adresse de l’Ambassade de France en Turquie. (Nous demandons à chacun d'indiquer leur profession et aux chercheurs, dont les signatures seront bien sûr particulièrement précieuses, de préciser leur institution.)

Ecrire à : aircrige@noos.fr

Nous tenons à préciser que cet incident, surgi le 17 mars dernier, a lieu dans un contexte d’extrême tension entre la population kurde et les autorités turques. Le 21 mars, lors de la fête du Nouvel An kurde, deux enfants, de 12 et 14 ans, ont brûlé le drapeau turcs. Ils sont aujourd’hui en prison. Le gouvernement a organisé une parade nationale de trois jours, au cours desquels, à partir de jeudi 24 mars, les écoles, les lycées et les collèges de tout le pays sont réquisitionnés pour parader dans les rues en entonnant des chants nationalistes. Dans toute la Turquie, depuis ce jour, les bâtiments publics sont recouverts de photos géantes d’Atatürk. Les magasins portent tous le drapeau turc : les commerçants qui ne le font pas sont menacés.


LETTRE AUX AUTORITES TURQUES. 24 mars 2005.


Au moment où le débat sur l’intégration de la Turquie dans l’Europe bat son plein, nous apprenons que deux jeunes chercheurs de l’Université française, Ioannis Kanakis et Estelle Amy de la Bretèque, y sont actuellement inquiétés par la police turque, et empêchés de séjourner en Turquie pour mener à bien leur recherches sur les traditions et la communauté kurdes.

Cet empêchement contredit les discours officiels du gouvernement turc et les garanties de démocratisation fournies à la communauté européenne.

Le séjour de ces chercheurs en Turquie est exclusivement scientifique.

Nous ne doutons pas que le problème auquel ils sont aujourd’hui confrontés est dû à un malentendu, une information qui ne serait pas parvenue aux autorités locales.

Nous n’ignorons pas le caractère sensible de la région de Hakkari pour l’Etat turc. Mais nous savons et vous savez quels seraient les effets déplorables, pour l’intégration de la Turquie dans l’Europe, d’un pareil tort fait à ces chercheurs et à travers eux à la communauté scientifique.

Une telle injustice ne peut que choquer les universitaires, écrivains, intellectuels, journalistes et politiciens français, et faire douter de la vocation démocratique et européenne de la Turquie d’aujourd’hui.

Précisions sur les deux chercheurs et leur situation actuelle

Ioannis Kanakis prépare à Paris IV-Sorbonne un Doctorat d’Histoire des Relations Internationales : « La musique traditionnelle de Hakkari : une approche anthropologique. » Directeur : Michel Korinman.

Estelle Amy de la Bretèque prépare à Paris X-Nanterre un Doctorat d’ethnomusicologie : « Les traditions des femmes de la région de Hakkari. » Directeur : Raymond Jamous. Directeur de la Formation doctorale d’ethnologie et de sociologie comparative. UMR 7535 CNRS. Laboratoire
d’ethnomusicologie.

Ils sont tous deux membres de la Société Française d’Ethnomusicologie (SFE).

Estelle Amy de la Bretèque travaille par ailleurs à la Cité de la Musique.Ioannis Kanakis est par ailleurs le correspondant de journaux culturels français et grecs. Estelle Amy de la Bretèque et Yannis Kanakis préparent une thèse, l’une en ethnomusicologie, l’autre en anthropologie. Ils travaillent l’un et l’autre sur les traditions orales et musicales des communautés kurdes.
C’est dans le cadre de cette recherche qu’ils séjournent depuis décembre 2004 à Hakkari, une région montagneuse de la Turquie.

Le 17 mars ils ont été convoqués au poste de police de Hakkari où on leur a annoncé qu’ils devaient quitter le territoire turc sous 10 jours. Or leur venue ayant été autorisée et leur situation étant légale, ils ont refusé et ont annoncé qu’ils reviendraient avec un avocat, lequel leur a confirmé que leur situation était légale. Cependant les policiers leur ont dit que le compte à rebours commençait à partir de ce 17 mars 2005.

Ils se trouvent actuellement pris dans une situation absurde. Le consulat turc de Paris leur dit qu’ils ont effectué les démarches nécessaires, et que leur visa est correct, tandis que le Ministère de l’intérieur turc leur demande de rentrer en France et d’obtenir un visa de recherche et une affiliation avec une université locale pour pouvoir continuer leur recherche. Or il n’y a pas d’université dans la région de Hakkari.

Comme ils autofinancent leurs recherches, devoir abandonner ce travail pour lequel ils ont déjà effectué tout un travail préparatoire à Paris, reviendrait à abandonner leurs thèses.


Résumé des faits par I. Kanakis et E. Amy de la Bretèque :

En octobre 2004, avant notre venue en Turquie, nous avons effectué les démarches nécessaires à l’obtention d’un visa au consulat turc de Paris. Nous avons obtenu un visa long séjour (« Ikamet ») d’un an (Estelle Amy de la Breteque) et 11 mois (Ioannis Kanakis, parce que son passeport expire en octobre prochain). Madame Aysel, responsable du service des visas, nous a expliqué qu’il n’existe pas de visa dit « de recherche » pour les terrains de type ethnologique, anthropologique ou sociologique, c’est à dire pour les recherches sans structure d’accueil. Nous lui avions expliqué en détail notre thème de recherche, notre destination et nous lui avions même fourni notre adresse à Hakkari. Elle nous a précisé que nous devions nous adresser au département de culture et de tourisme de la préfecture de Hakkari pour faire une demande d’autorisation de recherche dans la région de Hakkari.
Nous sommes entrés en Turquie le 16 novembre dernier, en voiture, par Çesme près d’Izmir. En raison des conditions climatiques, nous ne sommes arrivés à Hakkari que le premier décembre 2004. Nous nous sommes rendus quelques jours plus tard au poste de police et à la préfecture pour expliquer la raison de notre venue et faire une demande d’autorisation de recherche ethnomusicologique pour nos thèses.

Nous avons été convoqués au bureau des étrangers du poste de police de Hakkari le 8 mars 2005. (Du 15 février au 1 mars nous étions hors de Turquie : la mère de Ioannis était malade, aussi est-il allé à Athènes ; et Estelle est allée à Paris pour travailler quelques jours à la Cité de la Musique –elle travaille depuis 6 ans comme vacataire à la Cité de la musique en tant qu’enseignante de musique javanaise ou pour des projets ponctuels divers.)

La raison de notre convocation était une lettre (que nous avons vue, mais ils ont refusé de nous en donner une copie) venant du ministère des affaires intérieures d’Ankara. Dans cette lettre il était dit que nous devions sortir du territoire turc sous 15 jours puisque nous n’avions pas de visa valable pour nos recherches, et parce que nous n’avions pas de partenariat avec une université turque locale. Les policiers du bureau des étrangers nous ont dit que nous devions faire au consulat turc de Paris une nouvelle demande, de visa de recherche.

Du poste de police nous avons appelé (de notre portable) le consulat turc à Paris et la responsable du service des visas, Madame AYSEL nous a réexpliqué que dans le cas de recherches anthropologiques ou ethnologiques il n’était pas possible d’obtenir de visa de recherche, puisqu’ils sont réservés aux fouilles archéologiques, au travail d’archives ou aux recherches dans les bibliothèques, et qu’il faut pour cela une structure partenaire en Turquie.

Elle a ajouté que, puisque nous sommes des ressortissants de l’Union Européenne, nous n’avions pas besoin de visa, et que nous pouvions demander le permis de séjour en même temps que le permis de recherche à la préfecture locale. Elle nous a expliqué que d’autres types de visas de recherche existaient pour les scénaristes et artistes, ou encore pour la presse, mais qu’il n’existait rien pour les ethnologues, les anthropologues ou les sociologues. Aussi, même si nous faisions une nouvelle demande, elle ne pourrait nous donner un autre type de visa.

En ce qui concerne l’université d’accueil dont parle cette lettre, Mme Aysel ne nous avait rien demandé de tel lorsque nous avions fait la demande de visa, puisque nous faisons une recherche de terrain.

Je lui ai demandé d’expliquer tout cela aux policiers. Et je leur ai donné mon téléphone. Celui qui a pris le téléphone est sorti pour parler. En rentrant dans la pièce il m’a tendu le téléphone . Mme Aysel m’a alors dit qu’elle leur avait expliqué, mais que, d’après eux, nous ne sommes pas venus pour faire une recherche ethnomusicologique, mais pour faire de la politique.

Cependant la lettre ne fait mention de rien de tel, elle parle simplement du visa et de l’absence d’un partenariat avec une université turque. Les policiers nous ont demandé de signer une lettre disant que nous acceptons de partir sous 15 jours. Nous avons demandé à revenir 2 jours après avec un avocat.

Nous sommes ensuite allés à la préfecture de Hakkari, où le sous préfet, Sezgin Üçüncu, qui ne connaissait pas l’existence de cette lettre, a dit qu’il allait se renseigner. Il avait toujours été très positif envers nous. Le surlendemain il nous a convoqué pour nous dire qu’il ne pouvait rien faire puisque la lettre venait d’Ankara, et il a dit que cette décision était peut être liée au fait que Hakkari est une petite ville et que des bruits courent sur tout le monde… Il a dit que des gens ont pensé que nous sommes Arméniens et missionnaires, et que c’est peut être la raison de cette décision.

Nous sommes allés voir un avocat, Mikail Demiroglu, pour lui expliquer le problème, et nous lui avons donné le pouvoir d’agir en notre nom. (Pour cela nous sommes allés à Van où il y avait un notaire avec traducteur, puisque, apparemment, pour les étrangers, il est obligatoire d’avoir un traducteur agréé pour toute démarche chez le notaire.)

L’avocat est ensuite allé à la Préfecture pour demander un délai et examiner le cas. C’était vendredi 11 mars.

Nous avons aussi contacté l’IFEA qui nous a envoyé un courrier, ainsi que nos directeurs de recherche qui vont eux aussi nous renvoyer des recommandations.Ioannis Kanakis a aussi contacté le consul grec à Ankara, qui s’est dit près à intervenir, mais qui pense qu’une action de la part de la Grèce pourrait peut être compliquer les choses.

Jeudi 17 mars 2005, nous avons de nouveau été convoqués au poste de police où les policiers nous ont annoncé qu’une nouvelle lettre avait été envoyée du ministère des affaires étrangères disant que nous devions sortir du territoire turc sous 10 jours et que le compte à rebours commençait à partir du même jour, c’est à dire du 17 mars. Cette deuxième lettre mentionne les mêmes raisons que la première, c’est à dire un visa non valable et pas d’affiliation avec une université turque. J’ai rappelé Mme Aysel au service des visas du consulat turc de Paris qui m’a redit ce qu’elle avait dit lorsque nous l’avions appelée du poste de police une semaine auparavant. Selon elle, il faut convaincre la préfecture de Hakkari de nous donner ce permis, mais comme il y a une lettre venant de Ankara, il faut d’abord « que l’ambassade de France explique au ministère des affaires intérieures et extérieures le problème (qui n’en est pas un puisque ce sont des visas de long séjour) avec les visas ».La lettre dit que nos visas ne sont pas valables et que nous devons sortir du territoire, mais elle ne mentionne pas de refus d’autorisation de recherches…

Nous nous trouvons actuellement pris entre deux feux. Le consulat turc de Paris nous dit que nous avons effectué les démarches nécessaires, et que notre visa est correct, tandis que le ministère de l’intérieur dit le contraire et nous demande de rentrer en France et d’obtenir un visa de recherche et une affiliation avec une université locale pour pouvoir continuer notre terrain de recherche ; or il n’y a pas d’université dans la région de Hakkari.

Comme nous autofinançons nos recherches, devoir abandonner notre recherche sur laquelle nous travaillons depuis longtemps, et pour laquelle nous avions déjà effectué tout le travail préparatoire à Paris, reviendrait à devoir abandonner nos thèses. Nous espérons qu’une solution pourra être trouvée.
Estelle Amy de la Bretèque. Ioannis Kanakis.

lundi, mars 28, 2005

"Tirk ji me hesûdiyan dikin "

Pour fêter l'arrivée de No Qoment, un nouveau site (humoristique et caustique et sarcastique) kurde sur la toile, je ne résiste pas à reproduire ma photo préférée qui en dit plus long que n'importe quelle étude sur l'indépendance politique du DEHAP par rapport au PKK....



"Tirk ji me hesûdiyan dikin "

Et puis on manque de photo de midinette kurde, c'est le début d'une belle collection...

samedi, mars 26, 2005

TV : migrations

Mardi 29 mars, sur ARTE, THEMA : L'Europe ferme ses portes.

22h30 : Quel avenir sans papiers ? d'Alexia Späth, Allemagne, 2003. 15 mn.
Mère de huit enfants, tous réfugiés en Allemagne, tous en règle, une vieille femme kurde de 76 ans vit dans la terreur d'être expulsée.

dimanche, mars 20, 2005

Démocratie

On était en mars et c'était pourtant l'hiver encore, un des plus froids que j'ai connu. Dans ce trou du cul du monde à la frontière iranienne. Dans la ville, des congères d'un mètre de neige, et l'hôtel sans chauffage, avec un lavabo minuscule dans la chambre, et son filet d'eau glacé, qui allait nous dissuader de nous laver. Ce qui fait qu'entre garde à vue à l'hôtel, arrestation, expulsion, pendant 4 jours, on promènerait nos cheveux gras et nos fringues froissées et sales, de vrais clodos.

Dans leur bureau, aussi glacé qu'à l'extérieur, plus encore, un seul poêle avec une chaleur quasi-inexistante. Je garde mon anorak et fourre mes mains dans mes poches en frissonnant. Autour, les militants, pas mal d'anciens combattants, ça se voit tout de suite, en blouson et chaussures de montagne, décontractés. On boit du thé bouillant, morceau de sucre dur entre les dents (bonjour les carries dentaires, ai-je pensé).

C'est alors qu'il est entré dans le bureau.

Splendide.

Par moins dix (température ressentie en tous cas), costume sombre, chemise claire, cravate élégante. Rien d'autre, pas même une gabardine.

J'ai beau le détailler je ne vois pas le moindre défaut, pas le plus petit laisser-aller. Ses cheveux noirs, épais, avec des fils blancs sont impeccablement coupés, sa moustache toute aussi soignée. Une gravure de mode.

Le maire de cette ville, dans son bureau politique.

Qui va être arrêté cette nuit. Il le sait, il nous le dit. D'ailleurs ils vont tous être arrêtés, ils le savent.(Et nous consignés à l'hôtel et expulsés mais ça on le sait pas, et d'ailleurs ça n'a aucune importance).

Et donc ce splendide député-maire sera arrêté ce soir et va passer la nuit (et plusieurs peut-être) au poste, entre les mains de la douce police et peut-être des forces spéciales qui, cagoulées, patrouillent la ville et l'extérieur. Et lui, parce qu'il est MAIRE, ELU DEMOCRATIQUEMENT, au lieu de s'habiller en chaud, met son beau costume de député en attendant que les brutes qui eux, se torchent avec la démocratie, viennent l'embarquer et le foutre dans une cellule aussi froide (et même plus) que son bureau, le foutre à poil aussi sans doute, le tabasser peut-être, en riant bien "t'as l'air malin hein monsieur le maire avec ta démocratie dans l'anus ?"

N'empêche, classe jusqu'au bout des ongles, les yeux noirs, pétillants, avec cette malice spéciale un peu fataliste mais jamais dure des gens bien qui en bavent, il nous offre ses marlboro, boit le thé, sans grelotter dans ses vêtements alors que moi j'ose à peine sortir une pogne de mes manches.

Parce que ce que l'on va l'arrêter cette nuit, c'est la démocratie, monsieur, pas un combattant, pas un révolutionnaire qui pourrait brailler sa haine du système toute la nuit , mais un MAIRE ELU.

Dans les campagnes électorales, déchiquetés à la grenade par les Sections spéciales le soir d'un meeting, ou bien avec 14 balles dans le corps quand on vient sonner à leur porte, ou bien torturés en garde à vue, n'empêche, ils seront plusieurs comme ça : costume-cravate, programme électoral en main, affiche, fonction en bandoulière et respectabilité affichée et outrée qui attire les coups sur la gueule : je suis député, maire, président de parti, président de syndicats, je suis ELU.

J'apprécie les bons combattants mais je ne les admire pas. j'aime profondément les gens des réseaux, les résistants et leurs rendez-vous la trouille au ventre. Mais ceux que j'admire vraiment, ce sont les civils qui assument leur fonction de civilité. Parce qu'ils ne peuvent même pas se défendre. Cible vivante, ils sont le porte-drapeau des batailles, tout le monde peut leur tirer dessus, ils n'ont pas le droit de répondre, ils sont les règles, la loi, la démocratie.

mardi, mars 15, 2005

Le rite du merle

Le merle le matin. Lisse ses plumes, frotte son bec contre le tronc de l'arbre, comme nous nous lavons les dents. Il fait ça chaque matin, bien sûr. Ce qui apaise et combre l'inquiétude humaine dans le spectacle de la nature, c'est sa plénitude, la densité de la vie animale, ou végétale, où rien n'est vide, inoccupé. Les animaux ont toujours quelque chose à faire pour leur survie. L'instinct ne laisse pas de place au farniente. Dans une vie d'oiseau, d'écureuil, il n'y a rien d'inutile, d'improductif, de gratuit. L'instinct les enchaîne d'une certaine façon et les délivre de la pensée. Nous connaissons, nous, l'angoisse du vide, de l'inutile, car nous avons ce choix. Faire ou ne pas faire. Nous pouvons rester assis à méditer dans une forêt toute la journée ou courir au bureau : cela n'a au fond aucune importance dans la marche de l'univers. C'est ça le libre arbitre, l'angoissante pensée de : Quoi que tu fasses, cela a si peu d'importance. Alors nous nous réfugions dans des rites inventés : les cultes, les prières quotidiennes, les régimes alimentaires, cette façon de "donner sens à la vie" via des pratiques au fond toutes artificielles, - on pourrait faire cela ou autre chose - n'est qu'une façon de nier et combler ce vide, de courir après la vie verrouillée de l'écureuil ou du merle.

dimanche, mars 13, 2005

TV : Le vent nous emportera

Vendredi 18 mars à 21h sur Cinéma auteurs :

Le vent les emportera d'Abbas Kiarostami




Avec Behzad Dourani et les habitants du village de Siah Dareh Kurdistan d'Iran - Durée : 1h58 - 1999.


Film pas si "mystérieux" qu'on le dit. Disons qu'on élude toutes les explications, circonstances, détails pour garder l'essentiel : une équipe de journalistes ? chercheurs ? se rend dans un village du Kurdistan iranien et attend. Une vieille femme est à l'agonie. On ne la voit jamais mais les hommes s'enquièrent chaque jour auprès des villageois et des enfants de sa santé. Elle semble avoir des pouvoirs visionnaires, portant essentiellement sur la mort, la vie, la guérison ou non de qui vient lui offrir une assiette de soupe et de son acceptation ou non dépend un verdict qui rappelle un peu Cronopes et fameux de Cortazar.

(Détail : le vieux médecin à la motocyclette toujours sur les routes semble se balader entre les films de Kiarostami et de Ghobadi)

lundi, mars 07, 2005

Confucius

"Lorsqu'il franchissait le portail ducal, il se tenait comme incliné, comme si l'espace manquait. Il ne se tenait pas, debout au milieu de l'entrée et marchait sans fouler le seuil. Il prenait une mine grave et pressait le pas, en passant devant le trône. La parole semblait lui manquer. Il montait à la salle d'audience en retenant le bas de sa robe, comme incliné, retenant son souffle, comme s'il craignait de respirer. A la sortie, dès le premier degré, descendu, son visage se détendait, comme rempli d'aise. Arrivé au bas des marches, il se précipitait comme s'il étendait les ailes, et reprenait sa place comme saisi d'une crainte respectueuse."

Comme toutes ces simagrées de carpette donnent le fou-rire d'autant plus qu'elles se répètent indéfiniment de siècle en siècle... et que cela sonne de façon déplaisante : Comment peut-on être confucianiste ? Je me demande.

Tout de même, d'accord avec ce passage qui se met en porte-à-faux avec notre époque, toujours encline à nous bassiner l'âme avec les bons sentiments et les bonnes intentions au détriment du savoir.

"Bonté sans étude tourne à la bêtise"(ce que j'appelle le sentimentalisme ambiant) "sagesse sans étude devient superficielle" (toutes ces spiritualités et philosophies de bazar, qui sont elles-mêmes incapables de savoir de quelle source elles découlent) ; "bonne foi sans étude pousse au banditisme" (eh oui, les rebelles au grand coeur et à la tête vide), "droiture sans étude rend cassant" (je suppose qu'étudier doit servir à ne pas être trop péremptoire et à se souvenir que l'on se trompe toujours, celle-ci je devrais m'en souvenir) ; "bravoure sans étude mène au désordre" (de l'art de la guerre) ; "rigueur sans étude conduit à la folie du fanatisme" (tous les troupeaux totalitaires en somme).

"Sur la délation qui passe pour droiture." Comme cela sonne vrai !

mercredi, mars 02, 2005

Parution : Kawa le Kurde




« 21 mars, Norouz, premier jour de l’année et premier jour du printemps. Zohak l'Arabe, seigneur du désert, roi de Jérusalem et cinquième empereur d'Iran, regardait la plaine de Ninive par la fenêtre de son château ».


La légende de Kawa le forgeron et du roi Zohak est celle de la fondation mythique du peuple kurde. Elle se rattache à l'une des fêtes les plus anciennes du monde, celle du Norouz, célébrée par tous les Kurdes et les peuples iraniens.

Djemchid, quatrième roi d’Iran après la création du monde, perdit son pouvoir par orgueil et ses vassaux se révoltèrent. Un prince arabe, Zohak, s’empara du trône et fit scier en deux son rival malheureux. Le nouveau roi, Zohak, avait une particularité : Il était affligé aux épaules de deux serpents qui devaient dévorer chaque jour de la cervelle humaine. Ces serpents lui avaient poussé aux épaules après un pacte qu’il avait conclu avec le démon venu le tenter. Tous les matins, donc, étaient sacrifiés deux jeunes gens pour nourrir les serpents du roi. La légende dit que trois chevaliers d’Iran, déguisés en médecins, trichèrent en ne sacrifiant qu’une victime sur deux, en mêlant sa cervelle à celle d’un mouton. Le survivant devait s’enfuir dans les montagnes et s’y cacher, et de ces milliers de fugitifs naquit le peuple kurde, originaire des montagnes. A la fin du règne de Zohak, un forgeron nommé Kawa, qui avait eu dix-sept fils dont seize avaient été sacrifiés par Zohak, se révolta quand on vint s’emparer de son dernier fils survivant.

Cette histoire a été maintes fois racontée, de façon orale ou écrite, par des Kurdes, des Persans, des Afghans. J’en donne ici ma propre version reliée à l’histoire contemporaine du Kurdistan, le « Pays des mots gelés », le pays où la langue kurde interdite, traquée, niée, se fige et gèle dans la bouche des hommes. Car l’histoire de Kawa le révolté et du roi tyran s’est perpétuée durant des siècles dans l’histoire des Kurdes, peuple en marge du monde des villes et du pouvoir. Je l'ai mêlée à des récits réels ou inspirés de faits réels, les « Histoires contemporaines du Pays-des-mots-gelés » : Ce sont des histoires vécues par les Kurdes, des scènes auxquelles j’ai moi-même assisté en 10 ans de pérégrinations dans tout le Kurdistan, ou bien que des Kurdes m’ont raconté, ou bien des événements historiques tels que le suicide de Mazlum Dogan dans la prison de Diyarbakir, ou les bombardements de Halabja.

Le tout se veut à la fois une épopée (nombre de personnages sont des clins d’œil directs aux grandes légendes iraniennes, tel Khosrow et Chirine, Bijen, Rostam, Zal…) mais aussi une réflexion sur le pouvoir, de quelle façon s’installe et dure une tyrannie, ce qui fait qu’un homme choisit de se révolter à un certain moment, quand il est presque trop tard, mais aussi ce qui fut l’essence de la répression contre les Kurdes : la volonté d’uniformité, de conformité à un seul modèle de pouvoir, ce qui les fit toujours apparaître comme un élément dérangeant, le peuple fauteur de troubles.
Pour ceux qui ont souhaité un livre dédicacé et n'ont pas pu venir à la signature, commandez-le ici en spécifiant que vous souhaitez une dédicace et à quel nom elle doit être adressée

TV : Scythes, Turquie

Samedi 5 mars sur ARTE, à 20 h 40 et dimanche 6 mars à 14 h00 : La Tombe du prince scythe. Documentaire de Marc Jampolsky, 2000. Les Scythes étant peut-être les lointains aïeux des Kurdes, voici donc l'histoire de la découverte de la tombe d'un proto-Kurde au Kzakhstan, en 294 avant Jésus-Christ.

Mercredi 9 mars sur France 3, à 23h30, Culture et dépendances : l'Europe, la Turquie, la Constitution. Magazine animé par Franz-Olivier Giesbert. Avec Valéry Giscard d'Estaing, Hubert Védrine, Joachim Bitterlich, Pervenche Berès (jignore absolument qui sont les deux derniers, alors inutile de me le demander. De toute façon, sachez une fois pour toutes que je n'ai pas la télévision, alors je regarde rarement ce que j'annonce...)

Concert de soutien à l'Institut kurde