lundi, décembre 26, 2005

Radio : Géorgiens,

Les Géorgiens sont les voisins des Kurdes, peut-être même de lointains cousins selon Minorsky. De plus, beaucoup de Kurdes, principalement yézidis, vivent en Géorgie. La musique géorgienne est-elle proche ou lointaine des chants kurdes ? Pour le savoir et goûter les ressemblances et les différences, vous pouvez écouter l'émission Equinoxe, en ligne sur le site de France-Culture.

Les Araméens et Reportage dans la communauté chaldéenne de Sarcelles par Jérôme Sandlarz, soit les chrétiens vivant au Kurdistan, autrement appelé "Assyro-chaldéens".


lundi, décembre 19, 2005

A lire et à voir

Sur OFK news, le récit d'un vaillant électeur kurde parti du sud de la France pour voter à Utrecht, feuilleton en plusieurs épisodes, avec suspens...

et sur l'excellent site azady, une petite vidéo prise sur les mêmes lieux, qui montre la formidable cohésion des peuples "irakiens entre eux", entre compétition de drapeaux turkmène, kurde, arabe...

mercredi, décembre 14, 2005

Qui a dit ça ?

"Il n'est pas imaginable de concevoir un conflit où le peuple kurde serait la partie adverse."

"Pour ce qui est des Kurdes, du peuple kurde, il doit être assuré... que nous sommes soucieux de son avenir tout autant que lui, soucieux de son avenir, de sa sécurité, de sa stabilité, soucieux qu'il prenne sa place pour participer à la construction de la société irakienne."

Georges Bush ? Al Jaffari ? Un leader sunnite pénétré de fraternité kurdo-arabe ?

Non, seulement Saddam Hussein, en 1973, lors des discussions du projet de loi d'autonomie pour le Kurdistan... avant que tout échoue sur la question de Kirkuk.

Faut-il y voir une des raisons pour lesquelles les Kurdes devraient se méfier dès qu'un autre peuple prétend se soucier de son futur ?

mercredi, décembre 07, 2005

Annonce

Le Festival du Cinéma iranien en Exil cherche des films portant un message sur les questions suivantes:

IMMIGRATION
EXIL
RACISME
LES FEMMES ET LES DISCRIMINATIONS
CENSURE ?

Ce Festival est ouvert aux cinéastes de tous horizons et toutes nationalités confondus, vivant loin de leur pays d'origine et qui tentent d'exprimer par leur art, leur désarroi, leurs questionnements, leur quête d'identité et leur vision du monde .

Formats acceptés : tous
Non compétitif

Limite d'envoi des cassettes : 16 janvier 2006

Les cinéastes sont défrayés dans la mesure du possible.


Quatrième Rencontre parisienne du Festival Cinéma iranien en Exil

06 - 12 mars 2006

Cinéma La CLEF (Centre culturel la CLEF)
21, rue La Clef/ rue Daubenton 75005 Paris
M° Censier- Daubenton / Place Monge (ligne 7)
Infos et inscription:
Association Art En Exil
40 rue des Blancs- Manteaux
75004 Paris

E-mail : artenexil@free.fr
Tél: 01 45 42 20 16 - 06 09 12 68 07

Cinéma


Cinéma :

Kilomètre zéro, Hiner Saleem :

I-Le Brady l'Albatros- 39 bd de Strasbourg, M° Château d'eau, Paris 10°.
Jeudi et lundi à 19h30, dimanche à 21h00.


lundi, décembre 05, 2005

La Question kurde en Syrie

Jeudi 1er décembre a eu lieu à l'Assemblée nationale une conférence internationale sur les Kurdes de Syrie. Jusqu'ici, plusieurs de ces conférences avaient été organisées sur la Question kurde au Moyen-Orient, mais étaient essentiellement consacrées aux deux "gros morceaux" du Kurdistan, celui de Turquie et d'Irak. C'est à ma connaissance, la première fois qu'un débat de cette ampleur était exclusivement porté sur les quelques 2 millions de Kurdes qui vivent en Syrie, et qui, malgré leur nombre minime (si on les compare à leurs compatriotes des autres Etats voisins), sont travaillés doublement par deux problèmes politiques : la situation des Kurdes en général au Moyen-Orient, et la situation et les problèmes spécifiques rencontrés par les Kurdes vivant en Syrie.

De par leur nombre réduit et leur territorialisation fragmentée en Syrie, Les Kurdes syriens n'ont jamais émis de revendications séparatistes. Ils ont cependant soutenu et relayé la cause des autres Kurdes, et ce dès le début des mouvements nationaux : ainsi les membres du Xoybûn, qui dans les années 20 combattaient pour l'indépendance kurde en Turquie, et dont les bases politiques et les publications avaient trouvé asile en Syrie, alors sous mandat français.

Plus riches, mieux éduqués, épargnés par les ravages de la guerre, les Kurdes ont ainsi fourni tout au long du 20° siècle un soutien financier et politique aux autres Kurdes, que ce soit envers le PDK ou l'UPK de Barzani et Talabani, ou bien le PKK, dont le leader ne quitta guère Damas de la fin des années 70 à 1999.

Mais il y a aussi une question kurde en Syrie, et en mars 2004, elle éclata un peu plus bruyamment que d'habitude, l'amenant au grand jour, quand des milices baathistes s'attaquèrent aux supporters kurdes d'un match de foot, en lançant des slogans de soutien à Saddam Hussein. Il y eut des coups de feu (les Kurdes étaient, eux, désarmés) une riposte. La réaction kurde surprit sans doute les autorités syriennes par sa vigueur et son ampleur : en quelques jours, toutes les villes kurdes se révoltèrent. On vit même, chose inouïe, des portraits de Hafez el Assad déchirés. Mais cette violence n'avait pas surgi en un jour, elle n'était que l'aboutissement de revendications qui avaient déjà plusieurs décennies : la liberté de publier et d'enseigner le kurde, l'abolition des discriminations frappant les Kurdes dans les emplois publics, et surtout, le rétablissement dans leurs droits nationaux de peut-être 500.000 Kurdes qui avaient été du jour au lendemain privés dans les années 60 de la nationalité syrienne dans un plan "d'arabisation" de la frontière syro-irakienne. Vivant en étranger sur leur propre sol, ces Kurdes de Djezireh sont le phare des revendications kurdes en Syrie, portées par des partis tels que Yekitî.





La conférence a donc porté sur la situation particulière des Kurdes en Syrie, avec d'abord un rappel historique du passé de cette communauté, "incorporée" à la Syrie lors du découpage des vilayets ottomans, arbitrairement détachés des autres Kurdes, de Turquie ou d'Irak (des familles ont été ainsi séparées, des villages coupés en deux). Une représentante d'Amnesty International, Françoise Morzière, a aussi évoqué la situation des droits de l'Homme en Syrie, ce pays étant une des dictatures les plus répressives pour ses citoyens, qu'ils soient Kurdes ou Arabes, ou de diverses origines.

Les perspectives et l'avenir de ces Kurdes ont été passés en revue, par différents représentants des partis kurdes de Syrie, tels al-Jabha, Yekitî, l'Union démocratique ou Azadî. Il faut ici mentionner la particularité du paysage politique des Kurdes syriens, qui se caractérise par une multiplication assez conséquente des partis (même s'ils essaient de se regrouper en une plate-forme commune) ce qui donne au débat un aspect plus ouvert, plus démocratique, et en même temps complique la tâche pour porter d'une seule voix leurs revendications. On a ainsi atteint jusqu'à 18 partis politiques, pour 2 millions de personnes ! Si l'on compare aux Kurdes de Turquie, qui peuvent difficilement s'exprimer hors et/ou contre le PKK, ou bien avec les Kurdes d'Irak et leurs deux grands partis à caractères très tribaux, les Kurdes de Syrie sont un peu les "petits Grecs du Kurdistan" (au sens d'Athéniens), le débat politique y étant plus présent et pluraliste. D'un côté cet émiettement des forces les affaiblit. Un temps le PKK a cherché à s'imposer avec sa manière habituelle ("autoritaire", disons) mais les actes de violence et l'assassinat de certaines personnalités kurdes en Syrie ont vivement mobilisé contre lui tous les autres partis, et même la population kurde en général, pas prêts à accepter le monolithisme répressif (la collusion entre la Syrie et ce même parti étant aussi un sérieux handicap surtout après 1999).



Une des tables rondes les plus vivantes et les plus intéressantes était celle animée par des avocats, juristes, écrivains, hommes politiques tout droit venus de Syrie, qui ont disséqué avec beaucoup de précisions la nature de l'appareil d'Etat syrien, la nature du régime politique baassiste, qui en lui-même porte la condamnation et l'exclusion des groupes non-arabes de Syrie. Le tout était étayé par des exemples concrets, puisque ces représentants sont de par leur fonction des hommes de terrain. Les lois d'exception, l'Etat policier, ont été ainsi passés au crible par Rifaat Semo, Lazgîn Ibou, tandis que Marwan Othman racontait dans une langue kurde poétique et riche, presque épique, le soulèvement kurde de mars 2004, ou Serhildan.

L'avantage de ces conférences est de permettre aussi à différentes parties de se rencontrer plus facilement qu'au pays. Les relations entre l'opposition arabe et kurde ont ainsi été évoquées. Jusqu'au début des années 2000, il y avait peu de contacts entre les deux groupes d'opposition, et le dialogue entre eux, voire la coordination, furent longs à démarrer et restent encore timides, d'abord en raison de la difficulté pour ces groupes d'opposition d'exercer tout simplement leurs drotis démocratiques et politiques, mais aussi parce que les tabous portant sur la dichotomie "nationalisme arabe/séparatisme kurde" restent prégnants. Mais enfin des plate-formes communes ont vu le jour, tel le comité Dialogue kurdo-arabe, représenté ici par Habib Ibrahim, ou la rpésence la même table ronde de Borhan Ghalioun, directeur du Centre d'études de l'Orient contemporain et Abdulbasset Seida, philosophe et écrivain kurde, qui vient de publier un livre sur les Kurdes de Syrie.

Pour en savoir un peu plus sur les Kurdes de Syrie :

La Question kurde en Syrie, Abdulbasset Seida.

Les événements de Qamichlo : irruption de la question kurde en Syrie ?
Julie GAUTHIER

Radio : Saddam

Le dimanche 18 décembre, dans l'émission A la rencontre du monde musulman, sur la radio JudaïqueFM, Françoise Brié présentera :



samedi, novembre 26, 2005

Anfal


Hathra, 80 km au S.O de Mossoul




"Mais s'agissait-il de prendre soin d'eux ? Non, je les enterrerai avec des bulldozers." (Enregistrement sur cassette d'Ali Hassan al-Madjid, Réunion du Bureau Nord, peut-être 21 ou 22 janvier 1989).


"Le 25 septembre 1990, l'honorable directeur a émis la directive suivante : la phrase "Nous n'avons aucune information sur leur sort" va remplacer la phrase "Ils ont été arrêtés pendant la victorieuse campagne d'Anfal et gardés en détention."


"Des membres du Jash ayant de la sympathie pour la tribu de Salim ont essayé de soudoyer les soldats en leur offrant 1000 dinars pour libérer chaque enfant. "Il est trop tard, ont répondu les soldats ; on avait déjà mis les enfants dans les camions."



La dame en pourpre



"Je pleure quand je vois un spectacle ou un film tragiques. Un jour, j'ai pleuré en voyant, dans un film, une femme perdue et sans famille. Mais j'aimerais dire que j'ai fait ce que j'étais supposé faire. Je ne pense pas que vous auriez pu faire plus que je n'ai fait." (Hassan Ali al Madjid, 15 avril 1989).


Le ministère des droits de l'Homme du Kurdistan édite des documents, photo, DVD, sur l'Anfal, et avant cela, avant la campagne de 1987-1988, le massacre des 8000 Barzani en 1983. Comme pour les chiites, la chute du régime de Saddam permet maintenant de retrouver et d'exhumer les fosses communes. Plusieurs CD ROM et DVD ont été donnés à l'institut kurde. All mass graves ; Hathra : Showing evidences ; Barzan's mass graves ; Fact finding Mission : Barzani's mass graves ; The victims of Saddams Regime ; Saddam's Legacy...

J'ai sélectionné quelques photos de ces fosses d'Irak remplies de squelettes et de cadavres momifiés, mêlés aux vêtements et aux objets que les morts avaient emmenés sur eux. Je dis Irak parce que le Kurdistan ce n'est pas le pays de la mort, c'est l'Irak qui est la tombe de ces Kurdes, le Kurdistan que l'on oblige à devenir Irak, c'est cela, c'est ce pays de la mort.


Membres de la tribu des Barzani assassinés en 1983

Certains clichés sont beaux, je les ai pris en priorité; encore que le terme "beau" puisse choquer, mais c'est vrai, ils sont beaux, tel ce crâne comme une Vanité, ou cette sandalette d'enfant auprès de laquelle, pour donner la mesure de sa taille, on a posé un stylo bille noir, de ces Bic tout simple à corps de plastique transparent et dont on a enlevé le capuchon. Voilà, chacun, chez soi, peut prendre le même stylo et mesurer la taille de la sandalette.

Des cadavres qui, comme des sujets de peinture, des portraits célèbres d'inconnus, en buste ou en pied, portent des noms anonymes et familiers dans le documentaire, comme "La Dame en pourpre", "The Purple Lady".

Non ces crânes ne sont pas repoussants, c'est comme déterrer la vie et les indices de princes antiques exhumés, dont nous enquêtons sur la mort : une balle dans la nuque, une seule balle, comment ils sont morts, les femmes aux yeux bandés, les hommes aux yeux bandés et liés. Et les objets aussi nous parlent, des sandales, des chaussures, des lunettes, des tétines d'enfants, comme les artefacts des tombes antiques, et sont filmés en témoins aussi dignes que les restes humains.



Il y a aussi, comme au Cambodge, les photos et les noms des 8000 Barzani tués de la même façon en 1983. Il faudrait écrire la vie de chacun de ces visages, il faudrait faire plus que retenir le nom des morts, même si cela n'est déjà pas si mal, il faudrait recueillir les récits, de vive voix, de tout ce que l'on sait d'eux.


Qu'ils soient plus que des os entassés, des squelettes en désordre, des pièces à charge contre le procès des responsables. Que ces fosses ne soient plus des mass graves, tombes de masse, tombes massives, mais un : Je + Je + Je + Je... empilés.



(Toutes les citations sous les photos sont extraites de : Génocide en Irak, la campagne d'Anfal contre les Kurdes, Middle East Watch (HRW), Karthala 2003.)


vendredi, novembre 25, 2005

Exposition Génocide arménien


Du 3 au 9 décembre de 10h à 19h
Mairie de Clamart
Salle du Conseil (Hôtel de Ville)

Place Maurice Gunsbourg
91140 Clamart
www.clamart.fr

Vernissage ouvert à tous : samedi 3 décembre à 11h, en présence du maire et de nombreuses personnalités.

"La mairie vous propose une exposition d'exception sur le génocide arménien, reproduction de celle du musée du souvenir du génocide arménien à Erevan, présentée pour la première fois en France.

La date anniversaire de ce drame contemporain - le 24 avril 1915 - est devenue un symbole d'identité nationale pour tous les Arméniens. La communauté arménienne clamartoise organise deux fois par an, le 24 avril et le 1er novembre, un hommage aux victimes du génocide au Khatchkar. Ce drame n'est toujours pas reconnu par le gouvernement turc et reste une source de conflits importante entre les deux états.

Histoire du génocide

Le génocide arménien est le premier du XXe siècle. Après les massacres de 300 000 Arméniens sous l'Empire ottoman de 1894 à 1896, c?est sous le gouvernement « Jeunes-Turcs » que la politique d'extermination de la Turquie a atteint des sommets, la volonté d'émancipation des Arméniens étant perçue comme un obstacle à leur programme d?unification des nations turques et touraniennes.

Au début de la Première Guerre mondiale, les militaires arméniens servant dans l'armée ottomane sont désarmés. Le 24 avril 1915, l'élite intellectuelle et politique arménienne est arrêtée, puis déportée avant d'être massacrée, en même temps que les militaires démobilisés. Cette date marque le début du génocide et la systématisation de l'extermination des Arméniens (déportations massives, camps de concentration, massacres, viols, privations des terres et des biens)? On estime à 1,5 millions le nombre de victimes du génocide entre 1915 et 1917, soit 75% de la population arménienne vivant à l'époque en Arménie turque (Empire ottoman).

Après une courte indépendance de la République d?Arménie (1918-1920), de nouveaux massacres ont eu lieu de 1920 à 1923, au lendemain de la fondation de l'Etat turc par Mustapha Kemal, juste avant le rattachement de l?Arménie à la république d'URSS.

Ce génocide avait provoqué l?exode de 500 000 rescapés entre 1915 et 1923. La Turquie nie à ce jour la réalité de ce génocide, pourtant reconnu par l?ONU et une quinzaine d'états, dont la France."


samedi, novembre 19, 2005

Expo photo

Après un exil de près de vingt ans, le photographe revient au pays natal, Sanandaj. Remontant au lointain moyen âge, Sanandaj apparaît comme la plus grande agglomération kurde d'Iran.


Exposition de photographies de
Hamid Azmoun

SANANDAJ, portrait d?une ville kurde

19 novembre - 4 décembre 2005
vernissage : 18 novembre 2005 18h - 21h
le verre à pied
118bis, rue Mouffetard, 75005 - Paris
M° Centier-Daubenton
contact : hazmoun@yahoo.fr. Tél. : 06 63 32 90 11

Et toc

Dans la presse turque, des éditorialistes ont demandé, selon M. A. Birand, du TDN, que puisque les Européens n'arrêtent pas d'envoyer des délégations d'observation en Turquie, à chaque émeute ou problème, pourquoi la Turquie n'en profiterait pas pour envoyer des délégations turques en France, quand une banlieue brûle, hein ?

Cela dit, il faut le reconnaître, mis à part les 2 morts accidentelles qui ont mis le feu aux poudres (enfin aux voitures) et les deux morts passés à tabac par les émeutiers non par la police, nos manifs à nous font moins de victimes qu'à Hakkari. Amatör, les Français.

vendredi, novembre 18, 2005

Cinéma

Samedi 26 novembre 2005 à 20h30
le Centre culturel Guy Toffeleti de la ville de Bagnolet présente :

Une projection -débat
En présence du réalisateur :

Iran : résistance d'un peuple opprimé
Un film de Jamshid GOLMAKANI

Cette enquête a pour point de départ une série d'assassinats d'intellectuels en automne 1998 à Téhéran. La population se révolte. Un mois plus tard, pour la première fois, le Ministère iranien de l'Information et de la Sécurité avoue sa responsabilité. L'enquête décrit les tactiques employées par les autorités iraniennes pour que les commanditaires ne soient pas nommés : les Ayatollahs au pouvoir, qui ont lancé "la Fatwa" à mort à l'encontre des intellectuels-opposants. Les familles des victimes continuent leur combat pour mener les commanditaires devant une justice indépendante et compétente.

Sélection Festival International du Film des Droits de l'Homme de Paris / Festival International du Film d'Histoire-Pessac / Fipatel-Biarritz

Centre culturel Guy Toffeleti 43, rue de Charles Delescluze 93170 Bagnolet
M° : Gallieni (ligne 3)+ Bus 122, arrêt Charles Delescluze
Entrée libre
La soirée sera suivie d'un buffet
Production : Horizon Communication
Tél : 0149860232
Email : horizoncom@wanadoo.fr
Renseignements : Centre culturel Guy Toffeleti Tél : 01 48 57 48 43

dimanche, novembre 13, 2005

Le Livre noir de Saddam Hussein, présentation et conférence

Samedi 12, a eu lieu à l'Institut la présentation du Livre noir de Saddam Hussein, ouvrage collectif écrit sous la direction de Chris Kutschera, qui se veut un livre de référence et un bilan, qui servira aussi de réquisitoire contre les 35 ans de règne du dictateur le plus sanglant du Moyen-Orient, ainsi qu'une analyse des raisons qui ont fait que tous les pays occidentaux, ainsi que les pays arabes et bien d'autres, ont soutenu un gouvernement totalitaire qui a fait 2 millions de victimes.

Il ne s'agit pas seulement de traiter des victimes kurdes, mais de toutes les victimes irakiennes et même iraniennes et koweitiennes, puisqu'à deux reprises Saddam Hussein s'est lancé dans une guerre d'agression et d'invasion contre un Etat voisin. Il faut aussi mettre en lumière le caractère particulièrement brutal du régime de Saddam, même comparé aux autres dictatures du Moyen-Orient, et ceci afin d'éviter toute tendance "comparatiste" hélas très en vogue en France, tendant à minimiser la terreur irakienne. Pour cela, rappeler et définir ce qu'est un génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre, n'est pas inutile. C'est ce que fait, dans le premier chapitre de la première partie intitulée "Un régime contre son peuple", Patrick Baudouin, président de la FIDH, avec tout de suite les chiffres donnés par Bakhtiar Amine, ministre des droits de l'homme du gouvernement intérimaire irakien, dans le rapport de la Conférence internationale sur les réfugiés et déplacés irakiens, en juillet 2002 : "Deux millions de personnes ont été blessées ou ont succombé dans la zone frontalière entre l'Iran et l'Irak lors de l'invasion irakienne en 1980; 200 000 personnes ont été tuées pendant la Guerre du Golfe, 200 000 chiites irakiens lors du soulèvement de 1991 et 500 000 Kurdes en Irak à la suite de la politique génocidaire du régime de Saddam Hussein. L'Irak détient également le record mondial des disparitions forcées : plus de 200 000 disparus (10 000 Kurdes faylis de Bagdad et ses alentours ont disparu depuis 1980, 8000 membres de la tribu de Barzani du camp de Kouchtepe. 4500 villages et 26 villes ont été détruits dans les années 1980. Au Kurdistan irakien, 110 camps de concentration appelés "camps collectifs" ou, selon le régime, "villages stratégiques" ou "villages modernes", entourés de barbelés et encerclés par les forces de sécurité, ont été créés. C'est plus de 750 000 Kurdes des régions montagneuses qui ont été déplacés dans ces camps. Un demi-million a été déplacé dans le désert, dans des camps à la frontière avec l'Arabie saoudite et la Jordanie, les camps d'Arar, de Rutba, de Nougra Salman,et dans la région de Rumadiya. A ce jour, le régime irakien est responsable de 4 millions de réfugiés."

Peter Slugett, dans son chapitre "Portrait d'un dictateur", relate la prise de pouvoir par Saddam à la fin des années 60, et toute l'histoire de l'Irak baasiste, et revient en détail sur les fondements et la création de l'idéologie baasiste, qu'il résume en trois termes : panarabiste, nationale-socialiste et dictatoriale. Selon lui, une des raisons majeures pour lesquelles il a pu se maintenir est l'appui d'un monde "qui semblait généralement d'avis qu'une dictature était préférable à l'anarchie et que, face au risque de désintégration de l'Irak après la chute de Saddam Hussein, il valait mieux laisser les choses en l'état." Critiquant sévèrement, comme la plupart des analystes "l'incompétence et la stupidité de la politique américaine en Irak" après 2003, Peter Slugett affirme 'qu'il est cependant difficile depenser que L'Irak ne se porte pas mieux sans Saddam Hussein.'

Dans les chapitres "Le dictateur et son portrait" de Zuhair al-Jezary et "Saddam Hussein, quel totalitatisme ?" de Hazem saghieh, la société délirante et totalitaire de l'Irak baasiste, ce monde où Saddam était partout, où le pays était quadrillé de réseaux et contre-réseaux visant à atomiser le monde irakien, la nature de ce régime est mise en lumière avec les grilles de lecture qui ont déjà été appliquées pour décrypter les univers totalitaires du nazisme et du stalinisme, notamment celle de Hannah Arendt. Une des caractéristiques de ce régime est la prolifération hallucinante des services de renseignements et de sécurité, existant en parallèle, et même rivaux, qui aboutit à faire de chaque Irakien un espion au sein même de sa propre famille. Par ailleurs la "république de la peur", comme l'intitule dans son livre Kanan Makiya, a eu recours pour se maintenir à l'échelle la plus large des crimes et moyens de coercitions contre une population, allant de l'assassinat extra-judiciaire, à la torture, jusqu'au génocide et l'usage d'armes prohibées.

Etat profondément chauvin et raciste, ayant amené au pouvoir un groupe ethnique et religieux défini : Arabe/Sunnite, le régime irakien débuta presque tout de suite par des actes de persécution ethnique ou religieuse. Les massacres de Kurdes et de chiites sont les plus connus. Chris Kutschera met cependant en lumière de façon intéressante un événement maintenant assez oublié, celui des "pendus de Bagdad", qui vit le procès et l'exécution en 1969, en représailles à une opération militaire israélienne, de 14 Irakiens, dont 9 juifs. Déjà quasi disparue après le farhud et l'émigration massive des juifs irakiens en 1950-51, ce qu'il restait de la communauté juive d'Irak, dont l'histoire est relatés dans ce chapitre, s'est trouvée annihilé par le régime. C. Kutschera rappelle qu'en 2003, à la chute du régime il ne restait plus que quelques dizaines de juifs à Bagdad.

La première partie du livre se termine sur des témoignages de prisonniers détenus à Abu Ghraib sous le régime baasiste.

La deuxième partie est consacrée à la répression des chiites, à leur histoire et à leur statut dans l'Irak, à leur déportation en Iran et aux milliers de réfugiés. Quelques hautes figures du chiisme irakien sont étudiées, ainsi les dignitaires religieux Hakim, qui furent dans la ligne de mire des Baasistes, comme les Barzanis du côté kurde. Emma Nicholson raconte la "destruction et le génocides des marais du sud de l'Irak", cette région dont le patrimoine humain et écologique remonte aux plus anciennes pages de l'histoire mésopotamienne. Sans l'intervention américaine et la chute du régime, les Arabes du marais auraient aujourd'hui disparu, d'abord avec le détournement des eaux et la destruction des marais mais aussi par le meurtre et l'expulsion. De 400 000 en 1950, les Arabes des marais ne sont plus que 83 000 en mai 2003. Quant aux marais, les 2/3 avaient été asséchés en 1993. La libération de l'Irak et la campagne de réhabilitation de cette zone a déjà permis de récupérer 30% de l'étendue des marais.

Nautrellement outre la déportation et la disparition des Kurdes faylis, le massacre des chiites culmina avec la répression de leur soulèvement en 1991, qui fut le second Anfal, après celui des Kurdes.

La troisième partie est consacrée au génocide des Kurdes, qui fut le plus anciennement lancé par le régime, l'Etat irakien ayant été, de toute façon dès sa création, un Etat anti-kurde, un "Etat contre les Kurdes", comme le souligne Chris Kutschera. L'Anfal kurde est très documenté en raison de la minutie administrative du régime irakien, ce qui permet de donner une vision détaillé du plan et de ses différentes étapes, qui visait véritablement à exterminer la population kurde, ainsui que d'autres communautés, tels les chrétiens du Kurdistan, de langue syriaque. Françoise Brié traite plus particulièrement de l'utilisation des armes chimiques contre les Kurdes. La déportation des Kurdes fayli fut également le moyen d'anéantir un groupe humain pour des motifs tant économiques que politiques.

la partie 4 présente "les guerres de Saddam Hussein", contre l'Iran en 1984-1988 et l'invasion du Koweit en 1991, durant lesquelles de nombreux crimes de guerre furent commis ( attaques de gaz contre l'Iran, disparition de 600 Koweitis, entre autre).

La partie 5 est particulièrement cruciale en ce qu'elle aborde la question des "réseaux irakiens", c'est-à-dire de toutes les complicitiés, alliances politiques ouvertes ou corruption occulte dont Saddam s'est servi pour rester 35 ans au pouvoir et jusqu'en 2003, bénéficier de voix occidentales, et tout particulièrement françaises, pour défendre ou à tout le moins maintenir en place sa dictature. Jonathan Randal aborde d'emblée les "relations ambigues" entre les Etats-Unis et l'Irak, tout au long du 20° siècle. Il montre ainsi que l'aide américaine permit souvent à Saddam de ne pas vaciller lors des révoltes internes en Irak. Ainsi "des importations à prix réduit de blé et de riz américains (...) permirent à Saddam Hussein d'ignorer l'insurrection du Kurdistan, fertile grenier à blé de l'Irak."Les intérêts céréaliers et pétroliers américains, ainsi que le choix de soutenir l'Irak contre l'Iran firent que les USA fermèrent obstinément les yeux sur le scandale de Halabja. Il y eut même des essais de falsification concernant les responsables des gazages : "Un rapport ahurissant émanant de l'Army War College de carlisle, en Pennsylvanie - et pas entièrement dépourvue de toute impulsion venue de Washington - affirma même que c'étaient les Iraniens qui avaient commis le massacre de Halabja." Rappelons que cette fable, à la fois forgée par Saddam et soutenue un certain temps par les Etats-Unis continue à courir dans le monde arabe... et ailleurs. Quand la conférence de Paris, de janvier 189, se tint pour l'application du traité de 1925 interdisant le recours aux armes chimiques, les Français et les Américains s'entendirent pour écarter toute délégation kurde de cette conférence, alors que cette population avait servi de victimes initiales, voire de cobayes pour l'utilisation de ces gaz.

Chris Kutschera lui, revient longuement sur les relations franco-irakiennes, qualifiée par lui "d'idylle sans faille". Les relations "complexes" entre l'URSS/Russie et l'Irak sont aussi abordées.

Enfin quatrième bloc politique complice des crimes de Saddam, le monde arabe lui-même. Antoine Sfeir pose la question "Pourquoi les Arabes ont-ils choisi Saddam Hussein ? Mais l'ont-ils choisi ?"

Le bilan de 35 ans de dictature ? "une société traumatisée, une société civile anéantie, une économie en ruine" selon Sami Zubeida. Enfin le livre s'achève sur la question du procès de Saddam, les tonnes de documents qui serviront de preuves, "une base de données sans pareille" les fosses communes ou "les champs de la mort de Saddam Hussein" passés enr evue par Sinje Caren Stoyke, et enfin sur le problème soulevé par le lieu et le moment choisis pour le procès. André Poupart prend ouvertement position en expliquant "pourquoi Saddam Hussein doit-il être jugé par les irakiens" : "L'exemplarité inévitable d'un événement aussi immense, auquel tous les Irakiens pourront assister en direct ou sur place ou opar l'intermédiaire de la télévision, peut et doit au contraire devenir un ferment de réconciliation nationale. Les uns apprendront quel genre de dirigeants ils ont soutenus et les souffrances indicibles endurées par des compatriotes. D'autres découvriront, exposé à la lumière crue du prétoire, le secret de tortures inavouables qui n'ont aps fini de tourmenter chaque jour les survivants. S'il peut y avoir une certaine fierté douloureuse à être malgré tout un survivant, les tortionnaires et ceux qui les ont appuyés devront assumer l'horreur et l'invraisemblance de crimes devenus manifestes."






J'ai retranscrit à peu près l'essentiel des questions posées par le public lors de la présentation du livre par trois de ses auteurs : Françoise Brié, Chris Kutschera et Jonathan Randal :



Question : Est-ce que le Quai d'Orsay vous a ouvert ses archives et jusqu'où ira la tendance actuelle du gouvernement français à atténuer et minimiser les crimes de Saddam ?

Françoise Brié : Dès l'annonce du procès il y a eu cette tendance à minimiser ici les crimes de Saddam. Il est difficile de dire comment les choses vont évoluer, mais les scandales de corruption liée à la résolution Pétrole contre Nourriture montre l'ampleur des réseaux dont Saddam se servait. Le procès durera près de deux ans, et beaucoup de choses seront dévoilées alors. Il faudrait par exemple publier la liste des personnes et des sociétés qui ont profité de ces réseaux. Le gouvernement irakien et toutes sortes de soutiens, eux, poussent à ce que soient dévoilés toute l'ampleur des crimes.

Jonathan Randal : Il y a tendance à dire ici que le régime est noirci par des officines, etc. Mais l'ampleur des crimes est telle qu'on ne pourra les minimiser longtemps et je crois que sans l'affaire Mérimée il aurait été plus facile de vouloir atténuer ces crimes. Mérimée n'est pas n'importe qui. Donc cette enquête amènera beaucoup de choses sur la scène publique, et notamment la raison du silence et des complicités.

C. Kutschera : On peut parler d'une véritable idylle franco-irakienne, avec des accords nucléaires. Chirac est allé à Bagdad en 1974, quand Saddam écrasait la révolte kurde de Barzani. La gauche a continué, en fait toute la classe politique, de droite comme de gauche, a soutenu Saddam. Pour quelles raisons ? D'abord la hantise, la peur du régime de Khomeiny, Saddam étant présenté comme le "rempart" laïque et aussi par souci de faire des affaires, par mercantilisme : il s'agissait de contrats fabuleux, d'usines clefs-en-main, d'aéroports, de routes construites... Mais, aussi dur que cela soit, cela pour moi reste encore du domaine du "normal", dans la politique de l'intérêt des Etats. Mais on le voit avec l'affaire Mérimée, il y a une autre face, qui montre une corruption telle, qu'elle amène la France au niveau d'une république bananière.

Pour l'accès aux archives, j'ai pu consulter les notes des années 74-75. Evidemment les Affaires étrangères n'ont pas tout montré. Par contre, parce que cela lui tenait à coeur, Massoud Barzani a communiqué des documents impliquant les responsables baasistes des massacres des 8000 Barzani en 1983.

J. Randal : Les US ont aussi beaucoup de documents. Un autre livre se prépare, uniquement sur la politique américaine en Irak. Et puis, il y a les documents que les peshmergas kurdes ont pu saisir en 1991 à Erbil, Silêmanî, Kirkouk, et qui ont été envoyé aux US : c'est une mine d'or. Il y a aussi les documents récupérés au Koweit après l'effondrement de l'occupation irakienne en 91. Enfin, les US ont pris en 2003 des tonnes de documents à Bagdad, mais là dessus, règne le secret le plus total. On peut espérer que ces documents ressortiront au procès.

Le signe curieux de ce régime est que, comme les nazis, ils adoraient écrire. Les services secrets irakiens ont filmé le premier bombardement chimique en 1987 d'un village du Bahdinan, et la cassette a été retoruvée dans les archives, en 1991. C'est pourquoi il est difficile de nier ce qui s'est passé, car il y a eu trop de documentations produites. Même les documents correspondent aux doubles retrouvés dans les villes kurdes, etc. Une telle ampleur dans la documentation empêche de soutenir la thèse de la falsification.

Question : Vu l'ampleur des crimes dans toute la société irakienne, jusqu'à quel niveau de hiérarchie le jugement des responsables aura lieu ?

C. Kutschera : Les Américains se sont concentrés sur leur fameux jeu de cartes, négligeant des milliers de cadres, officiers, fonctionnaires, etc., impliqués directement dans les anfals. Or, depuis Nuremberg, l'argument selon lequel on n'a fait qu'obéir à un ordre n'est pas valable. Je ne suis pas juriste, c'est au tribunal de décider, mais sans doute l'éventail de responsables sera large.

J. Randal : Beaucoup de ces officiers sont actuellement aux mains des Américains. Ont-ils été questionnés comme les généraux allemands en 1945 ? Sans doute pas, vu la mauvaise organisation des Américains en Irak.

F. Brié : Des milliers de tortionnaires et hauts responsables sont encore libres en Irak et dans les pays voisins, notamment la Syrie. On peut s'attendre à beaucoup de règlements de compte, aggravant l'insécurité en Irak.

Question : sur le sort des Djash (collaborateurs kurdes du régime baasiste) , est-ce que la société irakienne va se retourner contre eux ? Quelle est la capacité de vengeance des Irakiens et contre qui peuvent-ils tourner les armes ?

F. Brié : Si cela avait dû être le cas, une guerre civile aurait déjà eu lieu. Au contraire, on observe une retenue des communautés et un contrôle sur elles des partis politiques. Les personnes vraiment impliquées dans les procès sont sans doute des hauts gradés.

Question : Comment Saddam a-t-il pu rester 35 ans au pouvoir ?

C. Kutschera : La première raison est la terreur. Dès qu'il est arrivé au pouvoir, il a bâti un ensemble de réseaux d'espionnage, de contre-espionnage dans tout le pays, où même les enfants étaient délateurs de leurs parents. La crainte était telle que les Irakiens qui venaient à l'étranger, par exemple en France, avaient peur de parler, même s'ils savaient n'être pas en présence de services irakiens, par peur de représailles de retour en Irak. La deuxième raison est le soutien des Occidentaux, de tous les Occidentaux, avec des crédits, des armes, et aussi les autres pays arabes, qui l'ont soutenu par de l'argent, car Saddam, c'est avant tout l'argent du pétrole. Il se trouvait à la tête d'un énorme magot pétrolier, a pu développer le pays, fournir la santé, l'éducation gratuites, offrir des contrats énormes, il y avait toute une classe d'hommes d'affaires véreux sur lequel reposait le régime, les professeurs d'universités avaient un logement gratuit, chacun avait une Mercédès, on appelait le quartier universitaire le « quartier Mercédès ». Beaucoup de gens ont profité de ses largesses. En Irak il y avait beaucoup de petits Saddam. Cela seul explique que 108 mille hommes ont été fusillés, enterrés, parfois enterrés vivants dans le désert, et que pas un seul membre des services irakiens, pas un soldat ne se soit enfui, passé à l'Ouest, par refus d'obéir. Il y a là-dessus une complicité majeure de la société irakienne.

Chris Kutschera

J. Randal : En 1991, quand les peshmergas ont pris le pouvoir, eux qui avaient une vision si pure de l'homme kurde dans leurs montagnes, ils ont été attristés de voit des gens qui avaient subi un tel lavage de cerveau, même parmi les Kurdes. Alors, imaginez les Irakiens ! Comment Washington pouvait ignorer ce qui se passait ? Enfin moi, je doute.

Question : Est-ce que l'opinion publique mondiale s'intéresse à ces crimes ou a plutôt tendance à minimiser, disant « c'est un pays oriental, c'est normal, etc. » ? Y a-t-il, sous influence américaine, un refus de les qualifier de « génocide », employant seulement le mot « crimes contre l?humanité » ?

C. Kutschera : Très clairement, après le premier procès de Saddam, qui a été choisi pour commencer parce que c'était le plus facile, que les faits étaient clairs, que les témoins sont prêts à déposer, on va entrer ensuite dans les affaires les plus sérieuses, les Anfal, et là, évidemment il sera clairement question de génocide.

J. Randal : Ces procès vont avoir lieu, mais que va-t-il se passer en Irak, sur le terrain ? On peut voir déjà une répugnance à parler de ces crimes, parce que le gâchis de la présence américaine est telle, qu'il y a une tendance à resserrer les rangs contre eux. Ce gâchis occultera, j'ai peur, l'importance de ce génocide.

C. Kutschera: L'opinion publique arabe, la "rue arabe", a soutenu longtemps Saddam. D'abord parce qu'elle ne pouvait pas faire autrement (à cause de ses propres régimes). Mais dans cette opinion, quand le procès aura lieu et que les horreurs du régime de Saddam vont être exposées, que l'on verra les photos terribles des charniers par exemple, on devra se rendre compte de la réalité : j'ai vu des photos de cadavres tenant des poupées dans les bras, parce qu'il s'agissait d'enfants? J'espère que la rue arabe va réaliser qu'elle a mal choisi son héros. Les Occidentaux, peu à peu, évoluent sur cette question.

Question : est-ce que la justice doit se confondre avec la vengeance ? Peut-on envisager des « commissions de réconciliation » avec les gens ordinaires, les petits gradés ?

F. Brie : Des propositions ont été faites par des associations, dans un second temps, mais pas tant que le procès n'a pas eu lieu. Il y a eu aussi le choix entre deux types de tribunal, soit en Irak soit à l'étranger. Dans un chapitre, Patrick Baudouin, de la FIDH pense, et moi aussi, qu?il valait mieux que cela se passe en Irak pour apaiser les victimes. Pour qu'il y ait pardon, il faut d'abord que les responsables reconnaissent les faits et que tout ce qu'ils ont commis soit étalé.

Question : Il y a un scandale dans le comportement de l'Etat français depuis 30 ans, les partis politiques, de la droite à la gauche, tout le monde a collaboré, mis à part peut-être le PCF. On peut faire un parallèle avec le travail de François-Xavier Verschave sur la Francafrique. Aussi je m'étonne et condamne le discours tenu par les médias français, qui appellent « résistants » ceux qui combattent à Bagdad. Il faut que de tels ouvrages soient présentés et défendus pour que les médias tiennent un autre discours (pour autant qu'ils soient libres, ce dont on peut douter). Car cela contribue à semer la confusion dans les esprits français.

F. Brié: Le scandale Pétrole contre Nourriture a montré l'ampleur des réseaux de corruption, qui ont empêché que des témoignages soient réellement publiés dans la presse. Il y a eu beaucoup de pressions, un réel travail pour empêcher la dénonciation, à plusieurs moments, du régime irakien. Sûrement, il y aura encore des tentatives pour que ce procès qui est lui-même jugé avant même qu'il ait commencé ne sombre dans l'oubli ou l'indifférence au cours des deux prochaines années.

Question : Quelle est la validité d'un procès dans un pays occupé par les Etats-Unis ? Sera-t-il équitable dans un tel contexte ? Et les autres pays de la région ne sont-ils pas aussi coupables que lui ?

C. Kutschera : Je ne suis absolument pas d'accord. Le but de ce livre est d'être un ouvrage de références, d'analyser la situation, de donner des clefs pour la comprendre, et surtout de débanaliser Saddam, qui n'a aucune commune mesure avec les petits dictateurs comme al-Assad ou Kadhafi. Pour moi Saddam = Hitler et Staline. Si on rapporte les 2 millions de victimes dans la population irakienne plus celles de la guerre iranienne, à celui des victimes du nazisme ou du stalinisme dans les pays qu'ils ont gouvernés, Saddaml rejoint le niveau des victimes de Hitler ou Staline. C'est incomparable et il faut cesser de se livrer au petit jeu du comparatisme.

Par ailleurs, comme Françoise l'a dit, il ne faut pas faire le procès du procès avant qu'il n'ait commencé. Les beaux esprits parisiens ne pensent que de leur point de vue et oublient les Irakiens. Le procès a lieu à Bagdad, mais il faut aussi qu'il ait lieu à Halabja, car les Kurdes y tiennent.

J. Randal : Le problème est que les US ont échoué. Le gâchis actuel et l'instabilité sont réels, mais si on ne le juge pas maintenant, Saddam risque de mourir de sa belle mort.

Jonathan Randal

C. Kutschera : Il vaut mieux le juger maintenant.

Question : Le livre sera-t-il traduit en arabe et diffusé en Irak ?

C. Kutschera : la semaine prochaine, nous nous rendront à la conférence d?Erbil. Peut-être nous rencontrerons des responsables pour le faire traduire en arabe et le vendre en Irak et dans le monde arabe.

J. Randall : J'ai un ami libanais qui a traduit en arabe mon livre sur les Kurdes. Il m'a dit : « Maintenant, les Arabes ne peuvent pas dire qu'ls ignoraient. » Il faut que ce soit la même chose pour cet ouvrage.




samedi, novembre 12, 2005

Prostitution biblique

Alors que la la loi juive fut si sévère pour l'adultère, l'ancien testament offre de curieux cas où pour sauver sa peau, un homme n'hésite pas à prostituer sa femme ou à livrer une concubine à un viol collectif. C'est le cas d'Abraham, qui par deux fois, une fois chez Pharaon une autre chez un roi de Palestine, se fait passer pour le frère de Sarah (alors qu'il n'est que son demi-frère et époux), par peur que la convoitise qu'elle va susciter ne lui coûte la vie. Par conséquent, Pharaon passe un agréable moment avec Sarah avant de découvrir la vérité (via une maladie malencontreuse, qui est en fait une punition divine pour l'adultère commis) et le roi paslestinien manque de faire pareil et tous deux de le reprocher ensuite à Abraham, qui récupère ainsi quelques cadeaux et compensations en dédommagement de "l'outrage" qu'on lui a fait.

Dans Juges, 19-20, un lévite a une concubine infidèle qui le plaque et retourne chez son père. Il va la rechercher, se réconcilie , refait avec elle le voyage du retour pour la ramener au foyer conjugal. Chez un certain Ephraïm, une troupe de vauriens les attaque et veut faire au lévite ce que les sodomites souhaitaient faire aux anges chez Lot. Comme Lot, Ephraïm leur propose sa fille vierge plutôt que de laisser maltraiter un hôte (ce qui est envisageable dans le code d'honneur de l'hospitalité). Mais le lévite trouve une meilleure solution : il sort, leur refile sa concubine (à laquelle il semblait pourtant tenir) et celle-ci se fait violer toute la nuit jusqu'à en mourir. Alors le lévite ramasse le corps, le coupe en douze morceaux et envoie les bouts aux douze tribus pour appeler à la vengeance, s'ensuit donc une guerre logique contre les fils de Benjamin dans une vendetta conventionnelle des tribus.

N'empêche que dans ce monde méditerranéen si chatouilleux sur l'honneur des femmes, se sortir d'une mauvaise passe en prostituant sa femme a quelque chose de curieux. Je me demande s'il n'y a pas là une survivance archaïque de je ne sais quelqanun tribal ou villageois.

jeudi, novembre 10, 2005

Rushdie et Pamuk = Loups gris vs Nacery

Orhan Pamuk a reçu le prix Médicis étranger pour son roman Neige. Bon j'aime bien Pamuk mais nul doute que ce choix n'est pas innocent, les intellos et écrivains français défiant bravement la Turquie et ses persécutions d'écrivains voix de la liberté. Après tout, Orhan Pamuk a vraiment été menacé de mort par des nationalistes à la con, sera jugé le 16 décembre, et risque un autre procès pour insulte à l'armée.

Bon. Nul doute que ça ne redore pas l'image de la Turquie, éternelle candidate à l'UE.

N'empêche que sur une télévision publique, Salman Rushdie se fait menacer de mort par un petit acteur de merde, dont le fascisme vert vaut bien celui des Loups gris, et qui face à Rushdie n'a que le mérite de s'être illustré dans trois navets. Du coup, on se demande si la France est bien mûre pour rester dans l'UE.

Il paraît que Rushdie s'est juré de ne plus revenir sur un plateau de télévision française. Il a bien raison, là pour le coup, j'ai vraiment honte d'être Française (encore heureux que n'ayant pas la télévision, je n'engraisse pas cette poubelle médiatique).

Mais à la place des Turcs, je ricanerais en l'invitant en grande pompe sur leurs télés officielles et je lui donnerais un prix littéraire.

dimanche, novembre 06, 2005

Conférence-signature


Samedi 12 novembre
à 16 h

Chris Kutschera, Jonathan Randall, Françoise Brie présenteront







Institut kurde de Paris, 106 rue Lafayette, Paris 10°, M° Poissonnière. Entrée libre.

***

"La première arme de destruction massive, ce fut Saddam Hussein. Pendant trente-cinq ans, il s'acharna sur son propre peuple. On compte près de cinq cent mille disparus, kurdes, femmes et enfants pour la majorité d'entre eux. Plus de quatre mille cinq cents villages ont été rasés. Les fosses communes sont innombrables. Quatre millions d'exilés cherchent encore, en 2005, à regagner ce qui reste de leurs foyers. On estime à un million et demi les handicapés des guerres successives et des nombreux attentats, et à des centaines de milliers les chiites assassinés. Il fallait énoncer ces meurtres un par un, les faire apparaître dans toute leur horreur, qualifier clairement leur nature et pouvoir affirmer ce que l'on oublie trop : Saddam fut l'un des pires tyrans de l'Histoire du monde ; il était urgent et nécessaire d'en débarrasser le peuple irakien. Les Américains, meurtris par le 11 septembre, firent à Saddam Hussein une guerre tardive pour de fausses raisons. L'ONU et certains pays d'Europe se rebellèrent : la communauté internationale déchirée n'accepta pas ce conflit. Tentant de construire une nation démocratique, les Américains accumulèrent les erreurs. Le président Bush, en chassant l'assassin, déclencha des violences sans fin faisant de l'Irak le nouveau foyer du terrorisme. Au bout des années de feu et de mort qui s'annoncent, il nous faudra pourtant bâtir la paix. Restera-t-il assez de cette impartialité dont témoigne ce livre pour apprécier que le monde est meilleur sans Saddam Hussein ? Je le crois, même si l'histoire est amnésique. Le Livre noir de Saddam Hussein fait enfin entendre les cris des torturés que nous n'avons pas su ou pas voulu écouter. Il rend à un peuple sa dignité, c'est un hommage que nous lui devions. Il s'agit aussi de la trace de nos faillites. "

mercredi, novembre 02, 2005

Conférence à Montpellier

Le jeudi 10 novembre à 20h

Le Dersim, l'histoire de son identité entre le passé, le présent et l'avenir

par M. Savas SENGUL

A la librairie Scrupule, 26, rue du Faubourg Figuerolles, 34070 Montpellier.

Pour plus de renseignements, contacter : loryaso@yahoo.fr.

mardi, novembre 01, 2005

Table ronde

Vendredi 4 novembre 2005, EHESS-IISMM, salle Maurice et Denys Lombard :

Poésies des suds et des orients II : l'orient entre subversion et renouvellement



Voici le programme pour la poésie kurde, le programme complet étant lisible là.


12h00 Table ronde Poésie kurde
Modérateur : Hamit Bozarslan, EHESS
- Poésie populaire, mémoire et histoire chez les Kurdes,
Christine Allison, INALCO
- La poésie kurde, une constante interrogation sur soi,
Halkawt Hakim, INALCO
- Lecture de poèmes,
Seyhmus Dagtekin


EHESS-IISMM
96 bd Raspail - 75006 Paris
Tél. 01.53.63.56.00 fax 01.53.63.56.10
iismm@ehess.fr - http://iismm.ehess.fr/
Métro Saint-Placide ou Notre Dame des Champs

mercredi, octobre 26, 2005

Les animaux brûlaient aussi

"Notre village est un grand village de 200 maisons, aussi un poste de sécurité y a été installé. C'était au milieu de juin en 1993. Parce qu'il fait très chaud en été, mon père et mes frères étaient sur le toit. Soudain, il y a eu une explosion. D'abord, nous n'avons pas compris ce qui arrivait. Les gens couraient dans tous les sens. Nous avons regardé par la fenêtre. Quelqu'un dans la rue nous a dit de rentrer à l'intérieur. Les soldats ont tiré en direction du village. Nous ne savions pas où était mon père. Ma mère a entendu crier que mon oncle avait été touché. Je suppose que mon père a dû aller le chercher. Jusqu'au matin nous sommes restées sous le lit. Les tirs ont continué. Au matin les soldats nous ont tous emmené sur la place du village. C'est là que ma mère a vu le corps de mon père. Ils nous ont dit de quitter le village. Ils ont tout brûlé en criant que nous aidions les terroristes. Nous avons appris plus tard que des hommes du village ont enterré secrètement les morts après que nous ayions été obligés de partir. »

« Mon mari ne peut plus parler il a été arrêté et torturé plusieurs fois. Je ne sais pas de quoi il était accusé. Il y a toujours quelque chose. Peu de temps après sa dernière arrestation, les soldats sont venus au village. Ils nous ont tous emmenés sur la place du village. Ils nous ont demandé si nous étions d'accord pour devenir gardiens de village. Nous avons dit non. Alors ils ont brûlé toutes nos maisons et nous forcés à partir. Nous sommes allés de village en village, de la maison d'un parent à un autre. Personne ne voulait de nous plus de deux jours. Nous sommes venus ici. Regardez les murs nus, les pièces vides. Il n'y a rien. Nous n'avons rien. Et mon mari ne peut plus parler, ni travailler, ni sortir. Peut-être à cause de la torture. "

"Nous étions des paysans. Nous vivions et nous avions des espoirs. C'était notre foyer. Mais en 1995 à cause du terrorisme ils ont brûlé notre village. Et croyez-moi quand je dis qu'ils ont fait ça pour rien. Même si vous me mettiez devant le président, je dirai la même chose. Nous n'étions pas coupables. Croyez-moi. Nous n'étions pas coupables. Notre village était près du centre. Nous n'avons jamais vu un terroriste. C'était pour rien. Pourquoi ? Parce qu'ils veulent que cette région disparaisse. Les soldats sont venus et l'ont brûlé. Des soldats ont eu pitié et ont laissé des familles emporter quelque chose pour se vêtir. Certains sont partis sans rien. Notre chat est resté dans la maison et a brûlé aussi. L'Etat ne fait pas de telle choses. Mais je vous le dis. Croyez-moi l'Etat nous a fait ça. Nous sommes venus ici. Nous ne faisons que souffrir. Mes fils sont diplômés. Mais quand ils disent qu'ils viennent de cette région, les gens leur ferment la porte au nez. Nous sommes citoyens de Turquie. l'Etat ne devrait pas faire de discrimination contre nous. Qu'est-ce que nous pouvons dire d'autre ? Quelle autre histoire je peux raconter ? Mon mari est mort de chagrin après que nous soyions venus ici."

"Eh bien je peux vous dire que j'étais heureux au village. Nous avions tout. Mes fils allaient à l'école. Nous avions de l'argent. Nous avions des pâtures vertes et un beau pays. Tout poussait là-bas. C'était beau. J'avais des amies et un bon mari. Je ne sais pas si vous connaissez le travail de fermier. Mais nous avions tous les équipements pour ça. Surtout dans les dernières années, les choses s'étaient considérablement améliorées. Nous avions l'eau et l'électricité. Nous n'avons fait de mal à personne. Nous vivions en paix. Nous n'avions pas de raison de quitter le village. S'il n'y avait pas eu l'Etat. Ce qu'ils ont fait était sans raison."

"Vous connaissez la vie au village. C'est pas comme si vous aviez tout. Mais c'est vraiment mieux qu'ici. La neige en hiver. La verdure au printemps. C'est votre foyer. Votre patrie. Qu'est-ce qui peut être meilleur que votre patrie ? Vous avez votre maison à vous. Vous fabriquez vos lits. La maison fait à manger. De vrais légumes et fruits. L'eau est gratuite. De belles montagnes. Nous avons tout perdu. Nous n'avons rien pu prendre quand ils ont brûlé les villages. Tout a été détruit. Les maisons, les animaux. C'était il y a quatre ou cinq ans. Je me réveille toujours croyant que je suis là-bas. Et puis je me rappelle. Je suis à cet endroit."


Ces témoignages en avant-première du prochain numéro d'Etudes kurdes, extraits du papier de Nazan Üstündag, du département de sociologie de l'université Bogaziçi à istanbul, sur les Kurdes déplacés en Turquie. Sachant qu'ils sont des millions à avoir vécu ça, sans compter les gosses nés après, dans cet héritage de violence et de douleur, comment la Turquie va gérer économiquement, socialement, cliniquement son après-guerre ? ce qu'il restait d'Arméniens ou d'Assyro-Chaldéens traumatisés après le génocide, elle n'a pas eu à les digérer, ils sont partis en majorité de son sol. Mais ces millions de Kurdes dévastés sont là, pour la plupart. Alors oui, dans les villes, les citadins qui les ont vu affluer commencent à réaliser que quelque chose est pourri au royaume d'Atatürk, surtout si l'on continue à fermer les yeux sur ce qui fâche. Mais ça ne fait que commencer. Combien de temps et de générations faut-il pour que de tels ravages ne s'effacent ? Parce que les conséquences sur l'économie, la criminalité, la santé mentale et physique, ne sont pas près de s'arranger, surtout en l'absence de toute politique là-dessus.

dimanche, octobre 23, 2005

Orhan Pamuk




Orhan Pamuk a reçu aujourd'hui le Prix de la paix des libraires allemands. C'est très bien, d'abord parce que c'est un des meilleurs écrivains du moment et les Européens qui voudraient vraiment avoir une juste image de la Turquie, telle qu'elle est, avec ses merveilles et ses contradictions irritantes, devraient commencer par le lire. De plus, c'est encore un pied de nez aux neuneus nationalistes qui le poursuivent de leur hire depuis qu'il a osé prononcer quelques phrases brulots :

- "Trente mille Kurdes et un million d'Arméniens ont été tués en Turquie. Presque personne n'ose en parler, à part moi, et les nationalistes me haïssent pour cela".

Haine de soi ? Autoflahellation ? Pas du tout. Dans tous les livres de Pamuk rayonne un indicible amour de la Turquie, mais la vraie, celle des gens ordinaires, pas les images factices plaquées dans les livres d'écoles ou les rodomontades bellicistes des casernes et des commissariats.

-Quand on essaie de réprimer les souvenirs, il y a toujours quelque chose qui revient, je suis ce qui revient".

Tous ces livres portent sur la mémoire et sur l'identité. Les Turcs sont un peuple de qui on a gommé l'histoire depuis 80 ans, et l'écriture d'Orhan Pamuk se lance toujours sur la trace d'une faille, d'un fait caché, nié, oublié, drame familial, complot politico-historique, femme perdue, peu importe, il s'agit toujours d'un secret à redécouvrir, qui débouche invariablement sur une identité à redécouvrir.

"Le Château blanc" n'est pas un de ses meilleurs livres, à mon sens, mais il traîte déjà de l'identité, de cet homme qui sert un maître qui est son sosie, évocation de l'ambiguité d'une identité perturbée en face d'un autre qui est comme soi, qui vous a volé votre image, en vous dépossédant du coup, de ce qui fait votre particularité. Allusion aux rapports troubles, mi-haine mi-désespoir abandonique de la Turquie face à l'Europe ?

"Le Livre noir" est son chef d'oeuvre. "Avez-vous de la peine à être vous-même ?" interpelle Celal, l'éditorialiste, celui qui croque Istanbul, ses petites gens, ses intellectuels, ses épiciers... en se demandant ce qu'on a enlevé à ces gens quand on leur a imposé d'enlever le fez et de se costumer comme les héros holywoodiens des cinémas de quartiers. Istanbul, ville grise et noire sous la neige, battue d'humidité et de vent est remarquablement bien décrite jusque dans ses détails les plus fins, pour ceux qui connaissent bien la ville. "La Vie nouvelle" parlera beaucoup aux habitués des cars et des Otogars, à ceux qui connaissent ces trajets sans fin d'ouest en est et d'est en ouest, dans ces cars où l'on passe toujours les même films, où les stewarts circulent avec les mêmes thé en sachets, sodas, bonbons, où l'on descend dans les mêmes restaurants routiers, entre trois plats de viande riz, la mosquée invariablement accolée au WC : Bay/Bayan.

"La Maison du silence" est moins épique, moins porté sur des problèmes historiques ou politiques. Tout tourne autour d'un, ou deux, ou trois secrets de famille, dans l'atmosphère lourde d'une maison tyrannisée par une vieille femme malade. Là encore, c'est le silence jeté sur les faits, passés ou présents, qui tue, alors que la parole, le dévoilement aurait pu être salvateur.

J'ai moins aimé "Mon Nom est rouge", tout en reconnaissant qu'il pointe avec subtilité un problème dans l'histoire de la peinture islamique, qui s'est produit à peu près simultanément en Inde moghole et un peu plus tard en Iran sous les Qajars : l'irruption du "réalisme" de la peinture occidental dans la miniature orientale. Deux conceptions de la représentation totalement opposées, entre le peintre européen qui peint l'homme ou le cheval qu'il a précisément sous les yeux et pas un autre, ou bien, disons, un homme ou un cheval qui, même reconstitués dans un atelier, ont l'air d'être un homme ou un cheval en particulier, alors que les peintres ottomans, formés aux ateliers iraniens, voulaient, à l'instar des chinois d'ailleurs, croquer en quelques traits de pinceau, non pas un cheval, mais LE cheval, l'essence (Cewher) du cheval ou non pas un héros, par exemple Rustam ou Feridoun sous les traits d'un homme quelconque, mais le personnage figuré qui est et ne peut être que Rustam ou Feridoun. Si l'on veut, la peinture occidentale, à partir du 16° siècle, s'est voulu le miroir du monde, alors que la peinture islamique s'attachait encore, en bonne héritière du néo-platonicisme, à représenter les Idées dont les objets terrestres n'étaient que le reflet ou l'ombre imparfaite.

"Neige", que je n'ai pas encore lu, revient sur le passé historique falsifié ou tu, la mémoire arrangée, celui du génocide arménien, présenté surtout en Turuqie, à force de révisions délirantes, comme un grand massacre de Turcs par des Arméniens. Comme le dit un des personnages sur un musée de Kars :. "Naturellement, dit-elle, quelques touristes vinrent, espérant apprendre un massacre des Turcs par des Arméniens, ce fut donc un choc de découvrir quand dans un musée l'histoire se présentait d'une toute autre manière".

Orhan Pamuk doit être jugé en décembre pour "insulte délibérée à l'identité turque". En théorie, il risque jusqu'à 6 ans de prison. Il est probable (à moins que la Turquie décide de sombrer dans l'absurde, ce qui peut toujours arriver) qu'il ne sera pas condamné à l'emprisonnement. Il peut tout de même être condamné à une peine légère, voire de principe, ce qui serait une erreur politique sérieuse, au sens où elle indignera les partisans de la liberté d'expression en Turquie et ne satisfera de toute façon aucunement les nationalistes qui rêvent encore au bon vieux temps où Ismaïl Bes,ikçi était condamné à 405 ans de prison.

Quoiqu'il en soit, fervent partisan de l'entrée de la Turuqie dans l'Union Européenne, Pamuk en est le meilleur représentant, celui qui peut le plus infléchir les préjugés européens sur un pays encore décrit comme la source d'un potentiel ras-de-marée islamiste, alors que le démon récurrent des Turc est plutôt un nationalisme malade d'un passé refoulé...


mercredi, octobre 05, 2005

Où l'on voit que Saddam n'avait même pas l'esprit inventif




Belle lettre de Sheikh Sayyid Riza sur la révolte du Dersim. Le pauvre avait essayé d'ameuter l'opinion publique, la SDN, les ministères européens. Rien n'a servi, puisqu'en 1937-1938, la population dersimi a eu son anfal... enfin comme on disait déjà, Ne Mutlu Türküm Diyene... (Comme je suis heureux d'être Turc).

Cela rappelle aussi que ces cheikhs, Sayyid Riza, les Bedir Khans, loin d'être les féodaux abrutis que les Kémalistes se sont complus à présenter, parlaient très bien français, comme toutes les élites ottomanes...

(Fonds Pierre Rondot, IKP)

samedi, octobre 01, 2005

UP Conférence sur Hasankeyf


photo roxane

Samedi 1er octobre à 16h


conférence avec projection de diapositives
à l'Institut kurde de Paris

(106 rue Lafayette, M° Poissonnière)




Le sujet ? Hasankeyf, son histoire, ses princes, ses complots, ses conquêtes, ses monuments passés en revue et en détail, etc.

mardi, septembre 27, 2005

Dans la série on peut rêver....

Un journaliste qui cherche à contacter des "intellectuels" Loup Gris en France ne doute déjà de rien ! ça doit se trouver plus facilement dans les asso sportives. Mais qu'il vienne en plus demander des noms et des adresses à l'Institut kurde, comme si on prenait le thé ensemble tous les jours, ça laisse pantois. Enfin on est gentil, on aurait pu l'envoyer chez les Arméniens...


'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

lundi, septembre 26, 2005

Génocide arménien

Pour ceux qui de bonne foi estiment encore qu'il y a eu massacre des Arméniens mais pas génocide d'Etat, une émission dans les Lundi de l'histoire pour égrener les faits gênants, sur France Cul, avec des intervenants très posés, très informés et objectifs et pas du tout anti-Ottomans, dont Hamit Bozarslan, c'est vous dire.

Réécoutable toute la semaine.

samedi, septembre 24, 2005

UP : Expo photo


Hasankeyf joyau de Haute-Mésopotamie



Samedi 24 septembre
à 19 heures
Vernissage de l'exposition photographique de

Roxane, José Bertolino, Abdo

Après la submersion dramatique du site antique de Zeugma, Hasankeyf est à son tour condamnée par le projet de construction d'un barrage.

Or, cette ville est elle aussi d'une importance majeure pour le patrimoine de Haute - Mésopotamie. En effet, en plus d'abriter dans ses grottes un village troglodyte habité sans discontinuité depuis des millénaires, Hasankeyf fut la capitale somptueuse de l'ultime branche de la dynastie des Ayyoubides de Saladin. Les photographies de Roxane, de José Bertolino et d'Abdo montrent la beauté exceptionnelle de ce site au bord du Tigre. Une conférence de Sandrine Alexie et des projections de diapositives le samedi 1er octobre expliqueront l'intérêt historique particulier de la ville.


L'exposition est ouverte au public du 26 septembre au 9 octobre 2005, du lundi au samedi de 14h00 à 19h00. Institut kurde de Paris, 106 rue Lafayette, 75010. Métro Poissonnière.

mardi, septembre 20, 2005

Démocratie

On était en mars et c'était pourtant l'hiver encore, un des plus froids que j'ai connu. Dans ce trou du cul du monde à la frontière iranienne. Dans la ville, des congères d'un mètre de neige, et l'hôtel sans chauffage, avec un lavabo minuscule dans la chambre, et son filet d'eau glacé, qui allait nous dissuader de nous laver. Ce qui fait qu'entre garde à vue à l'hôtel, arrestation, expulsion, pendant 4 jours, on promènerait nos cheveux gras et nos fringues froissées et sales, de vrais clodos.

Dans leur bureau, aussi glacé qu'à l'extérieur, plus encore, un seul poêle avec une chaleur quasi-inexistante. Je garde mon anorak et fourre mes mains dans mes poches en frissonnant. Autour, les militants, pas mal d'anciens combattants, ça se voit tout de suite, en blouson et chaussures de montagne, décontractés. On boit du thé bouillant, morceau de sucre dur entre les dents (bonjour les carries dentaires, ai-je pensé).

C'est alors qu'il est entré dans le bureau.

Splendide.

Par moins dix (température ressentie en tous cas), costume sombre, chemise claire, cravate élégante. Rien d'autre, pas même une gabardine.

J'ai beau le détailler je ne vois pas le moindre défaut, pas le plus petit laisser-aller. Ses cheveux noirs, épais, avec des fils blancs sont impeccablement coupés, sa moustache toute aussi soignée. Une gravure de mode.

Le maire de cette ville, dans son bureau politique.

Qui va être arrêté cette nuit. Il le sait, il nous le dit. D'ailleurs ils vont tous être arrêtés, ils le savent.(Et nous consignés à l'hôtel et expulsés mais ça on le sait pas, et d'ailleurs ça n'a aucune importance).

Et donc ce splendide député-maire sera arrêté ce soir et va passer la nuit (et plusieurs peut-être) au poste, entre les mains de la douce police et peut-être des forces spéciales qui, cagoulées, patrouillent la ville et l'extérieur. Et lui, parce qu'il est MAIRE, ELU DEMOCRATIQUEMENT, au lieu de s'habiller en chaud, met son beau costume de député en attendant que les brutes qui eux, se torchent avec la démocratie, viennent l'embarquer et le foutre dans une cellule aussi froide (et même plus) que son bureau, le foutre à poil aussi sans doute, le tabasser peut-être, en riant bien "t'as l'air malin hein monsieur le maire avec ta démocratie dans l'anus ?"

N'empêche, classe jusqu'au bout des ongles, les yeux noirs, pétillants, avec cette malice spéciale un peu fataliste mais jamais dure des gens bien qui en bavent, il nous offre ses marlboro, boit le thé, sans grelotter dans ses vêtements alors que moi j'ose à peine sortir une pogne de mes manches.

Parce que ce que l'on va l'arrêter cette nuit, c'est la démocratie, monsieur, pas un combattant, pas un révolutionnaire qui pourrait brailler sa haine du système toute la nuit , mais un MAIRE ELU.

Dans les campagnes électorales, déchiquetés à la grenade par les Sections spéciales le soir d'un meeting, ou bien avec 14 balles dans le corps quand on vient sonner à leur porte, ou bien torturés en garde à vue, n'empêche, ils seront plusieurs comme ça : costume-cravate, programme électoral en main, affiche, fonction en bandoulière et respectabilité affichée et outrée qui attire les coups sur la gueule : je suis député, maire, président de parti, président de syndicats, je suis ELU.

J'apprécie les bons combattants mais je ne les admire pas. j'aime profondément les gens des réseaux, les résistants et leurs rendez-vous la trouille au ventre. Mais ceux que j'admire vraiment, ce sont les civils qui assument leur fonction de civilité. Parce qu'ils ne peuvent même pas se défendre. Cible vivante, ils sont le porte-drapeau des batailles, tout le monde peut leur tirer dessus, ils n'ont pas le droit de répondre, ils sont les règles, la loi, la démocratie.

Concert de soutien à l'Institut kurde