dimanche, décembre 12, 2004

En final, qui représente les Kurdes de Turquie ?

Depuis environ une semaine, un appel coordonné par l'Institut kurde de Paris a été publié à la fois dans Le Monde et l'Herald Tribune, et s'intitule comme suit : Que veulent les Kurdes en Turquie ? 200 personnalités kurdes appellent l'Union européenne. (Bonne idée, bien que tardive, de demander avant tout l'avis de ceux qui sont concernés en premier chef). Suivait un texte de revendications assez consensuelles et raisonnables, qui conciliaient les "durs" et les "conciliants", la diaspora et les Kurdes restés sur-place :

  • une Constitution nouvelle et démocratique, reconnaissant l’existence du peuple kurde, lui garantissant le droit de disposer d’un système d’enseignement public et des média dans sa langue ainsi que le droit de fonder des associations, des institutions et des partis destinés à concourir à la libre expression de sa culture et des aspirations politiques;

  • une amnistie politique générale afin d’instaurer un climat de confiance et de réconciliation et de tourner définitivement la page de violences et de conflits armés ;

  • mise en œuvre avec le soutien de l’Europe d’un vaste programme de développement économique de la région kurde comprenant en particulier la reconstruction de plus de 3 400 villages kurdes détruits dans les années 1990 et des mesures incitatives pour le retour à leurs foyers des trois millions de déplacés kurdes.


  • Les conditions à l'entrée de la Turquie dans l'UE étaient en fait résumées dans ce paragraphe :

    Pour intégrer cette famille de démocraties, la Turquie doit elle même devenir une démocratie véritable, respectueuse de sa diversité culturelle et du pluralisme politique. Elle doit notamment garantir à ses citoyens kurdes des droits comparables à ceux dont bénéficient Basques, Catalans, Ecossais, Lapons, Sud-tyroliens ou Wallons dans les pays démocratiques d’Europe ou à ceux qu’elle réclame elle-même pour les Turcs de Chypre.

    Le texte était signé à la fois par des Kurdes de Turquie et de l'extérieur, (voir le détail et les noms ici), dont Leyla Zana.

    Mais voilà...

    Comme on pouvait s'y attendre, la réaction turque fut féroce : ministres, leaders de partis politiques, la presse et des intellectuels turcs se sont déhcaînés, avec les invectives habituelles, séparatisme, complot, etc., Erdogan accusant personnellement les anciens membres du DEP et tous ces intellectuels kurdes, là, sur la liste, de vouloir saboter la candidature turque via l'étranger...

    Bref, pour les Kurdes de Turquie qui avaient signé, de plus ou moins bon gré cet appel, ça chauffe...

    Quant à Leyla Zana et son petit groupe, ils se sont rétractés immédiatement et désolidarisé formellement des autres pétionnaires, avec un argument que nous livrons comme tel : Elle n'était pas au courant, elle ne savait pas ce qu'il y avait dans le texte, la preuve, elle ne l'avait même pas lu.

    Ce qui lui a attiré la réplique cinglante d'autres signataires : "Tous ceux qui ont signé cet appel l'ont lu et en connaissaient le contenu."

    Alors que les ex-DEP disent, eux : "Peut-être que quelques Kurdes souhaitent que la résolution de la Question kurde en Turquie se fasse sur le modèle de l'Espagne, l'Irlande ou l'Italie, et qu'ils réclament de la Turquie que les droits des Chypriotes turcs soient aussi accordés aux Kurdes, mais la majorité des Kurdes en Turquie que nous représentons ne veulent pas actuellement d'un fédéralisme ou d'une autonomie dans de telles conditions."

    Signalons au passage que les députés de l'ex-DEP ne sont pas plus les "représentants légitimes" des Kurdes de Turquie, que le DEHAP, lequel s'est quand même ramassé une belle veste aux dernirèes élections, défaite dont les raisons sont expliquées ici, et que si l'on s'en tient aux urnes, c'est paradoxalement l'AKP qui est censé représenter les Kurdes, ce qui est effectivement un peu dommage pour l'équilibre des négotiations...

    Ce qui n'a pas empêché, pour bien montrer la bonne volonté du DEP/DEHAP dans toute cette histoire, l'organisation aujourd'hui d'une manifestation réunissant paraît-il 50.000 Kurdes à Diyarbakir, pour réclamer l'entrée de laTurquie dans l'UE, Hatip Dicle, un des députés DEP emprisonnés avec Leyla Zana a même déclaré : "L'UE devrait donner une date inconditionnelle à la Turquie pour le début des négociations d'adhésion".

    Ce qui est exactement le contraire du texte lancé par les 200 représentants des Kurdes de Turquie...

    Pour finir, on ne saura pas davantage ce que veulent les Kurdes de Turquie... ni qui les représentent vraiment d'ailleurs... Ou peut-être ont-ils TROP de représentants autoproclamés ?

    In English on KBU

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    Concert de soutien à l'Institut kurde