mercredi, novembre 03, 2004

Bruit de bottes à Ankara ?

La presse turque donne une image curieuse de leur pays, qui à lire les gros titres semble être un pays tiraillé d'une part entre buiseness men trépignant à la porte de l'UE et par des militaires "droits dans leurs bottes et casques à pointe sur le crâne" prêt à foncer sur Kirkuk comme un avatar micro-asiatique du Drang nach Osten. Ainsi Cumhuriyet, Milliyet, et Sabah ont-ils tous parlé d'une réunion stratégique le 14 octobre dernier entre le Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan, le Chef de l'Etat-major, le général Hilmi Ozkok, le ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gul, celui de la Défense Vecdi Gonul, plus d'autres, afin de discuter d'un plan d'intervention à Kirkuk, qui comporterait l'envoi - en fait l'invasion - du Kurdistan irakien par 20 000 hommes de troupes, afin de se saisir de Kirkuk et empêcher la "kurdification" , ceci après les avertissements très fermes et conjoints de Massoud Barzani et Jalal Talabani (entre autres).

On peut imaginer bien sûr, le bordel à la libanaise que ça donnerait. Car il est peu probable que les autres Irakiens en seraient très contents, après tout, les revendications de la Turquie sur le nord de l'Irak ne sont pas récentes, elles datent même de 1920, alors que l'Irak n'était même pas encore créé. Et puis il est peu probable que les autres Arabes de la région, qui pour des raisons historiques (les massacres de la fin de l'Empire ottoman) et plus contemporaines (leur alliance américano-israélienne) haïssent les Turcs, acceptent ça aussi d'un très bon oeil (sans parler de l'Iran). Il est peu probable aussi que les Kurdes, d'où qu'ils soient, laissent faire sans tirer un seul coup de feu. Murat Karayilan, le représentant du KONGRA GEL en Europe l'a d'ailleurs récemment déclaré : "Si la Turquie envahit Kirkuk, nous porterons la guerre dans les métropoles turques". De quoi donner à réfléchir, après les attentats de cette année. Car le PKK ne s'est jamais équipé ni organisé pour des actions urbaines, mais il y a assez de mouvements très entrainés dans le monde islamiste, c'est-à-dire que si les Turcs veulent transformer Istanbul en une ville aussi sûre que Bagdad ou Mossoul, ils n'ont qu'à appliquer ce plan brillant.

De plus ce plan génial se faisant sans l'aval américain, et les Turcs allant être confrontés soudain à des opérations très meurtrières dans une grande ville, risquent de se défendre avec leur respect des lois de la guerre coutumière, et bien sûr perdre toute chance d'entrer dans l'UE, mais comme l'écrit Sabah : "Il y a des causes et des desseins nationaaux plus importants que l'UE, car Kirkuk n'est pas le coeur du Kurdistan, mais plus tôt celui de la politique turque en Irak." Profitons-en pour saluer l'usage du nom "Kurdistan" par Sabah et donc la reconnaissance de cette entité politique. C'est faire preuve d'une grande bravoure de la part de ce journal, parce qu'en Turquie il y en a qui ont atterri au gnouf pour moins que ça.

Mais bon, tout ça c'est beaucoup de bruit (de bottes) pour rien, comme l'affirme un autre officiel turc Ilker Bashbug, qui explique qu'il n'y a jamais eu un tel plan, que la Turquie accepte le fédéralisme et les estimations démographiques de Kirkuk de 1976-1978, même si elle n'est pas ezncore prête à avaler un gouvernement kurde sur ce vilayet. Maintenant Ilker Bashbug ne comprend pas quelle mouche a piqué les journaux turcs pour affirmer tout ça...

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