mardi, juillet 09, 2002

Réflexions en vrac sur le totalitarisme kurde et turc

On peut dire que les Kurdes n'ont pas eu de chance, coincés entre les deux. L'essence d'une politique totalitaire, selon Hannah Arendt est "peu importe le résultat". De ce fait, l'état turc a détruit une appréciable portion de son territoire, a couvert ses villes de bidonvilles, a laissé le pays se gangréner par la mafia et le cancer politique de la répression. Le combat du PKK n'a jamais adopté une réelle ligne politique, comme me le faisait remarquer A. qui s'en étonnait : "Tout le monde était en dessous de la ligne ou bien contre mais on ne pouvait jamais être conforme à la ligne, car elle n'existait pas." Normal, si l'on admet que dans un monde totalitaire les directives et les amendements sont de nulle valeur par rapport à la parole fluctuante d'un chef. Et là encore, peu importe le résultat, les acquis politiques. Il faut avant tout de ne jamais dévier de l'idéologie. On en arrive à cette absurdité en 1995 de représentants du parti qui déclaraient fonder leur état en turc plutôt qu'un état kurde qui ne serait pas conforme "à la ligne". Bref l'intransigeance turque faisait face à un aveuglement aussi intransigeant (on a toujours l'opposition qu'on mérite ?) Au fond, la répression du parti s'est beaucoup plus exercée sur les Kurdes dissidents que sur l'ennemi turc, craint mais admiré.
Autre tactique pour entretenir la terreur interne : s'arranger pour dicter des règles de vie impossibles à suivre. Ainsi la prohibition de tous rapports sexuels, de tous mariages. Öcalan savait qu'il y aurait forcément transgression. On peut supposer que c'est ce qu'il souhaitait. Car un parti totalitaire ne veut pas forger des éléments parfait mais des éléments coupables, toujours coupables, hormis son leader qui étant lui l'Homme Parfait est au-dessus de toutes les règles. Les auto-confessions n'ont pas pour but de démasquer des coupables mais d'en fabriquer. Au besoin consciemment, cyniquement, pour le bien de la Cause.Tout parti totalitaire s'articule en deux bords : l'un destiné à la façade et l'autre qui ne concerne que sa vie interne. Pour la façade, le grand public, les militants de base et les sympathisants, toute la propagande repose sur une absence de réflexion entretenue par un sentimentalisme pleurard : Les Mères de la Paix et celle des soldats tombés, les enfants, les femmes que l'on met en avant dans les manifestations, etc. Car l'attendrissement refuse toute critique raisonnée sous prétexte que l'on ne discute pas avec des gens "qui ont tellement souffert". Naturellement, les cercles internes, eux, sont régis par un grand cynisme. Peu importait véritablement la libération de qui que ce fût (peuple, femmes, masses paysannes) pas plus qu'une avancée démocratique réelle. Lors de la création du Parlement Kurde en exil, deux de ses responsables se virent signifier par Öcalan lui-même que tout ceci n'était que poudre aux yeux des Européens et que naturellement tout serait contrôlé au sommet. L'activité principale des cadres ne consista bientôt plus qu'à garder la tête hors de l'eau dans les querelles internes, les luttes de pouvoir, les nominations et désistements arbitraires, et surtout à éviter la disgrâce du chef.Et les Kurdes dans tout cela ? Ils ont été décimés en Turquie, coincés entre deux dogmes : l'un qui leur déniait toute existence en tant que Kurdes, au mépris le plus absolu des faits historiques et l'autre qui leur apprit à ne plus êtres des hommes mais des masses arriérées qu'il fallait transformer. Les deux fléaux contribuèrent largement à la destruction de la culture kurde et de son organisation sociale.

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