dimanche, juin 30, 2002

Cizre

Eh bien nous voici à Cizre. Pour deux nuits, peut-être, si on ne nous expulse pas. Pour le moment, pas vu grand-chose, sauf l'hôtel, qui est de luxe. Et des enseignes Mem et Zin un peu partout. Petrol Mem u Zin, Mem u Zin Market, etc. Sur la route, pas grand-chose : les premiers contrôles, les premiers mouchards, les premières fouilles. Disons que les jandarma nous ont fait descendre et ont un peu ouvert les sacs. Pas trop, sur le dessus. Mais sur le dessus il y avait mes carnets et mes bouquins. De quoi les inquiéter. Le gradé (un costaud à lunettes noires, au look GI) a essayé de lire mes écrits avant de me reprocher de les avoir écrits en français, exprès pour qu'il ne puisse pas les déchiffrer, lui. C'est vrai que ce n'est pas de jeu. Après il s'est attaqué vaillamment à mes bouquins : un tome de l'islam iranien de Corbin, Hannah Arendt et le Yi King en français aussi. Eh bien l'esprit du Tao n'est pas descendu sur lui car il n'y comprenait toujours rien. Du coup il a renoncé. Maintenant que nous sommes sous état d'urgence il faut que je pense à caler mes papiers et mes livres sous mes petites culottes et mes affaires de toilettes. S'ils n'aiment pas trop les intellectuels, ils ont encore plus horreur des affaires de femme. C'est d'ailleurs une énigme pour moi. Des grands gaillards qui n'hésiteraient pas à violer dix paysannes kurdes rougissent rien qu'à l'idée de toucher du doigt un baton de rouge à lèvres (d'ailleurs il y a beaucoup de choses qu'on peut trouver dans mon sac mais jamais ça).A l'hôtel visite traditionnelle de la "Security Police". Deux jeunes, pas mal physiquement, sympathiques, un gros connard frustré (heureusement un subordonné, et c'est sans doute pour ça qu'il est frustré) et son larbin qui notait.Le Botan n'a pas changé, il est toujours ôcre et rose. Les gens d'Idil parlent drôlement, très vite, mais de façon mélodieuse, modulée : un accent arabe, indéniablement, on croirait entendre des gens de Damas. Mais ceux de Cizre, je les comprend très bien.La premiere soirée à Cizre fut employée à sauver l'honneur kurde en fêtant avec du vin notre arrivée dans la ville de Noé, de Malayê Djaziri et d'Ahmedê Khani : Roxane va sûrement raconter comment il a fallu batailler pour cela. Ce gamin avait une tête a faire partie du KADEK. A l'OFK, il faut toujours qu'on attire sur nous la fureur des bien-pensants. On doit émettre des ondes pour cela.Mais nous avons trinqué. Aux poètes, aux amoureux, à nous.

Midyat

A Midyat, halte dans un hôtel à 10 millions (qui les vaut, pas plus). Le probleme, c'est la douche ! D'habitude on s'attend à serrer les dents sous de l'eau glacée. Là, non, on ne serre pas du tout les dents car on ne va pas sous une eau bouillante. Toujours bouillante. Avec un bruit de chaudière qui laisse supposer qu'elle va exploser si on continue à l'embêter comme ça. Mais ce matin, elle était de nouveau glacée. Seulement glacée. Décidément, c'est le cas de le dire, les gens d'ici n'ont pas inventé l'eau tiède. Par contre la nuit, la ville est calme. Avec les fenêtres ouvertes sur la rue principale, à partir de minuit, plus un bruit, un silence de campagne.Un dimanche matin à Midyat : pastahane+petits pains chauds au fromage (poghaça) + Dalida (le tube qu'avaient repris les Bronzés). En notre honneur, bien sûr. Déjà dans un cybercafé ils avaient passé Aicha en boucle pendant deux heures. Là ils sont très enthousiastes, la musique est à fond. C'est agreable de prendre son petit dej' "au calme" dans l'ambiance sonore d'une boite de nuit.
***** ***** *****
On se sait pas on attend
le monde s'est-il fermé
on ne sait pas
il n'y a plus de ciel plus de terre plus de jardin de roses
on attend
peut-être séparés à jamais
séparés jamais perdus l'un à l'autre
mais séparés
on ne sait
mangeront-ils nos âmes et nos yeux
dans le renoncement la mort grise
Leurs barreaux sont infinis
infinis comme l'oppression
stupidement infinis
Il faut attendre
un jour où s'ouvre la rose d'amour
dans la tyrannie
dans l'absurde la haine têtue
l'amour patient comme renard malicieux

samedi, juin 29, 2002

Dunaysir

10h55. Le coup de baton de ce foutu pays a fini par me tomber dessus. Fièvre, tourista, mal de coeur. A part les médicaments et la diète, rien d'autre à faire qu'attendre que ça passe. Le probleme est de voyager dans des dolmush surchauffés et de travailler au soleil. Or je ne veux pas manquer Dünaysir. Mais à part me nourrir exclusivement de dew et de pain, je ne vois pas comment me soutenir. Le probleme est que l'on peut de moins en moins manger correctement ici. Hier, au restaurant d'à côté, il n'y avait pas de dew ! Un restaurant kurde sans dew ! Chaque année c'est de pis en pis. On va finir par ne plus pouvoir manger que des kebabs graisseux, gros comme deux doigts, servis sur d'énormes tranches de pain et ne plus avoir à boire que du coca. Or, nous l'avons furieusement constaté, malades ou pas malades, diète ou pas diète, le coca fait fâcheusement grossir. Entre revenir obèse et mourir d'inanition, le choix est réduit. Ce n'est vraiment plus un pays où l'on aime manger.
Kiziltepe-Dunaysir. 14h15. Aller-retour dans une bourgade surchauffée (40° aujourd'hui) pour une mosquée qui n'en valait pas la peine. Sa forme est celle des églises syriaques (je ne sais plus si c'est une ancienne église ou non), le décor de sa façade consiste en une série de tortillons assez ridicules. L'intérieur est plutôt banal. De très hauts et très gros piliers carrés la font ressembler à une commanderie de templiers. Le mihrab a un décor tapissant de frises en coufique végétal et géométriques. Peu de relief, une certaine sécheresse, comme à Kayseri.Retour assez express à Mardin, donc. A l'aller, il a fallu subir deux jeunes pétasses vêtues en Anatoliennes de choc, couvertes de la tête aux pieds d'un imper et de leur foulard, qui avaient tenu à se placer dans l'axe de la fenêtre tout en la faisant fermer. Des fois qu'elles attrapent la mort sous leurs kilos de nylon et de tergal... grognasses, va. Il faut toujours que ça se balade avec un air méprisant avec le ferme dessein de faire chier le monde. M'en fous, si j'avais été malade, je leur aurais vomi dessus.Au retour c'était différent, c'est le moteur du dolmush qui a lâché. C'est-à-dire qu'il vrombissait épouvantablement et le chauffeur préférait ne pas s'arrêter de peur de ne pouvoir redémarrer. Les passagers montaient et descendaient au vol.De Mardin nous avons repris un dolmush pour Midyat où nous sommes actuellement. La vieille ville fait beaucoup penser à Mardin du temps où Mardin valait le coup d'oeil. Par contre, comme à Mardin, ses habitants semblent un peu neuneu. Que ce soit dans toutes les langues, en kurde, en turc, en anglais, en allemand, on a un mal fou à se faire comprendre quand on demande des choses aussi simples qu'un taxi, un hôtel, une station de dolmush. Déjà à l'hôtel Bilen, alors que je demandais où prendre le bus pour Midyat, la réceptionniste m'a apportée une carte, toute contente de m'indiquer par où nous devions marcher pour gagner Midyat (entre 55-60 km tout de même). A pieds bien sûr... Je me demande si c'est l'assimilation qui les rend de plus en plus semblables aux Turcs. Pas méchants, plutôt serviables, mais complètement bouchés. Une idée à la fois et de préférence qui ne sort pas trop de l'ordinaire.

vendredi, juin 28, 2002

Mardin

Hier soir, à la terrasse de l'hôtel, devant un verre de bière (on risque de ne plus en boire de sitôt) je rêvassais devant les lumières de la ville haute. En dépit du côté peu riant de cette ville, je me suis souvenue de Mardin, capitale des Artoukides, et d'al-Jazari qui conçut là ses fabuleux automates. Et du séjour qu'y fit Ibn Battuta. Malgré l'agitation de la terrasse, les allées et venues du service, les touristes autour et tous ces bâtiments modernes qui poussent comme des chancres sur cete ville, je me suis sentie un moment transportée dans un autre temps, dans la Mardin du XVème siecle. Ça prend de temps en temps ces évasions temporelles. Avec mon Moyen-âge kurde je me fais parfois l'effet d'être aussi cinglée que les trois évangélistes de Fred Vargas.A l'hôtel, j'ai acheté un collier fait de petites pierres de couleur mêlées à des grains de métal et de bimbeloteries, et qui se termine par un gros coeur rouge. Le nom de ces petites pierres, morîk, m'a fait souvenir de ce passage de Mem et Zin où Amedê Xani appelle ainsi les dialectes et chansons du Botan. C'est sans doute pour cela qu'il m'a plu, ou bien pour ce coeur rouge enchâssé dans du métal - je deviens un peu Kurde dans mes goûts. Pour le moment il remplace en porte-chance - fortune de voyage- le tesbih que j'ai cassé. Et la chance a bien vite fait son effet car la visite du monastère de Deirurzafaran fut une vraie découverte, un trésor inattendu. Sculptés dans la pierre des murs, au-dessus des porches, sur le bois des portes et même des bancs, il y a tous les motifs de l'art de la Jezireh : dragons affrontés autour d'un vase de vie, oiseaux et quadrupèdes dans les jardins de paradis, les mêmes entrelacs végétaux qu'à Erzurum ou Divrigi... que cet art, strictement le même, figure dans les monastères de Haute-Mésopotamie montre bien qu'il s'agit là d'une même source et que les architectes et artisans, qu'ils soient musulmans ou chrétiens, travaillaient bien côte à côte et pour tous. Ce qui remonte aux liens qui pouvaient exister dans la même région entre chrétiens, soufis et chiites puisqu'ils utilisent les mêmes symboles malgré leur différence de cultes.

jeudi, juin 27, 2002

Mardin

L'eau courante sur les ombres d'été
refuge des arbres dans la ville ensommeillée
Le cahier du voyage se gonfle de mots et de rêves
mes ombres mes lumières mes encres
le souci et la tendresse de toi comme anges gardiens
L'oubli de toi ? Non la feinte comme saveur
Les nomades d'amours perdus conquis a revenir
ont les poches bien remplies
et si d'aventure nous revenons
Les yeux grands ouverts sur le destin
il faut savoir que l'âme et le corps n'ont qu'un temps.
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Mardin. Derniere étape avant de crapahuter. L'hôtel Bilen est une bonne surprise, il va permettre de nous refaire un peu, lessive, bar, restau. avant la plongée dans l'aléatoire du confort. Et vu ses trois étoiles, on l'imaginait plus cher que ça. Il y a même un sauna ! Délicieux à envisager par cette chaleur, comme si on ne suait pas assez dans les dolmush. Aujourd'hui question transports on a été servies : 3 dolmush et un ferry (feribot). Et rien dans l'estomac. Si, un sachet de noisette qu'on s'est partagé a trois heures, entre Diyarbakir et Mardin.Mais la première partie du voyage fut drôle : de dolmush en dolmush et même jusque dans le ferry les conducteurs se passaient le mot que je parlais kurde. Le capitaine du ferry, tres content, nous a fait entrer à côté de lui et j'ai pu assister à la manoeuvre. Sur un lac, ce n'est pas bien difficile de conduire ces grandes boites.C'est que ce matin je n'ai pas pu me retenir en écoutant les propos hautement philosophiques de nos compagnons de voyage. Il faut dire que dans la région de Kâhta toute la vie paysanne a été préservée. Ce sont de purs Kurdes, des gundî pur jus, s'appelant entre eux "bavê me" "Shêxê me", etc . Bref dans le premier dolmush l'un d'eux souffle, s'évente et lâche :- Welah... Îro germ e (il fait chaud aujourd'hui). .Silence. Le temps de digérer la nouvelle sans doute. Puis le chauffeur met son grain de sel :- Bi rastî, germ e (c'est vrai il fait chaud).-.....Puis un passager lâche : - Lê çima germ e ? (mais pourquoi il fait chaud ?) - Çima, çima ? Nezanim ! (pourquoi, pourquoi, j'en sais rien !) répond le chauffeur. Là je n'ai pas pu m'empêcher d'éclater de rire. Plutôt interloqué, le chauffeur prend à témoin ses passagers : "Vê yabanci... çima dikene ?"(cette étrangère, pouruqoi elle rit ?) Et là il se tourne vers moi hilare : "Çima tu dikenî ?"(pourquoi tu ris ?) Je réponds : "Çima, çima germ e ?"(pourquoi, pourquoi il fait chaud ?) Là il semble méditer quelques temps tandis que l'équipage retient son souffle. Puis, l'illumination.- Aaaa... temaaammm... tu me fehm dikî (tu nous comprends).... Aaaa...Re-crise de fou-rire. Là tout le monde rit aussi, content d'avoir compris. Puis de nouveau, un éclair :- Lê... Tu tirkî zani ? (tu parles turc ?) - Nezanim (non) .- Yaaa..... Il en tape dans ses mains de joie en se tournant vers les autres, ce qui m'inquiete un peu parce que tout de même c'est lui qui conduit. "Ew kurmancî zane lê tirkî nezane. Bash e, bash e ! (elle parle kurde et pas le turc. C'est bien, c'est très bien !)Bref après dans tous les changements de dolmush ils se passaient le mot. Il y avait les initiés, les avertis et les autres, les ploucs qui ne savaient pas encore et qui s'esclaffaient quand on s'adressait à moi en kurde. Apres ça affichait de ces airs superieurs...ainsi les Français se donnent la peine d'apprendre le kurde et pas le turc ! Comme quoi...Mais maintenant que nous sommes à Mardin ça va me manquer tout ça, car il n'est plus question de parler kurde aussi librement: Dommage, qu'est-ce qu'ils nous font rire !

Nemrud Dagh

De près mangés du Temps
de loin même les rois barbus ont des joues rondes de jeunes filles.
Cette pierre est curieusement craquelée, fendillée comme une céramique japonaise. Leurs visages ne sont pas grecs mais asiatiques : une des têtes a une allure de déesse phénicienne. Leurs tiares coniques répetent la forme du tumulus. De tous, Apollon est le plus modeste, avec un visage juvénile et étonné. Les stèles : le roi et Apollon ? Le roi serrant la pince à Hérakles. Le lion est curieux, sur une stèle semée d'étoiles. Il tire la langue et porte un croissant de lune sur le poitrail, qui rappelle le symbole mésopotamien du dieu Lune Sin.

mercredi, juin 26, 2002

Kâhta

Depuis hier nous campons a Kâhta. Quand je dis camper c'est une façon de parler car l'hôtel est très bien avec de grandes chambres claires, climatisation et un jardin-restaurant. Le patron a une histoire intéressante : il se dit chrétien mais c'est seulement depuis deux ans. Son père était chrétien mais comme il l'avait perdu a 6 ans (tué par des Musulmans) il a longtemps ignoré ses origines car sa èere est Kurde et lui-même se considère comme Kurde plus que Suryani. Un Kurde chrétien, il y en a qui aiment avoir des problemes. Il nous a dit qu'à Kâhta vivaient environ 350 chrétiens et à Adyaman 150 (tu vois Ephrem, on pense à toi !). Il y a aussi des Alévis qui vivent dans ces montagnes, venus après les grandes révoltes du Dersim. Des enfants d'Alévis auraient été aussi emmenés à Malatya alors que leurs parents étaient tués. En tous cas, ici ils sont tous kurmandj pour la plupart et depuis hier ne cessent de répéter à toute la ville et les villages environnants que je parle kurde. Ce matin, sur le chantier archéologique du Nemrud, ils étaient fiers. Qu'une Française apprenne le kurde à Paris, à l'université et dédaigne en plus d'apprendre le turc... ils ont tous affiché un air entendu et supérieur devant un des chefs de chantier, un Turc qui n'y pouvait mais et qui en plus avait l'air très sympathique, ne semblant pas m'en vouloir. Ce qui est notable c'est qu'en ville il est difficile de repérer d'emblée les Kurdes car ils parlent souvent turc. Par contre, les mêmes, dès qu'ils arrivent au village, parlent instantanément kurde. C'est comme un conditionnement qui tomberait avec l'air des montagnes.
Cet apres-midi nous avons vu l'église syriaque d'Adyaman qui est rouverte depuis deux ou trois ans grâce au soutien actif des Suryanis de la diaspora (Allemands pour la plupart). Ils viennent ici aux vacances et célèbrent leur culte. L'église, qui a quatre cents ans est assez jolie, quoique très simple (les églises ne doivent jamais être ostentatoires en terre d'islam). Un bâtiment de plan rectangulaire, de pierre blonde. A l'intérieur peu de décoration sauf des retâbles de bois peints et sculptés dans un style naïf. Le prêtre parle kurmandji tres bien quoiqu'il dit l'avoir beaucoup oublié depuis 1965, date à laquelle il a dû cessé de le parler et de l'entendre.
(Ici je fais une pause pour signaler que tout le temps que je tape ce post des garçons passent en m'interpellant joyeusement en kurde et répètent aux rares qui ne sont pas déjà au courant que cette Française-là parle kurde. Apparemment toute la ville se passe le mot.)
Je reprends : La situation des Chrétiens est moins bonne à Adyaman qu'à Kâhta car moins nombreux, ils ont un peu peur des Musulmans et des autorités. Disons qu'ils ne s'affichent pas beaucoup. Par contre, contrairement à ce que j'ai souvent entendu dire ils n'ont pas d'hostilité envers les Kurdes et le fait que je parle kurmandji semble les réjouir. D'ailleurs un certain nombre d'entre eux le parle aussi en plus du syriaque.
(Ça y est maintenant ils passent une cassette de Shivan et viennent me demander toutes les 5 minutes si je comprends et si j'ai bien reconnu Shivan. Oui. J'ai reconnu. Mais j'essaie de me concentrer sur mon clavier, voilà ce que j'essaie de faire.)
Sinon le déroulement de la soirée d'hier dont Roxane je suppose a ou va parler me confirme dans l'opinion que les Kurdes sont les véritables héritiers des anciens Grecs pour ce qui est de l'amour, du mariage et des gosses. Le mariage est effectivement une activité purement utilitaire et sociale et qui sert surtout à faire des enfants. Ils sont en outre persuadés que les enfants appartiennent avant tout au père (qu'ils soient musulmans, chrétiens ou alévis n'y change rien) la femme n'étant au fond que le réceptacle : ça, c'est l'héritage d'Aristote. Quant à l'amour, c'est un dieu qui vous tombe dessus et contre lequel aucune légitimité, aucun mariage, aucun engagement ne prévaut (Platon). Personne n'en est responsable, sinon peut-être l'objet de cet amour. Mon Hassan de Diyarbakir m'avait deja fait le coup . "Tu es venue, tu t'es assise près de moi et tu es entrée dans mon coeur." Et ensuite c'était à moi d'assumer, je n'avais pas à rentrer dans le coeur des gens comme ça, même par distraction. Mon objection qu'il était marié il l'avait superbement balayée : "ez zewci me heta ez dixwazim". Et je devais m'installer a Diyarbakir bien sûr d'autant que Monsieur gagnait bien sa vie pourquoi s'embêter. Je précise qu'il est inutile de dire que l'on est pas libre. Au début ils posent la question. Si on répond par la négative ils demandent si c'est quelqu'un qui vit ici. Et si c'est le cas, si c'est quelqu'un de leur village. Eh bien même si c'était dans la même famille ça ne compterait pas, en final. Le seul vrai engagement qui vaut c'est celui que l'on fait avec eux. Tout le reste, de leur côté comme du nôtre, n'est qu'une sombre usurpation. Les Turcs sont un peu plus raisonnés mais les Kurdes sont de vrais majnoun. C'est pour ça qu'avec eux on ne s'ennuie jamais.
(Décidément à chaque fois que quelqu'un de nouveau entre dans ce cyber-café ils lui annoncent que je suis Française et que je parle kurde. Comme je l'entends dire aussi en turc, je suppose qu'ils le disent aussi à des Turcs ? Bof, les gens d'ici ont l'air cool).

lundi, juin 24, 2002

Malatya

Visite de la Grande Mosquée de Malatya. De l'intérieur, ah qu'elle est belle ! Décor de briques et de glaçures, frise bleue et noire en mosaique de céramique. Je n'ai pas pu bien voir de près s'ils avaient utilisé la cuerda seca, mais je le saurais sur les photos. Beau mihrab de pierre blonde, en forme de porche. Mais c'est surtout la voûte qui captive, avec un haut tambour et de petites fenêtres, reposant sur des trompes, avec un décor de niches en relief, d'arcs en anse de panier, en ogive. Une ascension harmonieuse et solide d'arcs et de niches en relief qui élève le regard jusqu'à la voûte tapissée de son décor de briquettes et de carreaux turquoises, en spirale. La cour intérieure est très intéressante aussi. Elle était entierement décorée de panneaux de mosaique en céramique bleues et noires, frise coranique, frise géométrique, rinceaux, compositions géométriques. Sur un des murs, deux curieuses colonnettes en contreforts, au sommet conique.Toute la salle est scandée de bas piliers et d'arcades. Du plafond jusqu'au sommet des piliers, un revêtement de briques, et la pierre simple pour le corps des piliers. Le revêtement de briques est rehaussé de petits carreaux rectangulaires turquoises. La partie du plafond qui est dans le prolongement de la coupole et du mihrab est aussi décorée de céramiques que la cour, avec à peu près les mêmes motifs, très seldjoukides. Très belle lumiere intérieure. Il y a de beaux tapis, aussi. Bref, une grande envie de rester là.
Pour le reste de la promenade, escortées par une bande de petits totos, qui nous ont gâvées de tût (de délicieuses mûres blanches), qui nous ont cueillies des fleurs tout le long (de préférence celles pleines d'épines) qui allaient nous chercher de l'eau (inutile de sortir l'eau minérale de nos sacs sous peine d'assister a des crises de désespoir). Certains de leurs aînés nous voyaient passer et on voyait bien dans leurs yeux qu'ils se disaient que ces petits crétins avaient bien de la chance... Quant au keffieh, il suscite de grandes réactions. Dans le bus, une vieille bigote a fait la grimace (ce pays regorge de vieilles bigotes) mais le chauffeur du car nous a emmenées jusqu'a la ville moderne de Malatya sans nous faire payer. Dans les rues, regards incrédules (des Turcs) et contents (des Kurdes). Un taxi qui passait m'a fait de la main un salut très cérémonieux et un vieux Kurde, très beau, en costume traditionnel et le tesbih a la main nous a rejoint radieux pour nous demander d'ou l'on venait et nous souhaiter la bienvenue. Je ne sais pas ce que ce keffieh signifie polititiquement, mais il est clair que les Kurdes le prennent avant tout pour une déclaration d'amour. C'est comme si on avait écrit "Em ji we hez dikin" sur nos fronts.

dimanche, juin 23, 2002

Urfa

10h20. Otogar. Attente jusqu'à 14 h d'un bus direct pour Malatya. Plutôt que de prendre un dolmush, qui partira quand il voudra, fera plein d'arrêts inutiles sur une route de montagne surchauffée, et arrivera finalement aussi tard que le "big bus", nous préférons attendre dans un çay bahçeli de l'otogar, à l'ombre. J'ai de quoi écrire, mes bouquins, que demande le peuple ?
En voyage comme dans toutes les affaires menées avec ce sacré peuple, le secret est de savoir perdre son temps. De renoncer au temps. être plus patient et immobile que les blocages eux-mêmes. S'assoir à l'ombre et laisser filer tranquillement les heures, comme s'il n'y avait que ça à faire et pour toujours. Alors soudain, le temps s'étrécit, les obstacles se lèvent, le monde se débloque avec une facilité surnaturelle. En gros, c'est comme être dans une file d'attente, devant un guichet hostile, ou dans une salle de consultation dont la porte reste obstinément fermée : il suffit de prendre un livre et de le lire, vraiment, pour qu'aussitôt la file d'attente se raccourcisse, que l'on s'enquiert de votre demande, que la porte s'ouvre en grand. C'est que l'on était prêt à perdre infiniment plus de temps qu'eux n'en disposaient. C'est pareil pour les Kurdes. Il faut toujours faire comme si l'on avait l'éternité pour soi. Et d'ailleurs, nous l'avons.En ce moment nous sommes gentiment abordées par une famille d'Arabes, un couple et trois fillettes adorables. Les fillettes arabes sont souvent très belles, fines, avec des yeux incroyables. Les femmes aussi sont plus avenantes, sympathiques. Naturellement, ils veulent un portrait de famille.
Parlé avec le petit serveur. Il dit que la pression existe encore, surtout dans les villages où les militaires briment encore les villageois. Ce qui est logique : les villes sont sous contrôle civil et policier, alors que les campagnes sont sous zone militaire, ce qui fait que la levée de l'état d'urgence y est relative. Il me dit aussi que beaucoup de villages ont été brûlés autour d'Urfa et qu'il y a eu beaucoup de tués. Il sait aussi qu'entre Cizre et Mardin c'est pire, qu'il n'y a plus rien. Tout le Kurdistan sait qu'entre Cizre et Mardin il n'y a plus rien.Il a 18 ans et son salaire est de 3 millions de lires par jour (environ 15 francs). En voyant la montre swatch de Roxane, décorée de papillons, il dit tout de suite "Hadep, Hadep". Il nous fait comprendre que c'est important, un symbole. Que les cadres bien planqués du parti aillent leur expliquer à ces jeunes qu'à présent le Hadep doit "se vider de sa substance" au profit d'un parti qui ne représente que 0% et des poussierès et qui est dirigé par un de ceux qui ont brûlé leur village et tué leur parents, sous prétexte que "chacun, à sa place, aurait agi de même..."

samedi, juin 22, 2002

Harran

13h15. Route surchauffée pour Harran, dans un dolmush. Tout le monde dit que c'est la pire des heures. C'est vrai, mais on s'habitue.
14h45. Harran. Pas trop touristique finalement. Les petits Arabes profitant des vacances font les guides. La Syrie est a 18 km de là. Harran, c'est vraiment la plaine. Briques séchées au soleil, torchis, tout est couleur de terre. La citadelle est élégante, par contre, comme toutes les constructions omeyyado-ayyoubides. Il y a la porte d'Alep, la porte de Raqqa. Ça devait être une forteresse sur les postes frontières byzantins. J'aime d'ailleurs tous ces petits postes frontières, même les citadelles les plus simples. Elles sont toujours gracieuses et donnent une impression de sérénité, plus que celle d'un bâtiment de guerre.Dans la "Culture House" de Harran, soudain, un groupe de touristes turcs, qui font irrésistiblement penser aux Japonais. Ils envahissent à 30 la maison, essaient tous les foulards, les robes, se font photographier en tenue. Puis le chauffeur du car donne le signal du départ et tout le monde se précipite, affolé, rendant pêle-mêle vêtements aux guides. Ils ressortent, repartent, et le tout n'aura pas duré plus de 20 minutes.Finalement, je craignais que Harran ne fasse zoo humain, mais non. Il y a quelques endroits dans le village à visiter, montrés par les gamins. Celui qui tient les comptes est un vieil Arabe un peu roublard, tout ça est bon enfant. Les habitants ne se montrent guère, il est vrai que nous sommes à l'heure de la sieste.
Urfa. 17h35. Retour à Urfa plutôt craignos. Tout ça parce que les Kurdes ne sont pas foutus d'arriver à l'heure. Nous avions dit au dolmush de revenir à 16h. Naturellement, à 16h30, personne. On ne se voyait pas poireauter dans ce trou de Harran en pleine chaleur. Je savais qu'il y avait un passage régulier de dolmush dans le village. J'avise un type assis sur le pas de sa porte et lui demande. Il fait signe de nous assoir, que le bus va arriver. Puis une voiture passe, avec deux potes à lui. Il les hèle, nous dit qu'ils vont a Urfa. On monte et c'est quand le premier monte aussi a l'arriere avec nous que je me dis :"Merde. Trois contre deux, ça craint." Surtout qu'il a alors répété plusieurs fois que ça ne nous coûterait rien, donc, c'est que ce n'était pas totalement désintéressé. Il a fallu manoeuvrer sur la route. Roxane a eu la bonne idée de dire qu'une amie fille nous rejoignait dans trois jours et qu'on partirait pour le Nemrut Dagh. Ils ont fait vite l'addition : 3+3, il valait mieux attendre, qu'ils fassent leur choix. On a pris de bon coeur leur numéro de téléphone, en disant que les nôtres ne marchaient pas en Turquie. Et là, je me disais : "A., ne téléphone pas, ne téléphone pas..." Le numéro de l'hôtel qu'on leur a donné avec enthousiasme a paru les chiffonner un peu. Evidemment, les hôteliers sont tres stricts là-dessus. Du coup, ils nous ont lâchées dans la ville et on doit se revoir demain à 18 h, promis (d'ici là on aura filé).Mais bon sang, je sais bien qu'ils pensent que les Européennes sont faciles à sauter, mais quand même ! Leur dire qu'on a 37 ans, des maris, ne marchent absolument pas. Pour eux, un mari qui n'est pas là ne compte pas. Qui va a la chasse perd sa place, quoi. Mais nous avions de drôles d'allures avec nos keffiehs noués n'importe comment, couvertes de poussière, rouges, en sueur. Que faudrait-il faire pour s'enlaidir davantage, être bien répugnantes ? Des cicatrices tribales, nous déguiser en négresses à plateau ? C'est quand même incroyable. Là-bas les meufs m'arrêtent pas de courir apres les mecs pour se faire épouser et les mecs ne rêvent que d'une chose : cavaler ailleurs. Finalement, il n'y a que dans les casernes de Tunceli et les postes de police de Diyarbakir qu'on est en sécurité. Et tout ça parce que les Kurdes ne sont jamais là quand il faut et où il faut. C'est vrai qu'A. avait dit un jour : "Jamais seules, jamais en rase campagne." Mais il pensait au Kurdistan et aux soldats turcs, non aux dragueurs arabes.

vendredi, juin 21, 2002

Urfa

11h45. Départ pour Urfa tout a l'heure. La ville aux douze kebabs, quelle chance. Je commence déja à saturer : mouton-poulet, poulet-mouton, brochettes ou viande hâchée. Dire qu'il y en a pour cinq semaines et deux fois par jour ! Hier, dans un bar, on s'est jeté sur une assiette de frites (ici ils la proposent en entrée) et on en a recommandé une autre. J'ai d'ailleurs vu qu'il y avait des pizzerias et des Mc Do dans pas mal d'endroits. Je crois que je vais m'essayer vicieusement à manger le moins turc ou kurde possible tant que je serai sur place. Ou alors je n'y survivrai pas. Ou je fais ramadan. Nicolas Bouvier, dans ses Chroniques Japonaises disait qu'avoir faim, mais vraiment crever de faim pendant quelque temps, était une excellente façon de laisser tomber tous ses a priori envers la cuisine locale. Après on se mettait à manger de tout, sans inhibition. Hélas, ce qui m'écoeure ici, ce n'est pas la nouveauté, c'est la répétition, l'effroyable monotonie de la cuisine que l'on sert a l'extérieur (j'ose espérer que dans les foyers, ils font encore une cuisine un peu variée). Et contre la saturation, il n'y a rien a faire.
15h30. Urfa. Arrivée en pays kurde. Ici, tout est détendu et je peux me permettre de parler kurde librement ce qui facilite les choses - quand ils réalisent que je parle kurde. En général, ils ne réalisent pas tout de suite et trouvent étrange (j'ai eu une confession authentique) de comprendre subitement les langues étrangères. Après, ils sont contents. Etonnés, mais contents. Ensuite, après deux, trois heures de réflexion, ou trois jours, ça dépend des vivacités, ils finissent par se demander "comment ça se fait qu'une Française parle kurde ?" Après, il faut dire "Université". Du coup, ils sont tout fiers.Jardin et mosquée d'Abraham. Balikli Göle comme on dit en turc. Toujours aussi bel endroit. Je suis frappée par le caractere syrien de l'architecture d'Urfa, que ce soit pour les monuments chrétiens ou les mosquées.Ici, les gens d'Urfa n'ont jamais eu peur, cela se voit. Ils sont ravis de voir des étrangers et les abordent sans crainte des autorités. Il y a des petits guides hauts comme trois pommes, noirs de soleil et de crasse, qui vous débitent la vie d'Abraham par coeur en anglais, sans bien comprendre ce qu'ils racontent, mais sans en omettre un mot, j'en suis sûre. Y a -t-il un Garofoli (je crois que c'est ça son nom) qui les a dressés comme dans Sans famille ?
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Soir du jardin de roses
tombée d'or sur les roses d'Abraham.
Ce vent de fraicheur nous sauvera-t-il,
nous,
dans un miracle inavoué ?
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Je dois préciser que tout le temps que je tape ce post un brave keuf lit son journal derrière moi, avec mon écran bien en vue. Bof, on ne maitrise pas tout, alors...

jeudi, juin 20, 2002

Antep

15h15. Quelque part sur la route entre Antioche et Antep. Le petit bus marqué Ekspres doit faire 5 heures de route pour 200 km. Ekspres veut peut-être dire omnibus en turc ? Enfin, on sait qu'on approche de la Haute-Mésopotamie : premiers plants de tomates, premières vignes, premiers pantalons kurdes, premiers mots kurdes, et les gens sont toujours aussi étonnés de nous voir voyager tranquillement, avec l'air assuré de qui sait où il va...
17h. Ben ça a changé, Antep ! Je suis sûre que la ville a triplé en 10 ans mais ça ne l'arrange pas. QUI à l'Institut nous a dit d'y passer ? A part les pistaches j'avais pas trouvé la ville transcendante. Le seul bon souvenir que je gardais était les champs de pistache et les citronniers. A la place on a des champs de béton et des collines pelées. Au centre, par contre, la ville fait toujours aussi poussiéreuse et provinciale. J'exagère, mais bon, ça ne valait pas une étape. Je me demande en plus s'il y a encore des pistaches qui valent le coup ici. Si ça se trouve, même pas.Une amélioration tout de même : les jeunes commencent un peu a parler anglais ce qui n'était pas le cas il y a dix ans. A l'hôtel Saray, le jeune réceptionniste est des plus charmants, vous accueille avec un sourire enchanteur et vous serre la main en disant "Welcome" comme s'il n'attendait que vous. On se réconforte là où on peut...Vous remarquerez que les accents apparaissent progressivement sur le texte. C'est que chaque jour j'en découvre un nouveau sur le clavier (la plupart sont cachés) Je ne désespère pas de pondre un texte normal à la fin du voyage...

mercredi, juin 19, 2002

Antioche

Aujourd'hui, musée d'Antioche. Plaisir de revoir ce musée que j'avais toujours trouvé clair et agréable, et qui s'est un peu modernisé, en bien. A voir la splendeur simple des mosaïques, leurs tons doux, raffinés, on imagine ce que devait être la douceur de vivre dans la Rome orientale. Plus quelques objets hittites, hourrites, du Mitanni. Je retrouve une vieille connaissance, ce cher Yarim Lim qui me renvoie à ma première année de l'Ecole du Louvre.Une belle surprise aussi : 2 coupes à engobe crème, glaçure transparente incolore et motifs vert, ôcre, qui rappellent irrésistiblement les céramiques d'époque ayyoubide de Syrie du nord, que J.Soustielle avait déjà reliées aux productions byzantines. L'une d'elle représente un gros oiseau, dodu, dont le quadrillage des plumes me fait aussi penser à Garrus.Au musée, on sympathise avec le conservateur qui parle français. Il nous propose un chauffeur pour 60 M TL et faire le grand tour : l'église St Pierre, où Paul de Tarse et Barnabée tenaient des conciliabules et débattaient de savoir s'il fallait ou non s'attabler avec les Juifs. C'est bien des sectes débutantes de discuter le bout de gras (ou de lard) alors qu'elles sont persecutées ou en passe de l'être. L'église est petite, une grotte en fait, mais la façade joliment taillée dans la montagne. Puis St Simeon, ruines d'un monastère avec je suppose la colonne où il s'est tenu. Curieux parce qu'il a aussi son monastere en Syrie. En plus d'être patient, le Stylite avait le don d'ubiquité. De la citadelle il ne reste rien, mais un joli point de vue. Par contre, Çevlik, après Samandagh vaut le detour. En bord de mer (de cette Méditerranee, la plus belle mer du monde, voila ce qui manque au Kurdistan !) Et puis le Tunnel de Titus et Vespasien creusé dans la montagne, pour endiguer les flots et une très belle nécropole sculptée dans la craie de la montagne. Dedans, plein de cénotaphes creusés. Et les montagnes de Syrie, toutes proches. Ici, en juin, c'est le temps idéal. Pas un touriste ou si peu. Des Turcs, en tous cas.

mardi, juin 18, 2002

Adana

17 mai. Adana, 21 heures.
Ville moite, douce, mais pas trop chaude. Par contre, si les villes estivales en Syrie sont noires de monde, en Turquie tout le monde rentre au poulailler après 20 heures. Ils doivent passer leur vie devant la television. C'est quand même un peuple pantouflard et les Kurdes prennent le pli, on dirait, couvre-feu ou pas couvre-feu.Et pour commencer le trip touristique, on va manger un Adana kebab à Adana. D'ailleurs il ne semble pas y avoir d'autres variétés dans ce Yilmaz Usta Kebap Salonu. Ça plus deux salades de tomates dont la différence semble être dans la coupe des tomates : une en cubes, une en purée.
Adana: 18 juin.10h35.
Petit-déjeuner sans café. Ça commence bien. Hôtel tres bien, douche, sechoir, clim' mais pas de café. Alors qu'on a pu en boire à volonte dans bien des hotels minables. C'est ça la philosophie qu'on est sensées chercher en voyage : que rien n'est jamais parfait. Pas pour en tirer une quelconque sagesse a mon avis, simplement parce que le genie du voyage est facetieux.Toujours cette chaleur moite mais supportable, pas comme l'horrible touffeur qui nous attend. Ici ils sont tous a regarder le foot. Du coup les réseaux des portables sont parfois saturés. Si la Turquie gagne encore ça va être dur de téléphoner.14h45. Arrivée à Antioche. La ville semble toujours aussi charmante qu'il y a dix ans. Temps agréable, vent doux. Beaucoup de Chrétiens, apparemment.Belle ville encastrée dans des montagnes de légende. La découpe des minarets dans le ciel si impeccablement bleu, les pins, les palmiers, les mimosas, le blond des pierres, les terrasses et les cours dans les rues étroites, tout dit qu'ici nous sommes en Syrie. D'ailleurs Alep est si proche, si présente sur les panneaux à l'entrée de la ville. Les gens sont aussi différents des Turcs. Ils ont un abord moins sérieux, plus amical, plus nonchalant.

Concert de soutien à l'Institut kurde